2. Les actions décidées restent à concrétiser sur le terrain

Annoncé par le Gouvernement en mai 2008, le plan santé outre-mer a été présenté officiellement par Roselyne Bachelot-Narquin, alors ministre de la santé et des sports, lors de son déplacement en Martinique en juillet 2009. En outre, le Ciom contient plusieurs annonces pour « faire de la santé une activité de pointe outre-mer ».

Les études médicales outre-mer

Le premier cycle des études médicales est effectif depuis la rentrée universitaire 2009 aux Antilles avec la mise en place de la troisième année. Des travaux sont engagés pour organiser le second cycle, dans l'objectif d'ouvrir une quatrième année à la rentrée 2011. Pour la zone de l'Océan indien, la seconde année du premier cycle a ouvert à la rentrée 2010 et la troisième est prévue pour 2011.

Par ailleurs, le numerus clausus pour les étudiants en médecine dans les facultés des Antilles et de La Réunion a été augmenté respectivement de trois et de douze places.

Ce geste reste insuffisant face aux besoins et aux enjeux de formation des habitants de l'outre-mer. Le déficit démographique des professionnels de santé est encore plus marqué outre-mer, comme le montre l'Atlas régional de la démographie médicale française publié par le conseil national de l'Ordre des médecins. La directrice de la caisse générale de sécurité sociale de Guyane, gestionnaire de l'assurance maladie, déclarait ainsi qu'il y a trois fois moins de médecins dans ce département que ce dont il a besoin.

Le plan « Hôpital 2012 »

La première tranche du plan « Hôpital 2012 » , destiné à soutenir des projets immobiliers ou informatiques (systèmes d'information) dans les établissements de santé, a été présentée en février 2010. Sur un total de 1,8 milliard d'euros d'aides ainsi accordées par l'Etat, seuls 40 millions sont destinés aux Dom, soit 2,2 % du plan , et il ne semble pas concerner Mayotte ou les Com. Pourtant, les besoins de modernisation et de création sont criants, ne serait-ce que pour les projets de mise aux normes sismiques dont les coûts sont très élevés.

Répartition géographique du plan « Hôpital 2012 »

Comme pour le FEI ou les aides à la continuité territoriale, on peut s'étonner de la répartition des aides de la première tranche entre les départements :

- 13,4 millions d'euros pour la Guadeloupe, soit 33 % des aides destinées aux Dom, dont 10,7 pour le centre hospitalier de Basse-Terre ;

- 5,7 millions pour la Martinique, soit 14 % de l'ensemble ;

- 8,5 millions pour La Réunion, soit 21 % ;

- 12,7 millions pour la Guyane, soit 32 %.

Là aussi, les crédits ne peuvent évidemment pas correspondre strictement à la population ; ils doivent être corrélés aux projets. Pour autant, la disproportion géographique est notable .

L'état d'avancement des autres aspects du plan santé outre-mer

Plus généralement, votre rapporteur a demandé, dans le cadre du questionnaire budgétaire, une note sur l'état d'avancement du plan santé outre-mer et les crédits du projet de loi de finances afférents. Le résultat est pour le moins décevant , puisqu'il oscille entre « phase de concertation », « groupes de travail », « études », « état des lieux » et renvoi à la seconde tranche du plan Hôpital 2012 :

- la création de deux instituts fusionnant les instituts de formation en soins infirmiers et les autres écoles de formation est conditionnée par les résultats de groupes de travail ;

- le développement de la télémédecine sera « instruit » dans la seconde tranche du plan Hôpital 2012 et les réseaux de téléenseignement et de visioconférences font l'objet d'un état des lieux ;

- en ce qui concerne les risques sismiques et la mise à niveau du parc hospitalier, un bilan général de tous les établissements de santé a été entrepris dans le cadre du « plan séisme Antilles », dont votre rapporteur rappelle qu'il a été lancé en janvier 2007... ;

- la révision des coefficients géographiques et la valorisation des surcoûts relatifs aux activités déséquilibrées font l'objet d' études ;

- les agences régionales de santé ont entrepris un état des lieux relatif aux possibles jumelages avec les CHU de métropole. Rien n'est, en revanche, indiqué, dans cette réponse, sur les liens avec les établissements des pays ou des territoires voisins des Dom ou Com ;

- la lutte contre la drépanocytose « fera » l'objet d'un plan spécifique et un protocole national de diagnostic et de soins est en cours de définition.

