EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 20 novembre 2013, la commission examine le rapport pour avis sur les crédits « Recherche et enseignement supérieur » du projet de loi de finances pour 2014.

Mme Valérie Létard , rapporteur pour avis. - Je vais vous présenter, pour le deuxième exercice, les crédits de la MIRES, la mission interministérielle « recherche et enseignement supérieur ».

Je me propose de vous exposer les grandes orientations du budget pour 2014, puis d'approfondir deux sujets sur lesquels j'ai fait porter mes auditions : l'Agence nationale de la recherche et le crédit d'impôt recherche, notamment pour ce qui est de ses modalités de contrôle.

Le budget de la MIRES atteint pour la première fois les 26 milliards d'euros. C'est un budget de consolidation, en hausse très légère de 0,44 %. Dans le contexte actuel de contrainte des finances publiques, et de recul de la majorité des autres budgets ministériels, cette stabilisation est à souligner. Ainsi, la MIRES constitue toujours le troisième budget de l'Etat, derrière l'enseignement scolaire et la défense.

Ce constat plutôt rassurant, à première vue, doit toutefois être relativisé à plusieurs égards.

Tout d'abord, la part consacrée à la recherche, qui intéresse notre commission, n'est pas la mieux lotie : avec presque 14 milliards d'euros, elle est en baisse de 0,55 % par rapport à l'exercice précédent. C'est en fait, comme l'année passée, la réussite étudiante qui est la grande priorité.

Cette contraction de l'enveloppe « recherche » se retrouve, logiquement, dans les subventions allouées aux grands organismes. Ceux que j'ai pu auditionner ou questionner m'ont fait part de la situation « limite » dans laquelle ils se trouvaient. Leur dotation d'État est en recul : - 0,2 % pour l'Institut national de recherche agronomique (INRA), - 0,4 % pour le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), - 0,64 % pour l'Institut national de recherche en informatique et en automatique (INRIA), - 1,1 % pour le Centre national d'études spatiales (CNES) ... Le problème est que ces baisses, certes limitées, se rajoutent aux autres baisses des années précédentes pour constituer finalement des « coupes » sensibles. L'IFP - Énergies nouvelles (IFP-EN), par exemple, a vu ainsi sa dotation reculer de 34 % depuis une dizaine d'années ; il est aujourd'hui « à l'os », pour reprendre son expression. Comme par ailleurs l'Institut français des sciences et technologies des transports, de l'aménagement et des réseaux (IFSTTAR), qui craint même de se retrouver en cessation de paiement si cette tendance se poursuit !

Or, la situation de ces organismes risque de s'aggraver, du fait des mises en réserve demandées à l'ensemble des opérateurs de l'État, au nom de la maitrise des finances publiques. D'une part, ces taux ont augmenté cette année : stables pour la masse salariale, à 0,5 %, ils passent de 6 à 7 % pour les autres dépenses. Si leur réduction de moitié avait été finalement décidée l'année passée, l'arbitrage n'a pas encore été rendu pour cet exercice. Aussi plusieurs organismes - IFP-EN et IFSTTAR, mais aussi Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS) et Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) - ont-ils demandé conjointement au Gouvernement de prendre des résolutions en ce sens. Sachant qu'ils ne seront pas à l'abri d'un gel supplémentaire en cours d'exercice, comme cela est arrivé à l'IFSTTAR en 2013, ce qui les mettrait alors dans une situation budgétaire plus que délicate.

Comment les organismes gèrent-ils ce retrait des dotations d'État ? Ceux qui le peuvent s'adaptent et tentent de diversifier leurs moyens de financement. Soit en augmentant leurs ressources propres : dividendes versés par les filiales, prestations réalisées auprès des industriels, redevances issues de la valorisation de la recherche ... Les ressources propres de l'IFP-EN ont ainsi presque doublé en 10 ans, représentant plus de 50 % de son budget.

L'autre solution est de se tourner vers les appels à projet, qu'ils soient issus du programme d'investissements d'avenir (PIA) ou de l'Europe. C'est ce que fait l'INRIA, qui cette année voit encore ce type de ressources augmenter, de 2,7 %.

Ces solutions sont à encourager, car il est certain que la tendance sera au désengagement progressif de l'État dans le financement de ces structures. Cependant, elle a ses limites, et ces organismes sont contraints aujourd'hui de réaliser de nouvelles économies. Ce peut être sur le budget de fonctionnement, en se « serrant la ceinture » un peu plus. Ce peut être sur les emplois, ce qui remet en cause la transmission du savoir au sein de la structure : recul de 479 équivalents temps plein (ETP) au CNRS en 2014, suppression de 150 emplois depuis 2011 à l'IFP-EN...

