II. QUI EST L'ÉTAT ACTIONNAIRE ?

A. DE NOMBREUX ACTEURS INTERVIENNENT DANS LA POLITIQUE DE L'ÉTAT ACTIONNAIRE

1. Une évolution chaotique au fil de l'histoire

L'histoire de la gestion des participations de l'Etat s'est longtemps caractérisée par une grande réticence à l'encontre de l'émergence organique de l'Etat actionnaire. Son autonomisation institutionnelle s'est en effet faite en plusieurs étapes, au terme d'une lente évolution.

Pendant de nombreuses années, le contrôle des entreprises publiques a été particulièrement éclaté. Cette dispersion mettait en concurrence le ministère de l'économie et les ministères sectoriels dits « de tutelle » . A cette superposition d'acteurs s'était ajoutée, en outre, une compétence de certaines autorités administratives indépendantes en la matière.

Si le ministre de l'économie est apparu très tôt comme l'incarnation de l'Etat actionnaire, il a fallu attendre la fin des années 1990 pour qu'un service à part entière de la direction du Trésor soit officiellement chargé d'assurer la fonction de l'Etat actionnaire.

Le mélange des genres a longtemps prévalu, au sein d'une direction du Trésor cumulant des fonctions de régulation et de tutelle.

Ainsi, « pendant une cinquantaine d'années, l'organisation de la direction du Trésor a mêlé étroitement les fonctions d'actionnariat, de financement, de réglementation, de régulation et de tutelle. Outre qu'il est devenu de plus en plus problématique au regard du droit communautaire, ce mélange des genres a nui à l'efficacité du contrôle de l'Etat actionnaire. La volonté de remédier à ces inconvénients a conduit à la prise de conscience d'une nécessité d'autonomiser la fonction d'Etat actionnaire 14 ( * ) » .

La première étape majeure dans l'institutionnalisation de l'Etat actionnaire a résidé dans les deux arrêtés du 2 novembre 1998 réorganisant la direction du Trésor, qui confient la fonction d'Etat actionnaire à un service à part entière, le « service des participations », chargé « du suivi de l'ensemble des entreprises publiques et des entreprises dans lesquelles l'Etat détient une participation, ainsi que des relations entre ces entreprises et l'Etat actionnaire » . Mais les effectifs de ce nouveau service restent limités à une vingtaine de personnes et certaines compétences financières lui échappent toujours.

Afin de remédier à cet éclatement et de favoriser la coordination interministérielle a enfin été créée l'Agence des participations de l'Etat (APE), conformément aux recommandations du rapport Barbier de La Serre 15 ( * ) du 24 février 2003, qui considérait qu'il était essentiel « que la mission d'actionnaire de l'Etat soit clairement distinguée de ses autres fonctions et que ses moyens soient confortés, parallèlement à une clarification du mode de gouvernement des entreprises publiques » .

Le décret n° 2004-963 du 9 septembre 2004 portant création du service à compétence nationale de l'Agence des participations de l'Etat est censé consacrer cette autonomisation de la fonction d'Etat actionnaire. Il précise que l'APE propose au ministre la position de l'Etat actionnaire en ce qui concerne la stratégie des entreprises qui ressortent de sa compétence. Cette agence est par ailleurs dotée du statut de service à compétence nationale 16 ( * ) .

2. Malgré la création de l'APE, une diversité des acteurs

Malgré la création de l'Agence des participations de l'Etat, censée incarner organiquement la fonction spécifique de l'Etat actionnaire, agissant en tant qu'investisseur, d'autres entités ont aujourd'hui à connaître de la politique actionnariale de l'Etat et leur coordination avec l'action de l'APE n'est pas clarifiée.

Le Fonds stratégique d'investissement occupe ainsi une place particulière dans la mesure où il n'est détenu qu'à 49 % par l'Etat et à 51 % par la Caisse des dépôts et consignations. Il a pour objet de faire prévaloir le développement industriel du pays.

Quant à la Caisse des dépôts et consignations , dont le rôle d'investisseur institutionnel a été considérablement renforcé dans les années 2000, elle échappe au champ de compétence de l'APE.

Par ailleurs, de nombreuses difficultés n'ont pas été résolues à ce jour, comme l'a montré le rapport public annuel de la Cour des comptes de 2008.

Tout d'abord, les difficultés de coordination n'ont pas disparu, notamment entre la sous-direction chargée du contrôle de la Caisse des dépôts et consignations et l'APE.

Par ailleurs, les arbitrages ne sont pas systématiquement centralisés au niveau de l'APE et ne sont pas toujours cohérents. Ainsi le rapport de la Cour des comptes indiquait : « les considérations autres que patrimoniales sont intégrées dans la politique de l'Etat actionnaire en fonction d'arbitrages ponctuels, dans lesquels interviennent les différents pôles de l'exécutif, sans véritable cohérence d'ensemble ».

Enfin, les effectifs de l'APE , malgré leur renforcement, peuvent encore paraître insuffisants.

Votre rapporteur pour avis rappelle que le rapport public annuel de la Cour des comptes de 2008 était déjà alarmant sur le thème de la gouvernance de l'Etat actionnaire.

Il préconisait ainsi : « Indépendamment de la mission de valorisation patrimoniale confiée à l'Agence des participations de l'Etat, un véritable pilotage stratégique global des participations de l'Etat, à l'échelon de l'administration, continue à faire défaut. Par nature, il devrait avoir une portée interministérielle » .


* 14 L'Etat actionnaire, Anémone Cartier-Bresson (2010, LGDJ, Lextenso éditions).

* 15 Rapport à M. Francis Mer, Ministre de l'économie, des finances et de l'industrie : « L'Etat actionnaire et le gouvernement des entreprises publiques » établi par MM. René Barbier de La Serre, Jacques-Henri David, Alain Joly et Philippe Rouvillois (24 février 2003).

* 16 Régis par le décret n° 97-464 du 9 mai 1997, ces services de l'administration centrale bénéficient d'une certaine autonomie tout en étant soumis à l'autorité du ministre.

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