Avis n° 153 (2012-2013) de M. Vincent CAPO-CANELLAS , fait au nom de la commission du développement durable, déposé le 22 novembre 2012

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N° 153

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2012-2013

Enregistré à la Présidence du Sénat le 22 novembre 2012

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire (1) sur le projet de loi de finances pour 2013 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

TOME III

ÉCOLOGIE, DÉVELOPPEMENT ET AMÉNAGEMENT DURABLES

TRANSPORTS AÉRIENS

Par M. Vincent CAPO-CANELLAS,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Raymond Vall , président ; MM. Gérard Cornu, Ronan Dantec, Mme Évelyne Didier, MM. Philippe Esnol, Alain Houpert, Hervé Maurey, Rémy Pointereau, Mmes Laurence Rossignol, Esther Sittler, M. Michel Teston , vice-présidents ; MM. Pierre Camani, Jacques Cornano, Louis Nègre, secrétaires ; MM. Joël Billard, Jean Bizet, Vincent Capo-Canellas, Yves Chastan, Philippe Darniche, Marcel Deneux, Michel Doublet, Jean-Luc Fichet, Jean-Jacques Filleul, Alain Fouché, Francis Grignon, Mme Odette Herviaux, MM. Benoît Huré, Daniel Laurent, Alain Le Vern, Jean-François Mayet, Stéphane Mazars, Robert Navarro, Charles Revet, Roland Ries, Yves Rome, Henri Tandonnet, André Vairetto, Paul Vergès, René Vestri.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : 235 , 251 à 258 et T.A. 38

Sénat : 147 et 148 (annexe n° 10 ) (2012-2013)

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Comme tous les secteurs de notre économie, le transport aérien n'échappe pas à la crise économique mondiale. Celle-ci pèse sur les compagnies aériennes et les emplois indirects du transport aérien comme sur les plateformes aéroportuaires et toute la filière aéronautique.

Dans ce contexte, les crédits du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » (BACEA) font l'objet d'une remarquable continuité avec les efforts des précédents gouvernements. Compte tenu de son endettement et des exigences budgétaires, il faut contenir les dépenses de fonctionnement de la direction générale de l'aviation civile (DGAC). La priorité aux investissements est en outre maintenue, pour conserver la compétitivité de notre système aéroportuaire et de notre aviation civile. Les grands programmes sont poursuivis, en particulier ceux du « ciel unique » européen, destinés à améliorer la fluidité du trafic et à réduire les retards en créant des espaces aériens plus larges.

Ce budget prétend également comme ses prédécesseurs instaurer une rupture avec l'inflation de l'endettement. Cependant, le plan de redressement de la DGAC (réduction des effectifs et du budget de fonctionnement), aussi méritoire soit-il, se fonde sur des hypothèses relativement optimistes de reprise du trafic. Si ces hypothèses ne se vérifiaient pas, l'endettement de la DGAC continuerait de s'accroître de manière déraisonnable.

C'est la raison pour laquelle, nous demandons de réfléchir à l'affectation à la DGAC de l'ensemble de la taxe de l'aviation civile. Cette taxe est prélevée sur les passagers et le fret qui transitent par nos aéroports, elle est censée couvrir le service de contrôle et d'exploitation aériens. Pourtant, chaque année, l'État en prélève quelque 100 millions d'euros pour son budget général : dans ces conditions de déséquilibre entretenu, la DGAC doit s'endetter pour financer son fonctionnement. En 2013, elle dépensera 38 millions d'euros en seules charges financières... Les efforts réalisés depuis plusieurs années pour contenir les coûts ne peuvent se prolonger indéfiniment sans rogner sur la qualité de service. D'autre part, la soutenabilité pour les compagnies d'une éventuelle augmentation de la TAC est incertaine pour ne pas dire irréaliste.

L'actualité aérienne est marquée par les difficultés financières du groupe Air France-KLM, fleuron de l'excellence française et hier première compagnie aérienne mondiale pour les vols internationaux. Un plan important de restructuration est en cours, qui devrait permettre de stabiliser son endettement l'an prochain et de retrouver des marges bénéficiaires en 2015. De son côté, Aéroports de Paris poursuit ses investissements pour améliorer la qualité de service et la compétitivité de ses aérogares.

A ces différents titres, l'année 2013 sera critique : ou bien les plans de redressement et la reprise du trafic se conjuguent, ou bien le trafic stagne - et ce scénario malheureux portera un coup très dur à nos compagnies, nos plateformes et nos services aéroportuaires, avec à la clé des conséquences importantes sur l'ensemble des filières aéroportuaires et aéronautiques.

Le secteur aéronautique est devenu notre premier exportateur national. Il dégage un excédent de 18 milliards d'euros et recrute chaque année 11 000 salariés. Nous sommes là au coeur d'un enjeu de compétitivité nationale. La filière aéronautique peut servir d'exemple pour l'intégration de la recherche et de l'industrie, ou encore pour la relation entre les principaux donneurs d'ordre et les sous traitants. Cependant, une inquiétude se fait jour pour la recherche, essentielle pour rester compétitif. La filière aéronautique a bénéficié depuis 2010 du programme d'investissement d'avenir (PIA), abondé par le grand emprunt. Ce programme arrive à échéance l'an prochain et les crédits hors PIA sont très insuffisants en regard de nos compétiteurs étrangers. Il est vital d'en assurer la suite.

On peut saluer la bonne coopération avec nos partenaires européens (ciel unique, Airbus....). Mais le récent échec du projet de fusion entre EADS et BAE Systems nous renvoie à la nécessité d'une impulsion politique claire pour une Europe de l'aéronautique de défense. Est-ce partie remise ? Enfin, la filière est confrontée à des défis environnementaux, notamment l'application au domaine aérien du système européen d'échange de quotas de CO 2 , qui fait l'objet de négociations au sein de l'OACI.

Ces considérations ont conduit votre rapporteur pour avis à proposer un avis de sagesse sur ces crédits. A l'issue du débat, la commission a émis un avis favorable à l'adoption du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens ».

I. UN EFFORT POUR MAINTENIR LE SOUTIEN À L'ACTIVITÉ AERONAUTIQUE ET POUR REDUIRE L'ENDETTEMENT ALARMANT DE LA DGAC

Les crédits budgétaires alloués aux transports aériens figurent au budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » (BACEA), qui regroupe les crédits de la navigation aérienne et des opérations de contrôle et de sécurité, ainsi qu'au programme 203, dans les actions 11 et 14, relatives aux infrastructures de transport et au soutien des lignes pour l'aménagement du territoire.

A. LES PRINCIPALES ORIENTATIONS

Les crédits pour les transports aériens augmentent, malgré la forte contrainte qui pèse sur les finances publiques, et cette augmentation est obtenue alors que l'administration diminue encore cette année les effectifs de la DGAC.

Les crédits de paiement du BACEA passent de 1,808 milliard à 1,868 milliard d'euros (+ 3,3 %) et ses opérations en capital augmentent de 391,9 millions à 418,4 millions (+ 6,7 %).

En 2013, pour la troisième année consécutive, la DGAC diminuera ses effectifs, de 116 emplois ETP (équivalent temps plein), ce qui ne suffira pas à stabiliser ses dépenses de personnel (qui progressent encore de 3 % entre 2012 et 2013). Il y a un certain paradoxe à ce que les crédits de personnel du BACEA augmentent malgré la réduction de 116 ETP. Ce paradoxe s'explique par l'augmentation de 5,7 % des crédits de pensions et illustre la difficulté à réduire la masse salariale globale dans ce type de budget. L'augmentation, hors du compte d'affectation spéciale « pensions », est en effet de 1,3 %.

Le même principe de maîtrise des dépenses vaut pour les organismes extérieurs, par exemple la subvention versée à l'école nationale de l'aviation civile (ENAC), qui recule de 101 millions à 99 millions d'euros.

Selon la DGAC, cette nouvelle diminution des emplois respecte pleinement l'impératif de sécurité et de qualité du contrôle aérien 1 ( * ) , mais l'exercice est chaque année plus difficile - et sera difficile à poursuivre au même rythme dans les années à venir. En effet, des progrès de productivité ont déjà été faits les années antérieures et les marges d'action sont à rechercher désormais dans le regroupement de certains services déconcentrés, avec un recours important aux nouvelles technologies. Les investissements sont maintenus à un niveau significatif, en particulier pour la création du bloc d'espace aérien fonctionnel en Europe centrale (FABEC) et pour le programme européen Single European Sky Air traffic management Research (SESAR), qui passe par la modernisation du système informatique de contrôle aérien (programme « 4Flight » ).

B. PRÉSENTATION PAR PROGRAMME

1. Les actions 11 et 14 du programme 203 « Infrastructures et services de transports »

Les actions 11 et 14 du programme 203 sont consacrées à l'entretien et au développement des infrastructures aéroportuaires relevant de la compétence de l'État.

Parmi les opérations concernées, on notera :

- en entretien : 1,6 million d'euros pour l'entretien d'aéroports relevant de l'État ;

- en études et acquisitions : 1 million pour des dépenses de sûreté sur les aéroports relevant de l'État, 1 million pour des acquisitions foncières pour Bâle-Mulhouse et Notre-Dame-des-Landes et 0,9 million pour le projet de piste longue à Dzaoudzi (Mayotte) ;

- en construction et réparations : 19,4 millions d'euros pour la construction de Notre-Dame-des-Landes, de la nouvelle aérogare de Dzaoudzi, l'extension de l'aéroport de Nouméa, le drainage à Cayenne, la réparation à Lorient et l'équilibre financier des principaux aéroports en Polynésie française ;

- en soutien d'exploitation : 16,8 millions d'euros aux lignes aériennes d'aménagement du territoire (métropole et outre-mer) et 1 million pour la desserte internationale de Strasbourg.

2. Le programme 612 « Navigation aérienne »

La direction des services de la navigation aérienne (DSNA) poursuit cette année l'effort de modernisation du contrôle du trafic aérien, de communication, de surveillance, de navigation et d'information aéronautique, pour les mettre, avant 2015, aux standards du « ciel unique » européen à travers les programmes SESAR et FABEC 2 ( * ) . De fait, les évaluations internes ont mis en évidence des retards d'investissements et la nécessité de changer des équipements usuels mais vétustes.

Quatre programmes d'investissements sont directement concernés :

- le programme européen « 4flight »,

- les communications sol/sol sous IP,

- la construction et l'équipement des infrastructures de navigation aérienne du nouvel aéroport de Notre-Dame-Des-Landes,

- la mise en oeuvre de nouveaux systèmes spécifiques « tours et approches », qui passe par la modernisation des systèmes propres aux approches et aux tours de contrôle.

La DNSA indique avoir engagé un programme immobilier assez important pour rationaliser l'usage de bâtiments dont elle a la charge et parfois pour vendre des locaux 3 ( * ) .

3. Le programme 613 « Soutien aux prestations de l'aviation civile »

Avec 1,499 milliard d'euros en AE et en CP , ce programme est de loin le plus important du BACEA puisqu'il prend en charge les quelque 11 000 postes en administration centrale. Ce programme progresse de 4 %, alors même que, pour la troisième année consécutive, le nombre d'emplois diminue, cette fois de 116 ETP .

L'action n° 1 « Ressources humaines et management », avec 1,149 milliard d'euros, représente les deux tiers du programme. Elle comprend les salaires et charges, mais aussi la formation (1,1 million d'euros) et l'action sociale (7,3 millions d'euros) des personnels de la DGAC.

L'action n° 2 « Logistique », avec 33,4 millions d'euros, regroupe les moyens techniques nécessaires au fonctionnement de la DGAC.

L'action n° 3 « Affaires financières », avec 456 millions d'euros soit 26 % du programme, retrace la gestion de la dette du BACEA. A noter que les charges financières des emprunts s'élèvent à 38 millions d'euros, soit les intérêts payés en 2013 pour les douze avances de l'Agence France Trésor et pour les deux emprunts bancaires en cours.

L'action n° 4 « Formation aéronautique » est nouvelle puisqu'elle reprend les crédits du programme 611 en vigueur jusqu'à cette année. Cette action comprend 97 millions d'euros en AE et en CP, qui correspondent aux moyens alloués à l'École nationale de l'aviation civile (ENAC), en particulier la gestion de ses 866 emplois (- 2,5 %) et des 10 millions d'euros d'investissements prévus par cette école pour l'an prochain.

4. Le programme 614 « Transports aériens, surveillance et certification »

L'action n° 1 relative au développement durable suit le même mouvement de vases communicants, entre une réduction des dépenses de fonctionnement (- 13 %) et un renforcement des crédits d'investissement (+ 3 %). Deux opérations sont mises en avant : la création d'un laboratoire de test et de détection des explosifs et le développement d'une nouvelle application de gestion des titres d'accès dans les zones réservées des aéroports.

L'action n° 2 « Surveillance et certification », avec 24,5 millions d'euros, atteint son plancher aux dires de la DGAC. En effet, les principales économies ont déjà été faites, avec la réduction des frais de déplacement des agents en mission de surveillance et de certification, ainsi qu'avec la certification ISO attribuée à la DGAC. Pour économiser davantage, il faudrait diminuer le nombre de contrôles, ce qui n'est guère compatible avec l'objectif de sécurité, surtout lorsque le trafic augmente.

L'action n° 4 « Enquête de sécurité aérienne » (2,9 millions d'euros) vise l'intervention du BEA dans les accidents et incidents graves d'aviation civile.

CRÉDITS DU BUDGET ANNEXE PAR PROGRAMMES ET ACTIONS :
OPÉRATIONS COURANTES

En millions d'euros

AP
LFI 2012

AP
PLF 2013

CP
LFI 2012

CP
PLF 2013

Programme 613

1 442,8

1 499,1

1 436,0

1 499,1

Ressources humaines

1 118,3

1 148,8

1 117,4

1 148,8

Logistique

28,0

20,0

20,1

20,0

Affaires financières

199,6

233,1

199,6

233,1

Formation aéronautique

98,7

97,1

98,7

97,1

Programme 612

336,6

329,1

333,8

329,1

Gestion

9,9

10,7

9,8

10,7

Centres en route

228,9

228,1

229,5

228,7

Aéroports

53,5

51,7

51,9

50,8

Outre-mer (contrôle aérien)

6,4

6,1

6,7

6,5

Ingénierie technique

23,5

18,2

21,3

18,2

Maintien des compétences

14,3

14,1

14,3

14,1

Programme 614

40,4

40,2

39,0

40,2

Développement durable

18,5

16,5

18,4

16,5

Surveillance et certification

18,1

21,2

17,6

21,2

Enquête

3,7

2,4

2,8

2,4

Total

1 819,9

1 868,4

1 808,8

1 868,4

Source : DGAC

CRÉDITS DU BUDGET ANNEXE PAR PROGRAMMES ET ACTIONS :
OPÉRATIONS EN CAPITAL

AP
LFI 2012

AP
PLF 2013

CP
LFI 2012

CP
PLF 2013

Programme 613

206,0

238,8

207,1

236,8

Ressources humaines

0,9

0,4

0,6

0,4

Logistique

8,1

13,4

9,5

13,4

Affaires financières

196,8

222,9

196,8

222,9

Programme 612

177,5

170,1

176,0

170,1

Gestion

2,6

1,9

3,0

1,3

Centres en route

111,4

105,5

107,4

112,4

Aéroports

44,8

48,7

42,1

43,7

Outre-mer (contrôle aérien)

9,3

6,1

12,7

6,2

Ingénierie technique

6,6

5,5

6,9

4,0

Maintien des compétences

2,8

2,2

3,8

2,3

Programme 614

9,2

11,5

8,7

11,5

Développement durable

7,3

7,6

6,8

7,6

Surveillance et certification

1,3

3,3

1,3

3,3

Enquête

0,5

0,5

0,5

0,5

Total

392,9

418,4

391,9

418,4

Source : DGAC

C. LE PLAN DE LA DGAC POUR CONTENIR SON ENDETTEMENT

La crise économique a eu de lourdes conséquences sur l'équilibre du BACEA. Ainsi, la section d'exploitation du budget annexe présentait un solde négatif de 12,2 millions d'euros en 2011 et de 16,4 millions en prévisionnel 2012 et cette tendance se maintient pour 2013, avec 21,5 millions de déficit prévisionnel.

