B. PROGRAMME 106 : DES CRÉDITS RÉDUITS DE MOITIÉ DU FAIT DU TRANSFERT DE L'API EN ANNÉE PLEINE AUX DEPARTEMENTS

Doté pour 2010 de 407,5 millions d'euros, le programme « Actions en faveur des familles vulnérables » regroupe trois actions dont les crédits sont répartis de la façon suivante :

Evolution et répartition des crédits du programme par action

(en euros)

Actions

LFI pour 2009

PLF 2010

Crédits de paiements

Crédits de paiement

Part en %

Evolution
2009/2010

Accompagnement des familles dans leur rôle de parents

15 587 481

14 577 268

3,6

- 6,5 %

Soutien en faveur des familles monoparentales

601 479 989

164 210 000

40,3

- 72,7 %

Protection des enfants et des familles

219 390 665

228 776 009

56,1

+ 4,3 %

TOTAL

836 458 135

407 563 277

100

- 51,3 %

Source : d'après les projets annuels de performances annexés au projet de loi de finances pour 2010

L'année 2009 a constitué une année de transition pour ce programme, marquée par la disparition au second semestre des crédits inscrits au titre de l'allocation de parent isolé (API), intégrée depuis le 1 er juin au RSA.

Il en est résulté, dès 2009, une diminution des dépenses de plus de 35 %, qui devrait se poursuivre en 2010 avec le transfert de l'API en année pleine aux départements métropolitains puis, au plus tard en 2011, aux départements d'outre mer. Pour 2010, la baisse des crédits représente plus de 50 %, soit une réduction toutefois légèrement moindre que celle prévue par la loi de programmation pluriannuelle (56,2 %). En 2011, la dotation de ce programme devrait être ramenée à 252,4 millions d'euros, ce qui conduit à s'interroger sur son maintien à terme.

A cette dotation, s'ajoutent les dépenses fiscales rattachées à ce programme dont le montant estimé pour 2010 s'élève à près de 9,2 milliards d'euros. Elles comprennent notamment : les exonérations d'impôts sur le revenu des principales prestations versées par la Caf (1,6 milliard), l'octroi d'une demi-part supplémentaire pour les personnes vivant seules et ayant eu des enfants à charge (1,56 milliard), le crédit d'impôt pour frais de garde des enfants âgés de moins de six ans (0,9 milliard) ou encore le crédit et la réduction d'impôt au titre de l'emploi d'un salarié à domicile (respectivement 1,75 milliard et 1,25 milliard).

Evolution pluriannuelle des crédits
du programme « Actions en faveur des familles vulnérables »

(en millions d'euros)

2008

2009

2009
révisée (1)

2010

2010 révisée (2)

2011

Crédits de paiement

1 294,3

837,7

836,5

366,9

407,6

252,4

Evolution en %

ns

- 35,3

- 35,4

- 56,2

-51,3

- 30,7

(1) Le programme ayant bénéficié en 2009 d'un report de crédits de paiement au titre de 2008 de 2,27 millions d'euros et les crédits ouverts en 2009 s'élevant au total à 838,7 millions d'euros, les crédits ouverts au titre de 2009 devraient finalement s'élever à 836,4 millions au lieu des 837,7 millions prévus.

(2) Le plafond des crédits a été relevé de près de 41 millions d'euros pour couvrir l'augmentation probable des dépenses d'API dans le contexte de crise économique.

Source : d'après les projets annuels de performances annexés au projet de loi de finances pour 2009

1. Une diminution non expliquée des crédits en faveur de l'accompagnement des familles dans leur rôle de parents

Le programme « Actions en faveur des familles vulnérables » consacrera, en 2010, 14,6 millions d'euros (contre 15,5 millions d'euros en 2009 et 23,2 millions en 2008) à l'accompagnement des familles dans leur rôle de parents . Ces actions, qui visent à préserver la cellule familiale et à orienter les parents lorsque leurs enfants rencontrent des difficultés particulières, s'inscrivent dans le cadre plus large des politiques de prévention de la délinquance des mineurs, mais aussi de la protection de l'enfance.

Après une baisse de 33 % en 2009, les crédits alloués à cette action diminueront encore de 6,5 % en 2010, sans qu'il soit véritablement possible d'en expliquer les raisons. En effet, faute de chiffrage des mesures que comporte cette action dans la partie « Justification au premier euro » du projet annuel de performances 12 ( * ) et en l'absence de réponses aux questions répétées de votre rapporteur sur la répartition prévisionnelle des crédits de cette dotation, il est difficile d'en justifier la baisse et d'identifier les priorités du Gouvernement dans ce domaine.

