II. LA POLITIQUE DE MODERNISATION DE L'ÉTAT : LA FIN DE LA RÉVISION GÉNÉRALE DES POLITIQUES PUBLIQUES

La RGPP a été officiellement lancée le 10 juillet 2007 par François Fillon, alors Premier ministre. Par une approche nouvelle et une détermination plus forte, la RGPP entendait prendre acte des échecs des réformes successives pour initier une nouvelle démarche plus systématique avec un suivi centralisé. Le questionnement initial portait sur la pertinence des missions exercées par l'État, sans éluder aucun département ministériel, pour aboutir ensuite à des économies pour le budget de l'État.

A titre liminaire, votre rapporteur regrette que les crédits affectés au programme Stratégie des finances publiques et modernisation de l'État qui constituent la traduction budgétaire du pilotage de la politique de modernisation de l'État ne soient plus mis au service de la révision générale des politiques publiques qu'à titre personnel, votre rapporteur a soutenu dans son principe ces dernières années.

Les objectifs assignés à la RGPP étaient :

- de permettre à l'État de retrouver des marges de manoeuvre face à l'accroissement de la dette publique ;

- de moderniser les services publics ;

- de valoriser le travail des agents publics.

A son terme, le périmètre exact de la RGPP n'est pas pleinement circonscrit. Le récent rapport des inspections générales des finances, de l'administration et des affaires sociales relevait qu'une approche stricte la cantonnerait aux actions décidées en conseil de modernisation des politiques publiques (CMPP), là où une approche plus large engloberait l'ensemble des efforts de réforme de l'État lors du quinquennat du précédent chef de l'État. L'ambition initiale et le caractère englobant de la démarche a pu finalement la desservir car elle a cristallisé l'ensemble des mécontentements. En cela, le rapport précité constatait : « ce côté « attrape-tout » de la RGPP finira toutefois par jouer à son détriment, en affaiblissant la singularité du projet initial, en gommant les priorités et en brouillant son image ; il laisse aussi penser, à tort, que la RGPP est à l'origine de toutes les décisions d'économies budgétaires ou de suppressions d'emplois ».

Au terme de cinq années de conduite de la RGPP, le nouveau gouvernement a souhaité mettre fin à cette démarche. Pour votre rapporteur, il est possible de tirer quelques enseignements de cette démarche.

A. UN BILAN CONSTRASTÉ DE LA RÉVISION GÉNÉRALE DES POLITIQUES PUBLIQUES

Le bilan de la RGPP peut s'apprécier sous différents aspects que ce soit celui de l'organisation de l'État ou des économies budgétaires générées.

1. La rationalisation de l'organisation administrative

S'inspirant d'expériences similaires en Suède, au Royaume-Uni ou au Canada, menées durant les deux décennies précédentes, la RGPP, dans son ambition initiale, souhaitait interroger la pertinence de chaque mission exercée par l'État. Dans un second temps, se posait la question des structures en charge de mettre en oeuvre chaque politique publique.

Dans ce cadre, la RGPP s'est traduite par une rationalisation des structures administratives comme ce fut le cas :

- de la fusion de la direction générale des impôts (DGI) et de la direction générale de la comptabilité publique (DGCP) en 2007 pour la création de la direction générale des finances publiques (DGFiP) regroupant les deux réseaux et offrant, au niveau local, des guichets uniques pour le contribuable ;

- du transfert de la direction de la gendarmerie nationale au ministère de l'Intérieur, sous réserve du maintien de la compétence du ministre de la défense pour ses missions militaires, marquant ainsi un rapprochement avec la direction générale de la police nationale ;

- du regroupement, au sein de différents ministères, des fonctions support communes à plusieurs directions d'administration centrale au sein d'un secrétariat général ;

- de la fusion de directions d'administration centrale avec un passage de 35 à 5 au ministère chargé de l'écologie ou de 10 à 3 au ministère chargé de la culture.

Sous réserve d'ajustements, ces solutions qui sont généralement saluées n'ont pas été fondamentalement remises en cause par l'actuel Gouvernement.

Pour votre rapporteur, il convient sans doute de poursuivre une démarche similaire non plus seulement sur le périmètre de l'État mais en prenant en compte les opérateurs de l'État et les administrations de la sécurité sociale.