De ce fait, l'encours des emprunts a fortement augmenté depuis le début de la crise économique en 2008-2009, en dépit de la volonté de la DGAC, dès 2009, de maîtriser l'évolution de la dette qui se poursuit dans le cadre de la programmation triennale 2013-2015. C'est seulement à partir de 2014 que les comptes devraient revenir à l'équilibre, à condition que les mesures de redressement portent leurs fruits et que la conjoncture ne soit pas défavorable.

1. La dette de la DGAC a atteint un niveau préoccupant

Au 31 décembre 2012, l'encours des emprunts du BACEA s'élèvera à 1,215 milliard d'euros : en quatre ans , cette dette se sera accrue de 337 millions d'euros, soit une augmentation de 42 %.

L'administration explique cette dérive alarmante par la conjugaison de facteurs structurels et conjoncturels.

Structurellement, les redevances ne couvrent pas les coûts des services délivrés par la DGAC, en raison d'avantages tarifaires décidés pour des raisons politiques ou économiques 4 ( * ) , mais aussi parce que les recettes de la taxe de l'aviation civile (TAC) ne sont pas intégralement versées au BACEA 5 ( * ) . Cette « sous-budgétisation » structurelle est estimée à 103 millions d'euros en 2011.

Sur le plan conjoncturel, la crise économique a réduit les recettes du budget annexe et conduit au recours à un emprunt supplémentaire de 165 millions d'euros en 2009. L'endettement a continué de croître en dépit de la reprise du trafic à partir de 2011, du simple fait que le BACEA n'a pas les ressources suffisantes pour rembourser : il lui est nécessaire d'emprunter pour rembourser ses emprunts antérieurs.

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

Emprunt contracté

80

253

103

104

282

251

194

Remboursement d'emprunts

100

114

104

104

108

154

182

Endettement net au 31 décembre

740

879

878

878

1 052

1 148

1 161

Évolution annuelle

-2,66%

18,72%

-0,08%

0,00%

19,81%

9,20%

1,12%

LFI 2012

PLF 2013

Prog°

2014

Prog°

2015

Emprunt contracté

250

248

231

204

Remboursement d'emprunts

197

223

225

222

Endettement net au 31 décembre

1 214

1 239

1 245

1 227

Évolution annuelle

4,56%

2,06%

0,48%

-1,45%

A noter qu'en 2006 l'emprunt contracté comporte 149,8 millions d'euros et le remboursement 16,5 millions d'euros au titre des investissements

2. Le plan de redressement engagé par la DGAC

La DGAC engage une politique de réduction de l'endettement dans le cadre de la nouvelle programmation budgétaire 2013-2015, elle-même basée sur une augmentation du trafic aérien, en nombre de passagers, située autour de 2,5 % par an.

Cette réduction résulte, d'une part, de l'application des mesures de maîtrise des dépenses définies par les directives gouvernementales (diminution des dépenses de fonctionnement de 15 % et stabilisation de la masse salariale sur la période). Cette politique s'appuie sur les réformes suivantes :

- la restructuration territoriale et l'optimisation des services de la navigation aérienne et la réorganisation des tâches au sein des directions de la sécurité de l'aviation civile ;

- l'amélioration de la productivité globale et la mutualisation des achats et des marchés, la recherche de processus permettant d'optimiser les coûts et sur des économies en matière de frais de déplacement et de réalisation d'études.

La réduction attendue de l'endettement résulte, d'autre part, d'une augmentation des recettes affectées au budget annexe par :

- le produit des cessions immobilières des biens de la DGAC (art. 61 de la LFI pour 2011) ;

- la perception de frais de gestion liés au contrôle d'assiette et au recouvrement des taxes gérées par la DGAC pour le compte de tiers.

La combinaison de cet objectif de maîtrise des dépenses et de l'augmentation espérée des recettes doit, selon la DGAC, permettre d'améliorer significativement le résultat d'exploitation du budget annexe. Si le solde est certes encore négatif en 2013 (- 21,5 millions d'euros), il redeviendrait positif dès 2014 (+ 10 millions d'euros) et plus largement encore en 2015 (+ 42,2 millions d'euros). Cette dynamique d'augmentation du résultat d'exploitation se traduirait alors par une amélioration sensible de la capacité d'auto-financement du BACEA, nécessaire à sa politique d'investissements, et permettrait de diminuer proportionnellement le besoin de recourir à l'emprunt.

Au total, sur la période de la programmation, la progression de l'endettement s'en trouverait fortement ralentie, passant de 4,56 % en 2012 à 2,06 % en 2013, puis stabilisée (0,48 % en 2014), avant de décroître en 2015 (- 1,45 %). Votre rapporteur pour avis prend acte de ces prévisions, sur lesquelles il exprime de sérieuses interrogations car elles reposent sur une prévision de trafic et de recettes par nature aléatoire.

D. L'ÉQUILIBRE DU BACEA PASSE PAR L'AFFECTATION DE L'INTÉGRALITÉ DE LA TAXE DE L'AVIATION CIVILE

Comme votre rapporteur pour avis l'a évoqué précédemment, chaque année, l'État puise une part de la taxe de l'aviation civile (TAC). Il soustrait ainsi au BACEA au profit du budget général 100 millions d'euros, ce qui déséquilibre structurellement le BACEA. De ce fait, cette taxe qui devrait couvrir l'intégralité des coûts du contrôle et de l'exploitation aériens, n'en couvre en réalité que 85 %. Dans ces conditions, la DGAC doit s'endetter pour financer son fonctionnement : elle va dépenser, en 2013, 38 millions d'euros en seules charges financières, alors que l'État prélève dans la taxe qui est censée payer le service rendu...

Cette situation devient difficilement tolérable en période de crise. La DGAC fait des efforts pour comprimer ses coûts, elle investit pour se moderniser, elle n'a plus grand chose à vendre de son patrimoine immobilier, mais l'État lui retire plus de 100 millions par an : ce n'est pas raisonnable. C'est pourquoi votre rapporteur pour avis est favorable à l'affectation intégrale de la TAC au budget annexe de l'aviation civile.

II. DES PERSPECTIVES BUDGETAIRES ET ECONOMIQUES CONDITIONNEES À L'EVOLUTION DU TRAFIC : 2013, ANNEE CRITIQUE POUR L'ENSEMBLE DES OPERATEURS

A. L'ÉVOLUTION DU TRAFIC

Le trafic a repris en 2011 et au premier semestre 2012, tiré par la croissance mondiale ; cependant, le rythme est moins soutenu qu'avant 2008 et, surtout, l'évolution des trafics aériens est contrastée entre grandes zones géographiques et entre vols internationaux et vols domestiques.

Globalement, selon l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI), le nombre de voyageurs a progressé de 5,6 % en 2011, pour s'établir à 2,7 milliards de passagers ; le volume d'activité des services réguliers (internationaux et intérieurs) s'est accru de 6,5 % en moyenne (de 7,1 % pour les vols internationaux et de 5,4 % pour les vols intérieurs). A noter, cependant, que le ciel aérien européen a été fermé pendant une semaine en avril 2010, suite à l'éruption du volcan islandais Eyjafjöll : les progrès enregistrés en 2011 doivent être ainsi pondérés fortement par le rattrapage sur des chiffres moins bons en 2010.

Le trafic de fret aérien, lui, n'a augmenté que de 1,4 % en volume, pour s'établir à 51,4 millions de tonnes . La morosité du climat économique en Europe, s'ajoutant au ralentissement des exportations chinoises en raison notamment de la baisse de la demande européenne et à la forte concurrence du transport maritime, a pesé négativement sur le transport de fret.

En France, le trafic total de passagers est de 133,2 millions de passagers en 2011 (+ 6,7 %), dont 128,8 millions pour la métropole (+ 6,9 %), ce qui rattrape le niveau de 2008, mais pas celui de 2007. Encore ces chiffres sont-ils dus pour une large part à la correction de « l'effet volcan ». La croissance du trafic intérieur à la métropole tient en particulier aux vols à bas coûts, mais aussi à une certaine reprise des lignes radiales avec l'ouverture de services nouveaux (Brest, Biarritz ou la Corse). La croissance est plus forte encore pour les liaisons avec l'Union européenne (+ 11,2 %), en particulier depuis les aéroports de province (+ 15,1 %, contre + 8,3 % depuis Paris), ce qui est à mettre à l'actif des compagnies low cost.

Ces chiffres encourageants, cependant, doivent être nuancés dans la dernière période, en particulier pour les vols domestiques.

Les éléments communiqués à votre rapporteur par Aéroports de Paris aussi bien que par Air France KLM, montrent que si les vols long courrier se portent bien, quoique moins bien qu'avant la crise de 2008, les vols domestiques marquent le pas, ce qui a des incidences pour Air France KLM, très présente sur les vols intérieurs, mais aussi pour les plateformes aéroportuaires françaises.

Pour le premier semestre 2012, le nombre de passagers progresse de 4 % pour le trafic international mais seulement de 1,4 % pour le trafic intérieur. Si le trafic international s'accroît fortement avec le Moyen Orient (+ 9,6 %), l'Asie (+ 6,3 %), l'Amérique du Sud (+ 6 %) et l'Afrique du Nord (+ 5,4 %), la hausse est nettement plus faible avec l'Union européenne (+ 3,3 %) et avec l'Amérique du Nord (+ 1 %). Le trafic intérieur français est marqué au premier semestre 2012 par une hausse de 10,6 % des lignes transversales due à l'action des compagnies à bas coûts et des bases Air France à Nice, Marseille et Toulouse. Le trafic des lignes radiales recule quant à lui de 2,1 %.

A partir du troisième trimestre 2012, les vols intérieurs d'Air France connaîtraient une nouvelle chute, selon les éléments communiqués à votre rapporteur. Les compagnies low cost résisteraient mieux, mais la tendance serait bien à l'atonie du marché intérieur.

En fait, selon une corrélation pragmatique bien connue des prévisionnistes en matière d'activité aérienne, le trafic aérien est si lié à la croissance économique, qu'il serait « mécaniquement » du double de la croissance du PIB. Et c'est bien parce que les perspectives de croissance économique sont partout revues à la baisse, que celles du trafic aérien sont moroses. A cela s'ajoute, pour le fret, l'effet d'une surcapacité générale, qui provoque une pression à la baisse des prix. Votre rapporteur pour avis ne décrit pas un scenario noir du trafic aérien en 2013, mais suggère une hypothèse défavorable sur la base d'indices négatifs, dans le contexte d'une croissance mondiale ralentie.

Ces perspectives peu réjouissantes se dessinent alors que la DGAC, les compagnies aussi bien que les plateformes aéroportuaires investissent fortement pour tenir dans la compétition internationale, et que les ressources publiques se font de plus en plus rares pour soutenir la filière. C'est dire combien, dans ces conditions, l'année 2013 sera critique pour le trafic aérien : la reprise du trafic conditionne en effet la réussite des plans de redressement de la DGAC et des compagnies européennes. Si l'atonie se prolonge, la compétition sera de plus en plus difficile avec les compagnies proche et extrême-orientales, qui disposent de réserves financières très importantes et bénéficient souvent de plateformes aéroportuaires quasiment gratuites, car prises en charge par la collectivité publique.

B. DES COMPAGNIES EUROPÉENNES FRAGILISÉES À L'ÉCHELLE MONDIALE

La crise économique a frappé les compagnies aériennes européennes bien plus que les autres, au point de creuser l'écart avec les compagnies américaines, et plus encore asiatiques ou moyen-orientales. Les compagnies européennes enregistrent une bonne reprise en 2011, après les baisses de trafic de 2009 et de 2010. Cependant, elles parviennent difficilement à compenser la hausse des coûts d'exploitation, notamment celle du carburant. En effet, le prix moyen du kérosène s'est établi à 127 dollars le baril en 2011, soit une hausse de 40 % par rapport à 2010. L'expérience de 2008 a permis aux compagnies de pratiquer des politiques de couverture plus avisées.

Et face à la concurrence de plus en plus forte des transporteurs à bas coûts sur le réseau moyen-courrier, elles ne peuvent pas pratiquer des tarifs adaptés à leurs charges.

Les compagnies aériennes ont réalisé, pour le transport international régulier, un bénéfice de 10,2 milliards de dollars , en augmentation de 3,4 % par rapport à 2010 6 ( * ) . Après charges d'intérêts, le résultat net n'est cependant que de 4,3 milliards de dollars, en hausse de 1,4 %. Et sur l'ensemble de ces bénéfices, 62 % sont allés aux compagnies asiatiques, 16 % aux compagnies américaines et seulement 6 % aux compagnies européennes . Les compagnies européennes dégagent une marge nette de 0,9 % seulement, bien moindre que celles de leurs concurrentes asiatiques et américaines.

Après le rattrapage de 2011, l'année 2012 apparaît bien plus atone pour les compagnies européennes, et particulièrement difficile pour Air France-KLM :

- le groupe IAG, né de la fusion en 2010 de British Airways et d'Iberia, subit une perte de 245 millions d'euros au 1 er semestre 2012, après un résultat positif de 69 millions en 2011, ceci malgré une progression de 13 % de son chiffre d'affaires, à 8,5 milliards d'euros ;

- Lufthansa perd également 20 millions d'euros au 1 er semestre 2012, après un résultat positif de 114 millions en 2011 et pour un chiffre d'affaires lui aussi en hausse (+ 6 %), à 14,5 milliards d'euros ;

- Air France KLM enregistre un résultat d'exploitation négatif de 663 millions d'euros au 1 er semestre 2012, après un résultat négatif de 353 millions en 2011, alors que le chiffre d'affaires progresse de 5 %, pour s'établir à 12,14 milliards d'euros.

Dans le même temps, les compagnies américaines, dont la croissance du chiffre d'affaire est plus faible, continuent d'enregistrer des résultats positifs : 516 millions de dollars pour Delta Airlines, 481 millions pour Southwest Airlines, 304 millions pour United Continental, 53 millions pour American Airlines.