Ce peut être enfin, dans le pire des cas, sur les capacités d'intervention : plusieurs organismes (IFP-EN, INRIA...) nous ont ainsi indiqué avoir arrêté ou suspendu, au moins en partie, certains programmes de recherche. Dans une économie où la connaissance et l'innovation seront, demain plus que jamais, la source de toute valeur ajoutée, on mesure les conséquences désastreuses d'une telle évolution pour notre pays.

J'en viens à présent à l'Agence nationale de la recherche, l'ANR. La mise en place de cette agence de moyens, en 2006, a considérablement modifié le financement de la recherche en France, qui consistait jusqu'alors à subventionner chaque année de grands organismes. Elle l'a en effet réorienté vers le financement de projets précisément définis et correspondant à des thématiques jugées essentielles, comme c'est le cas dans les autres grands pays de recherche. Cela a permis de mettre en concurrence les équipes, de sélectionner les meilleures et de définir de grandes priorités nationales. Tout en conservant des financements pour des projets originaux, en rupture avec les itinéraires de recherche traditionnels, dits aussi « programmes blancs ».

L'ANR n'a pas été remise en cause par la dernière loi relative à l'enseignement supérieur et à la recherche, que j'ai rapportée pour avis au nom de la commission il y a quelques mois. Mais ses capacités d'action se trouvent aujourd'hui limitées de façon inquiétante.

Le budget de l'Agence, tout d'abord, est réduit cette année de 81 millions d'euros avant mise en réserve, soit - 12,3 % ! Cette diminution n'est pas ponctuelle : elle correspond à un recentrage délibéré du financement de la recherche vers les « crédits récurrents », octroyés aux grands organismes nationaux. Depuis la création de l'agence, sa subvention a baissé de 30 %, alors que le budget global de la MIRES progressait de 24 % ! Ils ne représentent plus désormais que 2,2 % des crédits de la MIRES, soit une enveloppe très insuffisante pour une agence à laquelle est censée être déléguée la majeure partie du financement de la recherche dans notre pays.

Cette évolution a des conséquences dramatiques sur le paysage de la recherche. La baisse des moyens de l'ANR, alors que les dossiers qui lui sont soumis augmentent fortement, aboutit à un fort recul du taux de succès aux appels à projet. Il est passé de plus de 25 % il y a quelques années à 16/17 % cette année, soit un des taux les plus bas d'Europe. Et bien inférieur à celui du 7ème PCRD, qui est de 24 %.

À ce niveau-là, et vu la baisse des crédits qu'elles peuvent subir, les équipes de recherche risquent d'être découragées et ne plus soumissionner, surtout lorsque l'on connaît la complexité du montage des dossiers. L'ANR pourrait ainsi perdre de son influence au profit d'autres sources de financement, que ce soit le programme « investissements d'avenir », dont une nouvelle tranche vient d'être annoncée, ou les appels à projet européens.

Devant ce risque, l'Agence n'est pas restée inactive. Elle a en effet profondément modifié sa procédure d'AAP, qui aura lieu désormais en deux temps : l'examen de pré-propositions sous un format allégé, puis l'analyse de dossiers détaillés parmi celles sélectionnées. Cette procédure révisée devrait permettre de réduire le nombre de projets examinés, et donc d'augmenter mécaniquement le taux de succès, pour le porter à 40 % environ. Espérons qu'elle redonnera un second souffle à l'Agence, et que celle-ci sera davantage prise en compte dans le prochain budget, car il en va de sa crédibilité auprès de la communauté scientifique, et même de sa pérennité.

Quelques mots pour finir sur le crédit d'impôt recherche (CIR), élément incontournable du budget de la recherche. Avec 5,8 milliards d'euros inscrits au projet de loi de finances pour 2014, contre 4,05 milliards en 2013, il représente en effet 41,5 % de la part « recherche » des crédits de la MIRES !

Je ne reviens pas sur son historique, mais je vous rappelle que son enveloppe a été multipliée par plus de 13 depuis son instauration en 2003, au gré de ses diverses réformes, et qu'il représente désormais l'aide fiscale à la recherche et développement (R&D) la plus avantageuse des pays membres de l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), avec 0,26 % du produit intérieur brut (PIB).

L'efficacité du CIR, certes délicate à mesurer, semble cependant acquise sur le principe. Le rapport de la Cour des comptes de juillet dernier sur ce dispositif fiscal souligne ainsi son intérêt en termes de développement de la recherche privée, d'attractivité territoriale et de baisse des charges des entreprises.

