H. LA STRATÉGIE NATIONALE DE RECHERCHE ET D'INNOVATION (SNRI)

1. L'objectif et la méthodologie

Pour orienter sa politique de recherche et faire émerger des projets d'excellence mondiale, notre pays avait besoin - à l'instar d'autres pays comme le Japon, le Royaume-Uni, la Russie ou l'Allemagne - d'un document de référence définissant les priorités de recherche, à partir d'un diagnostic partagé sur les grands défis scientifiques, technologiques, et sociétaux à relever.

Pour votre rapporteur, ce type de document doit être fondé sur des travaux des chercheurs eux-mêmes , en vertu du principe dit du « bottom up » qui consiste à faire remonter les idées et projets émanant du terrain. En effet, s'il a permis d'importantes avancées, le Pacte pour la recherche, mis en oeuvre à compter de 2006, s'est vu reprocher de ne donner suffisamment la parole aux chercheurs eux-mêmes.

Mais il était aussi important que soient associés à la démarche des représentants du Parlement, de la société civile, du secteur économique et des autres ministères. C'est pourquoi près de 600 chercheurs, industriels, parlementaires et représentants associatifs se sont mobilisés dans des groupes de travail thématiques et ont permis de faire émerger des priorités de recherche.

Le document a été soumis pour avis à différentes institutions scientifiques et techniques, comme l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et techniques 5 ( * ) , l'Académie des sciences ou l'Académie des technologies.

2. Les priorités arrêtées

L'exercice a permis de définir cinq principes directeurs et trois axes prioritaires de recherche qui constituent désormais une référence pour orienter les financements de l'État et les programmes de recherche des opérateurs.

Les 5 principes directeurs déclinés dans la SNRI sont les suivants :

- la recherche fondamentale est indispensable à toute société de la connaissance ;

- une recherche ouverte à la société et à l'économie est le gage de la croissance et de l'emploi ;

- une meilleure maîtrise des risques et un renforcement de la sécurité doivent être des dimensions privilégiées de l'innovation, sociale et culturelle autant que technologique ;

- les sciences humaines et sociales doivent avoir un rôle majeur au sein de tous les axes prioritaires ;

- la pluridisciplinarité est indispensable.

Les 3 axes prioritaires dégagés dans la Stratégie nationale de recherche et d'innovation sont :

- la santé, le bien-être, l'alimentation et les biotechnologies ;

- l'urgence environnementale et les écotechnologies ;

- l'information, la communication et les nanotechnologies.

Votre commission soutient ces orientations. Pour elle, il est évident que les investissements en matière d'enseignement supérieur et de recherche sont des investissements d'avenir, qui ont donc pleinement leur place au titre des investissements financés dans le cadre du Grand emprunt national.

Interrogée par votre rapporteur pour la recherche sur la prise en compte de la SNRI à ce titre , lors de son audition par votre commission, Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, a indiqué avoir soutenu les cinq principes suivants :

- le retour sur investissement dans ces domaines ne doit pas s'évaluer seulement en termes financiers mais plus généralement de progrès pour la société, ce qui inclut donc la recherche fondamentale ;

- les projets à financer devront s'inscrire dans un cadre partenarial, notamment entre recherche publique et recherche privée, en confrontant les différents secteurs, y compris les organisations non gouvernementales ;

- ces projets devront clairement intégrer la dimension de valorisation et de transfert de technologies, depuis la preuve de concept jusqu'au développement de marchés ;

- le Grand emprunt doit financer des investissements en grandes infrastructures de recherche ou en plateformes de recherche partenariale, et il devra aussi permettre de couvrir les frais de fonctionnement, qui sont trop souvent oubliés ;

- ces projets devront s'intégrer dans le nouveau paysage de la recherche et de l'enseignement supérieur, sans créer de structures nouvelles.

L'encadré ci-après indique les 29 propositions issues de la SNRI et proposées à la commission du Grand emprunt le mercredi 7 octobre 2009.

LISTE DES 29 PROPOSITIONS ISSUES DE LA SNRI
ET PROPOSÉES À LA COMMISSION DU GRAND EMPRUNT

I. SANTÉ, BIEN-ÊTRE ET BIOTECHNOLOGIES

- Doter en capital dix fondations adossées à des pôles d'excellence de soins, de recherche et de valorisation sur les grands défis de santé publique ;

- Créer des démonstrateurs technologiques de procédés innovants, construits en partenariat entre la recherche publique et les entreprises ;

- Doubler les capacités d'analyse de la biodiversité naturelle des plantes, en particulier pour valoriser leurs propriétés à la protection de l'environnement, à l'agriculture et à la dépollution.