C. AIR FRANCE SUR LA VOIE DU REDRESSEMENT

Après avoir enregistré une perte de 353 millions d'euros en 2011 (et un gain de 28 millions d'euros pour l'année 2010), Air France-KLM a vu sa situation se dégrader très rapidement au premier semestre 2012, avec un solde d'exploitation négatif de 663 millions d'euros au milieu de l'année . Ceci, alors que la compagnie bénéficie de la hausse du trafic, avec une augmentation de son chiffre d'affaires : le chiffre d'affaires consolidé augmente de 5,2 % par rapport au premier semestre 2011, l'augmentation est de 7,7 % pour l'activité passagers alors que l'activité cargo recule de 3,8 %.

Les charges expliquent le déficit : elles augmentent de 6,6%, à 8,02 milliards d'euros, pour le premier semestre 2012. Les dépenses de carburant croissent de 15,1 % (+ 469 millions d'euros), les charges de personnel de 3,9 %, pour s'établir à 3,88 milliards d'euros.

En millions d'euros

2010

2011

Variation

Chiffre d'affaires

23 310

24 363

+4,5 %

Charges externes

- 14 306

- 15 517

+8,5 %

Frais de personnel

- 7 385

- 7 460

+1,0 %

Impôts et taxes

-175

-191

+9,1 %

Amortissements, dépréciations et provisions

- 1 667

- 1 697

+1,8 %

Autres produits et charges

251

149

- 40,6 %

Résultat d'exploitation

28

-353

- 381

Source : Air France

Dans ces conditions, Air France KLM doit puiser dans ses ressources. Fin 2011, les capitaux propres diminuent de 1,213 milliard d'euros (- 19,9 %) pour s'établir à 4,88 milliards d'euros. Dans le même temps, le groupe s'endette davantage : fin 2011, la dette s'élève à 6,52 milliards d'euros, en hausse de 7,4 % par rapport à fin 2010. En quatre ans, la dette a triplé, alors même que le groupe a des positions solides, au premier rang mondial du trafic international, au deuxième rang mondial de la maintenance des moteurs et des équipements, et que le secteur est en développement à l'échelle mondiale.

Face à cette situation, la nouvelle direction d'Air France a lancé un vaste plan de redressement dénommé « Transform 2015 » : il vise à rétablir des marges bénéficiaires en trois ans, en prenant des mesures immédiates sur les dépenses - diminution des investissements, gel des salaires -, en restructurant l'offre industrielle - en particulier des court et moyen courriers, qui sont devenus des gouffres financiers - et en renégociant les accords sociaux de l'entreprise, qui apparaissent décalés avec ceux des concurrents européens.

Le plan stratégique de l'entreprise entend conserver le caractère généraliste d'Air France, opérant sur long, moyen et court courriers à partir de son hub de Roissy , ce qui offre un avantage décisif pour drainer la clientèle vers ou depuis les dessertes régionales. Mais ce plan prévoit aussi de doter la compagnie des mêmes atouts que ses concurrents directs : une offre à bas coût , prise en charge par la filiale Transavia , et un élargissement de l'offre long courrier au haut de gamme, où les compagnies asiatiques et du Golfe persique proposent, aujourd'hui, de meilleures prestations.

Le plan Transform 2015 prévoit ainsi la formation de trois pôles : l'international, articulé par le hub de Roissy ; le régional, avec des lignes intérieures et européennes ; le low cost, autour de la compagnie Transavia, dont la flotte devrait atteindre à terme 22 appareils.

Des investissements importants de modernisation et d'amélioration du service sont prévus pour les lignes long courrier : Air France consacrera 550 millions d'euros supplémentaires à l'accueil au sol, à la rénovation des cabines et au service qui y est délivré, pour atteindre un niveau de service comparable à celui des compagnies asiatiques, en particulier pour la clientèle de la classe affaires et de la première classe.

Le plan prévoit également de renforcer l'activité de maintenance des moteurs et des équipements, qui emploie déjà 15 000 salariés, pour que la compagnie conserve sa place de leader. En revanche, l'activité aujourd'hui déficitaire de la maintenance des avions devrait être restructurée en particulier au Maroc, en coopération avec Royal Air Maroc.

Sur le plan social, l'objectif affiché par la direction - et accepté par une majorité de syndicats dans la négociation sociale - est un gain de productivité de 20 % pour les trois catégories de personnels du groupe : au sol, navigants commerciaux et navigants. Le plan Transform 2015 prévoit des départs volontaires pour 5 122 postes. Les négociations ont été lancées après que la direction a dénoncé les conventions collectives en vigueur ; l'accord a été obtenu avec les pilotes et avec les personnels au sol ; pour les navigants commerciaux, la négociation se poursuit, avec la possibilité d'une signature au printemps 2013, date à laquelle la convention arrive à échéance.

Votre rapporteur pour avis salue le plan ambitieux ainsi mis en place, avec un succès certain au démarrage, en formant le voeu que l'accord social sera obtenu dans les meilleurs délais, pour mettre l'entreprise dans le meilleur ordre de marche possible. La concurrence au prix, par les compagnies low cost et à la qualité de service, par les compagnies asiatiques et du Proche-Orient, est particulièrement rude pour les compagnies européennes, qui ont des charges plus élevées. Au-delà, le bénéfice de règles fiscales et sociales différentes pour les compagnies low cost et les compagnies asiatiques et du Golfe pénalise nos compagnies.

D. LE DÉVELOPPEMENT D'AÉROPORTS DE PARIS

Aéroports de Paris a bien changé en quelques années, étant passé du statut d'EPIC à celui de société anonyme, puis de société cotée en bourse. La plateforme de Roissy-CDG et plus récemment celle d'Orly font de gros efforts de compétitivité, avec un programme d'investissement très conséquent. ADP a développé ses activités commerciales et immobilières, parvenant à trouver des revenus qui ne sont pas directement liés au trafic.

Votre rapporteur pour avis se félicite de cette « révolution tranquille » d'ADP : elle était attendue et elle a pour premier résultat, visible dans les enquêtes de satisfaction qui placent certaines aérogares en toute première position, une nette amélioration des services de la plateforme de Roissy-CDG. Les travaux réalisés à Orly devraient permettre une pareille évolution qualitative.

Dans ces conditions, il faut veiller, notamment à travers le contrat de régulation, à garder l'équilibre entre les intérêts des différents acteurs : Air France, principal contributeur d'ADP, ne saurait voir les taxes et redevances aéroportuaires augmenter sans être fragilisée davantage, ce qui n'est évidemment pas souhaitable en cette période si sensible pour la compagnie ; d'un autre côté, on ne saurait alléger ces taxes et redevances sans affaiblir ADP, engagé dans un fort investissement pour améliorer le service. Qui plus est, toute réduction de ces taxes et redevances, en s'appliquant à l'ensemble des compagnies aériennes, affaiblirait davantage ADP qu'elle ne renforcerait Air France.

Votre rapporteur pour avis estime qu'il est devenu crucial d' améliorer la liaison de l'aéroport de Paris Roissy Charles de Gaulle avec la capitale . Le projet dit du CDG Express vise à créer une liaison directe, sans arrêt intermédiaire. Étudié depuis une décennie, le dossier vient de faire l'objet d'un rapport remis au ministre des transports. En l'absence d'une diffusion de ce rapport, votre rapporteur, sur la base d'informations qui lui ont été transmises lors de ses auditions, prend acte de l'hypothèse d'un tour de table financier entre les quatre opérateurs majeurs que sont la SNCF, RFF, la RATP et ADP. Cette hypothèse devra être confirmée et confrontée à une évaluation réaliste des coûts, divers scénarios étant évoqués. Faute d'éléments substantiels et fiables, votre rapporteur souhaite que le « rapport Gourgeon » soit communiqué à votre commission. En l'état, il s'en tient à une position de principe : une liaison directe Paris-Aéroport Charles de Gaulle est utile à la compétitivité de la plateforme et du pays. Cette liaison directe, pour être acceptable pour les territoires qu'elle traverse, implique une amélioration forte du RER B et que les engagements relatifs au réseau du Grand Paris Express soient tenus. En outre, sur ce dernier point, votre rapporteur rappelle que la desserte de l'Aéroport du Bourget par le Grand Paris Express est essentielle pour la compétitivité de la filière aéronautique (desserte du Salon International de l'Aéronautique et de l'Espace, premier au monde et vitrine du savoir-faire français, et desserte du premier aéroport d'affaires d'Europe).

III. LE SECTEUR AÉRONAUTIQUE : UNE FILIÈRE INTÉGRÉE, CONFRONTÉE À DES ENJEUX MAJEURS

A. TROIS DÉFIS POUR NOTRE INDUSTRIE AERONAUTIQUE

Le secteur aéronautique, où la France est dans le peloton de tête à l'échelle mondiale, se trouve face à trois défis pour les années à venir :

- Répondre à l'expansion de la demande : l'aéronautique va continuer de croître dans les prochaines décennies, Airbus va devoir faire monter les cadences, jusqu'à 500 ou 600 avions produits par an. Notre industrie doit avoir les moyens d'investir dans l'outil de production et dans les ressources humaines pour accompagner la croissance de la demande, ce qui suppose un accès aux financements et tout spécialement pour les PME et les ETI afin qu'elles puissent participer à la croissance de la production.

- Se préparer à une concurrence internationale croissante : de nouveaux compétiteurs sont apparus récemment et montent en puissance face à la domination du duopole Boeing - Airbus , qui a caractérisé le marché depuis les années 1980. Des constructeurs chinois, russes, mais aussi brésiliens ou canadiens proposent sur le marché des gammes de plus en plus complètes ou cherchent à monter en gamme avec des projets de monocouloirs. Pour maintenir sa compétitivité, l'industrie française doit faire preuve de créativité, ce qui suppose un fort niveau de recherche et développement.

- Enfin, renouveler l'offre technologiquement et commercialement : la France doit préparer dès aujourd'hui les futures générations de moyens de transport aérien pour 2025 et au-delà. Pour Airbus, il s'agit notamment du remplacement de la famille des moyen courriers A320, qui a constitué le fleuron de l'industrie aéronautique française et européenne des années 1980 à 2000. Mais le cas du remplaçant de l'A320, pour important qu'il soit, n'est pas unique. D'autres appareils emblématiques de l'industrie aéronautique française sont aussi amenés à être renouvelés, comme par exemple la gamme d'hélicoptères Dauphin. Eurocopter, leader mondial sur ce marché, s'est ainsi engagé sur cette voie avec les programmes X4, X6, X3 et X9.

Ces trois défis majeurs supposent une continuité dans le soutien de l'État aux programmes aéronautiques français. Le volume nécessaire aux investissements dans l'aéronautique, la durée du cycle de vie des avions et celui du retour sur investissement - 20 à 25 ans -, rendent très difficile, voire impossible, de financer la recherche aéronautique par la marge sur les ventes de matériel et les banques sont elles aussi peu réactives aux demandes des industriels, étant donné l'incertitude et la durée importante des retours éventuels. Cependant, face à ces défis, la bonne intégration de la filière sera un atout précieux.

B. UNE FILIERE INTEGRÉE FACE A L'HYPOTHÈQUE DE LA FIN DU PROGRAMME D'INVESTISSEMENTS D'AVENIR (PIA)

Les professionnels se sont regroupés dès 1908 dans une organisation professionnelle devenue unique, le Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (GIFAS). L'action de l'État, en particulier lors des grands programmes qui ont ponctué l'histoire de l'aéronautique française, a conforté l'organisation intégrée de la filière. Recherche et industrie y sont historiquement remarquablement associées.

Pour parfaire cette bonne intégration, à la suite du Grenelle de l'environnement, un Conseil pour la recherche aéronautique civile française (CORAC) a été installé à l'été 2008, pour renforcer la recherche collaborative dans le secteur, au service notamment d'objectifs environnementaux ambitieux.

HISTORIQUE ET MISSIONS DU CORAC

Début 2008, dans le cadre du Grenelle de l'environnement, les acteurs français du secteur aérien 7 ( * ) ont signé avec l'État une Convention d'engagements volontaires autour des grands objectifs environnementaux suivants :

- réduire les émissions des nouveaux avions et poursuivre la modernisation des flottes ;

- créer un conseil pour la recherche aéronautique civile française (CORAC) ;

- améliorer la performance environnementale des entreprises de l'aviation marchande ;

- informer le passager sur l'impact environnemental du transport aérien ;

- améliorer la performance environnementale de la navigation aérienne et des aéroports ;

- améliorer l'insonorisation des logements des riverains des aéroports.

Mis en place à l'été 2008, le CORAC encourage une recherche collaborative entre les acteurs de la filière, pour renforcer la compétitivité du secteur et la performance environnementale du transport aérien 8 ( * ) .

Le CORAC rassemble tous les acteurs publics et privés du transport aérien : l'État, les industries, les aéroports, les compagnies aériennes et les laboratoires. Ces acteurs travaillent en amont avec la communauté scientifique sur les sujets intéressant l'aéronautique.

Depuis bientôt cinq ans, le CORAC a trouvé toute son utilité :

- vision partagée par les grands acteurs industriels et étatiques ;

- effet de levier sur les financements industriels des activités de recherche, avec une forte croissance de l'autofinancement (+ 30% en trois ans ) ;

- mise en place, grâce au programme d'investissement d'avenir (PIA), d'un ambitieux programme de démonstration technologique associant l'ensemble de la filière industrielle pour préparer les futures générations d'aéronefs (2015-2025) ;

- mise en réseau de l'industrie aéronautique et du monde académique sur le thème de la quantification des impacts du transport aérien ;

- réflexion croisée sur le futur du transport aérien dans toutes ses dimensions, incluant la gestion du trafic aérien, le développement de filières de biocarburants aéronautiques, etc ;

- coopérations sur des programmes et articulation de la recherche avec des programmes européens.

Votre rapporteur pour avis estime que cette démarche est exemplaire pour bien d'autres filières industrielles.

Il s'inquiète, cependant, de la faible visibilité sur la suite du programme d'investissement d'avenir (PIA), lancé en 2010 grâce aux 35 milliards du grand emprunt. Notre pays consacre moins de moyens à la recherche aéronautique que l'Allemagne mais il l'a souvent compensé par de grands programmes. Le PIA a joué cette fonction, débloquant en particulier 400 millions d'euros pour des plateformes de démonstration technologiques proposées par le CORAC. Les crédits du PIA touchant à leur fin l'an prochain, quelle suite sera donnée à ce programme ambitieux ? D'après les responsables du GIFAS, que votre rapporteur a auditionnés, le besoin de financement voisinerait les 120 millions d'euros annuels.

C. EADS ET L'ENJEU EUROPEEN : UNE OCCASION MANQUÉE ?

A l'issue d'un suspense dont la vie des affaires a le secret, l'échec de la fusion d'EADS et du britannique BAE Systems appelle plusieurs observations de la part de votre rapporteur pour avis.

Cette opération  visait à créer en Europe, le leader mondial de l'aéronautique, de l'espace et de la défense. Elle ambitionnait de renforcer  la capacité de l'industrie aéronautique européenne à faire face aux défis technologiques majeurs tels que ceux liés à l'environnement et à la gestion de l'énergie, en particulier en facilitant le financement des développements de grande ampleur qu'ils requièrent. Enfin, ce rapprochement aurait permis une avancée considérable dans la consolidation de la base industrielle et technologique européenne, en arrimant l'essentiel de l'industrie britannique à l'Europe.