Tout au plus, le projet annuel de performances précise que cette action recouvre :

- le financement, dans le cadre de conventions pluriannuelles d'objectifs, d'au moins une douzaine d'associations nationales intervenant en faveur de la jeunesse et de la petite enfance, mais aussi dans le domaine du conseil et de la médiation conjugale et familiale ;

- la participation de l'Etat au financement de la carte « enfant famille » qui permet, depuis le 25 mars 2009, aux familles modestes ayant un ou deux enfants de moins de dix-huit ans de bénéficier d'une réduction de tarif de 25 % à 50 % sur le prix des billets de train SNCF. D'après les informations recueillies par votre rapporteur, le montant serait estimé à 2 millions d'euros ;

- le soutien des actions du mouvement français pour le planning familial (MFPF) et des 220 établissements d'information et de conseil conjugal et familial (EICCF), sur la base d'un engagement triennal de l'Etat pour la période 2009-2011 ;

- enfin, les actions menées au niveau local par les services déconcentrés, les crédits étant destinés à financer, pour l'essentiel, le démarrage de maisons des adolescents 13 ( * ) dans les vingt-quatre départements non encore pourvus, les services de médiation familiale 14 ( * ) , les dispositifs de conseil conjugal et le soutien à la parentalité qui englobent les quelque 490 Points Info Famille et les réseaux d'écoute d'appui et d'accompagnement des parents (Réapp).

La plupart des actions mises en oeuvre au niveau local sont animées et cofinancées notamment par les Ddass et les caisses d'allocations familiales. Or, d'après les indications données à votre rapporteur  - confirmées par le projet annuel de performances 15 ( * ) -, la Cnaf doit apporter, en 2010, sur le fonds d'action sociale, une contribution accrue au financement d'un certain nombre de ces dispositifs, ce qui expliquerait la résorption progressive des crédits d'Etat.

2. Le transfert de la gestion de l'API aux départements entraîne une extinction progressive des crédits d'Etat

L'action « Soutien en faveur des familles monoparentales » est marquée par une diminution de ses crédits, ramenés de 601,5 millions à 164,2 millions d'euros - soit près de 73 % par rapport à 2009 - qui résulte du transfert, en année pleine, de la gestion de l'allocation de parent isolé (API) aux départements, cette prestation ayant été intégrée au RSA depuis sa généralisation en métropole, le 1 er juin 2009. En revanche, l'API est maintenue dans les départements d'outre mer, l'application du RSA devant y intervenir, au plus tard, avant le 1 er janvier 2011 16 ( * ) .

Ainsi, en 2010, seront maintenus, au titre de l'action « Soutien en faveur des familles monoparentales », les crédits permettant de financer :

- l'API dans les départements et territoires d'outre-mer (150,5 millions d'euros) ;

- les primes forfaitaires d'intéressement à la reprise d'activité qui continuent d'être versées aux bénéficiaires de l'API, éligibles avant la généralisation du RSA (1,5 million) ;

- les aides versées aux employeurs ayant embauché des allocataires de l'API en contrats aidés jusqu'au mois de mai 2009 (4,8 millions) ;

- le RSA expérimental accordé, jusqu'au 31 mai 2010, aux personnes bénéficiaires lorsque son montant est supérieur à celui du RSA généralisé 17 ( * ) (7,5 millions).

De l'API au RSA socle majoré

L'allocation de parent isolé (API) est une allocation différentielle dont le montant est égal à la différence entre un montant garanti, qui varie selon le nombre d'enfants à charge et la moyenne des ressources perçues par l'allocataire au cours des trois mois précédant la demande.

L'API est versée à titre subsidiaire par rapport aux autres prestations ou aides auxquelles l'allocataire peut prétendre, celui-ci disposant d'un délai de deux mois pour faire valoir ses droits aux autres prestations sociales telles que l'allocation de soutien familial 18 ( * ) (ASF) et de quatre mois pour les créances alimentaires.

Si, à l'issue de ces délais, l'allocataire n'a pas effectué de démarche ou n'a pas obtenu de dispense, le montant de son allocation est automatiquement diminué du montant de la prestation ou créance à laquelle il ouvrait droit.

On distingue deux types d'API :


l'API longue , réservée aux parents qui élèvent seuls un ou plusieurs enfants âgés de moins de trois ans ;


l'API courte , versée pour une durée d'un an et destinée aux parents séparés, veufs ou divorcés depuis moins d'un an, élevant seuls un ou plusieurs enfants, quel que soit leur âge.

