N° 152

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2012-2013

Enregistré à la Présidence du Sénat le 22 novembre 2012

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (1) sur le projet de loi de finances pour 2013 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

TOME I

ACTION EXTÉRIEURE DE L'ÉTAT

Par M. Louis DUVERNOIS,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : Mme Marie-Christine Blandin , présidente ; MM. Jean-Étienne Antoinette, David Assouline, Mme Françoise Cartron, M. Ambroise Dupont, Mme Brigitte Gonthier-Maurin, M. Jacques Legendre, Mmes Colette Mélot, Catherine Morin-Desailly, M. Jean-Pierre Plancade , vice-présidents ; Mme Maryvonne Blondin, M. Louis Duvernois, Mme Claudine Lepage, M. Pierre Martin, Mme Sophie Primas , secrétaires ; MM. Serge Andreoni, Maurice Antiste, Dominique Bailly, Pierre Bordier, Mme Corinne Bouchoux, MM. Jean Boyer, Jean-Claude Carle, Jean-Pierre Chauveau, Jacques Chiron, Claude Domeizel, Mme Marie-Annick Duchêne, MM. Alain Dufaut, Jean-Léonce Dupont, Vincent Eblé, Mmes Jacqueline Farreyrol, Françoise Férat, MM. Gaston Flosse, Bernard Fournier, André Gattolin, Jean-Claude Gaudin, Mmes Dominique Gillot, Sylvie Goy-Chavent, MM. François Grosdidier, Jean-François Humbert, Mmes Bariza Khiari, Françoise Laborde, M. Pierre Laurent, Mme Françoise Laurent-Perrigot, MM. Jean-Pierre Leleux, Michel Le Scouarnec, Jean-Jacques Lozach, Philippe Madrelle, Jacques-Bernard Magner, Mme Danielle Michel, MM. Philippe Nachbar, Daniel Percheron, Marcel Rainaud, Michel Savin, Abdourahamane Soilihi, Alex Türk, Hilarion Vendegou, Maurice Vincent.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : 235 , 251 à 258 et T.A. 38

Sénat : 147 et 148 (annexe n° 1 ) (2012-2013)

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs

Inlassablement depuis 2005, la politique culturelle extérieure de la France porte les stigmates de la restriction budgétaire. Dans un projet de loi de finances pour 2013 considérablement contraint, le programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence » de la mission « Action extérieure de l'État » ne fera logiquement pas exception, et se verra appliquer la norme gouvernementale de réduction de 7 % des dépenses de fonctionnement, d'intervention ou de subventions aux opérateurs.

Concerné de longue date par les efforts de maîtrise budgétaire, le ministère des affaires étrangères a acquis, bon gré mal gré, une certaine expérience en matière d'économies. Si nous pouvons faire confiance, encore une fois, à l'esprit de responsabilité de nos représentants et de nos agents culturels à l'étranger pour promouvoir fidèlement l'image de notre pays en dehors de ses frontières qu'il pleuve, qu'il vente ou qu'il neige, nous devons, en revanche, prendre garde à ce qu'un sentiment de fatalité doublé d'une démotivation durable ne les gagne.

Conscient des nombreux efforts que les opérateurs de notre rayonnement culturel ont consentis jusqu'ici, votre rapporteur pour avis aura à coeur, tout au long du présent rapport, de veiller à ce que l'application des normes de réduction budgétaire ne se fasse pas à l'aveugle et permette de préserver, malgré tout, la soutenabilité financière à terme de notre dispositif d'action culturelle à l'étranger. D'un montant de 751,7 millions d'euros en 2012, les crédits de paiement du programme 185 s'établissent à 747,6 millions d'euros dans le projet de budget pour 2013, soit une diminution de 0,54 %. Si l'on peut se féliciter de cette réduction maîtrisée des moyens sur l'ensemble du périmètre du programme 185, votre rapporteur pour avis entend alerter le Sénat sur le fait que les efforts de réduction portent principalement sur deux axes fondamentaux de notre politique culturelle extérieure :

- les crédits dédiés à l'animation du réseau, qui comprennent non seulement les frais de communication, d'informatique, de missions et de représentation mais également les moyens consacrés à la formation des agents, diminuent de 6,4 %, les crédits de soutien au réseau culturel étant en particulier réduits de 5,6 % ;

- les crédits de la coopération culturelle et de promotion du français accusent la baisse la plus importante du programme , de l'ordre de 6,5 millions d'euros, soit une diminution de 7,66 %.

Ces deux postes de dépenses représentent à eux seuls des économies de plus de 6,7 millions d'euros, soit plus de 164 % de l'effort global consenti sur le programme 185, évalué à un peu plus de 4 millions d'euros. Les économies réalisées sur la coopération culturelle permettent, ainsi, de financer en partie l'augmentation des moyens consacrés à la politique d'attractivité de la France et de promotion de son système d'enseignement supérieur auprès des élites étrangères (+ 4 %) et à notre réseau d'enseignement français à l'étranger (+ 1,3 %).

L'effort consenti par notre pays au financement de la Francophonie multilatérale est évalué, en 2013, à 61,4 millions d'euros, soit une stabilisation en valeur par rapport aux contributions de 2012 (hors financement du sommet de la Francophonie de Kinshasa). Pour autant, les actions spécifiquement consacrées par les opérateurs de la Francophonie à la promotion du français et de la diversité culturelle ont été relativement éclipsées par l'adhésion à l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF) en tant que membres associé et observateur de pays au sein desquels la pratique du français est encore très minoritaire (Qatar et Uruguay), ainsi que par les déclarations des chefs d'État et de gouvernement des pays francophones sur le renforcement de l'État de droit et des droits de l'homme dans l'espace francophone lors du XIV e sommet de la Francophonie à Kinshasa, au mois d'octobre 2012.

En outre, la sincérité des engagements de la France en faveur de la Francophonie est entachée par une pratique durable des gels de crédits qui continuent de rogner sur les contributions effectivement versées aux opérateurs de la Francophonie, et diminuent d'autant plus l'autorité morale de notre pays dans la définition des grandes orientations de l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF).