À ces différents titres, votre rapporteur pour avis regrette que ce projet ambitieux n'ait pu être mené à bien.  Malgré la difficulté technique de sa réalisation et le constat d'échec du moment, il appelle à un soutien politique plus enthousiaste pour la consolidation de l'industrie aéronautique de défense européenne, largement inachevée, qui demeure une nécessité absolue et peut et doit être relancée.

D. DES DÉFIS ENVIRONNEMENTAUX

1. Le développement d'une filière nationale de biocarburants aéronautiques

Le transport aérien contribue pour moins de 3% aux émissions de CO 2 .

Les avions utilisent des sources d'énergies de forte densité, c'est-à-dire à forte puissance pour une faible masse du système propulsif et du carburant. Dans l'état actuel des technologies, il paraît peu probable que des alternatives crédibles aux hydrocarbures liquides soient disponibles avant 2050. Cependant, cette perspective encore éloignée n'interdit pas la recherche, bien au contraire : le remplacement progressif des carburants fossiles par des carburants renouvelables et durables, à faible empreinte carbone, est devenu une priorité pour l'aviation.

La Commission européenne a fixé pour objectif la production de 2 millions de tonnes de biocarburant aéronautique à l'horizon 2020. Cela représenterait 3 % à 4 % de la consommation européenne de carburant aéronautique. Transposé à la France, cet objectif reviendrait à produire environ 200 000 tonnes de biocarburant aéronautique soit moins de 10 % de la production de biocarburants destinés aux transports terrestres.

A l'heure où les initiatives se multiplient en Europe 9 ( * ) et dans le monde (États-Unis et Brésil notamment), la France, avec ses ressources agricoles et ses positions de premier plan dans le secteur de l'énergie, a les capacités de proposer des biocarburants aéronautiques. Le déploiement d'une telle filière constituera pour les territoires une opportunité de valoriser les ressources renouvelables et les savoir faire.

Les besoins du transport aérien constituent ainsi une véritable opportunité pour la création d'une filière complète de production de biocarburants aéronautiques en France.

2. L'enjeu des ETS

Entrée en vigueur le 1 er janvier 2012 et transposée en droit français dès 2010, la directive européenne 2008/101/CE applique aux activités aériennes le système communautaire d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre (ETS, emission tracking scheme ). L'idée initiale, largement promue par la France, était de traiter à égalité toutes les compagnies aériennes mondiales, pour que toutes adoptent le comportement le plus responsable en matière de pollution atmosphérique, en commençant par le territoire européen. A cette fin, la directive impose l'achat ou l'échange de quotas d'émission à tout avion qui décolle ou qui atterrit sur le territoire européen.

Cependant, plusieurs pays ont d'emblée contesté ce principe, au premier rang desquels la Chine, les États-Unis et la Russie. Ces États font remarquer que leurs avions à destination ou en provenance de l'Europe, ne survolent le territoire européen que pour une partie de leur vol et qu'il n'est pas légitime de les faire payer en Europe pour une pollution rejetée sur d'autres continents ou au-dessus de la haute mer. Plusieurs pays ont menacé l'Europe de représailles commerciales, et d'abord sur l'achat d'Airbus. Le 31 juillet dernier, le Sénat américain a adopté une proposition de loi interdisant aux compagnies aériennes américaines de se conformer à la législation européenne. De son côté, la Chine a interdit à ses compagnies de communiquer les chiffres de leurs émissions de carbone, communication indispensable à l'établissement des ETS.

L'Union européenne ne paraît pas avoir véritablement les moyens d'imposer un tel système d'échange de quotas à des pays tiers qui n'en voudraient pas - et encore moins de leur forcer la main dans le contexte géostratégique que nous connaissons.

C'est pourquoi la Commission européenne a annoncé, le 12 novembre 2012, le « gel » de la taxe carbone sur les compagnies aériennes, au moins jusqu'à la prochaine réunion de l'Organisation de l'aviation civile, dans un an. La taxe est en vigueur depuis cette année et le restera pour les vols intra-européens. Pour les vols intercontinentaux, l'Organisation de l'aviation civile est compétente et c'est de son côté qu'il faudra désormais se tourner pour définir une norme internationale dans le sens de sobriété environnementale souhaité par les Européens. On le voit, cette question constitue un enjeu stratégique pour l'ensemble de la filière aéronautique européenne.

TRAVAUX EN COMMISSION

I. AUDITION DU MINISTRE

Au cours de sa réunion du mercredi 14 novembre 2012, la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire a auditionné M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche.

M. Raymond Vall, président . - Nous sommes heureux de vous accueillir, Monsieur le ministre délégué chargé des transports, pour évoquer prioritairement les sujets qui font l'objet d'un rapport pour avis de notre commission : le ferroviaire et le fluvial, dont les crédits sont rapportés par notre collègue Roland Ries ; les transports maritimes avec Charles Revet ; le transport routier avec Ronan Dantec ; enfin, les transports aériens avec Vincent Capo-Canellas.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche. - Synthétiser ce budget est un exercice délicat : il s'élève en effet à 8 milliards d'euros, auxquels il faut ajouter plusieurs milliards d'euros d'investissement gérés par l'Agence de financement des infrastructures de transports en France (AFITF).

C'est d'abord un budget responsable et exigeant. Il organise la transition vers une politique des transports ambitieuse et réaliste. Nous avons d'ores et déjà engagé, depuis six mois, un certain nombre de réformes. Nous avons fait preuve de courage en nous attelant à la réforme du ferroviaire, puisqu'il a fallu battre en brèche l'idée que son organisation était intangible, que son efficacité ne pouvait être optimisée, que la charge de la dette continuerait à croître d'1,5 milliard d'euros par an de manière automatique... Au-delà de la maintenance de l'existant, le système ferroviaire doit être modernisé en profondeur. Le récent rapport de l'école fédérale polytechnique de Lausanne, après celui de 2005, constate que nous avons encore bien des progrès à faire puisque nos infrastructures ferroviaires continuent de se dégrader. Notre réforme doit rendre le système plus efficace, dans le respect des principes et du calendrier européen. Elle doit également préparer l'ouverture du secteur à la concurrence, parce que nous refusons de laisser les services voyageurs dans l'état d'impréparation où était le fret ferroviaire lors de son ouverture à la concurrence, avec tous les dégâts que cela a produit.

Ce n'est pas un budget de renoncement. Nous avons cherché des sources de financement innovantes, notamment pour l'AFITF. Nous avons en outre souhaité donner une suite crédible au schéma national des infrastructures de transports (SNIT), dont j'ai dit grand mal...

M. Raymond Vall, président . - ... Nous aussi !

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué . - ... mais auquel je veux donner une suite réaliste. Il faut savoir quelles sommes les départements et les régions, dont les financements viennent souvent en soutien des investissements de l'État, peuvent mobiliser.

Aujourd'hui, le SNIT, hors Grand Paris, est évalué à 245 milliards d'euros. Nous allons hiérarchiser, rendre plus crédibles et plus lisibles les investissements publics, notamment au regard de critères environnementaux, d'aménagement du territoire et de compétitivité économique.

Nous soutenons les filières industrielles en matière de transport. L'écotaxe poids lourds - mode de financement innovant - sera mise en place en 2013. Son produit s'élèvera à près de 400 millions d'euros au bénéfice de l'AFITF, dont la subvention est diminuée en conséquence. La redevance domaniale appliquée aux concessionnaires d'autoroutes rapportera près de 200 millions d'euros, au bénéfice d'investissements d'avenir, du report modal ou de la cohérence entre les schémas routier, ferroviaire, et fluvial.

Nous poursuivons les chantiers engagés et nous en lançons de nouveaux : le contournement de Nîmes et de Montpellier, la rocade L2 à Marseille, exemple d'une infrastructure payée depuis des années mais qui n'est toujours pas mise en service...

Une nouvelle impulsion est donnée aux programmes de modernisation des itinéraires routiers (PDMI) : je souhaite qu'on remédie au faible taux d'exécution, 37 % environ, de la dernière génération de programmes. Le Gouvernement précédent aurait pris, devant l'Assemblée nationale, des engagements sur les PDMI de la prochaine génération, ceux de la période 2015-2020. Mais la procédure de ces programmes n'a même pas été initiée : comment l'État pourrait-il être lié par de telles promesses ? Les lettres d'engagement se sont multipliées avant les élections du printemps dernier : je le déplore.

Le budget annexe de l'aviation civile s'élève à 2 milliards d'euros. Notre priorité va à la mise en place du Ciel unique européen, c'est-à-dire aux programmes SESAR (Single European Sky Air traffic management Research) et FABEC (bloc d'espace aérien fonctionnel d'Europe Centrale), l'ensemble de règles et de dispositifs techniques nécessaires à la gestion intégrée du ciel européen. Nous recherchons de nouvelles recettes pour désendetter la direction générale de l'aviation civile (DGAC).

Pour le transport maritime et les infrastructures portuaires, nous avons, avec Delphine Batho, posé un nouveau cap, avec la politique maritime intégrée, respectueuse des principes économiques, sociaux et environnementaux d'un développement durable. Nous ne pouvons continuer à tourner le dos à la mer et aux enjeux relatifs aux infrastructures portuaires. Nous en reparlerons à l'occasion des discussions sur la décentralisation et la modernisation de l'État. Je recevrai prochainement l'ensemble des directeurs des grands ports maritimes, mais l'État ne saurait limiter sa vision à ceux-ci, il doit, plus largement, élaborer des stratégies de façades, vecteurs de compétitivité et d'emplois. La pêche fait naturellement partie de ces réflexions. Énergies marines renouvelables, développement de l'aquaculture... : la croissance bleue, c'est demain ! A condition toutefois d'avoir des lieux de gouvernance adaptés, des façades correctement exploitées, des ports désenclavés, des liaisons ferroviaires et fluviales efficaces avec les hinterlands.

La solidité de notre filière industrielle du ferroviaire est une condition de ce développement. J'ai évoqué le sujet avec le PDG d'Alstom. Je rencontre régulièrement les chefs d'entreprise qui ont besoin du soutien de l'État dans leur conquête de marchés extérieurs. Je rencontrerai tout à l'heure le ministre des transports koweitien. Nous promouvons la filière française partout où nous le pouvons. Je travaille avec Delphine Batho sur la question des énergies maritimes renouvelables. En matière ferroviaire, c'est la commande publique qui remplit les carnets de commande de nos entreprises, dont on sait qu'ils commenceront à se vider à partir de 2015. C'est aujourd'hui qu'il faut anticiper.

Notre budget s'élève à 8,12 milliards d'euros, en augmentation de 4 %. Les transferts à l'AFITF sont en hausse. Le compte d'affectation spéciale relatif aux trains d'équilibre du territoire (TET) est doté de 325 millions d'euros, contre 280 millions l'année dernière. Le budget de l'aviation civile s'élève à 2,1 milliards d'euros. Dans une période budgétaire difficile, nous mettons ainsi en oeuvre une stratégie de soutien à nos territoires.

Les budgets des PDMI et des contrats de plan État-régions (CPER) sont en augmentation : 450 millions d'euros en 2013 contre 322 l'année précédente.

Nous avons aujourd'hui besoin de crédibilité dans la parole de l'État, de relations de confiance avec les collectivités territoriales sur les cofinancements, d'efficacité dans les investissements publics, de hiérarchisation - c'est cette dernière exigence qui m'a amené à créer la commission « Mobilité 21 ». Nous devons remédier à l'absence de continuité dans la stratégie depuis de nombreuses années, comme en témoignent le chantier de la L2 à Marseille ou les réalisations par tronçons, non reliés. Il est temps de restaurer la cohérence de l'action.

M. Michel Teston, en remplacement de M. Roland Ries , rapporteur pour avis des crédits des transports ferroviaires et fluviaux . - Roland Ries vous adresse deux questions. La première concerne le troisième appel à projets pour les transports en commun en site propre (TCSP). Les autorisations d'engagement y afférant ne sont pas fléchées dans le bleu budgétaire. Les financements seront vraisemblablement apportés par l'AFITF : pouvez-vous nous le confirmer ? Quand les projets retenus dans ce cadre pourront-ils être lancés ? Il ne faudrait pas attendre 2014...

Le déficit des TET s'accroît, ce qui oblige l'État à inscrire 325 millions d'euros au projet de budget, contre 280 millions l'an passé - il est vrai que la ligne Paris-Belfort est cette année comprise dans le total. Le financement de ces services est essentiellement assuré par l'augmentation de la taxe sur les entreprises ferroviaires, c'est-à-dire principalement la SNCF, tandis que les concessionnaires autoroutiers n'en acquittent qu'une faible part. Comment financer le report modal de façon plus équitable à l'avenir ?

J'ai moi aussi des questions à vous poser. Vous avez annoncé que le monopole de la SNCF sur le transport national de voyageurs serait préservé jusqu'en 2019. Pourquoi ne pas préparer d'ores et déjà le nouveau contrat État-SNCF pour les TET ? L'opérateur ferroviaire aurait ainsi la possibilité de programmer la modernisation des matériels et de lancer ses commandes dès aujourd'hui.

J'ai toujours été opposé à la séparation entre le gestionnaire d'infrastructures et l'exploitant. J'approuve donc les propositions que vous avez formulées à l'occasion du 75 e anniversaire de la SNCF en matière de gouvernance ferroviaire. Cela étant, avez-vous obtenu du commissaire européen Siim Kallas la garantie que le 4 ème paquet ferroviaire actuellement en préparation ne remettra pas en cause ces engagements ?

Enfin, observons que ce budget échappe totalement à la rigueur. L'écotaxe poids lourds apportera 100 millions d'euros supplémentaires au budget de l'AFITF : ses 400 millions d'euros de produit compenseront les 300 millions d'euros perdus dans le budget. L'effort de régénération du réseau demandé à RFF est confirmé, comme y appelle l'étude actualisée de l'école polytechnique de Lausanne. Le groupe socialiste approuve pleinement ce budget.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué . - Votre conclusion me rassure et m'encourage. Le financement du nouvel appel à projets sera trouvé dans le budget de l'AFITF. Nous respectons le calendrier, puisque l'appel devrait être lancé en 2013. Il portera globalement sur la mobilité urbaine, en lien avec le groupement des autorités responsables de transports (Gart). L'accent sera mis sur l'innovation technologique. J'ai été interpellé à l'Assemblée nationale  sur la place du vélo : nous serons également vigilants sur ce point. Enfin, nous serons attentifs à ce que les fonds d'épargne de la Caisse des dépôts et consignations soient garantis à hauteur de 8 milliards d'euros pour faciliter le financement des collectivités territoriales.

Le coût des TET est supérieur à ce qui était prévu : nous faisons face, en augmentant notamment de 45 millions d'euros les crédits correspondants.