Depuis le 1 er juin 2009, l'API a été supprimée en métropole en tant que prestation distincte et a été intégrée dans le RSA. Ainsi, les personnes qui bénéficiaient ou ouvraient droit à l'API ont été automatiquement déclarées éligibles au RSA dans les mêmes conditions, à raison d'un montant forfaitaire majoré tenant compte de leur situation familiale et leur garantissant une allocation d'un montant équivalent à celui de l'API.

Dans les départements d'outre-mer, l'API doit subsister au plus tard, jusqu'au 1 er janvier 2011, date à laquelle elle devrait être intégrée, comme en métropole, dans le RSA.

Au 1 er novembre 2009, le montant de l'API (ou RSA socle majoré) s'élevait à :


• 778,40 euros par mois pour une personne seule et un enfant ;


• 583,80 euros par mois pour une femme enceinte sans enfant à charge ;


• 194,60 euros mensuels par enfant à charge supplémentaire.

a) Une enveloppe réévaluée pour tenir compte de la hausse du nombre d'allocataires de l'API dans les Dom

En 2009, l'enveloppe destinée au financement de l'API outre-mer s'élevait, pour le second semestre, à 55,5 millions d'euros, soit une dépense en année pleine d'environ 110 millions.

Pour 2010, les crédits ont été évalués à 150,48 millions d'euros sur la base des hypothèses suivantes :

- une actualisation de la prévision de dépenses pour 2009, augmentée de 40,7 millions, la part des allocataires de l'API dans les Dom ayant été sous-estimée par rapport à l'ensemble des bénéficiaires 19 ( * ) ;

- une augmentation du nombre de prestataires en 2010, de l'ordre de 4,3 %, pour un coût estimé à 6,36 millions ;

- une revalorisation du montant de l'allocation en 2010 de 0,2 %, qui devrait représenter une dépense supplémentaire d'environ 0,31 million ;

- des économies évaluées à 4,1 millions, dont 0,3 million du fait de la suppression du bénéfice de l'API accordée auparavant jusqu'à six mois de plus en cas de demande tardive, 1,8 million du fait de l'instauration d'un mécanisme systématique de subsidiarité de l'ASF par rapport à l'API et 2 millions grâce au renforcement des contrôles et de la lutte conte la fraude.

Evolution du montant moyen mensuel de l'API et du nombre de bénéficiaires

(métropole et Dom)

Années

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

Montant moyen API
(en euros)

366

367

379

391

410

453

440

429 (4)
308 (4)

404 (4)

Nombre de bénéficiaires
(en milliers)

181

189

197

206

217 (1)

204 (1)

200 (1)

202 (2)
30 (3)

31 (3)

(1) Exclut les allocataires qui ne touchent plus l'API parce qu'ils perçoivent une prime forfaitaire ou bénéficient d'un contrat aidé.
(2) Allocataires au 1 er semestre en métropole et dans les Dom, l'API ayant été intégrée au RSA le 1 er juin.
(3) Allocataires dans les seuls Dom.

(4) Montant calculé sur la base des crédits inscrits en loi de finances initiale.

Source : d'après les données transmises par le ministère du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité

Le tableau ci-dessus fait clairement apparaître la sous-estimation des dépenses d'API outre-mer au second semestre de 2009 , le montant moyen mensuel de l'allocation étant ramené de 429 euros au premier semestre (France entière) à 308 euros au second semestre (Dom), si on le calcule sur la base des crédits inscrits en loi de finances initiale (520,3 millions d'euros au premier semestre dans la France entière et 55,5 millions pour le second semestre dans les seuls Dom).

Aussi, votre commission ne peut-elle qu' approuver l'actualisation des dépenses qui a été opérée pour 2009 et qui a servi de base pour définir le montant des crédits inscrits pour 2010. Elle salue également les efforts entrepris par le Gouvernement pour rationnaliser la gestion de cette prestation , qui ont permis à la fois de simplifier le traitement des demandes et de dégager des économies appréciables.

b) Vers un apurement de la dette contractée par l'Etat au titre de l'API vis-à-vis de la sécurité sociale

Malgré le remboursement en octobre 2007 de 409 millions d'euros dus par l'Etat à la sécurité sociale au titre de l'API, votre commission avait déploré l'apparition d'une nouvelle dette à la fin de l'exercice de 2007 de 37 millions d'euros.

Au 31 décembre 2008, celle-ci avait atteint 71 millions d'euros. L'Etat en a soldé une partie par un versement, au 1 er janvier 2009, de 37 millions. Au 30 juin 2009, il subsistait donc une dette de 34 millions 20 ( * ) .