« Si la culture est un commerce intellectuel, c'est aussi un commerce réel avec des parts de marché à conquérir. Notre système jacobin est-il le mieux à même de relever ce défi ? N'est-il pas de nature à freiner l'émulation et à brider l'initiative, indispensables sur le marché des talents ? » C'est du moins l'interrogation du Figaro au terme d'une grande enquête 1 ( * ) : « La culture française a-telle encore une influence ? », en prélude du Forum d'Avignon de novembre 2012, portant, signe prémonitoire et encourageant, sur « La culture : les raisons d'espérer ».

I. LE RÉSEAU CULTUREL FRANÇAIS À L'ÉTRANGER UNE NOUVELLE FOIS RUDEMENT MIS À L'ÉPREUVE

A. UN AMENUISEMENT CONTINU DES RESSOURCES DU RÉSEAU CULTUREL SUR LONGUE PÉRIODE

1. Les crédits culturels auront été amputés d'un quart sur la période 2007-2013

Les crédits spécifiquement consacrés à l'action culturelle extérieure regroupent les sommes nécessaires au fonctionnement du réseau culturel à l'étranger, la subvention pour charges de service public allouée à l'Institut français, les instruments de coopération culturelle et de promotion du français ainsi que les subventions aux alliances françaises et une partie des moyens affectés aux services de coopération et d'action culturelle (SCAC). Selon le projet de loi de finances pour 2013, les crédits hors titre 2 (dépenses de personnel) consacrés à l'action culturelle à l'étranger devraient s'élever, à périmètre constant, à 102 millions d'euros , contre 114 millions d'euros accordés en 2012, soit une diminution de 10,5 % .

ÉVOLUTION, À PÉRIMÈTRE CONSTANT, DES CRÉDITS CULTURELS

(en millions d'euros)

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

Évolution 2013/2012

Évolution 2013/2007

Crédits de fonctionnement

39

38

45

60

77

74

65

- 12,2 %

+ 66,7 %

Crédits d'intervention

98

98

90

65

43

40

38

- 5 %

- 61,2 %

Total

137

136

135

125

120

114

104

- 10,5 %

- 24,1 %

Source : Ministère des affaires étrangères et européennes.

La diminution des crédits spécifiquement consacrés à l'action culturelle extérieure par rapport à 2012 résulte de l'application de la norme de réduction gouvernementale de 7 %. Celle-ci a, toutefois, été modulée afin de tenir compte des spécificités des instruments et des priorités de notre politique d'influence à l'étranger :

- en ce qui concerne les crédits de fonctionnement : la réduction des dotations de fonctionnement des établissements culturels à autonomie financière (EAF) a été limitée à 4 % et celle des crédits exceptionnels de restructuration du réseau culturel s'élève à 50 %. La baisse normative de 7 % est appliquée à la subvention pour charges de service public de l'Institut français ainsi qu'aux crédits de soutien ;

- en ce qui concerne les crédits d'intervention : la diminution des moyens bilatéraux d'influence dans le domaine culturel, utilisés pour des cofinancements et des subventions réalisés par les postes culturels à l'étranger et l'administration centrale, est limitée à 5 % en 2013. En revanche, la norme de réduction de 7 % est appliquée aux dotations pour opérations des EAF ainsi qu'aux subventions à la fondation Alliance française et aux alliances françaises locales.

Le total des crédits accordés aux établissements culturels à autonomie financière (EAF), hors expérimentation, s'élève à 54,5 millions d'euros en 2013. Les dotations de fonctionnement aux EAF culturels sont estimées à 33,6 millions d'euros. À ce montant s'ajoutent 3,4 millions d'euros de crédits de personnels transférés au programme dans le cadre de la restructuration du réseau et de la fusion des SCAC et des EAF, soit un total de 37 millions d'euros de crédits de fonctionnement des EAF culturels. Par ailleurs, il est prévu une enveloppe de 3 millions d'euros de crédits de restructuration des EAF.

Les dotations pour opérations aux EAF, dans le domaine de la coopération culturelle et de la promotion du français, sont évaluées à 8 millions d'euros en 2013. En outre, avec la fusion des SCAC et des EAF, ces derniers bénéficient de dotations dans les domaines des enjeux globaux et de l'attractivité et de la recherche pour un montant de 12,8 millions d'euros.

Les crédits culturels prévus par l'Institut français pour être utilisés au bénéfice des EAF culturels représentent une cible de 40 % de son budget d'activités pour 2013, soit environ 11,2 millions d'euros. Les crédits versés directement par l'institut aux EAF des douze postes expérimentateurs représenteront, pour leur part, 9,5 millions d'euros en 2013.

2. Gare aux effets du fatalisme budgétaire

La tendance qui se dégage sur la période 2007-2013 est plus que préoccupante : face à une réduction de près d'un quart de ses ressources sur cinq ans, le réseau culturel français à l'étranger est en proie à un risque accru de démobilisation de ses agents . La réforme de notre dispositif d'action culturelle à l'étranger avait misé sur une remotivation de ses personnels autour de la mise en place d'un établissement public, l'Institut français, chargé non seulement de redonner du sens à notre ambition de rayonnement culturel mais également de pérenniser des moyens exceptionnels en soutien à la restructuration du réseau. La professionnalisation du réseau culturel, qui passe par un effort significatif dans la formation de ses agents, une programmation culturelle dynamique en phase avec les attentes des publics des pays d'accueil, une offre d'enseignement du français offensive et complémentaire du réseau des alliances françaises sont autant d'objectifs fixés à notre politique culturelle extérieure qui demandent des moyens sanctuarisés sur le temps long .

Or, malgré l'affichage systématiquement renouvelé d'ambitions d'un lyrisme presque insolent, la culture étant régulièrement revendiquée par nos dirigeants comme une valeur refuge incontournable en période de crise, les espoirs de notre réseau d'instituts culturels à l'étranger sont rapidement douchés à l'approche de chaque nouvel exercice budgétaire. 2013 n'y fera pas exception, bien au contraire. Le fatalisme budgétaire a encore une fois raison du dévouement exceptionnel de nos agents culturels qui, aussi bien dans nos instituts culturels que dans nos alliances françaises, réclament toujours un sursaut à la hauteur des ambitions affichées.