D'aucuns se sont étonnés de la faible participation d'autres sources de financement au soutien du report modal. Le budget de l'AFITF est essentiellement financé par les autoroutes. Le produit de la taxe d'aménagement du territoire (TAT) s'élève à 565 millions d'euros ; l'écotaxe poids lourds représente environ 400 millions d'euros ; les amendes de radars avoisinent les 200 millions d'euros, à quoi il faut encore ajouter la redevance domaniale. La TAT se répercutant dans le prix des péages, nous ne l'avons pas augmentée, afin de protéger les usagers. Une telle décision n'aurait de toute façon pas eu d'effet sur des concessionnaires pour qui les années précédentes ont été relativement fastes. Certains sont certes très endettés, mais ils dégagent près d'1,2 milliard d'euros de profit par an. Rappelons que l'ensemble du réseau autoroutier a été privatisé pour la modique somme de 15 milliards d'euros, sur lesquels seuls 4 milliards d'euros ont été affectés à l'AFITF ! Cette privatisation est choquante, l'agence aurait pu bénéficier de 1,5 à 2 milliards d'euros supplémentaires chaque année si les autoroutes étaient demeurées dans le secteur public... La situation serait plus simple.

L'écotaxe poids lourds sera effective rapidement. Le système ne remet pas en cause la pérennité des 37 000 entreprises du domaine routier, qui connaissent déjà une situation très compliquée : leurs marges ne dépassent pas 2 %. Le dispositif initialement retenu - par décret en date du 6 mai 2012, qui résonne tel un voeu de changement du gouvernement précédent - aurait totalement bloqué le secteur. Je serai demain au congrès de la Fédération nationale des transports routiers (FNTR) : je leur dirai que nous avons repris les discussions pour élaborer un dispositif qui ne défavorise pas exagérément le routier par rapport aux autres modes, et qui touche autant le routier étranger que français.

Sur les TET, l'État verse pendant trois ans à la SNCF une compensation annuelle de 325 millions d'euros. Il faut y ajouter des obligations de service public. La convention prévoit 300 millions d'investissements sur trois ans de la part de la SNCF, pour la rénovation du matériel roulant. J'ai évoqué ces questions tout récemment avec Guillaume Pépy.

D'après le commissaire Kallas, « le 4 ème paquet ferroviaire n'est pas écrit » , du moins pas complètement. Je plaide pour le respect du principe de subsidiarité : dès lors que les principes de transparence et de libre accès sont respectés, que le cadre général de la libéralisation est fixé, l'organisation de la structure du système ferroviaire doit rester de la compétence des États : nous avons en effet des histoires, des industries, des collectivités et des autorités qui sont propres à chacun. Pourquoi vouloir un modèle unique ? J'ai préféré exposer au commissaire Kallas notre philosophie en amont de la réforme...

S'agissant du transport public quotidien, les événements qui se sont produits récemment sur la ligne B du RER montrent que la sécurité, la qualité et la régularité doivent être au coeur de nos préoccupations.

M. Francis Grignon . - Le budget ne me pose pas de problème : 4 % d'augmentation, par les temps qui courent, ce n'est pas négligeable. En revanche, la préparation de l'avenir m'inquiète.

J'ai travaillé longtemps avec MM. Bussereau et Mariani sur la concurrence dans les TER et les TET ; j'ai aussi participé aux Assises du ferroviaire. La concurrence est inéluctable. Nous devons l'anticiper pour ne pas répéter les erreurs commises dans le secteur du fret. Michel Teston envisageait un financement des TET jusqu'en 2019 : nous devrions plutôt y organiser la concurrence rapidement pour tester le marché. Qu'en pensez-vous, monsieur le ministre ?

Je suis d'accord sur le gestionnaire d'infrastructures unique : il n'est plus possible de partager la direction de la circulation ferroviaire (DCF) entre Réseau ferré de France (RFF) et la SNCF. Mais nous devons garantir une séparation comptable rigoureuse, en évitant de bâtir une holding où remontent tous les bénéfices des filiales, comme l'a fait la Deutsche Bahn. Encore faut-il instaurer une vraie indépendance opérationnelle, afin que l'équité soit préservée dans la distribution des sillons. Le droit européen impose la séparation comptable, mais c'est tout ! Qu'allez-vous faire de la dette du groupement ? L'intégrer à celle de l'État pénaliserait la notation de la France.

L'économie ferroviaire a besoin d'une bonne complémentarité entre les TGV, les TET, les TER et les bus. Être membre du conseil d'administration de la SNCF ne m'empêche pas de dire ceci : si l'on remplaçait les lignes parcourues quotidiennement par moins de cinq trains par jour par une navette de vingt bus, le trafic doublerait et les contributions publiques et les émissions de CO2 seraient réduites de 20 %. Ayons le courage d'affronter les élus locaux désireux de garder leurs lignes ferroviaires, cessons de faire rouler des TGV presque vides jusqu'aux fonds de vallée.

Vous travaillez beaucoup avec Alstom pour aider la filière industrielle ferroviaire, c'est une forme de patriotisme économique que je soutiens. Toutefois, est-on prêt à renforcer l'ensemble de la filière, à mieux la structurer, pour l'orienter à l'export ?

M. Louis Nègre . - Je remercie monsieur le ministre d'avoir pris le dossier des transports à bras le corps, alors qu'il n'était pas spécialiste de ce domaine très technique.

Nos chiffres ne concordent pas. Le programme 203 me semble diminuer de 135 millions d'euros d'une année sur l'autre, de 4,2 à 4,07 milliards d'euros. L'action 10, relative aux infrastructures de transports collectifs et ferroviaires, est en recul de 9,3 %, à 3,23 milliards d'euros.

Sur la gouvernance, vous savez quelle est ma position à l'égard d'un pôle public unifié entre la SNCF et RFF. La séparation est, à mes yeux, indispensable ; alourdir encore le diplodocus qui n'a pas fait montre d'agilité me paraît dangereux. Je suis par conséquent déçu par le choix politique qui a été fait, mais je reconnais qu'il y a une gouvernance démocratique et j'espère qu'il n'y aura pas de choc frontal avec l'Europe. Vous avez pris la précaution de rencontrer le commissaire Kallas en amont, nous aussi. Mais le problème de la gouvernance n'est pas prioritaire : peu importe que le chat soit noir ou blanc, pourvu qu'il attrape des souris. Le maître-mot, c'est la compétitivité du système et le service aux usagers. Je serai attentif à la gestion des ressources humaines dans cet ensemble unifié, et à l'étanchéité entre le gestionnaire unique d'infrastructures - cette idée me paraît en revanche excellente - et l'opérateur historique. Je suggère en outre de renforcer significativement le régulateur.

La seconde divergence philosophique que j'ai avec votre stratégie concerne l'ouverture à la concurrence. Je vois là le syndrome français de la ligne Maginot : nous nous terrons dans nos bunkers au lieu d'être à l'offensive ! Ayons foi dans les compétences de la SNCF, elle a toute les capacités pour conquérir des parts du marché anglo-saxon. Nous repoussons toujours à plus tard l'ouverture à la concurrence et pendant ce temps, les Allemands, plus malins que nous, l'ont réalisée et le prix du kilomètre parcouru est à présent inférieur de 20 % à 30 % à nos prix.

Toute augmentation de la TVA était exclue d'ici la fin du quinquennat. Mais voilà que la TVA sur les transports passera finalement de 7 % à 10 % et ce sont 168 millions d'euros qui seront ainsi transférés sur les collectivités. Or les transports publics sont un service de première nécessité qui devrait rester soumis au taux réduit.

Je vous fais confiance sur les appels à projets. La quarantaine de projets de la première tranche représente un montant de 450 millions d'euros qui pourra être pris dans le budget de l'AFITF. Mais le Gart estime que la « mobilité durable » - vélo par exemple - doit rester secondaire par rapport aux transports publics classiques dont tout le monde a besoin.

Que pouvez-vous nous dire des 30 milliards d'euros de dette, dont personne ne parle, dans le cadre de la nouvelle gouvernance ?

Êtes-vous certain que l'écotaxe rapportera 400 millions d'euros?

Enfin, comment remplir les carnets de commande de l'industrie ferroviaire, qui n'a plus de visibilité après 2015 ?

M. Jean-Jacques Filleul . - On ne peut parler du passé comme vous le faites, monsieur Nègre. Le ferroviaire a une histoire. Nous avons été nombreux, mais pas suffisamment, à lutter sans succès contre la séparation en deux du système ferroviaire et à déplorer le niveau de la dette accumulée. Il n'y a eu depuis lors aucun règlement, alors mieux vaut rester modeste. Le ferroviaire dépasse les appartenances politiques : il est inclus dans les gènes du peuple français. J'ai apprécié la présentation du ministre ainsi que les questions, toujours intelligentes, de Michel Teston.

Je vous félicite, monsieur le ministre, des réformes entreprises et de votre engagement dans le rapport de force avec l'Union européenne...

M. Louis Nègre . - Gardons quand même les yeux ouverts.

M. Jean-Jacques Filleul . - La doctrine libérale de la Commission met en péril notre système ferroviaire. Je défends le principe de subsidiarité.

La ligne à grande vitesse Sud Europe Atlantique (LGV-SEA) en cours de construction est un chantier considérable de 8 milliards d'euros. Les petites communes concernées souhaitent surtout l'attribution d'une redevance annuelle pérenne fondée sur les kilomètres d'implantation, à l'instar du système Cofiroute. Une grande partie de leur territoire communal supporte des infrastructures ferroviaires : est-il normal qu'elles n'aient en retour ni péage, ni gare ? Certaines, dont le territoire accueille des ouvrages d'art qui accompagnent ces infrastructures, s'inquiètent vivement des frais d'entretien qu'elles auront à supporter dans quelques années. Nous devrions trouver une solution qui rendrait les concessionnaires propriétaires des ouvrages d'art.

M. Rémy Pointereau . - « Pas de renoncement » dit le ministre. Voilà qui me réjouit, mais je n'en attendais pas moins : le président de la République prône une relance par la croissance, or celle-ci passe par l'investissement dans les infrastructures d'avenir. Faisons la différence entre la mauvaise dette, née des dépenses de fonctionnement, et la bonne, qui finance les investissements.

Comment fonctionnera la commission Duron sur le SNIT ? Quelle est sa feuille de route ? Son cahier des charges ? Il semble que vous soyez en désaccord avec la ministre chargée de l'égalité des territoires. Vous placeriez la rentabilité avant tout, et elle, l'équité entre les territoires. Comment allez-vous vous accorder ?

Y aura-t-il désormais plus d'objectivité dans le choix et le traitement des dossiers ? Je pense notamment au barreau de Poitiers-Limoges, le TGV corrézien, qui va coûter très cher, pour une faible rentabilité.

Qu'entendez-vous par « financements innovants » ? Il faut faire partie du réseau dit central des réseaux transeuropéens de transport (RTE-T) pour accéder aux fonds européens : quelles sont les capacités d'investissement de l'Europe pour financer nos grandes infrastructures ?

M. Henri Tandonnet . - Une question de méthode se pose aux élus : lorsqu'on envisage la création d'une nouvelle ligne à grande vitesse (LGV), il faut engager une réflexion sur l'aménagement du territoire. C'est ce que nous faisons avec le Grand projet ferroviaire du Sud-ouest (GPSO) qui comprend la nouvelle ligne Bordeaux-Toulouse et une gare nouvelle dans l'Agenais, en moyenne Garonne. Vous avez heureusement autorisé RFF à poursuivre les études en cours, l'enquête publique se déroulera en juin prochain. Le chantier implique des aménagements sur la RN 21, une nouvelle sortie d'autoroute et divers aménagements urbains. Comment travailler rapidement avec les services de l'État pour garantir la mutualisation des moyens et donner au projet toute sa cohérence ? Si nous travaillons ensemble, nous pouvons réaliser des économies.

M. Raymond Vall, président . - Je m'associe à la question !

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué . - MM. Grignon et Nègre s'interrogent sur l'ouverture à la concurrence, en ayant sans doute à l'esprit ce qui s'est passé avec le fret. Le plan Fret prévoyait de porter à 25 % la part du non-routier - nous avons vu l'inverse, puisque la part du ferroviaire a reculé de 15 % à 9 % ! Il faut préparer davantage les changements, conforter nos opérateurs plutôt que de les affaiblir, sans quoi ils subissent avec la libéralisation brutale une véritable cannibalisation et ce n'est pas la régulation qui l'empêchera efficacement. Le rapport du Conseil économique, social et environnemental est très réservé sur l'ouverture anticipée en 2014, même sous la forme expérimentale et volontaire.

Tant que les règles sociales ne seront pas uniformisées, la concurrence allégée de toute obligation et le service public lesté par ses missions d'intérêt général ne pourront être à égalité de prix ! La différence de 20 % s'explique ainsi. C'est pourquoi nous souhaitons que la réforme concerne l'ensemble des opérateurs ferroviaires, qui sont déjà dix-huit aujourd'hui. Un décret « socle » fixera le cadre de référence, les grandes lignes de l'organisation du travail, les relations salariales. Ce sera le cadre des accords de branche et d'entreprise. Tout ceci suppose de la négociation.

La réforme est aussi une réponse à la dette. Si nous ne revoyons pas l'organisation de la SNCF et de RFF, la perte d'efficacité continuera de coûter 800 millions d'euros par an, c'est la moitié de la dette « automatique » que nous promet l'organisation actuelle. Avec la réforme, nous voulons stabiliser le volume de la dette, avant de la résorber - je signale qu'elle était de 25 milliards en 2008 et atteint 31 milliards aujourd'hui... - tout en évitant sa requalification en dette de l'État. La réforme sera difficile, mais sans elle, le chemin de fer français est condamné. C'est aussi pourquoi nous avons besoin de règles claires et d'un cadre social solide, avant toute ouverture supplémentaire à la concurrence.

Nous envisageons d'expérimenter un nouveau cadre de relations entre l'État et les collectivités régionales sur les lignes malades, celles où l'on observe des doublons entre TET et TER. Mais je n'ai nulle intention de me délester d'un fardeau sur les régions en leur demandant de rationaliser l'offre de transports, le travail sera fait en amont de la décentralisation des transports. Nous verrons comment optimiser l'offre sur les territoires concernés.

Je n'ai aucun antagonisme avec Cécile Duflot. Les enjeux diffèrent selon la nature des chantiers : les lignes à grande vitesse visent l'efficacité économique, l'électrification concerne plutôt les transports quotidiens, et la rénovation des lignes dépend de leur usage,  mixte, voyageurs, ou fret. Tel barreau de 100 kilomètres pourrait relier deux morceaux de ligne grande vitesse : est-il prioritaire ? Comment le réaliser ? Quelle doit être sa vitesse maximale ? Pour quelle efficacité économique ? La commission Duron se penchera sur ces enjeux d'aménagement du territoire, d'efficacité environnementale et économique, dans les territoires riches en présidents de la République passés ou présent, aussi bien que dans les autres territoires...

Les petites communes peuvent signer des conventions avec RFF pour l'entretien des ouvrages d'art. Une enveloppe de l'ordre de 30 millions est prévue, par exemple, pour accompagner le chantier de la LGV Tours-Bordeaux, une autre de 14 millions pour la LGV Bretagne-Pays de la Loire.

Mme Évelyne Didier . - Le Sénat a voté une loi sur les ouvrages d'art, elle est sur le bureau de l'Assemblée nationale après avoir recueilli un large consensus. Ce texte ne fait pas de différence entre les petites et les grandes communes mais pose un principe général, car le problème de sécurité publique se pose de la même façon pour toutes et il emporte de lourdes responsabilités, financières, pénales. Si un pont s'effondrait en raison du défaut d'entretien par une commune, le problème juridique serait des plus sérieux ! Quand ce texte sera-t-il examiné par les députés ?

