IV. RENFORCER L'ATTRACTIVITÉ DE NOTRE PAYS COMME ESPACE DE FORMATION DES JEUNES ÉLITES MONDIALES

A. LA FRANCE EST RÉTROGRADÉE AU 4E RANG MONDIAL DES PAYS D'ACCUEIL DES ÉTUDIANTS ÉTRANGERS

Le nombre d'étudiants étrangers en France dans les établissements d'enseignement supérieur rattachés au ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche a augmenté de près de 43 % depuis 2001-2002, pour atteindre 228 009 en 2010-2011 (hors université de Nouvelle-Calédonie). Si l'on ajoute les étudiants inscrits dans d'autres établissements d'enseignement supérieur (écoles d'ingénieur, de commerce, classes préparatoires aux grandes écoles, etc.), le nombre total d'étudiants étrangers en France atteint près de 280 000 en 2009-2010. La population étudiante étrangère représente ainsi désormais, en 2010-2011, 11,9 % des étudiants inscrits dans l'enseignement supérieur français (contre 11,7 % l'année universitaire précédente).

La diversification de l'origine des étudiants étrangers accueillis en France se poursuit, la part des pays d'Asie ayant progressé de 38 % en cinq ans (40 000 étudiants) et celle d'Amérique de 29 % (20 000 étudiants). Dans le même temps, la part des étudiants d'Afrique (Afrique du Nord et Afrique subsaharienne) est passée de 55 % il y a cinq ans à 45 % aujourd'hui (110 000 étudiants), tandis que l'Europe se maintient (+ 3 % : 57 000 étudiants).

Toutefois, ces résultats masquent une réalité préoccupante : la France perd du terrain dans la concurrence internationale particulièrement prononcée en matière d'attractivité auprès des élites étrangères. En effet, notre pays s'est vu, cette année, relégué au 4 e rang mondial des pays d'accueil des étudiants étrangers, cédant la 3 e place à l' Australie qui a conduit une politique offensive en assouplissant ses conditions d'octroi de visas au bénéfice des étudiants étrangers .

Force est de constater que notre pays a multiplié les messages contradictoires auprès des étudiants étrangers . En particulier, deux circulaires, la première signée par le ministre de l'intérieur et le ministre du travail, la seconde signée par le ministre de l'intérieur et le ministre des affaires étrangères, sont venues, en 2011, miner les efforts conduits par nos espaces CampusFrance à l'étranger en vue de promouvoir l'ouverture de notre système d'enseignement supérieur à l'international et de faciliter les procédures de délivrance de visas au bénéfice des étudiants étrangers.

En effet, ces deux circulaires ont conduit à un resserrement des conditions d'octroi de permis de séjour aux étudiants étrangers ainsi qu'à un allongement dissuasif des délais de délivrance des autorisations de travail pour les étrangers diplômés de l'enseignement supérieur français.

La Conférence des grandes écoles s'est, ainsi, inquiétée des conséquences dévastatrices de ces circulaires pour l'attractivité de notre système d'enseignement supérieur. La Conférence des présidents d'université a estimé, pour sa part, que ces textes portaient un préjudice grave aux conventions passées avec les universités étrangères.

Contrairement à une idée avancée par certains, nos viviers de compétences dans un certain nombre de secteurs sont insuffisants et les talents acquis par les étudiants étrangers sur notre territoire, et pour lesquels notre pays a dépensé des sommes significatives, sont indispensables . Le ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, M. Laurent Wauquiez, reconnaissait lui-même que, dans un domaine aussi stratégique que celui des ingénieurs, la France forme 30 000 diplômés par an alors qu'elle en aurait besoin de 40 000 5 ( * ) .

Lors de son audition devant la commission de la culture, le 8 novembre 2011, le ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, M. Laurent Wauquiez a rappelé que la circulaire dite « Guéant-Bertrand » n'avait pas pour objet principal la situation des étudiants étrangers qui ne sont concernés que par un paragraphe d'un document qui définit une politique sans doute plus restrictive en matière d'immigration. Le point traité par la circulaire concerne l'étudiant étranger qui a achevé sa formation et qui demande l'autorisation de travailler dans notre pays. A cet égard, la circulaire ne procède, selon le ministre, qu'à un simple rappel du droit qui s'est cependant traduit par une application incorrecte sur le terrain.

On estime de 300 à 400 le nombre d'étudiants étrangers dotés d'un diplôme hautement qualifié qui auraient été pénalisés par la mise en oeuvre de cette circulaire. Dans ces conditions, le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche a réuni les différents responsables afin de mettre au point une méthode de travail. Les dossiers sont ainsi traités les uns après les autres afin de corriger les cas aberrants.

Mme Bariza Khiari, membre de notre commission, a déposé un projet de résolution qui invite le Gouvernement à respecter la lettre et l'esprit de la loi de 2006 permettant, sous certaines conditions, à des ex-étudiants étrangers de travailler en France. Selon cette résolution, cette loi qui « permet aux étudiants étrangers titulaires d'un diplôme équivalent master et d'une promesse d'embauche de séjourner en France dans le cadre d'une première expérience professionnelle », est « dénaturée non seulement par la circulaire du 31 mai 2011 », mais « surtout par son application administrative ».

Par ailleurs, votre rapporteur pour avis souhaite rappeler que la coopération éducative qu'entretient notre pays avec ses principaux partenaires repose également sur des programmes d'échanges réciproques, tels que le programme des assistants de langue étrangers accueillis en France. Chaque année, en effet, le ministère de l'éducation nationale finance environ 5 500 postes d'assistants de langue sur une durée de sept mois, d'octobre à avril. Ces jeunes étrangers viennent en soutien à nos professeurs de langue tant dans nos établissements primaires que secondaires. Plus de la moitié de ces assistants, 3 000 environ, sont de langue anglaise, dont un contingent important d'Américains (1 450) et de Britanniques (1 200).

Or, le ministère de l'éducation nationale envisagerait de supprimer 1 200 postes d'assistants à la rentrée 2012. Votre rapporteur pour avis s'interroge sur l'opportunité d'une telle réduction au moment même où un effort particulier devrait être entrepris en faveur de l'apprentissage des langues étrangères dans notre pays conformément aux directives européennes préconisant l'enseignement de deux langues à l'école.


* 5 Éditorial du Monde du 17 novembre 2011.

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