Depuis 2005, les gouvernements successifs ont pu compter sur l'esprit de responsabilité de nos personnels culturels à l'étranger qui ont mis en oeuvre aussi bien les mesures de rationalisation liées à la révision générale des politiques publiques que les restrictions budgétaires induites par la crise économique et financière mondiale. Mais à force d'épuiser les ressources du réseau culturel, les pouvoirs publics ne peuvent plus prétendre imposer des ambitions crédibles à notre politique culturelle extérieure. Le projet de budget pour 2013 repousse une nouvelle fois la mise en place des conditions optimales pour permettre une relance de notre dispositif d'action culturelle à l'étranger.

B. L'INSTITUT FRANÇAIS RENFORCE SA LÉGITIMITÉ TANT BIEN QUE MAL DANS UN ENVIRONNEMENT CONSIDÉRABLEMENT CONTRAINT

1. L'Institut français se trouve face à une impasse budgétaire en 2013

Créé par la loi n° 2010-873 du 27 juillet 2010 relative à l'action extérieure de l'État et constitué par le décret n° 2010-1695 du 30 décembre 2010, l'Institut français s'est substitué à l'association CulturesFrance au 1 er janvier 2011. Le périmètre d'action de l'établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) dépasse le champ d'activité classique qui était celui de CulturesFrance de soutien au réseau dans ses différentes missions traditionnelles (diffusion et coopération artistique, promotion du livre et de la pensée, promotion du patrimoine cinématographique, accueil des cultures étrangères en France) pour comprendre de nouvelles responsabilités : la promotion et l'accompagnement à l'étranger des idées, des savoirs et de la culture scientifique français ; la promotion, la diffusion et l'enseignement à l'étranger de la langue française ; l'information sur l'offre culturelle française ; le conseil et la formation professionnelle des personnels français et étrangers concourant à l'action culturelle extérieure, et notamment des personnels du réseau culturel français à l'étranger.

Conformément à l'esprit de la réforme votée à l'été 2010 par le législateur, l'Institut français a vocation à s'imposer comme l'opérateur central de notre action culturelle extérieure, en déclinant selon les zones géographiques les priorités stratégiques de notre politique d'influence déterminée par la direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats du ministère des affaires étrangères et le conseil d'orientation stratégique de l'action culturelle extérieure. Pour ce faire, l'institut doit articuler et soutenir la programmation culturelle développée par notre réseau de 98 EAF culturels (et leurs 111 annexes) et le réseau associatif des 445 alliances françaises conventionnées avec le ministère des affaires étrangères. Il lui appartient, en particulier, de professionnaliser les leviers de notre dispositif d'influence culturelle à l'étranger, en mettant l'accent sur la formation de nos agents culturels et le développement des outils numériques de diffusion culturelle et d'enseignement du français.

Dans cette logique, l'Institut français a renforcé la visibilité extérieure du réseau culturel du ministère des affaires étrangères en généralisant à tous les instituts et centres culturels français la marque « Institut français ». Il a également mis au point des outils numériques au profit du réseau, tels que les plateformes numériques « Culturethèque » (médiathèque numérique), « IFcinéma », « IFmapp » (géolocalisation culturelle), ou encore « IF Verso » (traduction), qui constituent des vecteurs de mutualisation et d'économies d'échelles. Il s'est attelé à la mise en place d'un programme de formation en direction des agents du réseau et au renouvellement de sa politique de mécénat. Se sont tenus à Marseille, en juillet 2011, les premiers « Ateliers » de formation et de concertation organisés par l'institut en présence de 350 agents du réseau culturel et de coopération. Les seconds se sont tenus à Nantes du 18 au 20 juillet 2012.

En outre, une trentaine de conventions de partenariat ont été signées ou sont en cours de négociation avec les principaux opérateurs culturels français (fondation Alliance française, mais aussi Unifrance Film, TV5 Monde, Centre international d'études pédagogiques (CIEP)...) et européens (Goethe Institut, British Council...). Enfin, le pôle « Europe » de l'Institut, nouvellement créé, s'emploie à répondre à des appels à propositions et d'offres européens et fait circuler auprès du réseau l'information sur les financements européens.

Votre rapporteur pour avis tient à souligner les efforts substantiels mis en oeuvre par l'Institut français en faveur de la professionnalisation des agents et des moyens du réseau culturel français à l'étranger, afin de le rendre plus réactif et plus compétitif dans l'obtention des financements européens et multilatéraux. Ces progrès sont d'autant plus louables qu'ils ont été réalisés dans une période budgétaire constamment sous tension.

En effet, la subvention pour charges de service public allouée par le ministère des affaires étrangères à l'Institut français devrait s'établir, en 2013, à 42 millions d'euros, en diminution de 10 % par rapport à l'exercice 2012. Cette baisse s'explique par :

- d'une part, le retraitement, en 2013, des crédits destinés initialement au poste culturel en Syrie, retiré du champ de l'expérimentation de rattachement à l'Institut en raison du contexte local (- 1,6 million d'euros) ;

- d'autre part, l'application des mesures d'économies dans le cadre de l'effort de redressement des comptes publics (- 7 % entre 2012 et 2013). En 2014, cette subvention s'établira ainsi à 40,2 millions d'euros et, en 2015, à 38,4 millions d'euros.

Le financement par l'État de l'institut sera également complété, en 2013, par des transferts de la part du ministère de la culture d'un montant total de 1,36 million d'euros au titre du programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » de la mission « Culture ». La dotation totale consentie par l'État à l'Institut français devrait ainsi s'établir, en 2013, à 43,4 millions d'euros.

