B. LE DÉFI DE L'ADAPTATION DE LA PRODUCTION À LA CONSOMMATION

Le prochain projet de loi relatif à la transition énergétique devra fixer des objectifs à 2030, voire 2050. Or l'analyse des besoins en énergie se fonde sur une comparaison entre la production et la consommation. Cet équilibrage est souvent présenté comme menacé par l'irruption des énergies renouvelables intermittentes, telles que l'électricité d'origine solaire ou éolienne.

C'est pourquoi votre rapporteur pour avis souhaite insister sur la nécessité de mettre l'accent, dans le long terme, sur la recherche au profit du stockage de l'électricité d'une part, et sur l'impact encore sous-estimé que pourrait représenter à moyen terme l'autoconsommation de l'électricité produite par les particuliers.

1. Le stockage, une nécessité à long terme et un enjeu industriel

Le développement des énergies renouvelables entraîne l'installation de nouvelles installations de production diffuses à travers le territoire (panneaux photovoltaïques sur des bâtiments, petit éolien, petites centrales à biomasse...) ou au contraire de grande taille (parcs éoliens en mer, fermes photovoltaïques, centrales à biomasse), dont le point commun est la remise en question de la géographie actuelle des réseaux, conçus pour desservir de grandes centrales nucléaires et autres installations (notamment hydrauliques) qui ne sont pas forcément proches des nouveaux lieux de production.

Le stockage sur place de l'électricité produite par les nouvelles installations permettrait d'éviter partiellement une extension coûteuse des réseaux, car l'électricité pourrait être diffusée sur le réseau existant au fur et à mesure des besoins, et non ponctuellement lors des pics de vent ou d'ensoleillement. Il éviterait également la construction de centrales à gaz destinées à produire de l'électricité lorsque les énergies intermittentes sont indisponibles.

Une étude publiée le 21 octobre dernier par l'ADEME, la DGCIS et l'Association technique énergie-environnement (ATEE) indique que le stockage de l'énergie d'origine électrique pourrait engendrer le développement d'une filière créant 10 000 emplois sur le territoire français dans les 15 ans à venir. La capacité de stockage dans des stations de transfert d'énergie par pompage (STEP), qui est actuellement de 5 GW en France, pourrait selon cette étude être accrue de 1 à 1,5 GW à court terme. Le stockage d'énergie thermique doit aussi être développé afin d'améliorer l'équilibre entre l'offre et la demande de chaleur.

L'enjeu du stockage est particulièrement important dans les zones non interconnectées, telles que les îles, car la possibilité de développement des énergies renouvelables y est limitée, en l'absence de stockage, par leur impact sur la stabilité des réseaux.

Votre rapporteur souhaite également souligner le potentiel de l'hydrogène comme solution de stockage de l'énergie.

Le stockage d'électricité ayant déjà été identifié comme une filière d'avenir pour l'industrie française par le Président de la République 13 ( * ) , il paraît donc essentiel , dans une perspective de long terme, de soutenir la recherche et développement et la mise en place d'outils de démonstration afin d'identifier les technologies les plus prometteuses compte tenu de leur potentiel de stockage, de leur réactivité mais aussi, concernant les batteries, des matières premières qu'elles emploient.

2. Le développement de l'auto-consommation

L'auto-consommation de l'électricité produite est également un enjeu prometteur pour la gestion des réseaux .

Actuellement, l'électricité produite par un particulier ou une entreprise au moyen de panneaux photovoltaïques installés sur son propre toit est rarement utilisée par cette personne pour ses propres besoins. Il est en effet beaucoup plus rentable de vendre cette électricité au tarif garanti à un opérateur et de consommer, à un prix beaucoup moins élevé, l'électricité provenant du réseau - c'est-à-dire très souvent du même opérateur.

L'auto-consommation de l'énergie aurait donc un intérêt évident du point de vue de la gestion du réseau en réduisant les besoins de renforcement. Elle contribuerait de plus à faire de chaque consommateur un acteur du système énergétique en l'encourageant par exemple à décaler sa consommation aux moments où il bénéficie d'une électricité produite localement : des équipements « intelligents » pourraient par exemple déclencher le fonctionnement de la machine à laver lorsque les panneaux photovoltaïques fonctionnent et que les autres équipements sont au repos. D'une manière générale, l'accroissement de l'autonomie énergétique , au niveau d'une maison, d'un quartier ou d'un territoire, va dans le sens de la transition énergétique.

Comme l'a montré le colloque organisé avec l'Institut national de l'énergie solaire (INES) et sous l'égide du groupe d'études de l'énergie du Sénat le 7 novembre 2013, l'auto-consommation est déjà une réalité en Allemagne et elle deviendra de plus en plus intéressante en France avec la baisse des coûts de production et la hausse du prix de l'électricité. Il sera en effet rentable de consommer sa propre électricité le jour où la parité réseau aura été atteinte, c'est-à-dire que la production d'électricité solaire ne sera pas plus coûteuse que celle qui vient des producteurs traditionnels.

Comme l'ont toutefois indiqué certains intervenants lors de ce colloque, l'auto-consommation présente aussi des limites : d'une part, si elle n'est pas couplée à un système de stockage efficace, il faudra bien maintenir des réseaux à une capacité importante pour assurer l'approvisionnement des consommateurs lorsque les panneaux photovoltaïques ne produisent pas ; d'autre part, cette électricité consommée sur place ne ferait logiquement pas l'objet d'une taxation au profit du gestionnaire de réseaux, ce qui pourrait poser des difficultés pour le financement de ceux-ci.

Il s'agit donc d'un enjeu complexe sur le plan technique , mais aussi économique et juridique .

Il faudra en effet déterminer comment l'autoconsommation pourrait bénéficier par exemple d'un tarif d'achat ou d'un autre mécanisme d'aide adossé à la contribution au service public de l'électricité (CSPE), mais aussi quel serait son impact sur le produit du tarif d'utilisation des réseaux publics d'électricité (TURPE) et donc sur le financement des réseaux. Une solution envisagée serait de définir un droit forfaitaire d'accès au réseau, indépendant de la quantité consommée.

Votre rapporteur souligne la nécessité de poursuivre ces réflexions afin d'en faire l'un des thèmes de la prochaine loi sur la transition énergétique .


* 13 Intervention du Président de la République sur « la nouvelle France industrielle », 12 septembre 2013, lors de la présentation des 34 plans de reconquête industrielle.

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