D'après les informations recueillies par votre rapporteur, celle-ci pourrait s'aggraver d'ici à la fin de l'année et atteindre un montant compris entre 74 millions et 110 millions d'euros, ainsi que le laisse supposer la réactualisation des dépenses, qui atteste d'une insuffisance de financement d'au moins 40 millions d'euros par rapport au montant des crédits inscrits en loi de finances initiale pour 2009.

Au regard de cette situation, votre commission souhaite que le Gouvernement s'engage à prendre les mesures correctrices qui s'imposent avant la fin de l'année, dans le cadre de la loi de finances rectificative et apporte des précisions sur les modalités de remboursement des dettes contractées à l'égard des organismes de sécurité sociale.

3. L'action « Protection des enfants et des familles »

Dotée, pour 2010, d'une enveloppe de 228,8 millions d'euros, en hausse de 4,3 % par rapport à 2009, l'action « Protection des enfants et des familles » représentera 56,1 % des crédits du programme et permettra de financer :

- les mesures de protection des majeurs (222,2 millions d'euros) ;

- le Gip « Enfance en danger » (2,2 millions d'euros) ;

- la dotation d'Etat versée à l'agence française de l'adoption (3,8 millions d'euros).

a) Une augmentation moins rapide du nombre de mesures de protection des majeurs

La loi du 5 mars 2007 21 ( * ) a profondément modifié le fonctionnement du système de protection juridique des majeurs. Entrée en vigueur depuis le 1 er janvier 2009, elle visait en particulier à limiter la progression du nombre de mesures de protection financées par l'Etat et à juguler l'augmentation des dépenses afférentes. Au terme de cette première année d'application, la réforme semble répondre aux préoccupations du législateur et produire certains des effets vertueux attendus.


Les objectifs de la loi du 5 mars 2007
portant réforme de la protection juridique des majeurs

Cette réforme visait principalement à :

- mieux adapter les mesures de protection aux besoins de la personne majeure protégée, en restreignant aux seuls motifs médicaux l'ouverture d'une mesure de tutelle, de curatelle ou de sauvegarde de justice ;

- limiter le recours aux tiers , en élargissant la liste des personnes proches susceptibles d'assurer la protection de la personne concernée ;

- professionnaliser et encadrer l'activité des différents intervenants extérieurs à la famille en les regroupant sous une nouvelle appellation commune de « mandataires judiciaires à la protection des majeurs » ;

- réformer le financement des mesures de protection , en généralisant le système expérimental de dotation globale, en confortant le principe d'une participation financière des majeurs protégés et en modifiant les règles de répartition entre financeurs publics.

La dotation de l'Etat prévue pour 2010 s'élève à 222,2 millions d'euros, soit une progression limitée à 3,7 % par rapport à 2009.

Le Gouvernement table en effet sur un ralentissement de la hausse du nombre de mesures et une revalorisation de leur coût contenue à 1,5 %. Estimé à 475 476 à la fin de l'année 2009, le nombre de mesures devrait s'accroître modérément en 2010, l'augmentation se limitant à 2,7 % contre 7 % habituellement.

Ce ralentissement s'explique principalement par :

- le recentrage des mesures de protection juridique sur les personnes touchées par une altération des facultés mentales se traduisant par leur incapacité avérée à exprimer leur volonté 22 ( * ) , les curatelles pour motifs sociaux étant supprimées ;

- la création de mesures subsidiaires moins contraignantes, en remplacement de la tutelle aux prestations sociales adultes (TPSA), telles que les mesures d'accompagnement judiciaire (Maj), obligatoirement précédées de mesures d'accompagnement social personnalisé (Masp), pour les personnes qui rencontrent des difficultés pour gérer leurs prestations sociales et dont la prise en charge relève désormais des départements ;

- la révision périodique des mesures de protection 23 ( * ) , sauf si l'Etat de santé de la personne concernée n'est pas susceptible d'évolution ;

- enfin, le moindre recours aux associations tutélaires du fait de l'intervention privilégiée d'un proche grâce à l'élargissement de la liste des personnes susceptibles d'assurer la protection de la personne concernée.

Evolution prévisionnelle du nombre de mesures confiées à des tiers

Nature de la mesure

2009

2010

2011

Tutelles

224 134

233 664

242 563

Curatelle renforcée

211 548

217 836

223 345

Curatelle simple

25 981

26 744

27 421

Maj ou ex-TPSA simple

10 356

6 383

1 592

Mandats spéciaux

3458

3 527

3 597

TOTAL

475 476

488 152

498 518

Evolution en %

-

+ 2,7

+ 2,1

Source : ministère du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité

Le financement public intervient en déduction des prélèvements réalisés sur les ressources de la personne protégée. Il est alloué soit sous la forme d'une dotation globale aux services mandataires, soit sur la base d'un tarif mensuel forfaitaire par mesure, fixé par arrêté, aux personnes physiques exerçant à titre individuel.