II. OBSERVATION DE L'ENVIRONNEMENT ET ÉCOTECHNOLOGIES

- Créer et pérenniser des observatoires de l'environnement par satellite et in situ;

- Renforcer les capacités de traitement de données issues de l'observation pour modéliser les écosystèmes. Un partenariat entre recherche publique, entreprises et collectivités valorisera les services rendus par l'environnement, comme le filtrage des eaux usées.

III. CLIMAT ET ÉNERGIE

- Créer un pôle de recherche sur le climat et l'environnement au sein du projet scientifique du plateau de Saclay intégrant des espaces pour les chercheurs publics et privés ;

- Doubler la plateforme de recherche sur l'énergie solaire Ines (Institut national de l'énergie solaire) ;

- Développer un programme de recherche en soutien à la création d'une filière industrielle de batteries électriques ;

- Développer des démonstrateurs de biocarburants de deuxième et troisième générations ;

- Créer une plateforme de recherche sur les énergies marines pilotée par l'Ifremer (Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer) ;

- Développer le prototype Astrid de réacteur nucléaire de quatrième génération ;

- Développer un progiciel de gestion intégrée des bâtiments pour en réduire la consommation énergétique, renforcer la fondation Bâtiment énergie et lancer des appels à projets pour des démonstrateurs.

IV. TRANSPORTS DURABLES

- Créer un réseau de centres et de plateformes de recherche sur la mobilité urbaine et la route intelligente ;

- Développer de nouveaux prototypes industriels de carènes de navires et de motorisations adaptées à faible consommation énergétique, et de technologies innovantes de « e-maintenance » ;

- Développer un démonstrateur technologique de lanceur de nouvelle génération (Ariane 6) ;

- Développer des démonstrateurs technologiques pour l'aéronautique.

V. SCIENCES DE L'INFORMATION

- Créer une plateforme nationale de recherche partenariale simulant un réseau internet complet et réparti sur trois sites afin de développer les technologies de l'internet du futur, leurs usages et leur sécurité ;

- Déployer une solution satellitaire pour l'internet à très haut débit en lien avec l'ensemble des industriels du secteur spatial ;

- Renforcer les capacités de calcul intensif ;

- Développer une plateforme de calcul partagé ;

- Doter en capital une fondation pour renforcer la capacité de transfert de connaissance entre les laboratoires publics de mathématiques et les entreprises ;

- Créer des ensembles de référence scientifiques fédérant la recherche publique et privée autour de standards et de pratiques communes pour accélérer le travail scientifique et le transfert de technologies.

VI. NANOTECHNOLOGIES

- Construire des centres d'intégration hébergeant des chercheurs publics et privés sur les trois centres Nano-Innov de Saclay, Grenoble et Toulouse ;

- Renforcer la recherche sur projets en nanotechnologies pour dynamiser la recherche et renforcer le rapprochement entre laboratoires publics et entreprises, en particulier sur les trois centres d'intégration de Nano-Innov ;

- Développer les infrastructures de recherche mises à la disposition des chercheurs et des étudiants, et renforcer le programme de gestion des risques liés aux nanotechnologies dans tous les laboratoires concernés ;

- Construire sur le plateau de Saclay (Essonne) un centre de recherche en nanosciences regroupant les équipes de l'IEF (Institut d'électronique fondamentale) d'Orsay, le LPN (Laboratoire de physique et nanostructures) de Marcoussis et leurs centrales de nanotechnologies ;

- Doter en capital les fondations des RTRA (réseaux thématiques de recherche avancée) associées au secteur des nanosciences : Sciences mathématiques de Paris, Triangle de la physique, Centre international de recherche aux frontières de la chimie et de ses interfaces, Nanosciences aux limites de la nanoélectronique, InNaBioSanté, Pierre Gilles de Gennes et Curie.

VII. VALORISATION, TRANSFERT ET CAMPUS UNIVERSITAIRES

- Création sur les douze principaux pôles universitaires de sociétés d'accélération du transfert de technologie et les doter d'un capital suffisant pour dix années d'exercice, échéance à laquelle elles pourront atteindre leur équilibre financier ;

- Mettre les filiales de valorisation des organismes de recherche au service de ces sociétés et renforcer leurs capacités de financement du pré-amorçage.

Au titre des investissements d'avenir qui lui semble devoir être financés par le Grand emprunt, votre rapporteur citera, par exemple, le remplacement du réacteur Jules Horovitz , destiné à la recherche et à la production de radionucléides. Outre que cet équipement s'avère absolument nécessaire en matière de santé publique, le retour financier de cet investissement, cofinancé par des partenaires privés, y compris étrangers, ne fait pas de doute. C'est ce type d'investissement d'avenir que l'emprunt doit nous permettre de financer.

* 5 L'Office parlementaire a procédé à un échange de vues sur le rapport général de la SNRI le 6 octobre 2009, après avoir entendu son conseil scientifique le 30 septembre.

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