D. L'INCERTITUDE PESANT SUR LA PRISE EN CHARGE DES FRAIS DE SCOLARITÉ

En dépit du maintien du moratoire actuel sur son extension au-delà des classes de lycée, la mesure de prise en charge des frais de scolarité des élèves français à l'étranger constitue un véritable « cauchemar budgétaire ». Le rapport de la mission d'information de la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale concluait même que « pour absorber la mesure de gratuité, « il faut deux fois les moyens » : le coût de la mesure elle-même, et le coût des répercussions de la mesure, c'est-à-dire l'inscription d'élèves français plus nombreux, le besoin corrélatif de locaux et d'installations annexes, et le surcroît de demandes de bourses à caractère social » 4 ( * ) .

LE COÛT DE LA PEC

PEC au sens large

PEC stricto sensu

Compléments de PEC versés aux boursiers-PEC

Coût de la réforme par année scolaire (1+2)

ANNÉE SCOLAIRE

CLASSE

Nb PEC

Montant PEC

COUT MOYEN

Nb PEC stricto sensu

Montant PEC stricto sensu (1)

COUT MOYEN

Nb PEC stricto sensu

Montant complément (2)

COUT MOYEN

2007/2008

Technique-BEP

54

70'837

1'312

6

12 747

2124,5

TERMINALE

2'043

6'652'860

3'256

1'265

4'455'931

3'522

260

312'801

1'203

Total

2'097

6'723'698

3'206

1'271

4 468 677

3'516

260

312 801

1'203

4 781 478

2008

PREMIERE

139

498'646

3'587

65

249'502

3'838

33

34'896

1'057

TERMINALE

115

415'521

3'613

67

242'734

3'623

14

19'111

1'365

Total

254

914'167

3'599

132

492 236

3'729

47

54 007

1'149

546 243

2008/2009

Technique-BEP

56

99'507

1'777

6

13 452

2242

PREMIERE

2'537

9'045'432

3'565

1'717

6'720'331

3'914

228

245'033

1'075

TERMINALE

2'444

8'444'073

3'455

1'639

6'246'385

3'811

233

225'199

967

Total

5'037

17'589'012

3'492

3'362

12 980 168

3'861

473

482 100

1'019

13 462 268

2009

SECONDE

169

656'733

3'886

99

392'679

3'966

34

34'802

1'024

PREMIERE

173

735'736

4'253

100

425'717

4'257

29

41'578

1'434

TERMINALE

145

643'330

4'437

81

366'506

4'525

31

46'361

1'496

Total

487

2'035'799

4'180

280

1 184 902

4'232

94

122 741

1'306

1 307 643

2009/2010

Technique-BEP

33

87'646

2'656

13

39 132

3010

12

11 867

989

SECONDE

3'117

12'168'919

3'904

2'019

8'692'614

4'305

340

451'585

1'328

PREMIERE

2'742

10'867'060

3'963

1'884

8'211'826

4'359

242

257'871

1'066

TERMINALE

2'573

10'526'528

4'091

1'789

8'215'270

4'592

197

226'245

1'148

Total

8'465

33'662'499

3'977

5'705

25 158 841

4'410

782

937 003

1'198

26 095 844

2010

SECONDE

184

747'786

4'064

120

504'847

4'207

27

45'460

1'684

PREMIERE

157

622'382

3'964

110

440'477

4'004

21

41'871

1'994

TERMINALE

158

688'098

4'355

101

442'359

4'380

25

47'141

1'886

Total

499

2'058'267

4'125

331

1 387 682

4'192

73

134 472

1'842

1 522 154

2010/2011 =provisoire= à mi campagne

Technique-BEP

4

8'608

2'152

1

2'161

2'161

Montant provisoire - à mi campagne

SECONDE

3'329

13'491'180

4'053

2'255

10'034'455

4'450

200

339'410

1'697

PREMIERE

3'183

13'194'793

4'145

2'322

10'492'624

4'519

249

434'629

1'745

TERMINALE

2'901

11'939'990

4'116

2'174

9'506'436

4'373

158

287'637

1'820

Total

9'417

38'634'571

4'103

6'752

30 035 676

4'448

607

1 061 676

1'749

31 097 352

Total général

78 812 982

Source : Ministère des affaires étrangères et européennes.

