C. LA MISE EN PLACE DE L'ÉTABLISSEMENT PUBLIC CAMPUS FRANCE : UNE MÉSENTENTE PRÉOCCUPANTE ENTRE LES MINISTÈRES DE TUTELLE

1. Un retard significatif pris dans la publication du décret relatif à la mise en place de l'EPIC Campus France

La création de l'établissement public à caractère industriel et commercial Campus France, prévue par la loi du 27 juillet 2010, permettra de regrouper au sein d'une même entité le groupement d'intérêt public (GIP) CampusFrance, l'association EGIDE ainsi que les activités internationales du Centre national des oeuvres universitaires et scolaires (CNOUS), et débouchera sur la mise en place d'une chaîne de l'accueil des étudiants étrangers allant de la promotion de l'enseignement supérieur français à l'étranger à la gestion par un guichet unique de la mobilité et de l'accueil des étudiants étrangers.

Placé sous la tutelle conjointe des ministères des affaires étrangères et de l'enseignement supérieur et de la recherche, le nouvel établissement public aura notamment pour missions :

- la valorisation et la promotion à l'étranger du système d'enseignement supérieur et de formation professionnelle français, y compris par le suivi régulier des ressortissants étrangers ayant accompli tout ou partie de leur cursus dans le système français d'enseignement ou le réseau d'enseignement français à l'étranger ;

- l'accueil des étudiants et chercheurs étrangers, y compris l'aide à la délivrance des visas et l'hébergement, en appui aux universités, aux écoles et aux autres établissements d'enseignement supérieur et de recherche, ainsi qu'aux collectivités territoriales ;

- la gestion de bourses, de stages et d'autres programmes de la mobilité internationale des étudiants et des chercheurs ;

- la promotion et le développement de l'enseignement supérieur dispensé au moyen des nouvelles technologies de l'information et de la communication.

Sous réserve de la résolution des derniers arbitrages liés au transfert d'emplois et de masse salariale du réseau des oeuvres universitaires vers l'EPIC, le décret relatif à la mise en place de l'EPIC Campus France pourrait être publié d'ici à la fin de l'année afin de permettre une création effective de l'EPIC Campus France au 1 er janvier 2012, le transfert des bourses gérées par le CNOUS n'ayant lieu qu'au 1 er septembre 2012.

Le retard pris dans la publication du décret par rapport au calendrier initial de la loi du 27 juillet 2010, qui prévoyait une intégration des activités internationales du CNOUS au sein de l'EPIC au plus tard en décembre 2011, est lié à la nécessité de redéfinir le modèle économique de l'EPIC.

Votre rapporteur pour avis a pu constater, au fil de ses auditions, que la principale difficulté résidait dans l'accompagnement du transfert des activités internationales du Centre national des oeuvres universitaires et scolaires (CNOUS) par le transfert des personnels correspondants. On estime à 43 le nombre de personnes employées au sein de la sous-direction des affaires internationales (SDAI) du CNOUS.

Pour l'heure, le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche n'est disposé à transférer que 22 postes de la SDAI du CNOUS au nouvel EPIC Campus France, avec une masse salariale qui ne couvrirait, du reste, que 15 postes. Cette situation ne permettra pas, à l'évidence, au nouvel opérateur de mener à bien la gestion de l'ensemble des bourses du Gouvernement français (BGF) et des bourses des gouvernements étrangers (BGE) : il lui faut disposer autant que faire se peut, par le biais des mises à disposition à titre gratuit ne pouvant excéder une durée totale de deux ans et demi 6 ( * ) , de l'expertise des personnels de la SDAI, quitte à ce que ces personnels forment de nouveaux recrutés au sein de Campus France avant de retourner dans leurs cadres d'origine.

Le ministère des affaires étrangères estime que 167 ETP sont, à l'heure actuelle, nécessaires afin d'assurer la gestion des bourses destinées aux étudiants étrangers. En effet, sont aujourd'hui consacrés à la gestion de ces bourses : 101 ETP au sein d'EGIDE, 43 au sein de la SDAI du CNOUS et près de 70 ETP au niveau des CROUS en régions (étant entendu que ces personnels ne se consacrent pas, dans les CROUS, qu'à la seule gestion des bourses, mais interviennent également en matière de logement et de vie étudiante).

Dans ces conditions, le ministère des affaires étrangères réclame le transfert au nouvel EPIC Campus France de 67 ETP qui s'ajouteraient à la centaine d'ETP dont dispose déjà EGIDE, avec masse salariale correspondante, afin de pouvoir maintenir à son niveau actuel le nombre total des effectifs gérant les boursiers étrangers dans notre pays. Pour autant, le Quai d'Orsay n'aspire en aucune manière au dépouillement du CNOUS et des CROUS des personnels qui assuraient jusqu'ici la chaîne de traitement de l'accueil des étudiants étrangers. Si l'on peut concevoir que les effectifs de la SDAI du CNOUS soient reportés sur le nouvel EPIC appelé à centraliser la gestion des bourses dans une logique d'un guichet unique, il n'en demeure pas moins que les CROUS devront continuer à disposer de personnels leur permettant d'accueillir en régions les étudiants étrangers comme ils le font déjà aujourd'hui en matière de logement et de vie étudiante.