Il est à noter, cependant, que la subvention versée par le ministère de la culture s'élèvera à 1,13 million d'euros, contrairement aux 1,6 million d'euros initialement prévus par le contrat d'objectifs et de moyens (COM) entre l'État et l'Institut français, signés par les ministres des affaires étrangères, de la culture et du budget pour la période 2011-2013. Le niveau de la contribution du ministère de la culture correspond à une diminution de près de 30 % par rapport à l'engagement pris dans le cadre du COM : sa participation à l'organisation des saisons culturelles sera en baisse de 465 000 euros alors que les autres collaborations en faveur du spectacle vivant et des arts visuels devraient être réduites à hauteur de 100 000 euros.

Votre rapporteur pour avis tient à souligner que l'opérateur s'appuie, pour l'exécution de son COM, sur un triennum budgétaire sur lequel se sont engagés les deux principaux partenaires, les ministères des affaires étrangères et de la culture, avec le contreseing du ministère du budget. Il n'est certainement pas possible pour l'institut de mettre en oeuvre les objectifs qui lui ont été assignés lorsque, au-delà des contraintes budgétaires qui s'appliquent uniformément à l'ensemble des administrations de l'État, l'un des principaux partenaires a fait le choix, en fonction d'une priorisation qui lui est propre, de revenir sur des engagements contractuels. Faut-il rappeler qu'après avoir longuement revendiqué la double tutelle sur le nouvel opérateur de l'action culturelle extérieure, le ministère de la culture a finalement obtenu gain de cause à l'occasion de la réforme de l'été 2010 en étant associé à la désignation de son président et de sa directrice générale déléguée, la définition de ses orientations stratégiques et l'élaboration de son COM ? Le ministère de la culture aurait-il des difficultés à tirer les bénéfices de la mondialisation des échanges interculturels ? On peut le croire.

Dans ces conditions, il apparaît que la diminution effective des financements versés par l'État à l'Institut français devrait être sensiblement supérieure à la norme gouvernementale de - 7 %, dans la mesure où l'établissement a déjà enregistré une baisse de sa dotation de trois millions d'euros 2 ( * ) qui a été compensée par un prélèvement de deux millions d'euros sur son fonds de roulement. Cette somme est donc à retrouver par redéploiement en budget initial 2013.

En outre, la montée en puissance de l'institut depuis sa création au 1 er janvier 2011 a nécessité des recrutements en personnel afin d'assurer la mise en oeuvre des nouvelles missions qui lui ont été confiées par la loi du 27 juillet 2010, au-delà de son installation dans de nouveaux locaux. Dès lors, ses charges fixes se sont mécaniquement accrues . En conséquence, la baisse de 7 % de la subvention pour charges de service public ne peut donc être que très marginalement répercutée sur les dépenses de personnel et les frais de fonctionnement. Le budget d'activités de l'institut est de fait l'assiette principale des économies à réaliser : il devrait être lourdement diminué, de l'ordre de 20 %.

Aussi, des activités vont-elles être fortement remises en cause ou supprimées comme les saisons culturelles, les productions de l'Institut français telles que les biennales d'art ou le soutien à la diffusion sans partenariat. L'institut indique que tous les secteurs d'activité seront en diminution mais dans une moindre proportion pour ce qui touche à la langue française, l'appui direct au réseau et la formation des agents. Face à l'impasse budgétaire dans laquelle risque de se trouver l'Institut français, le ministère des affaires étrangères envisage de réduire le montant de la réserve légale qui s'applique à son opérateur afin de rester en dessous de la barre des 20 % de baisse du budget d'activités. Cette mesure ne préserverait, cependant, qu'1,8 million d'euros au profit de l'Institut français.

Votre rapporteur pour avis s'inquiète fortement de la trajectoire budgétaire a priori insoutenable qui semble se profiler pour l'Institut français. Le cumul des normes gouvernementales de réduction des dépenses de fonctionnement et d'intervention des opérateurs, de l'application de la réserve légale de 6 % et de l'augmentation des charges incompressibles pourrait conduire l'institut à ne fonctionner qu'avec un budget d'activités de 21 millions d'euros, à un niveau similaire à celui de l'association CulturesFrance dont le champ d'activités ne comprenait pourtant pas des missions lourdes telles que l'enseignement de la langue française, la promotion de la culture scientifique, la formation des agents du réseau...

Le budget prévisionnel de l'opérateur pour l'année 2012 recense :

- 65,5 millions d'euros de charges, en augmentation de 42 % par rapport au compte financier de 2011 ;

- 63,7 millions d'euros de produits, en augmentation de 35 % par rapport au compte financier de 2011.

Ce budget prévisionnel reflète la montée en puissance de l'Institut français en intégrant, pour la première fois, les budgets des douze postes expérimentateurs du rattachement. Le déficit de 1,8 million d'euros qui devrait être accusé fin 2012 sera prélevé sur son fonds de roulement. Les ressources propres de l'institut, d'un montant de 15,5 millions d'euros en 2012 (soit un peu plus de 24 % de ses ressources totales), comprennent :

- pour le siège, des recettes de partenariat (collectivités locales, mécénat et fonds commun pour les saisons culturelles) d'un montant de 4,8 millions d'euros, des produits constatés d'avance de 1,3 million d'euros concernant les collectivités locales et les saisons et des recettes diverses de 800 000 euros ;

- pour les postes expérimentateurs, des prestations de service d'un montant de 7,9 millions d'euros correspondant principalement à des cours de langue, et des produits financiers, exceptionnels et reprise sur provisions de 700 000 euros.

2. Une exécution encourageante du contrat d'objectifs et de moyens entre l'État et l'Institut français

Signé à la fin de l'année 2011 par le président de l'institut, M. Xavier Darcos, et les ministres des affaires étrangères, de la culture et du budget, le contrat d'objectifs et de moyens (COM) liant l'Institut français à l'État pour la période 2011-2013 fixe à l'opérateur quatre grands objectifs :

- l'objectif n° 1 vise à « inscrire l'action culturelle extérieure dans les objectifs de notre politique étrangère ». Ainsi, en 2011, pour servir à l'influence et au rayonnement de la France dans le monde, 6,1 millions d'euros ont été consacrés à la promotion des échanges et coopérations artistiques, 4,8 millions d'euros à la promotion du livre et des savoirs, 1,8 million d'euros à la promotion de la langue française et 3,1 millions d'euros à la promotion du cinéma patrimonial.