Chaque année, le coût pour l'État de cette prise en charge s'accroît de 20 millions d'euros en raison de l'augmentation aussi bien du nombre d'élèves français scolarisés que du montant des frais de scolarité. Or, la compensation par l'État de ce surcroît de charge, inscrite dans la dotation de l'AEFE sur le programme 151 de la mission « Action extérieure de l'État », n'est que de 14 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2011.

L'enveloppe de 119 millions d'euros prévue dans le projet de loi de finances pour 2011, inscrite sur l'action n° 2 « Accès des élèves français au réseau de l'AEFE » du programme 151, servira au financement de l'aide à la scolarité des élèves français à l'étranger entendue au sens large, c'est-à-dire tant des bourses scolaires que de la prise en charge des frais de scolarité des élèves français à l'étranger (communément désignée par le sigle « PEC »). L'AEFE rappelle, ainsi, que l'augmentation de 19 millions d'euros de la dotation enregistrée entre 2008 et 2009 sur le programme 151 (de 67 millions d'euros à 86 millions d'euros) et entre 2009 et 2010 (de 86 millions d'euros à 105 millions d'euros) a servi à financer non seulement les dépenses supplémentaires générées par la PEC mais également par la croissance naturelle du dispositif de bourses.

La dotation de 119 millions d'euros envisagée pour 2011 ne correspond pas à l'estimation de dépense réalisée par le ministère des affaires étrangères et l'AEFE, qui s'élève à 126 millions d'euros. Cette estimation a été réalisée à partir de l'exécution enregistrée depuis la mise en place de la PEC, sur la base d'une augmentation moyenne de 5 % du nombre des bénéficiaires et de 12 % du montant moyen par élève de l'aide accordée (bourses scolaires et prise en charge).

Afin de compenser ce besoin de financement de l'agence, votre rapporteur pour avis souhaite attirer l'attention des pouvoirs publics sur les éléments suivants :

- il n'est pas envisageable d'étendre le bénéfice de la mesure au-delà des classes de lycée, sans prendre le risque de générer un coût budgétaire estimé à plus de 730 millions d'euros dans le cas où la mesure s'étendrait à l'ensemble des classes du primaire et du secondaire. Pour l'heure, le Gouvernement justifie le moratoire en se fondant sur la promesse électorale du Président de la République adressée en 2007 aux Français de l'étranger et qui ne ferait référence qu'aux seuls « lycéens » scolarisés dans un établissement d'enseignement français à l'étranger.

Néanmoins, il peut sembler pour le moins incongru de prendre en charge la scolarité des seuls lycéens, alors que l'enseignement obligatoire en France s'étend de 6 à 16 ans . En conséquence, le maintien du moratoire relève d'une certaine hypocrisie et il faudra bien, à un moment donné, avoir le courage de réexaminer les fondements mêmes de la mesure. En tout état de cause, il semblerait plus juste et plus raisonnable de substituer à la PEC une politique d'aide à la scolarité plus généreuse et plus inclusive (en d'autres termes, une véritable politique éducative en direction des Français de l'étranger, fondée sur un droit égal d'accès à l'enseignement français à l'étranger pour les élèves français) qui s'appuierait sur des bourses prenant en compte, le cas échéant, des critères sociaux et appliquant un barème différencié selon les établissements ;

- il est indispensable, pour l'heure, de mettre en oeuvre un plafonnement du montant maximal des frais de scolarité pris en charge, dans la mesure où leur fixation échappe à l'AEFE dans le cas des établissements simplement homologués. Ces derniers ont profité, en effet, de l'effet d'aubaine produit par la mesure pour augmenter sensiblement leurs frais de scolarité, en particulier aux États-Unis. À l'heure actuelle, l'AEFE, en se fondant sur une instruction relative aux modalités de la prise en charge, a déjà procédé à un plafonnement du montant des frais de scolarité des élèves français scolarisés dans des établissements homologués hors réseau AEFE sur la base des tarifs applicables à l'année scolaire 2007-2008.

