III. DES PERSPECTIVES DE RÉFORME
En réaffirmant, à travers la mise en oeuvre de son projet stratégique national, sa compétence de pilotage sur l'ensemble des questions intéressant la justice des mineurs, la PJJ est appelée à redéfinir et à renforcer ses liens avec l'ensemble des acteurs intervenant dans la prise en charge des enfants et des adolescents. La redéfinition de ces relations concerne au premier chef les conseils généraux.
En outre, la DPJJ, compétente en matière de conception des normes et des cadres d'organisation de la justice des mineurs, jouera un rôle central dans l'élaboration du projet de code de justice pénale des mineurs, qui pourrait être examiné par le Parlement à partir du second semestre 2010.
A. DES PARTENARIATS À RENFORCER
1. Des relations avec les conseils généraux à redéfinir
La décision de recentrer la PJJ sur la seule prise en charge des mineurs délinquants doit permettre une clarification des rôles de chacun ainsi que la réaffirmation d'une plus grande complémentarité entre l'action menée par les conseils généraux en matière de protection de l'enfance en danger et les mesures de prise en charge des mineurs délinquants mises en oeuvre par la PJJ. De fait, cette évolution est loin d'être neutre pour les conseils généraux appelés, à terme, à prendre en charge l'intégralité des mesures judiciaires de protection. Deux questions doivent à cet égard être distinguées : celle de l'impact financier de ces orientations sur les budgets des départements, d'une part, et celle de la définition de partenariats entre services d'aide sociale à l'enfance et services déconcentrés de la PJJ, d'autre part.
a) Un désaccord persistant sur la question du financement
Dans la contribution écrite qu'elle lui a fait parvenir, l'Assemblée des départements de France (ADF) a fait part à votre rapporteur de ses plus vives inquiétudes concernant l'importante diminution des crédits consacrés par la PJJ à la prise en charge des mineurs en danger et des jeunes majeurs.
Lorsque la commission d'enquête sénatoriale sur la délinquance des mineurs avait préconisé, en juin 2002, le recentrage de la PJJ sur la prise en charge des seuls mineurs délinquants (voir supra ), elle avait considéré que, « selon les règles fondatrices de la décentralisation, ce transfert de compétences [devrait] s'accompagner des transferts de moyens correspondants » 19 ( * ) .
L'article 27 de la loi du 5 mars 2007 portant réforme de la protection de l'enfance a créé un fonds national de financement de la protection de l'enfance au sein de la caisse nationale des allocations familiales, destiné à compenser les charges résultant pour les départements de l'extension de leur compétence en matière de protection sociale et d'aide sociale à l'enfance 20 ( * ) .
Néanmoins, deux ans et demi après l'entrée en vigueur de cette loi, le décret portant création de ce fonds n'a pas été publié.
Par une délibération en date du 6 octobre, le Bureau de l'Assemblée des départements de France (ADF) a autorisé son président à introduire devant le Conseil d'Etat un référé-injonction de prendre ce décret à l'encontre du Premier ministre et du ministre des affaires sociales.
En réponse, le Premier ministre a fait valoir que, plutôt que de doter un fonds dont le niveau d'abondement année par année serait source de querelle entre Etat, sécurité sociale et collectivités locales, le Gouvernement préférait recentrer son intervention sur d'autres volets des politiques sociales départementales.
Considérant cette réponse comme un refus opposé par le Premier ministre à sa requête, l'ADF a, le 10 novembre 2009, autorisé son président à introduire devant le Conseil d'Etat un recours pour excès de pouvoir contre la décision expresse de rejet du Premier ministre .
De son côté, le Gouvernement considère que la création du fonds national prévu par l'article 27 de cette loi ne ferait que rendre plus complexes les financements déjà existants et a annoncé que le décret portant création de ce fonds ne serait pas publié 21 ( * ) .
En outre, le Gouvernement estime que la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l'enfance, en réaffirmant le rôle central du conseil général en matière de prise en charge de l'enfance en danger, n'a pas opéré de transfert de compétences au profit des départements puisque la compétence de ces derniers en matière de protection de l'enfance a été affirmée dès les lois de décentralisation de 1982-1983. Il fait valoir qu'en continuant à prendre en charge les mineurs et les jeunes majeurs faisant l'objet d'une mesure judiciaire de protection, la PJJ a, de fait, pris en charge des mesures qui auraient dû être financées par les départements et estime donc ne pas être tenu de compenser financièrement les effets, pour les conseils généraux, de son désengagement.
Enfin, la DPJJ estime le coût de la prise en charge des activités au civil (hors investigations) par la PJJ, tout opérateur confondu (service public et service associatif habilité) à environ 90 millions d'euros en 2008 (contre 111 millions d'euros en 2007) et fait valoir qu'ainsi, l'activité de la PJJ au civil représente à peine 1,51 % du montant total des dépenses consacrées par l'ensemble des départements à l'aide sociale à l'enfance en 2007 22 ( * ) . L'impact sur les budgets des départements du désengagement de l'Etat en matière de prise en charge des mesures judiciaires de protection serait donc limité.
Dans son rapport thématique consacré à la protection de l'enfance, la Cour des comptes adopte un regard assez critique sur le volet financier de la disparition de l'intervention de la PJJ au civil : « pour compenser ce retrait, les juges des enfants seront conduits à confier à l'ASE ou au secteur associatif un nombre croissant de mesures : le département deviendra l'unique financeur des prises en charge, l'Etat conservant le financement des mesures d'investigations judiciaires. La charge financière qui en découle, variable selon les départements, n'a pas été évaluée , et les textes n'en prévoient pas la compensation. En effet, le retrait de la PJJ n'est pas considéré comme un transfert de compétence obligeant l'Etat à accorder aux collectivités une compensation sur le fondement de l'article 72 de la Constitution. Il s'agit de la stricte application des mécanismes prévus par la loi de 1986, qui font dépendre la répartition des financements entre l'Etat et les départements d'une décision judiciaire. Si l'on ne peut que prendre acte d'une orientation confirmée dans les lois de finances, ses modalités, qui n'ont pas respecté le principe d'expérimentation prévu par la loi du 13 août 2004 23 ( * ) , restent critiquables » 24 ( * ) .
Votre commission estime que si une clarification des rôles de chacun peut paraître nécessaire, il appartient à l'Etat de veiller à ce que les jeunes en danger puissent bénéficier d'une prise en charge et d'un même niveau de protection sur l'ensemble du territoire national, quel que soit leur département de résidence.
* 19 Rapport précité, page 186.
* 20 Le champ de cette loi du 5 mars 2007 est beaucoup plus large que la seule question de la mise en oeuvre des mesures judiciaires de protection. Il concerne notamment la création des observatoires départementaux de la protection de l'enfance et des cellules de recueil, de traitement et d'évaluation d'informations.
* 21 Séance du mardi 23 juin 2009, question orale avec débat n° 44 de Mme Claire-Lise Campion à Mme le secrétaire d'Etat chargée de la famille sur la mise en oeuvre de la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l'enfance.
* 22 Localement néanmoins, cette proportion varie entre 0,24% dans les Deux-Sèvres et 14,67% dans les Hautes-Alpes.
* 23 Voir supra.
* 24 Cour des comptes, rapport précité, pages 49-50.