C. CULTURE : UN ENJEU D'AVENIR MAJEUR POUR LE RAYONNEMENT CULTUREL ET ÉCONOMIQUE DE NOTRE PAYS

1. Quel impact sur la politique du livre numérique ?

Votre commission s'interroge sur l'impact du grand emprunt sur la politique du livre numérique et sur les perspectives de partenariat avec une entreprise privée telle que Google.

Des réflexions sont en cours, qui associent ministère de la culture et éditeurs, pour étudier dans quelle mesure des livres sous droits pourraient rejoindre, en nombre 5 ( * ) , la plate-forme Gallica de la BnF, et bénéficier pour ce faire des marchés de numérisation financés par l'emprunt (en plus des ressources du Centre national du livre, déjà utilisées pour appuyer les éditeurs dans leur démarche de numérisation). Si une telle voie était empruntée, elle permettrait de mettre en place une véritable offre de livres numériques et de faire mûrir ce marché.

En ce qui concerne les perspectives de partenariat avec des entreprises privées, le récent rapport 6 ( * ) remis par M. Marc Tessier souligne les bénéfices induits par l'investissement massif du grand emprunt dans la numérisation. D'accords souvent déséquilibrés, puisque financés par la seule partie privée, on passerait à des formules plus équilibrées « d'échanges réciproques », enrichissant les bases documentaires des deux parties, en évitant les doublons dans le processus de numérisation et en favorisant la visibilité du corpus francophone. Les ouvrages français pourraient ainsi être largement référencés dans Google Livres, tandis que la plate-forme nationale (« Gallica » réformée) serait enrichie par l'inclusion d'ouvrages déjà numérisés par Google, notamment ceux disponibles dans les fonds des bibliothèques étrangères partenaires.

Ce principe de « 1 livre du partenaire public pour 1 livre du partenaire privé » est d'ailleurs envisagé. Mais pourra-t-il être respecté dans le cadre strict des 25 % de subventions ou d'avances remboursables ? Votre rapporteur interrogera le Gouvernement sur ce point.

Il conviendra aussi de veiller à ce que le ministère de la culture soit pleinement associé au pilotage des projets concernés, d'autant plus que le choix gouvernemental d'inscrire les crédits dans la mission « Économie » et non dans la mission « Culture » apparaît contestable.

2. « Sanctuariser » les crédits destinés à la numérisation des contenus

Par ailleurs, votre commission proposera un amendement de nature à « sanctuariser » la somme allouée à la numérisation du patrimoine culturel, éducatif et scientifique, soit 750 000 euros. A cette fin, elle suggère de créer, au sein de la mission « Économie », un programme dédié à ces actions, afin que les projets relatifs aux « tuyaux » ne viennent pas « cannibaliser » en quelque sorte ceux concernant les contenus.

Votre rapporteur tient à insister sur une évidence, parfois négligée par certains : les politiques culturelles doivent être considérées comme des investissements d'avenir car telle est la réalité, notamment pour ce qui concerne la numérisation des oeuvres. Car, à quoi servirait de développer les « tuyaux » si l'on ne se préoccupait pas, parallèlement, de leur alimentation, c'est-à-dire des contenus culturels ?

Les retombées économiques et sociales des activités culturelles ne sont pas encore assez valorisées. A titre d'exemple, dans un autre secteur culturel, on peut citer une étude nationale de ces retombées dans le domaine du patrimoine, éditée en mars 2009 par le ministère de la culture et de la communication. Elle a mesuré le « retour sur investissement » des crédits publics consacrés à la restauration et à la mise en valeur du patrimoine. Ce sont ainsi 33 000 emplois directs et 280 000 emplois indirects qui ont été identifiés comme liés aux sites et monuments, et 15,5 milliards d'euros générés pour la France métropolitaine par le tourisme patrimonial. Fort de cette analyse, le ministre de la culture et de la communication a d'ailleurs signé, en novembre 2009, avec le secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, et du tourisme, une convention-cadre « Culture-Tourisme » visant notamment à encourager des opérations de valorisation du patrimoine par le tourisme.

Votre rapporteur souhaiterait que la même philosophie guide les investissements dédiés à la numérisation du patrimoine culturel, éducatif et scientifique afin que soient valorisés les contenus . Les succès technologiques de consommation courante tels qu'Apple et ses applications, ou Canal+ et son décodeur, ont d'ailleurs prouvé la pertinence d'une politique à la fois ciblée sur le contenu et le contenant.

Votre commission souhaite qu'il soit pleinement tenu compte de ces « retours sur investissement culturel » à l'occasion des décisions relatives à l'utilisation des crédits du grand emprunt.

* 5 Une expérimentation est déjà menée depuis 2008 sur quelques milliers d'ouvrages.

* 6 Marc Tessier - La numérisation du patrimoine écrit, Bibliothèque des rapports publics - La documentation Française - 12 janvier 2010.

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