Toutefois, la « cristallisation » envisagée de la prise en charge sur le montant des frais de scolarité observé en 2007, année du début de la mise en oeuvre de la mesure, peut sembler arbitraire voire injuste aux yeux des familles. Nombreux, en effet, sont les établissements qui ont profité de cette mesure pour augmenter leurs frais d'écolage depuis 2007 et ce surcroît (causé précisément par la gratuité elle-même) serait alors à la charge des familles ;

- un système de double plafonnement a été évoqué au cours des auditions conduites par votre rapporteur pour avis. Il consisterait, au-delà du plafonnement du montant maximal des frais de scolarité pris en charge, à limiter la part totale des frais de scolarité pris en charge par l'État sous la forme d'une sorte de « ticket modérateur ». Dans le cas de certains établissements, les familles seraient alors nécessairement appelées à prendre en charge une partie des frais de scolarité de leurs enfants qui serait fonction de leur situation financière et des conditions particulières du pays d'accueil (il a été évoqué, par exemple dans le cas de certains établissements, de fixer à 75 % la part des frais pris en charge par l'État, le reste devant être financé par les familles ou les entreprises). En tout état de cause, ce système de double plafonnement doit respecter des critères d'équité pour garantir autant que faire se peut une égalité de traitement, en tenant compte de la situation financière des familles et des conditions particulières propres au pays d'installation.

Compte tenu des observations précédentes, votre rapporteur pour avis soutient l'amendement de notre collègue, M. Adrien Gouteyron, au nom de la commission des finances, tendant à poser le principe d'un plafonnement du montant des frais de scolarité des élèves français à l'étranger pris en charge par l'État.

Toutefois, une cristallisation sur le niveau de 2007 (si cela devait être l'année de référence retenue par voie réglementaire) ne devrait permettre que de dégager sept millions d'euros d'économies pour l'AEFE . Outre la nécessité de réexaminer l'année de référence pour la détermination du plafond de prise en charge, la réflexion doit également se poursuivre sur la mise en oeuvre d'un double plafonnement qui appellerait également une participation des parents en fonction de leur situation (conditions du pays d'installation et revenus).

Le rapport remis le 3 novembre 2010 par nos collègues, Mme Sophie Joissains, sénatrice, et Mme Geneviève Colot, députée, au Président de la République formule des préconisations qui, si pour certaines d'entre elles sont bienvenues, ne permettront pas pour autant de résoudre l'équation budgétaire préoccupante de l'AEFE :

Préconisations du rapport Joissains-Colot
sur la prise en charge des frais de scolarité
des élèves français à l'étranger

« Il convient d'affirmer que la prise en charge des frais de scolarité n'est financée ni par les bourses ni par le fonds social qui dans la loi de finances, se trouvent dans le même programme 151, ni au détriment du programme 185.

Les rapporteurs s'interrogent sur le prélèvement de 6 % opéré par l'AEFE sur les établissements. Ce prélèvement est partiellement justifié par le financement des pensions civiles. Il a été immédiatement répercuté par les établissements sur les frais d'écolage et donc sur la PEC.

Les parlementaires sont conscientes des tensions sur les budgets concernés et ont bien entendu les doutes persistants chez les dirigeants de la DFAE concernant l'équilibre budgétaire à partir de 2013.

Dans le contexte budgétaire actuel afin d'assurer la stabilisation du système et d'en contrôler l'impact budgétaire, les parlementaires proposent :


• Le prolongement du moratoire sur l'extension de la PEC stabilisant l'application de la PEC aux seules classes de seconde, première et terminale. L'extension de la PEC devant être programmée en fonction des possibilités budgétaires.


• La cristallisation de la PEC au niveau des frais de scolarité de l'année scolaire 2007/2008 par établissement, sur l'ensemble des établissements faisant partie du réseau de l'AEFE. Ainsi nos compatriotes expatriés seront associés à l'effort national de rééquilibrage des comptes publics. En se référant à l'année scolaire 2007/2008 l'effet d'aubaine dont voudraient profiter certains établissements n'est pas possible.