Concernant la dimension culturelle de notre politique de solidarité, 2,57 millions d'euros ont notamment été consacrés au programme « Afrique et Caraïbes en créations », et 1,1 million d'euros au « Fonds Sud Cinéma » rebaptisé « Fonds des cinémas du monde ».

Concernant le dialogue des cultures et la promotion de la diversité culturelle, 5,1 millions d'euros ont été consacrés aux saisons culturelles et grandes manifestations à l'étranger, aux programmes de résidences et aux projets communs avec des collectivités territoriales à l'étranger ;

- l'objectif n° 2 vise à « soutenir et développer l'action du réseau culturel dans le monde ». En 2011, 1,4 million d'euros ont ainsi été consacrés à des appels à projets en faveur du réseau et l'Institut français a, par ailleurs, mis à disposition du réseau les différentes plateformes numériques précitées.

Enfin, son pôle « Formation », s'appuyant sur une équipe de trois agents, a consacré, en 2011, un budget de 1,519 million d'euros à la formation des agents du réseau. Ces crédits constituaient des reliquats issus des crédits exceptionnels obtenus par le ministre des affaires étrangères en 2009 et 2010. Le budget de formation pour 2012 a, quant à lui, été dégagé sur la dotation de l'institut : il s'élèvera à 1,244 million d'euros. En prévisionnel pour 2013, il devrait s'établir à 1,241 million d'euros.

Malgré un budget somme toute assez modeste, les thématiques de formation dispensées par l'Institut français sont diversifiées et se répartissent ainsi : langue française ; gestion d'établissement et ingénierie culturelle ; audiovisuel et cinéma ; livre et promotion des savoirs ; disciplines artistiques ; thématiques transversales. En 2011, sur un total de 56 actions de formation mises en oeuvre par l'institut, 20 ont été organisées en France et 36 dans le réseau culturel. Sur 253 jours de formation, plus de la moitié ont été réalisés à l'étranger. Les formations organisées à l'étranger concernent plus de 30 pays différents et couvrent les zones géographiques suivantes : Europe (29 %), Amérique du Nord (11 %), Amérique du Sud (8 %), Afrique (11 %), Afrique du Nord et Moyen-Orient (16 %) et Asie (24 %). Une attention toute particulière est accordée aux agents de droit local.

Le bilan des évaluations recueillies confirme la pertinence des axes retenus, l'intérêt des postes et des agents ainsi que la réactivité des acteurs de formation. En 2012, l'Institut français a poursuivi les actions engagées avec le réseau culturel dans ses deux composantes publique (instituts français) et associative (alliances françaises). Par ailleurs, la fondation Alliance française, sur financements du ministère des affaires étrangères (300 000 euros), poursuit des actions vers le réseau des alliances. Le maintien de cet effort sur la même base permettrait d'assurer la formation de 1 500 agents par an (Institut et fondation Alliance française) et d'accompagner la modernisation du réseau culturel français à l'étranger en pleine évolution ;

- l'objectif n° 3 vise à « développer des partenariats au profit d'une action plus cohérente et efficace ». À ce titre, l'institut a multiplié les conventions de partenariats avec les principaux opérateurs culturels français et avec des partenaires européens et son pôle « Europe » est chargé de répondre aux appels à propositions et d'offres de la Commission européenne. Par ailleurs, l'institut a consacré 500 000 euros à sa coopération avec les collectivités territoriales (sous forme de cofinancements de projets communs) ;

- l'objectif n° 4 vise à « améliorer le pilotage et l'efficience dans la gestion des ressources ». Dans cette logique, l'Institut français a participé à l'effort de modernisation de la gestion publique et de maîtrise des dépenses publiques. L'activité représente, en exécution 2011, 64 % du budget, ce qui est très satisfaisant car supérieur à l'estimation du réalisé 2011. L'opérateur a maîtrisé ses dépenses de fonctionnement.

L'institut ayant également pour objectif d'accroître son autonomie financière, il a développé les cofinancements avec les collectivités locales et, s'il a tenté d'augmenter les ressources de mécénat, l'année 2011 a été marquée notamment par l'annulation (coûteuse) de la saison du Mexique en France. Les résultats peuvent être améliorés en la matière.

En effet, les recettes issues du mécénat se sont établies à 1,5 million d'euros, soit un résultat en deçà des objectifs affichés. Le fait est qu'il est plus facile d'associer les entreprises au financement de projets bien identifiés élaborés de façon partagée qu'à une programmation culturelle plus globale. Dans ces conditions, l'Institut français réfléchit à la mise en place d'un fonds de dotation qui permette de centraliser la participation des partenaires publics et privés extérieurs. Votre rapporteur pour avis tient à souligner, néanmoins, que le climat actuel de défiance du monde de l'entreprise vis-à-vis des orientations fiscales et budgétaires poursuivies par l'actuel Gouvernement n'est certainement pas propice à une montée en puissance de l'engagement des partenaires privés auprès des opérateurs publics, en particulier en matière de mécénat culturel.