Deux décrets contestés par les associations

Deux décrets pris en application de la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs ont fait l'objet de recours de plusieurs associations devant le Conseil d'Etat.

Le premier décret n° 2008-1553 du 31 décembre 2008 relatif à l'exercice à titre individuel de l'activité de mandataire judiciaire à la protection des majeurs et de l'activité de délégué aux prestations familiales concerne les mandataires exerçant à titre individuel (gérants privés). Il supprime le plafonnement de leur activité et toute limitation de durée de la validité de leur agrément. Les associations craignent que ces deux mesures ne se traduisent par un moindre contrôle de l'activité de ces professionnels et par des dérives préjudiciables aux intérêts des personnes protégées.

Le second décret n° 2008-1554 du 31 décembre 2008 relatif aux modalités de participation des personnes protégées au financement de leur mesure de protection autorise des prélèvements sur leurs ressources pouvant dépasser très largement le coût de cette mesure.

Auditionnée par votre commission, la secrétaire d'Etat chargée de la famille et de la solidarité a indiqué que :

- le premier décret, relatif à l'exercice à titre individuel de l'activité de mandataire judiciaire, serait maintenu, le Gouvernement n'étant aucunement lié pour fixer la durée de l'agrément et encadrer le niveau d'activité de ces mandataires. Des contrôles seront néanmoins effectués régulièrement pas les préfets ou les directions départementales de l'action sanitaire et sociale (Ddass) comme c'est le cas dans l'ensemble du champ social et médico-social pour les organismes gestionnaires de services tutélaires qui sont soumis à une évaluation régulière ;

- le second, relatif aux modalités de participation des personnes protégées au financement des mesures de protection, appelle en revanche des modifications afin que le montant de la participation financière des personnes protégées prévu par le texte soit cohérent avec les charges réellement supportées par le mandataire judiciaire, ce qui suppose une révision du barème de la participation.

Pour les services mandataires, l'estimation des besoins a été effectuée en tenant compte des indicateurs du secteur, élaborés dans le cadre de l'expérimentation de la dotation globale de financement qui avait débuté en 2004. Ces indicateurs mesurent, en nombre de points, la charge de travail pesant sur les services et leur personnel selon la situation du majeur protégé, ce qui permet d'objectiver et de rationnaliser l'allocation des ressources. Pour 2010, l'estimation des besoins a donc été réalisée en fonction du nombre de points gérés par les services et sur la base d'une revalorisation de la valeur du point de 1,5 %.

L'estimation des crédits nécessaires au financement des mandataires privés a été effectuée en tenant compte du nombre de mesures prévisionnelles gérées par ces intervenants et du coût moyen d'une mesure.

Nombre de mesures de protection des majeurs financées par l'Etat

2005

2006

2007

2008

2009

2010
(prévision)

Nombre total de mesures

195 269

212 371

231 989

249 379

187 394

190 258

Dotation Etat (en millions d'euros)

185,53

200,7

225,34

247,82

212,2

222,2

Source : ministère du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité

La nouvelle répartition des financements se traduit par un désengagement de l'Etat et un rôle plus actif des conseils généraux.

Depuis le 1 er janvier 2009, il est en effet prévu que :

- l'Etat finance les tutelles et curatelles des personnes qui ne perçoivent pas de prestations sociales ou dont les allocations sont à la charge des départements ;

- la sécurité sociale assume, au titre de l'assurance maladie, les mesures de protection confiées aux établissements et, au titre de la branche famille, contribue au financement des mesures de tutelle, de curatelle, de sauvegarde de justice et d'accompagnement judiciaire pour les personnes percevant des prestations sociales, à l'exception de celles versées par les conseils généraux ;

- enfin, les départements financent les Maj pour les personnes bénéficiaires d'une des allocations dont ils ont la charge (Apa, PCH et RSA) et les Masp.

Impact budgétaire de la réforme de la protection des majeurs
pour l'Etat, la sécurité sociale et les départements

(en millions d'euros)

2009

2010

2011

Volet social (départements : Masp)

12

32,7

48,9

Volet juridique (frais de tutelle) dont :

453,5

465

475,8

Etat

212,2

222,2

231,2

Départements

5,65

4,2

2

Sécurité sociale

230,15

232,9

237

Autres (CDC)

5,5

5,7

5,9

TOTAL (volets social et juridique)

475,5

497,7

524,7

Source : ministère du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité

Ce tableau, qui retrace l'impact budgétaire de la réforme, met en évidence l'augmentation progressive, d'ici à 2011, des dépenses assumées par les départements au titre de la Masp . Mais ces nouvelles dépenses devraient être partiellement compensées grâce aux économies qui résultent de la diminution prévisible des Maj (qui doivent se substituer aux mesures de TPSA), les Masp devant obligatoirement être prononcées au préalable.