En 2011, le CNOUS a géré un montant de 68 millions de bourses destinées aux étudiants étrangers, dont 25 millions d'euros pour les BGF et 43 millions d'euros pour les BGE. Le CNOUS a constaté une baisse de ses activités liées à la gestion des boursiers étrangers, en raison, d'une part, d'une réorientation par le ministère des affaires étrangères de plus en plus significative des BGF vers EGIDE plutôt que vers le réseau des oeuvres, et, d'autre part, d'une attente croissante de la part des gouvernements étrangers de clarification de la situation en matière de gestion des bourses. En 2008, la subvention consentie au CNOUS par le ministère des affaires étrangères en vue de la gestion des BGF s'établissait à 33 millions d'euros, contre 25 millions d'euros en 2011.

Le réseau des oeuvres universitaires craint qu'une dépossession de leurs activités de gestion des bourses destinées aux étudiants étrangers au profit du nouvel EPIC conduise, en particulier, à un resserrement de ses contraintes en moyens humains et financiers qui sont déjà significatives. En effet, les subventions publiques consenties au CNOUS et aux CROUS au titre du programme 231 « Vie étudiante » de la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur » ont connu une dégradation régulière, de 435,9 millions d'euros en 2010 en crédits de paiement, à 425,5 millions d'euros en 2011 (soit une diminution de 2,4 %), pour s'établir, dans le projet de loi de finances pour 2012, à 423,7 millions d'euros.

Il est clair que, compte tenu de la diminution de ses ressources publiques, le réseau des oeuvres redoute le transfert de l'intégralité de la gestion des bourses destinées aux étudiants étrangers au nouvel EPIC dans la mesure où cela le priverait potentiellement :

- d'un certain nombre d'ETP qui auraient pu être reconvertis, à la suite du transfert, en postes d'assistants sociaux dont sont particulièrement demandeuses les organisations étudiantes ;

- de l'excédent généré par la gestion des BGE que le CNOUS reverse en règle générale aux activités de la vie étudiante. De toute évidence, le CNOUS ainsi que les organisations étudiantes sont légitimement attachés à cet excédent, de l'ordre de 2,2 millions d'euros, qui permet de faire « respirer » un certain nombre d'actions qui ne peuvent aujourd'hui être financées sur les seules subventions versées au réseau des oeuvres.

Par ailleurs, du fait de son statut initial de groupement d'intérêt public, CampusFrance comptait des adhérents qui étaient directement associés à la détermination de ses moyens. Jusqu'ici la présidence du GIP CampusFrance était réservée à un président d'université. Or, dans le cadre du nouvel EPIC, les représentants de la communauté universitaire (au premier chef, la Conférence des présidents d'université), bien que présents au sein de son conseil d'administration, regrettent de ne plus disposer d'un poids équivalent à celui dont ils jouissaient, en tant qu'adhérents à la structure, dans le cadre du GIP. Cette crainte de marginalisation, si elle n'est pas résolue par un effort de pédagogie et de répartition claire des responsabilités, peut effectivement miner la participation d'acteurs sur lesquels repose toute la valeur ajoutée du nouvel opérateur.

En outre, dans le cadre de la loi n° 2007-1199 du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités (dite « loi LRU »), les présidents d'université sont chargés de conduire le développement de la politique internationale de leur établissement. Dès lors, si l'on ne prend pas soin d'associer étroitement les membres de la communauté universitaire, on prend le risque d'une multiplication de politiques distinctes dans une série d'efforts non coordonnés et potentiellement concurrents .

Votre rapporteur pour avis rappelle, néanmoins, l'urgence de la mise en place du nouvel EPIC, compte tenu des difficultés financières rencontrées par l'association EGIDE, qui a accusé un déficit chronique depuis les trois dernières années malgré des efforts considérables 7 ( * ) : 4 millions d'euros en 2008, 1,7 million d'euros en 2009 et 1,2 million d'euros en 2010.

Dans un rapport établi à la demande de la commission des finances du Sénat, rendu public le 13 octobre 2010, la Cour des comptes estime que « des facteurs multiples ont mis l'association Égide en danger et posent la question de l'équilibre financier du futur EPIC Campus France ». L'enquête souligne ainsi qu'EGIDE « demeure en proie à des difficultés financières sérieuses », résultant essentiellement des « défaillances d'une tutelle qui s'est révélée incapable d'imposer un opérateur unique, de dégager une visibilité sur sa stratégie, ses objectifs et le niveau de ses moyens, enfin d'assurer le pilotage de la mise en place du nouvel EPIC ».

Comme facteurs de la dégradation du compte d'exploitation de l'association, la Cour des comptes relève notamment « la diminution rapide du volume des fonds gérés pour le ministère, qui représentent deux tiers de son activité, un déficit structurel de l'activité en matière de bourses, missions et invitations (BMI) en raison d'une rémunération inférieure à ses coûts, la réduction de son champ d'intervention au profit des autres institutions publiques, la réalisation d'activités événementielles pesant sur la rentabilité de l'opérateur et la croissance des charges destinées à assurer une qualité de prestation reconnue mais non couverte par des financements ».


* 6 Article 4 de la loi n° 2010-873 du 27 juillet 2010.

* 7 EGIDE a notamment consenti à un plan de départs volontaires de 50 ETP.

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