Il faut rappeler, en revanche, que l'institut a développé une pratique solide des cofinancements , à l'image des performances exceptionnelles du réseau des EAF dans ce domaine , aussi bien avec les collectivités territoriales qu'avec les institutions européennes :

Ø 27 conventions de cofinancements ont ainsi été conclues avec les collectivités territoriales (14 régions et 13 grandes villes et agglomérations). Un effort considérable est conduit afin de préserver l'équilibre de ces conventions, car chaque fois que les crédits affectés par l'institut à ces actions sont diminués, les financements apportés par les collectivités territoriales seront diminués d'autant. Aujourd'hui, le développement du dispositif, très largement souhaité par les collectivités, n'est limité que par l'enveloppe de l'Institut français ;

Ø le pôle « Europe » de l'Institut français, qui repose sur seulement deux agents, participe activement à la mobilisation du réseau culturel pour les réponses aux appels d'offres européens. Les nouveaux cadres européens correspondent en effet assez bien aux missions de l'institut, comme la promotion des jeunes professionnels ou le développement de plateformes professionnelles, ce qui lui permet d'émarger aussi bien aux programmes intracommunautaires tels que « Europe Créative » - un programme qui représente huit milliards d'euros pour les six prochaines années - qu'aux dispositifs extracommunautaires tels que le programme ACP ou Europmed. Issu d'un système jusqu'ici excessivement cloisonné sur la culture française, l'ingénierie de l'institut pour les appels d'offres européens doit être considérablement renforcée afin de lui permettre de rivaliser avec des opérateurs tels que le British Council qui enregistre un taux de succès de plus de 50 %. Faute des moyens suffisants de professionnalisation en interne, il serait sans doute utile pour l'Institut français de réfléchir à une externalisation de ses réponses aux appels d'offres en s'appuyant sur des opérateurs préexistants au niveau du ministère de la culture tels que le Relais Culture Europe. Votre rapporteur pour avis l'a d'ailleurs fait savoir auprès du groupe de travail sur les établissements publics de coopération culturelle (EPCC), mis en place par votre commission, pour une plus grande prise en compte de l'Institut français, au niveau national et dans un plan d'action européen.

Enfin, en terme de stratégie de communication, la nouvelle marque « Institut français » a été créée et étendue à l'ensemble du réseau public des Instituts français locaux. Elle s'est rapidement imposée.

3. Des relations avec les alliances françaises qui mériteraient d'être clarifiées

D'un montant de 7,89 millions d'euros en 2012, les dotations consenties à la fondation d'utilité publique Alliance française, à ses délégations générales et au réseau mondial des alliances françaises s'établiront, en 2013, à 7,34 millions d'euros , soit une diminution de 7 %. On observe, depuis 2007, date à laquelle les opérateurs du réseau des alliances françaises percevaient un total de 10,813 millions d'euros de subventions, une diminution de plus de 32 % des dotations sur une période de six ans.

ÉVOLUTION DES AIDES CONSENTIES AUX ALLIANCES FRANÇAISES DEPUIS 2007

ALLIANCE FRANÇAISE

Personnels expatriés

2007

2008

2009

2010

2011

DIRECTEURS

229

234

227

230

232

V.I.

97

110

112

120

121

TOTAL

326

344

339

350

353

AUTRES*

24

26

38

20

38

* : postes ambassade, VP, assistants techniques.

Subventions du MAEE

2007

2008

2009

2010

2011

Fondation

779 000 €

772 800 €

800 000 €

800 000 €

800 000 €

DGAF(1)

1 924 055 €

1 917 282 €

1 662 959 €

842 810 €

860 864 €

AF(2)

7 330 985 €

7 307 758€

8 580 000 €

7 100 000 €

6 196 335 €

Ss-total subventions aux Alliances(1)+(2)

10 034 040 €

9 997 840 €

11 042 959 €

8 742 810 €

7 857 199 €

Total

10 813 040 €

10 770 640 €

11 842 959 €

9 542 810 €

8 657 199 €

Le réseau des 850 alliances françaises réparties dans le monde peut s'appuyer sur un budget global de près de 250 millions d'euros, dont 80 % en moyenne est assuré par l'autofinancement. Ces performances en termes d'autofinancement sont variables selon les zones géographiques : si les alliances de New York et de Pékin avoisinent aisément le taux de 100 % d'autofinancement, d'autres alliances, en particulier en Afrique, sont presque des centres culturels déguisés en alliances en bénéficiant d'un montant substantiel de subventions de la part du ministère des affaires étrangères. Le réseau des alliances françaises a fait l'objet d'une profonde rationalisation, puisque la fondation a retiré l'appellation « Alliance française » à un certain nombre de structures s'apparentant plus à des « clubs » de francophiles parmi le plus du millier d'alliances qui existaient auparavant dans le monde, pour n'en retenir au final que 850.

En 2011, le réseau des alliances mondiales a également bénéficié d'une masse salariale de 32,9 millions d'euros financée par le ministère des affaires étrangères , dans le cadre de détachements de postes de directeurs (232) et de volontaires internationaux (121). Pour 2013, la prévision de suppression de postes détachés en faveur des alliances françaises s'établit pour l'heure à 30 postes, mais les négociations se poursuivent entre la fondation et le ministère des affaires étrangères.

Un important effort de rationalisation du réseau culturel français à l'étranger dans son ensemble a été conduit au niveau de ses deux branches, publique (instituts et centres culturels) et associative (alliances françaises), afin d'éviter le plus souvent possible les cohabitations dans une même localité d'un institut culturel et d'une alliance française. Les 350 alliances françaises conventionnées avec le ministère des affaires étrangères constituent, toutefois, au moins les deux tiers du réseau culturel français à l'étranger.

Toutefois, les alliances françaises nourrissent un certain nombre d'inquiétudes face aux évolutions du réseau culturel français dans le cadre de la mise en oeuvre de la réforme votée à l'été 2010 :

- les alliances s'inquiètent d'une guerre des marques au sein du réseau, alimentée par l'attribution systématique du sigle « Institut français » à tout type de structure liée de près ou loin, bien souvent de très loin, aux activités culturelles menées par le ministère des affaires étrangères. À titre d'exemple, le centre de documentation technique relevant des services de l'ambassade, situé au sein de l'alliance française de Sao Paulo au Brésil a été renommé « Institut français », ce qui contribue à une confusion des marques et des genres. En outre, l'appellation « Institut français » semble également avoir été généralisée aux services culturels des ambassades, même en l'absence de fusion des SCAC avec les EAF dans certains pays. Les alliances dénoncent une confusion catastrophique, antinomique avec les objectifs de la réforme ;

- la double « casquette » du conseiller de coopération et d'action culturelle (COCAC) en tant que conseiller culturel de l'ambassadeur et directeur de l'institut français fait craindre aux alliances une perte d'équanimité dans la répartition des crédits culturels entre instituts et alliances dans un même pays. La nouvelle position du COCAC, devenu arbitre partisan selon certains directeurs d'alliance, est désormais perçue par certains comme une remise en cause du principe de péréquation entre instituts culturels et alliances françaises ;

- une véritable concurrence s'installe désormais entre instituts et alliances en matière de levée de fonds auprès de mécènes étrangers.