En effet, progressivement, le nombre de Maj diminue : de 10 356 en 2009, il devrait être ramené à 6 383 en 2010, puis à 1 592 en 2011.

Au total, la mise en oeuvre de ces nouvelles mesures devrait se traduire par une charge supplémentaire pour les départements : évaluée à 17,5 millions d'euros en 2009 (Masp + Maj), elle devrait s'élever respectivement à 36,9 millions et 50,9 millions en 2010 et 2011.

b) Favoriser les démarches d'adoption accompagnées par l'agence française de l'adoption

Les politiques mises en oeuvre par l'Etat en faveur de l'adoption ont un triple objectif :

- augmenter le nombre de pupilles de l'Etat adoptés par des familles, en favorisant le choix d'enfants difficilement adoptables du fait de leur âge ou de leur handicap ;

- accroître la part des familles adoptant à l'étranger, accompagnées dans leurs démarches par un organisme habilité par les pouvoirs publics (organismes autorisés pour l'adoption ou agence française de l'adoption), afin de sécuriser les procédures et de garantir que les adoptions soient réalisées dans l'intérêt de l'enfant et des parents adoptifs ;

- enfin, améliorer la préparation et le suivi des familles tout au long de la procédure et après l'adoption.

Le développement des démarches d'adoption accompagnées s'appuie en particulier sur l'agence française de l'adoption (Afa), créée par la loi n° 2005-744 du 4 juillet 2005 pour accompagner les familles agréées dans leurs démarches d'adoption à l'étranger. Cet organisme, constitué en 2006 sous la forme d'un groupement d'intérêt public (Gip) associant l'Etat et les départements, assure une mission d'information et de conseil auprès des candidats agréés pour l'adoption et joue le rôle d'intermédiaire pour l'adoption des mineurs étrangers âgés de moins de quinze ans. Aux côtés des organismes autorisés pour l'adoption (OAA), elle exerce ainsi une partie des compétences de l'ancienne mission de l'adoption internationale (Mia).

Malheureusement, la création de l'agence ne s'est pas accompagnée d'une augmentation du nombre d'adoptions internationales, en forte baisse depuis 2006 24 ( * ) .

De surcroit, contrairement aux prévisions initiales, la part des adoptions internationales réalisées par l'Afa n'a été que de 19 % en 2007 et seulement de 17,8 % en 2008, alors que les objectifs visaient respectivement une proportion de 30 % et 40 %.

Ces contreperformances ont conduit le Gouvernement à réviser les objectifs qui avaient été initialement assignés à l'agence : ramenés de 30 % à 19 % pour 2009, ils ont été finalement fixés, après une seconde correction, à 22 % pour 2010 et à 25 % pour 2011.

Répartition des adoptions françaises à l'étranger par type de démarche

Années

2006

2007

2008

Type de démarches

nombre

%

nombre

%

nombre

%

OAA

1 454

36,6

1 322

41,9

1 404

42,9

Afa

ns

0

602

19,0

582

17,8

Autorité centrale

581

14,6

39

1,2

73

2,2

Individuelles

1 942

48,8

1 199

37,9

1 212

37,1

TOTAL

3 977

100

3 162

100

3 271

100

Source : ministère des affaires étrangères et européennes, 2009.

Au 30 juin 2009, l'Afa n'avait réalisé que 257 adoptions, principalement au Mali (76), en Colombie (66), au Vietnam (42) et en Lettonie (25). Si l'attitude de certains pays qui se sont fermés à l'adoption n'est pas étrangère à cette situation, celle-ci s'explique également par la lenteur de la mise en place de l'Afa ainsi qu'à des dysfonctionnements qui ne lui sont pas entièrement imputables.

Le Gouvernement a déjà pris des mesures susceptibles d'améliorer cette situation 25 ( * ) et déposé un projet de loi 26 ( * ) qui reprend certaines des préconisations de votre rapporteur dans ce domaine.

Pour l'exercice 2010, plusieurs objectifs ont été fixés à l'agence dans le cadre de la convention d'objectifs et de gestion signée avec l'Etat : la définition d'une stratégie d'implantation en lien avec l'autorité centrale ; l'accompagnement des candidats à l'adoption dans la définition de leur projet d'adoption pour mieux répondre aux sollicitations des pays d'origine ; l'expérimentation de l'intermédiation financière avec la Chine et le Mali et l'amélioration des outils de pilotage budgétaire.