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué . - Je n'ai pas la maîtrise de l'ordre du jour des assemblées, mais à ma connaissance, la proposition n'est pas inscrite. J'ai le problème inverse avec une proposition de loi sur le transport aérien : votée à l'Assemblée nationale, elle n'est toujours pas inscrite à votre ordre du jour. Le texte voté par le Sénat n'est bien sûr pas opposable, mais vous n'avez pas tort : quelle que soit leur taille, les communes sont dans la même situation. Pour l'instant, je me contente d'indiquer qu'il existe des conventions avec RFF pour les communes rurales qui n'ont pas les moyens techniques d'entretenir les ouvrages d'art. Pour ce qui est de la concertation, si vous avez des difficultés, faites-le nous savoir. C'est notre rôle d'interpeller les différents acteurs.

Au-delà du coût élevé d'entretien des ouvrages d'art, les grands chantiers induisent d'autres travaux, comme le raccordement ou le détournement de voies, qui sont directement à la charge des collectivités et ne figurent pas toujours dans l'évaluation initiale. Toutes les collectivités réclament des lignes, elles doivent savoir que la dépense associée peut être très élevée.

La hausse de la TVA sera-t-elle répercutée sur les transports ? La question est posée. Un certain nombre d'opérateurs sont prêts à réfléchir avec nous et à ne pas répercuter toute la hausse dans leurs tarifs.

M. Raymond Vall , président. - Nous passons au volet routier.

M. Ronan Dantec , rapporteur pour avis des crédits du transport routier. - Votre budget est un budget d'avant la commission SNIT. Je me réjouis que la route finance le rééquilibrage des transports, en particulier le secteur ferroviaire, et je retiens deux signaux forts : la mise en place d'un ministère à l'égalité des territoires et l'annonce par François Hollande de l'objectif de réduction de 40 % des émissions de gaz à effet de serre à l'horizon 2030. Cette échéance concorde avec l'échelle de temps d'élaboration des grandes infrastructures de transport.

Le débat que nous avons aujourd'hui ouvre celui que nous aurons au cours de l'année 2013 sur le SNIT. Quelle place y prendront les parlementaires ?

Pour évaluer, pour choisir des solutions, on a besoin de critères, de préférence acceptés par tous. On ne peut procéder au doigt mouillé comme l'État le fait parfois, je songe au bonus malus automobile. Les critères sociaux-économiques datent du rapport Boiteux II... Nous manquons de vision globale. Quelle est l'économie globale de la route ? Nous manquons d'éléments pour établir précisément l'ensemble des recettes et des dépenses de la route. Vos services doivent définir des critères afin que nous puissions prendre des décisions. Nous sommes en retard.

Une des questions clés est l'évaluation de l'intermodalité et de l'impact global. Le barreau ferroviaire de l'Essonne est par exemple un enjeu majeur pour la façade ouest, de Bordeaux à Brest. Il permettrait un gain de temps pour les passagers qui veulent se rendre à Bruxelles ou à Francfort. Il libérerait des sillons RER. Il faciliterait la stratégie des compagnies aériennes qui cherchent à drainer le plus grand nombre de passagers vers les deux plateformes parisiennes.

Quant aux PDMI, nous devons prendre en compte les modifications de l'environnement intervenues depuis l'inscription : telle rocade prévue se retrouve en zone Natura 2000 qui n'existait pas initialement. Une remise à plat s'impose.

Les enjeux de biodiversité exigent de faire passer un message clair. Les grandes infrastructures ne peuvent plus les négliger, je pense en particulier aux effets de coupure des LGV ou encore aux zones humides.

M. Gérard Cornu . - Vous nous annoncez un budget de transition : autrement dit, il s'appuie sur le budget précédent. Cécile Duflot nous a dit la même chose hier. Nous verrons quelles orientations vous adopterez lorsque la transition sera passée. Pas de renoncement, dites-vous encore. S'il n'y a pas de renoncement sur les projets routiers, je m'en réjouirai. Si vous cherchez à vous en dédouaner, ce sera moins bien. Pouvez-vous me rassurer sur la poursuite de l'aménagement à deux fois deux voies  de la RN 154 ? Il ne manque que 80 kilomètres pour opérer la jonction par l'ouest, ce qui permettra d'éviter la région parisienne quand on vient du nord. Tous les parlementaires concernés demandent l'achèvement du projet, le dossier paraît en bonne voie : me le confirmez-vous ?

M. Louis Nègre . - La commission « Mobilité 21 », où je siège, se penche actuellement sur les critères d'évaluation des projets. Or, les Verts y sont représentés par Mme Eva Sas, vice-présidente de la commission des finances de l'Assemblée nationale : vous n'avez pas à vous inquiéter, monsieur Dantec !

M. Ronan Dantec, rapporteur pour avis . - Je m'inquiète pour les infrastructures, pas pour Europe-Écologie-Les Verts !

M. Louis Nègre . - La France ne doit pas répéter les erreurs du passé : un défaut d'entretien ne se rattrape pas, comme nous en faisons aujourd'hui l'expérience dans le secteur ferroviaire. Ne faisons pas tomber nos routes dans ce piège : préservons notre patrimoine !

M. Philippe Esnol . - Je suis très attaché à l'intermodalité. La route est archi-saturée. On souhaite développer le transport fluvial, plus conforme aux exigences du développement durable. En même temps, il faut trouver la bonne articulation avec le réseau ferroviaire. L'enjeu est crucial pour la région parisienne qui arrive à une saturation extrême. Dans la partie ouest de l'Île-de-France, on s'inquiète...

Les précédents gouvernements nous ont fait miroiter des milliards d'euros d'investissement depuis six, dix ou quinze ans. Nous avons espéré, réfléchi, travaillé. En réalité, l'État n'avait pas le premier euro pour financer ces projets, alors que la réalisation du SNIT dépasse 240 milliard d'euros. Quels critères prévaudront désormais ?

M. Jean-Jacques Filleul . - Les montants que vous avez cités pour la privatisation des autoroutes sont considérables et choquants. Notre commission ne devrait-elle pas enquêter sur le sujet ? Cet argent qui manque dans les caisses de l'État aurait pu contribuer à réduire la dette ferroviaire.

M. Louis Nègre . - Eh oui...

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué . - Je n'ai pas voulu que Mobilité 21 soit une réunion de techniciens, mais que les parlementaires y aient toute leur place, et que toutes les sensibilités soient représentées. La question centrale est celle de la méthodologie. La commission doit aussi travailler sur un schéma d'ensemble prenant en compte les différences régionales. Je lui laisse la plus grande marge de manoeuvre. Un seul conseil, distinguer entre les vrais projets et les faux, entre les projets opposables, étayés par une concertation, des études, des démarches administratives, et les simples traits de crayons tracés à la hâte sur une carte. On me reproche d'abandonner la LGV Picardie Tunnel sous la Manche. Mais le dossier n'existe même pas ! Le SNIT et les PDMI ne sont pas des jouets pour calmer les élus locaux, en leur donnant l'illusion que les choses avancent...

A l'Assemblée nationale, on m'a demandé si la RN 12 serait bien maintenue dans le SNIT. J'ai regardé le dossier : aucune étude n'était lancée, il ne contenait que des lettres d'intention. Et l'on aurait le toupet de me reprocher « l'abandon » d'un tel projet ? Qu'on ne me fasse pas porter des responsabilités qui ne sont pas les miennes ! Je ne me sens pas davantage tenu par des annonces qui concernent les PDMI à venir entre 2015 et 2020. Je serai donc prudent dans toutes mes réponses, comme sur la RN 154, mais qu'on n'en déduise pas que le projet est abandonné, car le débat public a eu lieu, les études se poursuivent...

Louis Nègre feint de croire que je ne connaitrais pas le secteur des transports ? J'ai été maire d'une ville qui est le premier centre de transformation de produits de la mer : sa logistique de transports est très développée, avec une industrie ferroviaire très poussée, tout cela à 30 kilomètres du tunnel sous la Manche. Je suis également fils de routier, mais j'arrête là les confidences !

S'il y a eu renoncement sur un projet, il est venu de tel partenaire privé d'un PPP, je songe au contournement de Strasbourg. Le gouvernement s'est contenté d'en tirer les conséquences légales. Sur l'ensemble du SNIT, Jérôme Cahuzac a tenu un discours de vérité : nombre de projets ne sont pas financés. Certains ont été pensés avant la crise. Le financement du contournement Nîmes-Montpellier, par exemple, nécessite la constitution d'un pool bancaire d'une cinquantaine de banques...

J'ai entendu aussi des inquiétudes sur l'extension d'Eole. Elle était censée, en 2010, coûter entre 2,2 à 2,8 milliards d'euros, elle dépasse aujourd'hui 3,7 milliards. L'enjeu est majeur, mais si des rumeurs courent sur l'abandon du projet, elles ne sont pas de mon fait. Mon intention est de jumeler Eole avec la ligne Ligne Nouvelle Paris Normandie (LNPN) pour désengorger le trafic à l'ouest et faciliter l'accès à Paris.

Quant aux sociétés d'autoroute, leur chiffre d'affaires a gagné 30 % depuis la privatisation, leur marge brute d'exploitation 36 % et leur marge nette 53 %, alors que la redevance domaniale n'a progressé que de 18 %. Nous procédons à un premier rattrapage, mais il est vrai que ces chiffres incitent à s'interroger.

Présidence de M. Michel Teston, vice-président

M. Michel Teston, vice-président . - Nous en venons au transport maritime.

M. Charles Revet , rapporteur pour avis des crédits du transport maritime. - La France a été une très grande puissance maritime : elle est passée du quatrième rang mondial dans les années 1970, au 28 ème rang aujourd'hui. Où en est l'application du plan de rénovation des grands ports maritimes ? Près de 220 millions d'euros ont été investis depuis 2008. Mais les autorisations d'engagement baissent de 40%  dans ce budget : pensez-vous vraiment que les ports aient achevé de rattraper leur retard d'investissement ?

Le registre international français (RIF) a sauvé le pavillon français et préservé l'emploi de nos marins, puisque le tonnage global de la flotte française à l'international a augmenté. Pourtant la France a fait le choix courageux de s'imposer une proportion d'emplois communautaires - un tiers, ce que la plupart des autres pavillons internationaux, luxembourgeois, britannique, n'appliquent pas. Cependant, nous attendons de nouvelles mesures pour renforcer encore la compétitivité de notre pavillon, sur le plan social comme sur le plan fiscal. Qu'en pensez-vous ?

La réforme portuaire de 2008 a modifié la gouvernance des grands ports maritimes, mais sans leur donner les coudées assez franches pour qu'ils puissent eux-mêmes prendre les décisions de leur développement. Alors qu'en Allemagne, aux Pays-Bas et même en Espagne, les ports relèvent des autorités locales, même lorsque l'État en est resté propriétaire, nous avons maintenu nos grands ports maritimes dans le giron de l'État, sans rompre avec la prudence, sinon l'attentisme de l'administration. Ne pensez-vous pas qu'il est grand temps de confier la gestion des ports à des autorités locales, comme partout ailleurs en Europe ?  L'État veut à tout prix garder la main sur tout : il en résulte une paralysie certaine.

Mme Odette Herviaux . - Depuis des années, Charles Revet et moi partageons les mêmes analyses, les mêmes interrogations. Les grands ports maritimes et tous les ports français jouent un rôle crucial pour notre économie et le développement du territoire. Je me réjouis du lancement d'une politique maritime intégrée et d'une stratégie maritime de façade, que nous appelions de nos voeux depuis longtemps. Sur le plan strictement budgétaire, nous nous heurtons à une difficulté de lecture, en raison de l'intégration de la pêche dans la partie transport maritime. Les comparaisons sont compliquées, beaucoup de domaines sont rattachés au développement durable, notamment les grands fonds. Nous avons intérêt à travailler en partenariat avec nos collègues de la commission des affaires économiques.

Mme Laurence Rossignol . - Vous ne serez pas surpris que je vous interroge sur le canal Seine-Nord. Le projet a eu droit l'année dernière à une belle inauguration mais il semblerait que seuls les petits fours avaient été financés...Vous savez que les élus de la région sont très attachés au projet : ils s'interrogent sur son avenir.

M. Philippe Esnol . - Ma région est située à l'arrivée du canal Seine-Nord, à la confluence de la Seine et de l'Oise. L'enjeu est évidemment considérable pour l'Île-de-France. Et pour le développement du transport fluvial.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué . - L'enjeu du canal Seine-Nord est majeur, il donne un sens au transport fluvial. Encore faut-il une bonne jonction avec les ports maritimes français.

M. Charles Revet, rapporteur . - Nous sommes inquiets.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué . - J'entends beaucoup de choses au sujet du canal Seine-Nord : il aurait été financé avant le 6 mai, mais pas ensuite. Financé par un coup de baguette magique, sans doute ? Ces rumeurs et suspicions motivées par des arrière-pensées politiciennes ne font pas de bien au projet. Les autorités européennes s'interrogent, d'autant que certains invoquent une forte participation des fonds européens. En réalité celle-ci serait de 6 %, par un choix de l'ancien ministre de l'écologie Jean-Louis Borloo qui avait sans doute d'autres priorités à financer. Bouygues, le partenaire, avait exprimé des doutes sur le bouclage financier bien avant les élections : en février dernier. Et c'est à nous que l'on reproche un abandon !

Comment donner une chance à ce projet ? D'abord en définissant l'enveloppe financière, notamment en mobilisant les fonds européens, ce qui n'a pas encore été fait. Puis en s'interrogeant sur la pertinence du PPP, d'autant que le partenaire privé a prévenu qu'il ne serait pas au rendez-vous. Il y a environ 1,5 milliard d'euros à trouver. Les collectivités sont très sollicitées et il faudra définir les modalités de la participation de l'État. J'ai demandé une analyse à l'inspection générale des finances et au conseil général du développement durable, elle ne sera ni à charge, ni à décharge, mais il faut songer aussi à protéger nos ports maritimes. Car si le canal doit devenir un axe de desserte du territoire français à partir des ports de l'Europe du Nord, il faut y réfléchir à deux fois et peut-être préférer des travaux pour renforcer la liaison Le Havre-Dunkerque ? Nous avons besoin de temps pour mettre de l'ordre dans le dossier, après un lancement en avril 2011 dans la précipitation et selon un calendrier insoutenable. Prenons également garde à ne pas susciter des attentes illusoires dans les territoires : j'ai lu que 15 000 emplois seraient créés avec la construction du canal. C'est une invention.

Lorsqu'un projet prend une telle mauvaise tournure, il faut construire une alternative, revoir peut-être le cahier des charges. Je ne m'appelle pas M. Borloo, je n'ai pas la science infuse ni les financements magiques, je ne m'adonne pas à des effets de tribune en assénant des contre-vérités à tout instant, parce que je respecte les gens concernés par ce projet.