Dans ces conditions, la fondation Alliance française dénonce une restructuration pyramidale du réseau culturel français à l'étranger, liée à la conjugaison de la fusion des SCAC-EAF et de l'expérimentation du rattachement des instituts à l'Institut français. Cette logique tend à creuser le fossé entre le réseau culturel public et le réseau culturel associatif des alliances françaises qui, elles, offrent une plus grande souplesse en termes de gestion.

Craignant une marginalisation progressive du réseau des alliances françaises en cas de généralisation du rattachement de tous les instituts culturels à l'Institut français et l'absence de péréquation dans la répartition des subventions entre instituts et alliances, la fondation Alliance française invite les pouvoirs publics à garantir au profit des alliances des marges d'autonomie et de financement à l'occasion de la clause de revoyure de la mise en oeuvre de la réforme de 2010, prévue pour la fin 2013. Si le rattachement du réseau des instituts à l'Institut français devait être généralisé, la fondation Alliance française estime légitime que lui soit attribuée désormais la responsabilité de la gestion de ses directeurs détachés. Elle propose, en outre, en cas de généralisation du rattachement :

- de ne plus attribuer systématiquement l'appellation « Institut français » à toute structure qui ne serait pas un véritable centre culturel ;

- d'établir, de façon concertée entre le ministère et la fondation, une cartographie raisonnée et générale sur la répartition de la présence des instituts et des alliances dans le monde. S'il est concevable que les instituts culturels soient plus puissants au Japon, d'autres régions du monde offre un environnement juridique plus favorable à l'implantation d'alliances françaises qui devrait, dans ce cas, être favorisée ;

- de maintenir la gestion des personnels et des subventions sous l'autorité du ministère des affaires étrangères et non sous celle de l'Institut français ;

- de préciser par une circulaire le rôle des conseillers de coopération et d'action culturelle dans leur mission de coordination du réseau culturel, selon un principe d'équité entre instituts et alliances.

4. Une décision stratégique majeure à la fin 2013 : le rattachement de l'intégralité du réseau culturel public à l'Institut français

L'expérimentation du rattachement à l'Institut français de douze postes culturels à l'étranger a été mise en oeuvre depuis le 1 er janvier 2012, conformément à l'article 11 de la loi du 27 juillet 2010 précitée. Après une première année consacrée notamment aux études juridiques préalables ayant fait l'objet d'un premier rapport d'étape transmis au Parlement en mars 2011, le rattachement effectif de ces douze postes a eu lieu le 1 er janvier 2012. Un bilan doit en être tiré en 2013, à l'occasion d'un deuxième rapport d'étape en mars 2013. Le rapport final faisant le bilan de l'expérimentation doit intervenir avant le 31 octobre 2013, afin qu'une décision définitive puisse être prise sur l'opportunité et les modalités d'un éventuel rattachement de l'ensemble du réseau des instituts culturels à l'Institut français.

Depuis le 1 er janvier 2012, les douze postes diplomatiques retenus pour l'expérimentation constituent autant de « bureaux locaux » à l'étranger de l'EPIC Institut français. Cette mise en place a été précédée et suivie de réunions de concertation à Paris avec les COCAC, devenus directeurs du bureau culturel tout en conservant les fonctions de « conseiller de l'ambassadeur en matière de coopération et d'action culturelle ».

À cette occasion, les conclusions des études juridiques ont été validées, qu'elles concernent la définition du statut des « bureaux » ou les modalités d'affectation des personnels expatriés et des agents de droit local relevant des SCAC et des EAF.

D'une manière générale, les COCAC ont préconisé le maintien du statut qu'offre la couverture de l'ambassade, ainsi que la création d'un bureau local de l'EPIC sans personnalité juridique locale propre. Ce statu quo paraît le mieux à même de préserver les privilèges diplomatiques et fiscaux et de garantir le caractère de réversibilité de l'expérimentation.

Les agents de droit local transférés des SCAC bénéficient de conditions de travail et de rémunération très proches de celles qu'ils connaissaient précédemment. Une grande variété dans les changements de statuts est observée, allant du simple avenant ou de la modification d'appellation de l'employeur à l'établissement d'un nouveau contrat, dans le strict respect des législations locales.

S'agissant des directeurs de « bureau local », il est apparu utile de rappeler que ces agents expatriés, toujours rémunérés par le ministère des affaires étrangères, conservent par ailleurs, pour la durée de l'expérimentation, leur rôle de conseiller de l'ambassadeur en matière de coopération et d'action culturelle. D'une manière générale, toutes dispositions ont été prises pour que les mêmes équipes puissent continuer d'assurer l'ensemble des missions qui relevaient des SCAC jusqu'au 31 décembre 2011, notamment pour les activités de coopération ne relevant pas du périmètre de l'expérimentation.

S'il est à l'évidence trop tôt, quelques mois après le lancement effectif de l'expérimentation et alors que de nombreuses questions techniques ont dû être résolues, pour tirer des conclusions, même provisoires, la réflexion porte désormais sur :

- les modalités de suivi et de pilotage mises en place par l'Institut français, à travers une communication régulière avec ses « bureaux » ;

- la maîtrise des nouvelles contraintes comptables et réglementaires s'imposant à un EPIC pourvu d'un réseau international ;

- les conditions quotidiennes de fonctionnement des nouvelles entités, dans le respect des priorités fixées par le ministère des affaires étrangères et les chefs de poste diplomatique ;

- une appréciation de la valeur ajoutée du nouveau dispositif.