Pour remplir ces missions, le projet de loi de finances pour 2010 a prévu d'allouer à l'agence une subvention de 3,8 millions d'euros qui peut sembler excessive par rapport aux quelque 2,9 millions qui lui ont été finalement versés en 2007 et 2008 et alors que celle-ci disposait encore, à la fin de 2008, d'un fonds de roulement conséquent de 2,2 millions d'euros (contre 2,4 millions au 31 décembre 2007) pour un budget d'environ 3,4 millions.

c) Des doutes sur l'efficacité et l'avenir des dispositifs de prévention et de lutte contre l'enfance en danger

Les actions de prévention et de lutte contre la maltraitance des enfants sont principalement mises en oeuvre par le groupement d'intérêt public « Enfance en danger » (Giped), qui fédère le service national d'accueil téléphonique de l'enfance en danger (Snated) et l'observatoire national de l'enfance en danger (Oned), financé à parité par l'Etat et les départements. Pour 2010, l'Etat y participe à hauteur de 2,2 millions d'euros, soit une légère hausse par rapport à l'exercice 2009, qui permet au Giped de disposer d'un budget global de 4,4 millions.

L'Etat accorde également des subventions aux autres associations oeuvrant dans ce domaine sur la base d'une enveloppe dotée en 2010 de 500 000 euros.

L'amélioration nécessaire du service national d'accueil téléphonique de l'enfance en danger

Les missions du Giped, qui ont été renforcées par la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l'enfance, sont de deux types :

- avec le Snated, une mission préventive et curative d'écoute et de conseil pour les mineurs et leur famille par le traitement, 24 heures sur 24, d'environ quatre mille appels téléphoniques par jour reçus au numéro d'urgence 119 qui donne lieu, le cas échéant, à la transmission d'un compte rendu aux conseils généraux, pour la mise en oeuvre éventuelle d'une mesure de protection ;

- avec l'Oned, une mission d'observation et d'évaluation des politiques publiques conduites en matière de protection de l'enfance.

En 2008, sur 655 300 appels décrochés et traités par le pré-accueil du 119, 29 844 ont fait l'objet d'un entretien avec un écoutant, dont 23 605 ont donné lieu à une aide ou un conseil immédiats et 6 239 ont été transmis aux départements et fait l'objet d'un compte-rendu. Après leur transmission, 86,4 % des appels ont donné lieu à une mesure de protection de l'enfance, ce qui atteste de la qualité d'écoute et d'analyse des personnes en charge de la prise des appels, à qui il revient la responsabilité d'apprécier le caractère préoccupant des situations qu'ils ont à traiter 27 ( * ) .

Si votre commission approuve l'augmentation des crédits alloués aux actions de prévention et de lutte contre l'enfance en danger, elle s'inquiète en revanche que moins de la moitié des appels reçus au 119 obtiennent une réponse et que seulement 4,8 % soient effectivement traités par un écoutant .

Elle déplore en outre que les objectifs fixés pour 2010 se contentent d'un taux de réponse de 47,5 % et d'un taux de traitement par un écoutant du Snated de seulement 4,8 %. Elle n'ignore pas l'existence inévitable d'appels sans fondement qui peuvent perturber fortement la prise en charge. Il existe cependant des dispositifs de filtrage ou de contrôle des appels efficaces tels que ceux mis en oeuvre par les pompiers ou le Samu.

Votre commission souhaite que les mesures nécessaires soient rapidement mises en oeuvre pour améliorer le taux de réponse et de traitement des appels , afin de répondre dans les meilleures conditions à la détresse des enfants ou adolescents qui sollicitent une aide.

Un avenir compromis pour le fonds national de la protection de l'enfance

Dans cette action aurait également dû figurer la contribution de l'Etat au fonds national de financement de la protection de l'enfance (FNPE). Or, plus de deux ans après la promulgation de la loi n° 2007-293 du 5 mars 2007 réformant la protection de l'enfance, force est de constater que le Gouvernement n'a toujours pas pris les mesures qui s'imposent pour mettre en place ce fonds, l'abonder et organiser son fonctionnement. En 2007, la Cnaf, qui avait prévu d'y contribuer à hauteur de 30 millions d'euros, a dû, faute de destination, reporter la somme correspondante sur l'exercice 2008.

Votre commission a déjà eu l'occasion de déplorer cette carence de l'Etat alors que ce fonds visait à promouvoir des actions en faveur de la protection de l'enfance et de la lutte contre la maltraitance, mais aussi à compenser les charges résultant pour les départements de la nouvelle répartition des rôles dans ce domaine. Le ministère chargé de l'action sociale les a évaluées à 137 millions d'euros sur trois ans.