La question maritime n'est ni de droite ni de gauche, elle mérite une union sacrée. Et lorsque Charles Revet parle, même le ministre se tait. Nous partageons le même constat. Notre stratégie doit consister à bâtir une politique maritime intégrée. Le gouvernement a recréé un ministère de la mer et de la pêche, au sein du ministère des transports, car nous ne tirons pas suffisamment bénéfice de nos façades maritimes, ni en métropole, ni outre-mer. Le Grenelle de la mer a été intéressant, dans sa démarche sinon dans les résultats. Nous lancerons une nouvelle concertation afin de faire éclore cette stratégie maritime, qui exige de mettre l'accent sur les infrastructures portuaires, sur la recherche, sur tout ce qui conforte l'activité maritime. Il nous faut en convaincre tous les acteurs, y compris les administrations d'État, inadaptées et fragilisées.

Vous avez failli me convaincre sur la décentralisation portuaire. Je veux que les collectivités soient mieux associées aux enjeux portuaires et d'aménagement territorial, sans cloisonnement entre les deux. Mais une décentralisation malhabile, on l'a vu, peut aussi ligoter les initiatives locales. Rien ne peut se faire contre la volonté des territoires. Nous avons besoin de mécanismes de codécision. Les lois de décentralisation n'ont pas donné aux régions compétence sur les ports...

M. Charles Revet . - Ce n'est pas ce que je propose !

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué . - Il nous faut mobiliser tout le monde, armateurs, décideurs locaux,... Je vous invite à mobiliser vos assemblées, pour soutenir le développement d'une politique maritime intégrée.

M. Michel Teston, vice-président . - Nous en venons au transport aérien.

M. Vincent Capo-Canellas , rapporteur pour avis des crédits de l'aviation civile. - Comme les années précédentes, une partie du produit de la taxe de l'aviation civile sera reversée au budget général, alors que le budget de la direction générale de l'aviation civile (DGAC) est structurellement déficitaire. Par conséquent, les redevances versées ne couvrent pas le coût du service rendu : l'écart est d'environ 15%, soit 110 à 115 millions d'euros tous les ans. La DGAC est fortement endettée, en raison des investissements qui lui sont nécessaires, mais aussi en raison d'un important déficit de fonctionnement. Sa dette a gonflé de 40% en quatre ans pour atteindre 1,2 milliard d'euros. Néanmoins, on la pénalise encore en laissant subsister un déficit d'exploitation illégitime. La direction ne devrait-elle pas recouvrer l'intégralité du produit de la taxe de l'aviation civile ?

S'agissant des crédits affectés à la recherche, la comparaison avec l'Allemagne est peu flatteuse. Le programme d'investissements d'avenir (PIA) depuis 2010 amorce une réduction de cet écart : 8 milliards d'euros financent la recherche, 7,5 milliards d'euros la filière industrielle aéronautique, l'un des rares domaines d'excellence français, le premier secteur exportateur. Toutefois, le PIA doit s'achever l'an prochain : comment maintenir un effort de recherche soutenu dans ce domaine très créateur d'emplois - 13 000 embauches en 2011 ? Une clause de revoyure sur le PIA permettrait-elle de le financer à nouveau ?

Le lien entre les aéroports et la capitale est une question ancienne. Le projet de Charles de Gaulle Express a fait l'objet d'un rapport de Pierre-Henri Gourgeon. Les opérateurs semblent prêts à s'engager. Le mode de financement est-il arrêté ? Les engagements des opérateurs sont-il suffisants? Le projet est impensable sans un effort de desserte des territoires traversés par ce train. Se pose en outre la question de la ligne B, parallèle à ce train direct, et celle de la desserte par le Grand Paris Express, notamment jusqu'à l'aéroport du Bourget. Sur le chemin de Roissy se trouve en effet le premier salon de l'aéronautique et de l'espace au monde, le premier aéroport d'affaires d'Europe, et le musée de l'air et de l'espace, vitrine touristique mondiale. Préservons au moins, dans les arbitrages sur le tracé du Grand Paris Express, la gare du Bourget, enjeu majeur pour l'industrie et le territoire, même si la liaison ne va pas jusqu'à Roissy.

M. Philippe Esnol . - Face aux nuisances croissantes du trafic aérien, je souhaite voir renforcée l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (Acnusa). Notre collègue député Jacques Alain Bénisti est beaucoup plus virulent que moi, mais nous demandons tous deux que l'on revienne sur l'arrêté pris par Nathalie Kosciusko-Morizet. Procédant à un relèvement des altitudes en Île-de-France, il soulage - à peine - quelques populations pour en pénaliser beaucoup d'autres. J'habite juste sous le passage des avions qui atterrissent à Roissy toutes les cinq minutes à partir de cinq heures du matin. C'est insupportable. Conflans n'est pourtant pas tout près de l'aéroport !

Je vous saurais gré de solliciter la DGAC sur la mise en place de la descente continue. Les pilotes de ligne nous assurent de sa faisabilité technique, mais les contrôleurs aériens s'y opposent. Il en va de la tranquillité de millions de Franciliens !

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué . - L'aéronautique est un tel enjeu économique pour la nation qu'elle fera l'objet de la mobilisation de toutes les administrations. L'aéronautique est aussi facteur de développement de la recherche ; 2 milliards d'euros du PIA ont permis d'accompagner le développement de l'A350 - à hauteur de 500 millions d'euros -, celui du successeur de l'A320, des hélicoptères Super Puma et Dauphin, ainsi que du projet de construction d'un avion régional de 90 places - un créneau manquant. Nous participons en outre au projet européen SESAR sur la gestion aéroportuaire.

Le déficit de la DGAC augmentera encore jusqu'en 2014, pour ne diminuer qu'à partir de 2015. Nous étudions la possibilité de lui affecter à nouveau l'intégralité du produit de la taxe de l'aviation civile. Nous cherchons aussi à diminuer un certain nombre de taxes qui pèsent aujourd'hui sur le secteur et les compagnies aériennes, notamment françaises. La moitié des taxes versées à Aéroports de Paris est en effet payée par Air France...

Je partage votre point de vue sur le CDG Express, j'y suis favorable. Une capitale comme Paris en a besoin, car les modes de transports actuels ne sont pas satisfaisants. Toutefois, on ne peut mener ce projet à bien sans améliorer également les transports en commun quotidiens des Franciliens. Un rapport sur ces questions a été demandé par Cécile Duflot à Pascal Auzannet. Le PPP ayant été abandonné pour le CDG Express, un financement public de la part de tous les acteurs  peut désormais être envisagé - ADP, RFF, SNCF, RATP -, en plus de la contribution des usagers. Nous nous battrons pour Roissy, et c'est dans ce cadre là qu'interviendra une réponse pour le Bourget.

Les nuisances liées aux approches aériennes font l'objet d'un contentieux. De 2007 à 2011, Nathalie Kosciusko-Morizet avait fait de la lutte contre les nuisances aéroportuaires un combat prioritaire. Ses objectifs n'ont pas été atteints, son dispositif ayant été censuré pour vice de procédure par le Conseil d'État. Nous avons purgé le dispositif de ses vices, mais la question demeure sur le fond et la haute juridiction en reste saisie. Je ne me prononcerai donc pas sur ce point. L'approche retenue par l'ancienne ministre a toutefois eu pour effet d'augmenter le nombre de personnes affectées, bien qu'avec moins d'intensité... Le dossier n'est pas abandonné : nous sommes aujourd'hui à près de 50% de descentes continues et travaillons à une amélioration. Des propositions pourront être faites dans quelques mois, je souhaite une concertation avec les collectivités territoriales sur ce dossier compliqué.

M. Charles Revet , rapporteur pour avis . - Lors des auditions, nous avons compris que les étudiants de l'École nationale supérieure maritime (ENSM) avaient eu des difficultés à réaliser la partie pratique de leur scolarité, des obstacles réglementaires et d'organisation les ayant empêchés d'embarquer.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué . - La situation s'améliore.

M. Charles Revet, rapporteur pour avis . -  Elle est absurde.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué . - En outre, la pluralité des sites de l'ENSM pose problème. Je souhaite que nous ayons cette discussion ensemble. Nous devons moderniser le site du Havre, mais en l'absence de projet d'ensemble de maintien des sites, on ne fera que l'affaiblir.

M. André Vairetto . - Le président de la République a demandé un pacte de croissance au sommet européen des 28 et 29 juin derniers. Il me paraîtrait inopportun que les opérations pouvant bénéficier de cette dynamique se trouvent bloquées. Je pense notamment au Lyon-Turin. Le tunnel ferroviaire bénéficie d'un engagement de l'Union européenne à hauteur de 672 millions d'euros, 40% du coût de l'investissement. Les deux États sont d'accord sur leurs parts respectives.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué . - Je m'en tiendrai aux conclusions du sommet franco-italien, qui définira la politique commune aux deux parties et le bon rythme - supportable pour chacune.

M. Michel Teston, vice-président . - Je remercie le ministre pour sa disponibilité, le temps qu'il nous a consacré, et la qualité de ses réponses.

II. EXAMEN DU RAPPORT

Au cours de sa séance du mercredi 14 novembre 2012, la commission a examiné le rapport pour avis sur les crédits « transports aériens » de la mission « Écologie, développement et aménagement durables » du projet de loi de finances pour 2013.

M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur pour avis. - Il me revient de vous présenter les crédits du contrôle et de l'exploitation aériens, qui font l'objet d'un budget annexe bien connu, le BACEA. Je vous remercie, Monsieur le Président, de m'avoir donné cette occasion d'examiner un domaine qui m'intéresse au plus haut point, que j'ai d'abord connu comme maire d'une commune aéroportuaire et maintenant comme élu national.

La filière aéronautique est devenue notre premier exportateur national. Elle dégage un excédent de 18 milliards d'euros et recrute chaque année 11 000 salariés : nous sommes bien là au coeur d'un secteur clé de compétitivité nationale et nous avons tout intérêt à ce qu'il reste dynamique. Lors de son audition au Sénat la semaine dernière, Louis Gallois citait avec raison la filière aéronautique en exemple : c'est la principale filière d'excellence française sur le plan industriel. L'intégration de la recherche et de l'industrie y est exemplaire, à travers le Conseil pour la recherche aéronautique civile (CORAC), créé à l'issue du Grenelle de l'environnement pour coordonner toute la recherche dans le secteur. La filière est également exemplaire pour ses relations entre donneurs d'ordre et sous-traitants. Nous avons des atouts, nous sommes encore leader, nous coopérons de manière efficace avec nos partenaires européens, nous exportons et nous recrutons : voilà ce que disent les acteurs de l'aéronautique, en nous demandant de ne pas leur mettre du plomb dans l'aile...

Quel est le risque ? Le contexte très international du secteur aéronautique vient de changer en profondeur et brusquement : la crise économique mondiale a frappé durement le secteur aérien. Les conséquences sont très importantes pour les compagnies aériennes, elles peuvent le devenir pour les plateformes aéroportuaires, pour toute la filière aéronautique et les emplois indirects des transports aériens. La crise a redistribué des cartes maîtresses dans la compétition internationale : l'année 2013 est cruciale pour notre secteur aéronautique et c'est dans ce contexte très particulier que j'ai analysé ce budget annexe.

Les grandes tendances avec quelques chiffres, d'abord.

Les crédits de paiement du budget annexe progressent de 3,3 %, à 1,868 milliard d'euros et ses opérations en capital augmentent de 6,7 %, à 418,4 millions. Dans le même temps, et pour la troisième année consécutive, la DGAC diminuera ses effectifs de 116 emplois, soit 1 % du total.

Ce budget est donc en continuité des précédents : le Gouvernement cherche à contenir les dépenses de fonctionnement, en particulier l'évolution des emplois de la DGAC, pour mieux consacrer l'argent public aux investissements, car ce sont bien les investissements qui renforcent la compétitivité de notre territoire. En matière d'aérien, le moins qu'on puisse dire c'est qu'il n'y a pas beaucoup de « changement », même maintenant...

Un mot sur ces investissements , cependant.

La DGAC continue de préparer le ciel français aux standards européens en matière de contrôle du trafic aérien et de la navigation aérienne : ce sont, en particulier, les programmes du « ciel unique européen », les SESAR et autres FABEC. SESAR est un ensemble de règles et de techniques communes pour uniformiser la gestion du trafic aérien, programme lancé il y a bientôt dix ans et qui doit s'achever en 2015. Et le FABEC, c'est le bloc d'espace aérien fonctionnel d'Europe centrale dont nous faisons partie, pour gérer effectivement en commun le trafic aérien. Les techniques utilisées par les dizaines de milliers de contrôleurs aériens et de personnels navigants sont en jeu, l'affaire n'est pas mince et coûte évidemment cher. Cependant, ces investissements sont nécessaires pour « intégrer » le ciel unique et de ce point de vue, les transports aériens sont en avance sur le ferroviaire, par exemple...

Je note, parmi les investissements, la préparation effective du nouvel aéroport de Notre-Dame-Des-Landes : des crédits sont réservés pour les acquisitions foncières, d'autres pour la construction et l'équipement des infrastructures de navigation aérienne - le projet devient effectif et je me félicite, là encore, de cette continuité de l'action gouvernementale.

Du côté du fonctionnement, maintenant, où en est-on ?

Pour mémoire, l'emploi des quelque 11 000 postes de la DGAC, avec 1,149 milliard d'euros, représente les deux-tiers du budget annexe. L'enveloppe augmente légèrement, de 2,7 %, alors que le nombre d'emplois diminue de 116 équivalents temps plein. En matière de fonctionnement, la priorité reste donc à la maîtrise des dépenses : l'autorité de tutelle demande à la DGAC de rationaliser davantage son service, de mutualiser là où c'est possible, voire de supprimer les services inutiles. Cela dure depuis quelques années et il semble que nous soyons arrivés près de l'os : la DGAC ne va pas pouvoir continuer à supprimer 100 emplois par an sans devoir toucher à la qualité de service elle-même, ce que personne ne souhaite quand il s'agit de contrôle et de sécurité aériens. En tout cas, aller plus loin suppose des réorganisations fortes et une négociation souple, bien au-delà des seuls aspects budgétaires.

Deuxième point essentiel du fonctionnement, celui-ci très préoccupant : la part des charges financières dues à l'endettement, qui sont devenues très difficiles à supporter pour la DGAC.

La DGAC s'est endettée de 337 millions supplémentaires en quatre ans, c'est un bond de 40 % ! Il y a bien sûr l'effet de la crise, qui déséquilibre l'exploitation : la DGAC a perdu 16 millions l'an passé et l'administration prévoit 25 millions de déficit pour l'an prochain. Il y a aussi la « bonne dette », celle de l'investissement, qui est nécessaire même en période de crise.

Mais ce qui est plus difficile à comprendre, c'est de voir le budget général de l'État continuer à prélever une part de la taxe de l'aviation civile (TAC), alors qu'il faudrait laisser à la DGAC l'intégralité de cette ressource. La TAC est acquittée par les passagers et par le fret qui transitent par nos aéroports. Chaque année, plus de 100 millions d'euros de cette taxe abondent le budget général de l'État : dans ces conditions, elle couvre 85 % seulement du coût de l'exploitation et du contrôle aériens. Le budget annexe en est structurellement déséquilibré, la DGAC doit s'endetter pour financer son fonctionnement : elle va dépenser l'an prochain 38 millions d'euros en seules charges financières, alors que l'État prélève dans la taxe qui est censée payer le service rendu...