Certes, l'aide à la résorption des créances irrécouvrables s'est traduite par des dotations spécifiques.

Si certaines actions en faveur de la santé publique outre-mer relèvent plus des pratiques ou du partage d'expériences, votre rapporteur regrette vivement, comme les années passées, le manque d'actions concrètes et de moyens dédiés à ces questions : la télémédecine requiert du matériel et de la formation adaptés, la politique de prévention - si essentielle outre-mer en raison des particularismes de certaines pathologies - nécessite du personnel formé et des capacités de publicité.

La mortalité infantile et en couches

La mortalité maternelle est nettement plus fréquente dans les Dom qu'en métropole et la mortalité infantile est deux fois plus élevée en Guadeloupe, Martinique et à La Réunion et presque quatre fois plus en Guyane.

Taux de mortalité infantile
(taux pour mille)*

Taux de mortalité maternelle (taux pour 100 000 naissances vivantes, période 2001-2006)**

Guadeloupe

6,9

38,8

Martinique

7,5

21,5

Guyane

13,6

47,9

La Réunion

8,0

26,4

France entière

3,8

9,6

*Source : Insee

**Source : Bulletin épidémiologique hebdomadaire
de l'Institut de veille sanitaire, n° 2-3 du 19 janvier 2010

Le Ciom a décidé d'une action spécifique, puisque les directeurs généraux des ARS des Dom doivent intégrer, dans les plans régionaux de santé, l'objectif de réduire le taux de mortalité infantile évitable de 50 % en cinq ans. Encore faut-il que cet objectif se traduise en réalisations concrètes.

Or, le passé ne porte pas à l'optimisme, puisque différentes études et enquêtes ont d'ores et déjà été menées depuis plusieurs années pour améliorer la connaissance des causes de la mortalité infantile et maternelle.

En outre, une réponse au questionnaire budgétaire précise même : « afin de caractériser les décès infantiles des Dom et les comparer à ceux de la métropole, une convention est en cours de finalisation ; un financement de l'ordre de 20 000 euros est assuré en 2010. L'étude aura pour objectif [...] d'aboutir à un modèle de suivi ». Est-il certain que 20 000 euros permettront d'avancer ?

Enfin, votre rapporteur relève que le plan périnatalité 2005-2007 ne contenait pas de volet spécifique à l'outre-mer et qu'il n'a de toute façon pas été prolongé.

L'anarchie persistante du commerce du tabac

La loi de finances pour 2009 a prévu la création d'un dispositif de licences pour les détaillants de tabac dans les Dom. Il n'a pas semblé possible en effet de calquer le monopole qui existe en métropole au regard des particularismes locaux. Or, la prévalence du tabagisme est plus élevée outre-mer et le marché y est anarchique.

C'est pourquoi le législateur a prévu ces licences qui permettent de ne pas brider les commerces ouverts aujourd'hui et de créer une nouvelle ressource pour les conseils généraux, sous la forme d'une redevance.

Le Gouvernement n'a toujours pas pris depuis deux ans le décret d'application de cette mesure ; cette inertie, naturellement préjudiciable à la politique de santé publique , crée en outre une insécurité juridique, puisque le code général des impôts prévoit la cessation d'activité des points de vente dépourvus de licences « au plus tard le 1 er janvier 2011 ».

C'est pourquoi la commission, à l'initiative de son rapporteur, a adopté un amendement permettant une entrée en vigueur effective au 1 er janvier 2011 avec une période de transition de six mois.

L'organisation administrative

Au-delà de l'ouverture de nouveaux crédits ou de l'amélioration des pratiques, on voit bien que l'organisation de l'administration est le coeur du problème : qui est responsable de l'état sanitaire outre-mer ? Le déploiement des agences régionales de santé devrait certes permettre d'améliorer la gestion des politiques publiques, mais il serait nécessaire que le ministère de la santé se dote d'une véritable organisation transversale dédiée à l'outre-mer, à même d'impulser de nouvelles mesures et de coordonner l'action des directions techniques.

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