Le rapport de la Cour des comptes 28 ( * ) se montre également particulièrement sévère à ce sujet, en faisant observer que, « alors même que les montants en cause sont modestes au regard des dépenses engagées par les départements, ces retards et ces hésitations [...] pèsent sur la crédibilité de l'Etat en tant qu'acteur de cette politique » .

En réponse aux observations de la Cour, la secrétaire d'Etat chargée de la famille et de la solidarité a fait valoir que « la création de ce fonds ne correspondait pas à une obligation juridique de l'Etat de compenser aux départements les dépenses engagées au titre de la loi puisqu'il n'y a pas de transfert de compétences au sens de l'article 72-2 de la Constitution ». Sont également invoquées des difficultés de faisabilité liées au double financement par l'Etat et la Cnaf qui, semble-t-il, auraient conduit le Premier ministre à s'opposer à la création de ce fonds. Toutefois, interrogée à ce sujet lors de son audition par votre commission, la secrétaire d'Etat chargée de la famille et de la solidarité s'est engagée à étudier la possibilité de créer ce fonds, dans le cadre des Etats généraux sur la protection de l'enfance.

Votre commission demande à ce que la loi votée par le Parlement soit respectée et appliquée . A défaut, elle estime indispensable qu'un débat s'engage à ce sujet afin que le Gouvernement puisse clarifier ses intentions et exposer devant la représentation nationale les modalités selon lesquelles il entend procéder pour que les départements n'assument pas seuls le coût de la réforme de la protection de l'enfance .

* 12 Aucun chiffre ne figure dans cette partie qui, habituellement, détaille la répartition des crédits et les hypothèses retenues pour évaluer les besoins de financement.

* 13 Le projet annuel de performances indique que soixante-seize projets ont déjà été financés, dont dix-neuf en 2009.

* 14 On en dénombrait 213 à la fin de 2008. Leurs actions tendent à faciliter l'exercice de l'autorité parentale et l'éducation conjointe des enfants, en application des dispositions de l'article 373-2-10 du code civil.

* 15 Projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2010 - p. 53.

* 16 Article 29 de la loi n° 2008-1249 du 1 er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active.

* 17 Lors de l'expérimentation du RSA, les départements volontaires ont généralement appliqué un taux de cumul des revenus et de la prestation de 70 %, plus avantageux que le taux actuel de 62 % retenu pour le RSA généralisé. Le III de l'article 30 de la loi du 1 er décembre 2008 précitée a prévu l'application d'une clause de faveur pour les bénéficiaires du RSA expérimental jusqu'à l'interruption des versements et au plus tard jusqu'au 31 mai 2010.

* 18 L'ASF est une prestation familiale versée au parent isolé dans l'attente de la récupération de la pension alimentaire à laquelle il ouvre droit. A titre indicatif, au 1 er janvier 2009, le montant mensuel de l'ASF due au titre d'un enfant orphelin de père ou de mère s'élevait à 87,14 euros et à 116,18 euros pour un enfant orphelin de père et de mère.

* 19 Selon les données transmises par la Cnaf, on dénombrait 29 119 bénéficiaires de l'API dans les Dom en juin 2009 sur un total de 218 291 allocataires (métropole et Dom), soit 13,3 % de l'ensemble.

* 20 Rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale, octobre 2009.

* 21 Loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs.

* 22 Un certificat médical circonstancié est nécessaire.

* 23 La loi prévoit que les mesures de tutelle et de curatelle sont révisées tous les cinq ans, tandis que les Maj font l'objet d'un réexamen tous les deux ans et ont une durée de vie limitée à quatre ans.

* 24 Rapport d'information du Sénat n° 236 (2008-2009) « Une seconde chance pour l'agence française de l'adoption » d'Auguste Cazalet, Albéric de Montgolfier et Paul Blanc, fait au nom de la commission des finances et de la commission des affaires sociales, 3 mars 2009.

* 25 Création d'un ambassadeur de l'adoption internationale, renforcement des moyens et réorganisation de l'autorité centrale, centralisation des informations relatives à l'adoption internationale sur un seul site Internet, signature d'une convention d'objectifs et de gestion avec l'agence, etc.

* 26 Projet de loi relatif à l'adoption - Texte n° 317 (2008-2009), déposé au Sénat le 2 avril 2009.

* 27 Voir, sur cette question de l'identification des situations de danger et la transmission des informations préoccupantes, le rapport de la Cour des comptes sur la protection de l'enfance, p. 13-20, octobre 2009.

* 28 Rapport précité sur la protection de l'enfance, p. 120.

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