Dans ces conditions, la pérennisation du dispositif pour 2014 est une bonne chose. Cependant, du point de vue des entreprises, et notamment des plus petites, son régime reste source de difficultés et d'incertitudes :

- le montage des dossiers s'est complexifié de façon considérable. Les entreprises doivent réunir des compétences pluridisciplinaires, tandis que la détermination de l'éligibilité des projets repose sur un jugement difficile à objectiver. L'administration s'appuie sur la réalisation d'états de l'art que les petites et moyennes entreprises (PME) sont souvent peu armées pour réaliser. Et la mise en oeuvre du crédit d'impôt innovation (CII), instauré l'an dernier, ne contribue pas à éclaircir les choses : malgré l'instruction fiscale parue début octobre, la différenciation d'avec le CIR semble déjà très délicate, et l'enveloppe prévue sous-dimensionnée. Aussi l'élaboration d'un référentiel clair et stable sur le périmètre des dépenses éligibles, pour le CIR comme pour le CII, ainsi que de « bonnes pratiques » dans la conduite des contrôles, permettraient aux entreprises de mieux affecter fiscalement leurs dépenses et d'en préparer la justification en amont ;

- cela serait également de nature à réduire le recours aux cabinets de conseil, qui a explosé ces dernières années, avec la complexification du dispositif, et qui pose problème. Leur taux moyen de rémunération est en effet de 20 %, et peut atteindre jusqu'à 40 %. Or, leur intervention massive, notamment auprès des PME, n'a pas permis d'endiguer l'augmentation des rectifications, particulièrement sensible en 2012.

Plutôt qu'un agrément de ces cabinets qui, pour certains, entérinerait leur existence et leur recours, il semblerait préférable de favoriser l'autonomie des entreprises : il importe en effet que les dossiers soient bien rédigés par les responsables en charge des projets en interne, eux seuls étant capables d'exposer les raisons de leur éligibilité, en cas de contrôle. Aussi faut-il davantage les former - et les informer - aux techniques du CIR. Le réseau public ou consulaire, via les conseilleurs innovation, semble tout indiqué à cet égard ;

- enfin, dernière problématique relative au CIR, celle des procédures de contrôle. Elles sont en effet, elles aussi, très incertaines, car elles dépendent pour beaucoup de l'expert qui a été désigné par le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche pour assister les services fiscaux : un même dossier peut être tranché de façon diamétralement opposée selon son interprétation de règles par ailleurs - comme je le disais tout à l'heure - peu claires.

De plus, ces experts sont souvent des universitaires qui, s'ils ont de solides connaissances théoriques, ne sont pas au fait du fonctionnement concret des entreprises. Ils demandent des bibliographies particulièrement fournies, qu'elles n'ont pas les moyens de réunir. Et le dialogue contradictoire entre entreprises et experts est souvent inexistant, malgré la parution d'un décret en début d'année sur ce point.

Des pistes d'amélioration restent pourtant envisageables : mieux former les experts aux particularités de la recherche en entreprise ; encourager à un contrôle « sur place », accompagné d'un débat oral et contradictoire avec les responsables de l'entreprise ; prévoir une contre-expertise « à l'aveugle », avec un second expert différent du premier ; informer les entreprises du stade d'examen de leur dossier lors d'un contrôle fiscal...

Voilà, Monsieur le Président, mes chers collègues, les analyses et propositions que m'ont inspirées cet avis « recherche ». Pour conclure, il me reste à donner mon avis sur les crédits de la MIRES pour 2014.

À titre d'élément positif, figure la préservation des crédits de la MIRES, dans un contexte budgétaire difficile, ainsi que la pérennisation du CIR et du dispositif de la Jeune entreprise innovante (JEI).

Mais d'un autre côté, la baisse importante de crédits de l'ANR interpelle quant à l'avenir du financement sur projet. De plus, certains organismes de recherche se trouvent dans une situation budgétaire extrêmement délicate du fait de la stagnation ou de la baisse de leurs dotations publiques.

Dans ces conditions, je m'abstiendrai sur les crédits de la mission.

M. Daniel Raoul , président . - A titre personnel, l'examen des crédits de la MIRES me laisse toujours sur ma faim, car il ne permet pas de cerner vraiment les crédits de la recherche. Vous évoquez l'ANR, les établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST), etc. Mais il y a eu aussi le premier PIA, maintenant le deuxième, les initiatives d'excellence (Idex)... Ces crédits sont-ils comptabilisés ? Comment les intégrer ? Il y a en effet des crédits consomptibles et non consomptibles. Comment compter des crédits qu'on n'a pas le droit d'engager ? On voit bien que la labellisation Labex a des conséquences financières concrètes : les laboratoires sélectionnés vivent dans un certain confort financier. Mais les crédits dont ils bénéficient au titre du PIA ne sont pas comptés dans la MIRES. La représentation qui est donnée de la réalité par les bleus budgétaires est donc incorrecte. Il faudrait pouvoir distinguer, dans les crédits du PIA, la destination budgétaire finale.

