3. Le financement des allègements généraux (article 12 bis)
a) La fin de la compensation des allègements généraux...

A l'initiative du Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté un article additionnel tendant :

- premièrement , à exclure le dispositif des allègements généraux du mécanisme de compensation par l'Etat des mesures de réduction ou d'exonérations de cotisations sociales prévu à l'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale (1° du I de l'article 12 bis nouveau) ;

- deuxièmement , à affecter nominalement aux organismes de sécurité sociale les impôts et les taxes du panier fiscal alloué au titre des allègements généraux, à l'exception notoire du droit de consommation sur les tabacs (2° du I de l'article).

Ainsi, l'article L. 138-1 du code de la sécurité sociale serait modifié afin de préciser les bénéficiaires des éléments du panier. Le produit de la taxe sur les salaires serait réparti entre la CNAV (59,9 %), la CNAF (23,4 %) et le FSV (16,7 %). La CNAMTS se verrait quant à elle affecter le produit de la taxe sur les contributions patronales au financement de la prévoyance complémentaire, le produit de la taxe sur les primes d'assurance automobile, le produit de la taxe sur la valeur ajoutée brute collectée par les commerçants de gros en produits pharmaceutiques, le produit de la taxe sur la valeur ajoutée brute collectée par les fournisseurs de tabacs et le produit de licence sur la rémunération des débitants de tabacs.

La répartition précise du panier permettrait de supprimer l'obligation qui est faite aujourd'hui à l'ACOSS de répartir le produit des taxes ci-dessus mentionnées entre les différentes caisses au prorata des manques à gagner au titre des allègements généraux.

Il convient de remarquer que la liste des impôts et taxes affectés dans le cadre de l'article L. 131-8 du code de la sécurité sociale, qui relève d'un chapitre intitulé « Mesures visant à garantir les ressources de la sécurité sociale » ne comprendrait pas la fraction du droit de consommation sur les tabacs actuellement affectée aux allègements généraux ;

- troisièmement , à modifier la fraction du droit de consommation sur les tabacs affectées à la compensation des allègements généraux et à préciser la ventilation de cette fraction. Le II de cet article propose ainsi de modifier l'article 61 de la loi n° 2004-1484 du 30 décembre 2004 de finances pour 2005, qui reste le cadre de référence de la ventilation du droit de consommation sur les tabacs, pour diminuer de 0,53 point la part du droit affectée aujourd'hui aux allègements généraux, et augmenter d'autant la part fléchée sur le budget de l'Etat, soit 3,45 % 37 ( * ) . La part allouée aux organismes de sécurité sociale au titre des allègements généraux serait ainsi de 32,83 %, dont 8,02 % pour la CNAM, 1,85 % pour la branche AT-MP, 12,57 % pour la CNAF, 10 % pour le régime des salariés agricoles et 0,66 % à un ensemble de caisses des régimes spéciaux.

b) ...peut-elle être une opération financière avantageuse pour les Caisses concernées ?

L'article 12 bis suscite l'inquiétude de votre rapporteur pour avis, qui s'étonne qu'une disposition aussi importante ait été votée à l'Assemblée nationale au détour d'un amendement, fut-il du Gouvernement.

En effet, la suppression du principe de compensation des allègements généraux, alors même que ces derniers représentent un enjeu financier majeur 38 ( * ) aussi bien pour l'Etat que pour la sécurité sociale, mérite d'être examinée avec attention, afin d'apprécier l'impact d'une telle mesure sur l'équilibre financier des différentes branches, aussi bien à long qu'à court terme.

Selon M. François Baroin qui a présenté l'amendement à l'Assemblée nationale, « il s'agit, à travers cet amendement, d'officialiser l'affectation du panier de recettes supplémentaires à la sécurité sociale. C'est un élément d'équilibre important du PLFSS » 39 ( * ) .

Votre rapporteur pour avis a pris bonne note des estimations de la commission des comptes de la sécurité sociale qui indiquent que le panier des allègements généraux serait excédentaire à hauteur de 1,7 milliard d'euros en 2010 et 2 milliards d'euros en 2011. Il conçoit, qu'en proposant par cet article d'affecter définitivement à compter de 2011 les éléments d'un panier excédentaire aux organismes de la sécurité sociale, la suppression puisse être présentée comme un élément de sécurisation du financement de ces organismes. Ceci peut paraître d'autant plus vrai que le cadre législatif est relativement évasif sur les mesures qu'il convient de prendre en cas d'écart entre le coût des allègements généraux et les produits du panier. En effet, l'article L. 131-8 du code prévoit simplement la réunion d'une commission en cas d'écart supérieur à 2 % entre les deux montants, et la remise d'un rapport.

Toutefois, plusieurs arguments viennent contredire l'intention du Gouvernement :

- premièrement, il n'est pas fait mention, ni dans l'objet de l'amendement, ni dans l'exposé des motifs, de l'utilisation qui sera faite de l'excédent 2010 ;

- deuxièmement, l'article n'affecte pas définitivement l'ensemble du panier aujourd'hui en vigueur, puisque la liste ne contient pas le droit de consommation sur les tabacs, qui représente 15,3 % des recettes de ce panier, ce qui n'est pas négligeable...

- troisièmement, le présent article propose de diminuer la fraction de droit de consommation sur les tabacs allouée à raison des allègements généraux, ce qui prouve, que non seulement la totalité de l'excédent n'aurait pas été affecté à la sécurité sociale en 2011 mais aussi que ce droit de consommation constitue une variable d'ajustement ;

- quatrièmement, si le panier est excédentaire à court terme, rien ne garantit que cette situation perdure. Dès lors, le principe de suppression du panier apparait à votre rapporteur pour avis « dangereux ».

Compte tenu de l'ensemble de ces observations, votre rapporteur pour avis vous propose de réécrire le présent article afin, d'une part, de conserver le principe de compensation, et, d'autre part, de prévoir réellement l'affectation de l'excédent du panier des allègements généraux aux régimes de sécurité sociale, et notamment à la CNAF. Cette dernière verrait non seulement son financement fragilisé par les modalités de refinancement de la dette sociale mais aussi par la fin du principe de compensation : les affectations proposées par l'article 12 bis en faveur de la CNAF ne semblent pas en effet être à moyen terme à la hauteur de ses charges. Votre rapporteur pour avis souligne que si l'amendement présenté sur l'augmentation de la CRDS était voté, il serait possible de proposer d'affecter l'excédent du panier des allègements généraux à la branche maladie qui connaît de graves difficultés de financement.


* 37 Votre rapporteur pour avis observe une contradiction avec l'article 40 du PLF pour 2011 qui fixe ce taux à 3,40 %.

* 38 Le coût des allègements généraux serait en 2010 de 21,8 milliards d'euros et de 21,2 milliards d'euros en 2011.

* 39 Extrait du compte rendu de la deuxième séance du jeudi 28 octobre 2010 de l'Assemblée nationale.

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