Au niveau déconcentré, la RGPP, dont la réforme conduite se revendique plus ou moins explicitement, a conduit à la réorganisation des services de l'État : création des agences régionales de santé (ARS), création des bases de défense ou encore modification des implantations des juridictions judiciaires. Sur ce dernier point, votre commission, sans nier la nécessité d'une réforme, a pu marquer plus de réserves quant à ses modalités 4 ( * ) . Cette rationalisation des services déconcentrés s'est finalement articulée autour de la réforme de l'administration territoriale (RéATE) qui renforçait le niveau régional d'administration et regroupait les services départementaux autour d'un schéma plus clair et adaptable selon l'importance démographique des départements.

2. Des économies budgétaires

La logique budgétaire et comptable de la RGPP a pu souvent être dénoncée, critique d'autant plus aisée que la RGPP était pilotée par le ministère en charge du budget, avec comme bras armé la DGME. Votre rapporteur estime, à titre personnel, qu'elle répondait à une nécessaire rationalisation de la dépense publique.

Le rapport des inspections générales des finances, de l'administration et des affaires sociales en dresse un résultat provisoire : « sur le plan budgétaire, le sixième rapport du CMPP a affiché un objectif d'économies de 15 Mds€ sur la période 2009-2013, dont 12,3 Mds € à échéance de fin 2012. Selon la direction du budget, le montant des économies réalisées à cette échéance devrait finalement être de 11,9 Mds €. Par ailleurs, les suppressions d'emplois réalisées dans les services de l'État sur 2009-2012 correspondent à 5,4 % des effectifs dont 3 % rattachables aux mesures RGPP. ».

Une partie des économies budgétaires ont été effectuées sur les dépenses de personnel qui sont les plus rigides pour le budget de l'État, un recrutement d'une fonctionnaire impliquant à long terme le versement d'une rémunération puis d'une pension de retraite. C'est ainsi qu'a été décidée la règle du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite.

Il importe à votre rapporteur de rappeler qu' une partie des économies générées par la RGPP ont été redistribuées aux agents publics sous la forme de « retours catégoriels ». Selon les informations transmises par le Gouvernement, la situation entre ministères a été variable, comme l'indique le tableau suivant, mais a en moyenne dépassé 50 % des économies engendrées par la maîtrise des effectifs des départements ministériels.

Reversements catégoriels (2009-2011)

Ministères

2009

2010

2011

Enveloppe catégorielle

(millions d'euros)

Part des économies reversées aux agents publics

Enveloppe catégorielle

(millions d'euros)

Part des économies reversées aux agents publics

Enveloppe catégorielle

(millions d'euros)

Part des économies reversées aux agents publics

Affaires étrangères et européennes

4,5

29 %

6,4

42 %

6,6

41 %

Alimentation, agriculture et pêche

7,9

63 %

10,3

41 %

9,9

52 %

Budget, comptes publics, fonction publique et réforme de l'État

64,6

55 %

79,8

64 %

92,8

58 %

Culture et communication

4,8

73 %

1,3

68 %

2,1

39 %

Défense

80,8

47 %

100,2

54 %

84,0

36 %

Écologie, énergie, développement durable et mer

26,0

70 %

24,7

113 %

24,1

56 %

Économie, industrie et emploi

9,3

65 %

9,6

64 %

10,3

65 %

Éducation nationale

137,6

35 %

119,2

37 %

175,9

45 %

Enseignement supérieur et recherche

16,3

- 263 %

13,7

320 %

1,6

SO

Intérieur, Outre-mer et collectivités territoriales

163,4

116 %

149,1

128 %

127,6

305 %

Justice et libertés

14,2

- 38 %

9,2

- 31 %

11,3

- 74 %

Services du Premier ministre

4,1

- 28 %

4,1

- 56 %

5,5

- 52 %

Travail, relations sociales, famille, scolarité et ville

13,7

144 %

16,3

117 %

10,7

44 %

TOTAL

547,4

63 %

544,0

67 %

562,2

61 %

Source : ministère de la réforme de l'Etat, de la décentralisation et de la fonction publique.


* 4 Rapport d'information n° 662 (2011-2012) de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et M. Yves Détraigne, La réforme de la carte judiciaire : une occasion manquée, fait au nom de la commission des lois - 11 juillet 2012. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/notice-rapport/2011/r11-662-notice.html .

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