La généralisation du rattachement de l'ensemble du réseau culturel public dépendant du ministère des affaires étrangères à l'Institut français devrait être facilitée par l'achèvement de la fusion des SCAC et des EAF en un EAF culturel unique dans chaque pays. Cette fusion a permis, en effet, une mutualisation des moyens et des effectifs des différentes structures fusionnées, une plus grande cohérence dans le pilotage de la programmation culturelle au niveau de chaque pays d'accueil, une unicité de gestion garantissant la mise en oeuvre d'un principe de solidarité et de redistribution entre les antennes locales de l'EAF central, la tenue de comités d'orientation stratégique locaux présidés par les ambassadeurs et associant l'ensemble des acteurs de la politique de coopération et une gestion financière plus solide autour d'un budget unique.

À la suite du changement de Gouvernement intervenu à la fin du printemps 2012, le nouveau ministre des affaires étrangères et européennes, M. Laurent Fabius, a souhaité disposer d'une vision claire sur l'état d'avancement de la réforme du réseau culturel. Il a ainsi demandé au secrétaire général de son ministère, M. Pierre Sellal, de conduire un audit , à partir de consultations menées à Paris, censé rendre ses conclusions à la fin 2012.

Si, pour l'heure, l'expérimentation montre qu'il est possible d'espérer un grand nombre d'avantages de la généralisation du rattachement en termes de renforcement du pilotage et de cohérence de la stratégie culturelle de la France à l'étranger, il n'en demeure pas moins que le surcoût qu'il suppose, lié à la montée en puissance des cotisations patronales qui devraient être prises en charge par l'institut, reste somme toute assez prohibitif, de l'ordre de 25 %. L'évaluation du coût total du rattachement est une entreprise compliquée, en raison de la très grande variété de statuts des personnels en présence. Plus d'une dizaine de modèles budgétaires différents doivent ainsi être pris en compte, les charges n'étant pas les mêmes selon que l'on examine la situation juridique des expatriés ou des recrutés locaux. Le coût du basculement de l'ensemble des personnels culturels sous l'autorité de l'Institut français est estimé à 16 millions d'euros, en raison du transfert des charges patronales notamment. Le coût total de l'opération de rattachement serait ainsi évalué à approximativement 50 millions d'euros.

Il convient également de souligner que le changement de statut des personnels culturels à l'étranger comporte un risque d'insécurité juridique lié à l'éventualité d'une modification par certains gouvernements étrangers des règles fiscales et d'immunité applicables aux agents culturels qui seraient rattachés à l'institut alors qu'ils relevaient, jusqu'ici, des services de l'ambassade.

Dans ces conditions, votre rapporteur pour avis a le sentiment que l'achèvement du rattachement du réseau culturel à l'opérateur de l'action culturelle extérieure ne constitue plus, aux yeux du ministère des affaires étrangères, la pierre angulaire de la réforme pourtant adoptée à la suite des nombreuses consultations conduites par le Parlement, consacrant le rôle et la fonction régalienne des ambassadeurs. Un certain nombre de responsables du ministère des affaires étrangères considèrent désormais qu'il est, pour l'heure, préférable de continuer à conserver un grand réseau culturel à dimension publique sous l'autorité directe du ministère, piloté avec une stratégie concertée, disposant d'une seule marque portée par l'Institut français. Celui-ci peut demeurer, selon eux, une force d'impulsion significative de la programmation culturelle de notre réseau, sans pour autant s'appuyer sur une structure administrative parallèle exorbitante.

Néanmoins, votre rapporteur pour avis tient à rappeler un certain nombre d'arguments avancés par l'Institut français en faveur du rattachement de l'ensemble du réseau à l'institut et tient également à souligner que « détricoter » la loi du 27 juillet 2010 dans ses objectifs stratégiques aurait des effets néfastes :

- le rattachement de douze établissements culturels à l'institut a renforcé la notion d' appartenance à un réseau porteur d'une stratégie unifiée , au sein duquel des mutualisations s'opèrent ;

- la compétence nationale des EAF ne leur permet pas de participer à la mise en oeuvre de projets régionaux. Contrairement à ces établissements, les instituts français de l'expérimentation, de par leurs nouveaux statuts, exercent une compétence régionale, enviée parfois par les COCAC de pays voisins . Des programmes de formations régionales ont été ou seront organisées au Chili, en Serbie et à Singapour. De la même manière, un vaste programme de promotion de la langue française dans les Balkans est à l'étude à partir de la Serbie et pourrait être piloté par le poste d'expérimentation de Belgrade, qui est également le siège d'un programme régional sur le théâtre (« Teatroskop »). Le poste de Santiago du Chili s'apprête pour sa part à mener une action régionale autour des nouvelles pratiques artistiques (« Transarte ») ;

- en période de contrainte budgétaire forte, les compétences régionales des bureaux locaux leur permettent de lever des fonds multilatéraux , comme les fonds européens ;

- le non-rattachement aurait pour conséquence l'existence d'un réseau d'instituts français sans lien organique direct avec l'opérateur et dont la gestion continuerait d'être centralisée par le ministère. Ce schéma, peu cohérent, ne manquerait pas d'affaiblir la marque unique « Institut français » de notre réseau ;

- conformément à la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), les budgets de l'Institut français de Paris et ses bureaux locaux sont votés en conseil d'administration à partir de quatre enveloppes de crédits, ce qui permet de dégager des marges de manoeuvre et d'user ainsi des souplesses offertes par la fongibilité des crédits au sein de ces enveloppes. Pour mémoire, le budget des EAF présenté par nature de crédits n'offre pas une telle souplesse ;

- la présence d'un agent comptable secondaire dans chaque bureau local restant sous l'autorité d'un agent comptable principal a permis de mettre en place tout un processus de contrôle de la qualité comptable, initié par le contrôleur budgétaire et comptable ministériel.


* 1 Édition des samedi 10 et dimanche 11 novembre 2012.

* 2 En 2012, les crédits culturels ont été réduits de plus de 3 millions d'euros entre la version initiale du projet de loi de finances et le vote de la loi de finances initiale en raison des deux « rabots » intervenus lors des débats parlementaires par voie d'amendements gouvernementaux qui ont réduit le programme 185 de 8,5 millions d'euros.

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