Cette situation devient difficilement tolérable en période de crise. La DGAC fait des efforts pour comprimer ses coûts, elle investit pour se moderniser, elle n'a plus grand chose à vendre de son patrimoine immobilier, - entre nous, les tours de contrôle se vendent mal... - mais l'État lui retire plus de 100 millions par an : ce n'est pas raisonnable. C'est pourquoi je suis favorable à l'affectation intégrale de la TAC au budget annexe de l'aviation civile.

Or, l'administration nous présente un plan de désendettement de la DGAC qui paraît optimiste sur la conjoncture des années à venir . Certes, le trafic a repris à l'échelle mondiale depuis 2011, pour les voyageurs bien plus que pour le fret. En France même, le nombre de voyageurs a progressé de 7 % l'an passé, c'est favorable, quoiqu'il faille pondérer ce bon résultat par l'effet de rattrapage sur l'année 2010, où le trafic avait été complètement interrompu suite à l'éruption du volcan islandais Eyjafjöll. La tendance est fragile, les opérateurs nous l'ont bien dit et il faut prendre en compte la structure même du trafic. Le nombre d'avions augmente moins vite que celui de voyageurs : on remplit mieux les avions, c'est une bonne chose pour l'environnement mais une mauvaise pour les taxes. Ensuite, le trafic progresse bien plus à l'international qu'à l'intérieur, un opérateur majeur nous a même confié ses plus vives inquiétudes sur le trafic domestique depuis septembre dernier. Le secteur aéronautique est très sensible à la conjoncture : il suffit d'une moindre croissance, pour un effet amplifié sur le trafic.

Dans ces conditions, l'année 2013 sera cruciale pour l'activité aéronautique : ou bien le trafic reprend, et la DGAC pourra se désendetter comme l'espère le Gouvernement, ou bien la reprise ne se confirme pas, et nous aurons toutes les chances de devoir redire la même chose l'an prochain, avec bien des dégâts entre temps. Je n'annonce pas un scénario noir, mais je m'inquiète d'un possible grippage de la croissance, qui aurait des conséquences directes et fortes sur le secteur aérien.

Air France KLM est en position difficile, avec un risque important dont la compagnie a pris toute la mesure.

La dégradation des comptes d'Air France s'est brusquement accélérée cette année : après avoir perdu 350 millions d'euros en 2011, alors que le résultat était encore positif en 2010, Air France a perdu 663 millions au cours du seul premier semestre 2012, malgré l'augmentation du trafic ! Il y a eu, certes, la hausse du carburant, qui a représenté une charge supplémentaire de 400 millions. Mais l'explication tient plus profondément au modèle économique de notre champion national. En fait, la crise a mis sur la sellette toutes les compagnies aériennes européennes, le mouvement est allé très vite. Les compagnies américaines ont continué à faire des bénéfices importants et plus encore les compagnies asiatiques et moyen-orientales : sur les 8 milliards de dollars de bénéfices à l'échelle mondiale, les compagnies asiatiques en ont capté 62 % et les compagnies américaines 16 %, tandis que les européennes devaient se contenter d'à peine 6 %, bien en dessous de leur part de marché. C'est que la marge nette des compagnies européenne est inférieure à 1 %, bien en deçà de celles de leurs concurrentes asiatiques comme américaines.

Air France, avec son nouveau président Alexandre de Juniac, a engagé un plan courageux pour revenir à l'équilibre en 2015, en ayant entre temps changé le modèle économique et industriel de l'entreprise. Comme les autres compagnies européennes, notre champion national subit de plein fouet une double concurrence : celle des compagnies low cost qui lui prennent des moyens courriers et de plus en plus de vols domestiques ; celle des compagnies asiatiques et du Golfe persique, qui ont le grand avantage de ne pas payer leur plateforme aéroportuaire et qui sont très agressives aussi bien sur les tarifs en classe économique, que sur la qualité de services en business et en première. Avec le plan « Transform 2015 », Air France KLM entend rester une compagnie globale attachée à son hub de Roissy, mais avec des coûts supportables. Il faut pour cela qu'elle gagne globalement 20 % de productivité, qu'elle investisse pour développer le service et qu'elle supprime des lignes et des activités déficitaires.

Je n'en dis pas davantage sur ce volet, la direction d'Air France KLM me paraît faire un excellent travail, la négociation a réussi avec les pilotes et avec les personnels au sol, elle est à continuer avec les navigants commerciaux : j'espère qu'ils trouveront d'ici ce printemps les voies d'accord pour que notre champion national atteigne ses objectifs. Les personnels sont très attachés à la compagnie et sont conscients des enjeux, je salue leur engagement et leur mobilisation pour son redressement.

De notre côté, il faut veiller à ne pas charger trop « la barque » d'Air France KLM et nous défaire de l'idée que les compagnies aériennes seraient florissantes. C'est vrai pour les taxes d'aéroport : Air France paie sa plateforme 30 % plus cher que KLM ne paie la sienne à Amsterdam. Il y a une raison à cela : ADP réalise des investissements colossaux, que la plateforme doit bien financer. Dès lors, on ne peut pas pénaliser ADP pour redresser Air France, d'autant que la compagnie n'est pas seule : tout changement tarifaire s'applique à toutes les compagnies.

Nous devons raisonner « global » en la matière : l'enjeu, c'est bien l'attractivité de notre territoire, en l'occurrence de nos plateformes aéroportuaires, et la possibilité pour des entreprises françaises de compter encore dans l'activité aéronautique. Le rapport Gallois nous incite à un tel raisonnement global. Les sujets sont éminemment liés, entre l'entreprise Air France, l'attractivité de la place de Paris, le soutien à la recherche dans l'aéronautique, la performance de la filière aéronautique, et finalement l'emploi dans ce domaine d'activité. Le moment budgétaire pousse bien sûr à retirer ici ou là des moyens pour les redistribuer à d'autres, c'est normal, mais nous devons dans ce domaine jouer collectif et ne pas opposer les opérateurs.

Aéroports de Paris a bien changé en quelques années, étant passé du statut d'EPIC à celui de société anonyme, puis cotée en bourse. La plateforme de Roissy et plus récemment d'Orly font de gros efforts de compétitivité, avec un programme d'investissement très conséquent. ADP a développé ses activités commerciales et immobilières, parvenant à trouver des revenus qui ne sont pas directement liés au trafic. ADP connaît une révolution tranquille, attendue, avec une très nette amélioration de son service au point que certains de ses aérogares sont en tête du classement mondial. Il faut bien sûr veiller à ce que les taxes appliquées aux compagnies et à Air France en particulier, ne les affaiblissent pas dans la conjoncture d'aujourd'hui : c'est l'objet du contrat de régulation, qui encadre les évolutions tarifaires.

Nous devons également améliorer la liaison de l'aéroport de Roissy avec la capitale : c'est le sujet du Charles-de-Gaulle Express. Ici, quoique je déborde de « mes » crédits, je veux dire que le dossier est mûr : le tracé, le type de service, le matériel, et jusqu'au tour de table financier. Une mission lancée par le ministre vient de s'achever, il faut trancher le débat, ce sera bénéfique à la plateforme aéroportuaire, donc à l'Ile de France et à notre pays tout entier. De mon côté, je crois qu'il faut réaliser le CDG Express par un service direct, tout en renforçant l'accessibilité des territoires qu'il traversera, en particulier celui du Bourget, premier aéroport d'affaires en France, qui accueille tous les ans le plus grand salon aéronautique du monde.

En conclusion, j'aborderai deux sujets essentiels pour l'avenir : la recherche dans l'aéronautique et l'affaire des ETS.

Dans l'aéronautique, nos crédits de recherche sont inférieurs à ceux de nos voisins allemands. Cependant, la filière aéronautique a bénéficié depuis 2010 du programme d'investissement d'avenir (PIA), abondé par les 35 milliards du grand emprunt. Le programme arrive à échéance l'an prochain, ce qui provoque de fortes inquiétudes dans ce secteur d'activité : quelle en sera la suite ?

Enfin, la question de l'environnement se pose évidemment. Les avions contribuent peu au réchauffement climatique : d'après le Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat (GIEC), ils représentent environ 2 % des émissions de carbone. Mais leur part progresse chaque année, sans qu'une alternative aux carburants actuels paraisse accessible dans un délai proche. C'est un sujet de recherche sur lequel nous devons porter une attention particulière.

La Commission européenne vient tout juste d'annoncer le « gel » de la taxe carbone sur les compagnies aériennes, au moins jusqu'à la prochaine réunion de l'Organisation de l'aviation civile, dans un an. Comme vous le savez, les Américains, les Russes, les Indiens et les Chinois, parmi d'autres, refusent l'application des ETS à leurs vols. L'idée était d'appliquer cette taxe carbone aux vols intercontinentaux à destination ou au départ de l'UE pour lutter contre le réchauffement climatique. La taxe est en vigueur depuis cette année et le restera pour les vols intra-européens. Pour les vols intercontinentaux, l'Organisation de l'aviation civile est compétente et c'est de son côté qu'il faudra désormais se tourner, plutôt que d'essayer de forcer la main aux compagnies qui sont en même temps nos principaux clients...

Il y aurait encore bien des sujets à aborder, notamment la lutte contre les nuisances aéroportuaires, ou encore la situation des aéroports de province.

Mais nous aurons d'autres occasions l'an prochain et pour le moment, au vu des éléments que je viens de vous présenter, je vous propose un avis de sagesse sur ces crédits . Une sagesse bienveillante, mais très attentive à ce que l'action publique facilite plutôt qu'elle ne contraigne cet important secteur qu'est l'aéronautique.

M. Philippe Esnol . - Je partage votre inquiétude devant l'endettement de la DGAC, votre souhait que le CDG Express soit lancé et je me soucie particulièrement de voir diminuer les nuisances aéroportuaires, qui posent des problèmes de plus en plus aigus. Cependant, je crois que le ministre nous a apporté des réponses satisfaisantes et que nous avons de quoi être optimistes, y compris sur le désendettement de la DGAC. C'est pourquoi je voterai ces crédits.

Parmi les réformes à venir, il faudrait renforcer le rôle de l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (ACNUSA) et mettre en oeuvre des procédures de descente continue, qui bien moins bruyantes que celles que nous utilisons actuellement : il en va du confort de millions de Franciliens !

M. Charles Revet. - Je félicite M. Campo-Canellas, nous le rejoignons pour déplorer certaines incertitudes dans ce budget : le groupe UMP votera contre.

M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur pour avis. - J'ai auditionné M. Victor Haïm, le nouveau président de l'ACNUSA. Il m'a fait part de ses idées, en particulier sur le régime des sanctions des compagnies aériennes en cas d'infraction de la réglementation relative au survol, ainsi qu'en matière d'urbanisme à proximité des plateformes aéroportuaires. Nous en reparlerons l'an prochain.

La descente en continu diminue effectivement le bruit des avions et il est vrai que les populations supportent de plus en plus difficilement les changements de trajectoires. La DGAC fait des efforts pour contenir les nuisances sonores, elle n'a pas toutes les cartes en main puisqu'elle doit compter avec Eurocontrol, l'organisation européenne pour la sécurité de la navigation aérienne. La réduction des nuisances passe également par la modernisation des flottes, c'est encourageant pour l'avenir.

A l'issue du débat, la commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens ».

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Lundi 1er octobre 2012

- EADS : M. Philippe Bottrie , directeur des affaires publiques France, Mme Anne Sophie de La Bigne , directeur des affaires civiles et M. Jean Perrot , Directeur des affaires institutionnelles R&T ;

- Eurocopter : Général Georges Ladevèze , conseiller Défense.

Jeudi 11 octobre 2012

- Aéroports de Paris : M. Pierre Graff , président-directeur général et Mme Stéphanie Arnoux , chargée des relations institutionnelles ;

- Air France : M. Alexandre de Juniac , président directeur général, Mme Patricia Manent , chargée des relations institutionnelles.

Jeudi 18 octobre 2012

- Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (ACNUSA) : M. Victor Haim , président.

Vendredi 19 octobre 2012

- DGAC : M. Patrick Gandil , directeur général de l'aviation civile et Mme Michelle Desjardins , adjoint au secrétaire général ;

- GIFAS : MM. Pierre Bourlot , délégué général, Bruno Soufflet , président de la commission R&D, Mmes Anne Bondiou-Clergerie , directrice R&D, espace et environnement et Corinne Lignet , adjointe à la directrice R&D, espace et environnement.


* 1 Les dépenses de fonctionnement de la DGAC passent de 158 millions à 155 millions d'euros, dont les deux tiers sont relatives à la sécurité, en particulier dans le domaine de la navigation aérienne.

* 2 Le SESAR est l'acronyme de Single European Sky Air traffic management Research, c'est-à-dire un ensemble de règles et de techniques communes pour uniformiser la gestion du trafic aérien, programme lancé il y a bientôt dix ans et qui doit s'achever en 2015. Le FABEC est le Functionnal Airspace Block Europe central , c'est-à-dire le bloc d'espace aérien fonctionnel d'Europe centrale dont la France fait partie, pour gérer effectivement en commun le trafic aérien.

* 3 La DNSA exploite en métropole et outre-mer un vaste parc d'infrastructures composé de cinq centres de contrôle, de deux centres d'exploitation de systèmes, de plus de 80 tours de contrôle, de quelques bâtiments administratifs et de nombreuses stations isolées de radiocommunication, de radionavigation ou de surveillance.

* 4 En 2010, pour la navigation aérienne, les exonérations « juridiques » sont liées aux règlements européens : coûts sur des aérodromes non assujettis, vols à vue, vols gouvernementaux, etc... Ces exonérations en métropole représentent 58 millions d'euros, soit environ 5 % des coûts. S'ajoute un montant de 8 millions d'euros non couvert pour motif économique. Les coûts rendus outre mer (109 millions d'euros) ont été couverts à 36 % (40 millions d'euros). Le solde non couvert s'est élevé à 69 millions d'euros. Pour la surveillance et certification, le coût de 132 millions d'euros a été couvert par des redevances pour 37 millions d'euros (28%) seulement, du fait des faibles capacités contributrices des secteurs concernés. Les activités outre mer sont couvertes à 6 %.

* 5 Une analyse de simulation donnée à la Direction du budget démontre qu'avec 100 % de TAC le BACEA réduit sa dette de plus de la moitié d'ici 2020, et par conséquent la dette publique globale.

* 6 Source : IATA et OACI.

* 7 Les acteurs du secteur aérien : Aéroports de Paris (ADP), Air France, l'Union des aéroports français (UAF), la Fédération nationale de l'aviation marchande (FNAM), le Syndicat des Compagnies Aériennes Autonomes (SCARA), le Groupement des Industries Françaises Aéronautiques et Spatiales (GIFAS) et la Direction Générale de l'Aviation Civile (DGAC).

* 8 Le Conseil consultatif pour la recherche aéronautique en Europe (ACARE) fixe les objectifs quantitatifs suivants d'ici 2020 : réduction de 50% des émissions de CO2, réduction de 80 % des émissions de NOx (oxydes d'azote), réduction de 50% du bruit perçu.

* 9 L'initiative « Biofuel Flight Path » de la CE vise à la production de 2 millions de tonnes de bio-kérosène en Europe d'ici 2020

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