Pour tenir compte de l'inflation cette cristallisation doit être soumise à une indexation de 3 % par an.

Sur ces bases les rapporteurs ont effectué des projections présentées plus loin.

Ces mesures situent le coût de la PEC à 53 millions d'euros lato sensu , en 2011/2012. Pour prendre la mesure du coût net de la PEC il faut en déduire le coût des bourses qui de toute manière seraient payées.


• Une présentation différenciée des crédits budgétaires de la PEC et des bourses.

Il faut créer dans l'action 2 du programme 151 deux sous-actions, l'une pour les bourses, l'autre pour la prise en charge. Dans sa présentation actuelle la lisibilité est insuffisante et laisse penser que la prise en charge est financée sur l'enveloppe des bourses.


• Une gestion rénovée des aides à la scolarité. Le versement de la PEC n'ayant aucune raison de donner lieu à une étude individualisée des dossiers doit pouvoir être traité administrativement de manière simple et efficace. Ceci implique que les demandes de PEC s'assurent uniquement de la nationalité française, de l'inscription au registre mondial des Français établis hors de France, du lieu effectif de résidence et de la situation de la famille vis-à-vis de la CAF, à l'exclusion de toute autre considération financière.


• Un ajustement des interactions entre bourses et PEC par un certains nombre d'aménagements techniques pour ne pas pénaliser les familles émargeant aux deux dispositifs.

Concernant les familles ayant des enfants scolarisés au collège et au lycée il convient de faire une simulation sans la PEC, trouver ainsi le pourcentage des bourses auxquelles elles pourraient prétendre et lui attribuer ce montant déduction faite de la PEC, perçue par ailleurs.


• Il convient également de veiller à la situation des fonctionnaires expatriés et des enseignants résidents afin d'intégrer réellement aux majorations familiales ou aux avantages familiaux les frais relatifs à la scolarité, ce qui n'est pas toujours le cas, (situation rencontrée aux États-Unis). Cette question doit être traitée au niveau de leur administration d'origine.

En cas de désengagement des entreprises il est proposé :


• L'étude d'un mécanisme leur permettant de verser la part libre de la taxe d'apprentissage aux établissements français de l'étranger.


• La création d'une fondation, ou d'une association reconnue d'utilité publique pour l'enseignement français à l'étranger, permettant aux entreprises, aux collectivités locales, aux anciens élèves de se mobiliser avec le soutien de l'état en faveur de notre réseau. Le développement d'un tel mécénat nécessite d'en adapter le cadre législatif et d'en étudier la compatibilité avec les législations étrangères.


• L'Assemblée des Français de l'étranger, ainsi que les parlementaires représentant les Français de l'étranger doivent être des acteurs essentiels au sein de notre réseau scolaire à l'étranger.


• Une interrogation demeure : le ministère des affaires étrangères est-il, même par le biais de l'Agence, le mieux placé pour gérer, voire pour gérer seul, cette enveloppe budgétaire qui concerne tout autant l'éducation nationale.
»

Enfin, votre rapporteur pour avis tient à souligner les conséquences de la mise en oeuvre de la gratuité en faveur des classes de lycée sur la montée en puissance des demandes de bourses accordées sur critères sociaux :

Le tableau ci-dessus (la courbe représente le nombre de boursiers de la maternelle à la troisième ; l'histogramme figure le montant accordé en euros) illustre la forte croissance du nombre de boursiers (+ 14,5 %) et du montant accordé (+ 39,6 %) dans les classes non ouvertes à prise en charge depuis l'année scolaire 2007-2008, après une période de stagnation. Cette évolution s'explique notamment par un changement de comportement de la part des familles lié à la mise en oeuvre de la gratuité : de nombreuses familles, qui, auparavant, ne sollicitaient pas de bourses sur critères sociaux, présentent désormais une demande qui est d'autant plus justifiée que les frais de scolarité ont sensiblement augmenté sur la période.


* 4 Rapport de Mme Geneviève COLOT, fait au nom de la mission d'information sur « Le rayonnement de la France par l'enseignement et la culture » de la commission des affaires étrangères, 11 mai 2010.

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