B. UNE CONFUSION DES INTÉRÊTS ET DES OBJECTIFS

La multiplicité des acteurs intervenant et jouant un rôle dans la stratégie de l'Etat actionnaire met en jeu des intérêts et des objectifs différents, qui ne présentent pas toujours une grande cohérence d'ensemble, voire risquent d'imprimer à cette politique des contradictions évidentes. En effet, ni l'APE, ni la CDC, ni le FSI n'appréhendent cette politique de la même manière, à l'aune des mêmes objectifs ou en fonction des mêmes intérêts.

En effet, comme le rappelle la présentation du programme 731 dans le projet annuel de performance, l'objectif de l'Agence des participations de l'Etat est un objectif de pure valorisation patrimoniale :

« La finalité du programme est de contribuer à la meilleure valorisation possible des participations financières de l'Etat ; dans ce but, l'Etat actionnaire se voit assigner deux objectifs :

- veiller à l'augmentation de la valeur des participations financières ;

- assurer le succès des opérations de cession des participations financières. »

Cette disparité d'objectifs est également visible dans les différents indicateurs de performance retenus.

Pour l'APE, chargée de mettre en oeuvre, notamment, le programme 731 du compte d'affectation spéciale « participations financières de l'Etat », les indicateurs permettant de mesurer l'atteinte ou non de l'objectif d'augmentation des participations de l'Etat sont ainsi naturellement des indices de rentabilité financière : la rentabilité opérationnelle des capitaux employés, la rentabilité financière des capitaux propres, la marge opérationnelle, la soutenabilité de l'endettement et la distribution de dividendes. Votre rapporteur pour avis remarque que ces indicateurs ne tiennent pas compte de l'objectif de stratégie industrielle pourtant mis en avant par la nouvelle organisation de l'APE.

Pour le FSI, les investissements tiendront davantage compte de critères comme l'apport de telle entreprise à la croissance économique, du point de vue industriel ou du point de vue de l'emploi 17 ( * ) .

Un investissement rentable d'un point de vue de la valorisation patrimoniale - c'est-à-dire par exemple qui rapporterait à l'Etat d'importants dividendes -, peut-il coïncider avec un investissement qui permettrait de relancer l'activité d'une entreprise qui a des projets de croissance au sein d'une filière industrielle, sans être forcément rentable pour l'Etat en termes de dividendes distribués ?

Cette disparité d'objectifs se retrouve également au niveau interministériel, comme le montre le rapport public de la Cour des comptes de 2008, qui pointait cette faiblesse : « Alors que l'Agence des participations de l'Etat a pour mission première la défense des intérêts patrimoniaux de l'Etat, la direction du budget s'attachant pour sa part à la défense des intérêts budgétaires, les ministères et directions techniques inscrivent leur action dans le cadre plus large des politiques publiques sectorielles ».

Il indiquait aussi, s'agissant des rôles respectifs de l'Etat et de la Caisse des dépôts et consignations : « Coexiste ainsi, avec l'Etat actionnaire, essentiellement impécunieux, représenté par l'Agence des participations de l'Etat, une autre incarnation de l'Etat, celui-là investisseur institutionnel public, présent au capital de plusieurs sociétés du CAC 40, et tous deux détiennent parfois des participations dans de mêmes entreprises ».

Enfin, l'APE ne semble pas avoir précisément clarifié la définition du rôle de l'Etat en tant qu'actionnaire minoritaire, ni les modalités de contrôle et de participation et de comportement que cela implique.

Ces ambiguïtés peuvent parfois mener à des contradictions importantes, comme l'ont par exemple récemment montré les divergences importantes entre l'Etat et la Caisse des dépôts sur la valorisation de La Poste.


* 17 La commission des finances, réunie le mercredi 17 novembre 2010 sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, a procédé à l'examen du rapport spécial de M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur spécial, sur le compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'Etat ». Votre rapporteur pour avis se réjouit de sa proposition de consacrer une mission de contrôle sur pièces et sur place au FSI dans le courant de l'année 2011.

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