2. Le devenir des élèves de seconde professionnelle

L'engouement des familles et des élèves, qui croient à la revalorisation de la voie professionnelle et qui sont portés par un espoir de promotion sociale, est réel. Mais cet espoir risque d'être déçu et de générer une grande frustration, si les promesses simultanées d'insertion professionnelle et de poursuite dans le supérieur ne sont pas tenues.

Dans son avis budgétaire précédent, votre rapporteure avait insisté sur le fait qu'il faudrait in fine juger la réforme sur pièces lorsque les nouveaux bacheliers arriveraient sur le marché du travail. Ce moment arrivera à l'été 2012, dans un contexte économique très difficile, alors que les entreprises ont peu de visibilité sur leurs perspectives d'embauche à court terme et sur les compétences et les métiers dont elles auront besoin pour se développer à moyen terme.

Mais il est d'ores-et-déjà possible de discerner de grandes tendances, ne serait-ce que sur la cohorte expérimentale qui avait anticipé la réforme en 2008 et sur le déroulement des deux premières années de formation pour les autres. À cet égard, et en laissant pour l'instant de côté les questions de la poursuite en BTS et de l'insertion professionnelle au niveau IV, votre rapporteure s'inquiète de la tension qui se matérialise entre deux objectifs essentiels de la réforme : augmenter le nombre de bacheliers professionnels d'une part, réduire les sorties sans qualifications, d'autre part.

Bien qu'il soit légitime de faire accéder un maximum de jeunes au baccalauréat, la réforme ne doit surtout pas fragiliser la scolarité des élèves les plus faibles qui n'ont plus le temps désormais de reprendre confiance en eux après des années de collège souvent difficiles. Dans son principe même, la réforme portait les germes d'un conflit entre deux priorités potentiellement antagonistes, la lutte contre le décrochage scolaire et l'élévation du niveau de qualification. Sa mise en oeuvre pratique pourrait malheureusement conduire, éventuellement à augmenter le nombre de bacheliers, mais surtout à accroître les sorties du système éducatif.

Les inspections générales, dans leur dernier rapport de suivi de la réforme, se sont penchées sur le devenir des élèves de seconde professionnelle à la rentrée 2010. D'après leurs enquêtes, le taux d'accès en première se situait entre 75 % dans les académies de Lille et de Nancy-Metz et 82 % dans l'académie de Bordeaux, soit une légère dégradation par rapport à l'an passé mais sur des flux plus importants. Le ministère de l'éducation nationale a confirmé nationalement un taux de passage d'environ 78 % en 1 ère professionnelle .

En revanche, des taux de redoublements significatifs ont été enregistrés, jusqu'à 6 % dans les académies de Lille et de Versailles, soit plus que dans les anciens BEP. 22 ( * )

En outre et plus gravement, le nombre des sorties du système scolaire a augmenté de 3 points au niveau national et converge vers environ 14 %. Derrière le terme de « sorties » peuvent se cacher plusieurs événements de portée plus ou moins sérieuse : exceptionnellement un emploi, beaucoup plus probablement un départ vers l'apprentissage, une prise en charge par la mission générale d'insertion, voire une rupture définitive avec tout système de formation.

Deux problèmes se croisent dans l'appréhension des sorties : l'appréciation des causes des sorties et la difficulté pour l'éducation nationale de suivre les parcours des élèves. Tant les lycées que les académies ne réalisent pas de suivi suffisant du devenir des élèves qui quittent la scolarité. Il est dès lors difficile de mesurer la gravité du phénomène. Néanmoins, la hausse des sorties, même vers d'autres types de formation, constitue clairement « une alerte sur le fonctionnement de la seconde professionnelle . » 23 ( * ) Outre les effets délétères de l'orientation par défaut et par l'échec, que la réforme n'est pas parvenue à endiguer, il faut pointer notamment la pression sur les élèves plus fragiles et les défaillances de l'accompagnement personnalisé , pourtant leitmotiv pédagogique du ministère.

Si cette tendance se confirmait, la réforme se solderait par un accroissement sérieux des inégalités sociales et scolaires, qui signerait son échec et la nécessité d'en revoir profondément l'architecture.


* 22 IGEN-IGAENR, Suivi de la mise en oeuvre de la rénovation de la voie professionnelle, n° 2011-019, février 2011, p. 5.

* 23 Ibid. p. 7.

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