Par ailleurs, il faut prendre en compte la réalité de l'exécution budgétaire, avec la pratique systématique du gel de crédits ouverts en loi de finances. Entre l'affichage en projet de loi de finances initial et la consommation des crédits, l'écart peut être important.

Concernant l'ANR, je crois utile de rappeler qu'il est indispensable qu'elle accorde un volume important de crédits aux programmes blancs, car c'est là que se trouvent les vraies chances de sauts scientifiques et technologiques. Prenez l'exemple fameux de la diode esaki. C'est en travaillant sur un isolant qu'on a créé un semi-conducteur.

Enfin, concernant les crédits affectés aux universités, et en particulier les clés de cette répartition, il y aurait beaucoup à dire. Le fonctionnement de la conférence des présidents d'université (CPU) relève d'une forme de cogestion, dans laquelle les grandes universités se servent et les petites et moyennes universités (PMU) reçoivent des moyens ridicules en termes de dotation par étudiant. Certaines grandes universités comme Orsay disposent des ressources externes si importantes du fait des partenariats et des appels à projet qu'elles pourraient presque se passer des dotations de l'État.

Mme Valérie Létard , rapporteur pour avis . - On voit en affichage des montants très importants dans le cadre des investissements d'avenir, mais vers quoi sont-ils fléchés ? Qu'est-ce qui est réellement mis en oeuvre ? S'agissant des enveloppes non consomptibles, on ne peut utiliser que les intérêts produits par ces crédits. Les sommes affichées sont donc extrêmement fortes mais les sommes effectivement utilisables sont beaucoup plus faibles. Il y a aussi le problème de la dispersion des lignes de crédits. Nous avons examiné ce matin les crédits de la mission « Économie » : y figurent d'importants crédits de recherche. Tout cela ne participe pas à la transparence nécessaire pour appréhender globalement les choses. Le PIA, c'est plus de 22 milliards d'euros pour la recherche : comment cela est-il utilisé ? Qu'est-ce qui va vers Labex/Idex, qu'est-ce qui va vers les instituts de recherche ? Comment cela s'articule-t-il ? Après on pourra regarder si effectivement l'ANR a son utilité. Des professeurs du Collège de France ont attiré notre attention sur le risque, du fait de taux de succès trop faibles, de passer à côté des bons projets et de décourager les bonnes initiatives. Surtout, il faut conserver les crédits blancs. Ces professeurs n'ont pas cité la diode esaki mais le chant des oiseaux, dont l'étude a débouché sur de grandes avancées en matière de génome par le plus pur des hasards. Des sujets d'apparence anodins se sont révélés stratégiques. Je crois qu'il faut aussi sélectionner de très bonnes équipes de chercheurs et leur faire confiance pour explorer des pistes, comme c'est le cas par exemple dans les instituts Max Planck.

Je tiens aussi à souligner un point important concernant la politique en direction des jeunes chercheurs. Ils sont formés au meilleur niveau, ils participent à des programmes stratégiques et, après dix ans d'études supérieures, ils sont rémunérés 1500 euros par mois. Aujourd'hui, les meilleurs éléments des équipes doctorales partent directement à l'étranger. Il est urgent de mieux les accompagner et de mieux les rémunérer. C'est l'avenir de la recherche qui se joue ici.

M. Daniel Raoul , président . - Heureusement tout de même que ces jeunes chercheurs, après leur post doc, souhaitent revenir en France. Car si la recherche est mieux rémunérée aux États-Unis, la condition des chercheurs y est aussi plus précaire.

La question des relations entre l'ANR et les établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST) est un vrai débat. L'ANR avait deux vocations. D'une part, servir d'outil à l'État stratège qui sélectionne des domaines de compétences et des priorités d'avenir en les subventionnant à 50 ou 60 % de son budget. D'autre part, alimenter, à hauteur de 40 % des crédits, des programmes blancs, non fléchés, qui sont les plus intéressants en termes d'innovation. C'est dans ces programmes blancs qu'il peut y avoir des sauts technologiques importants.

Ensuite a été mis en place le PIA, qui a apporté des masses de crédits à certains laboratoires en laissant les autres à l'écart. Je crois qu'il doit y avoir une dotation minimale, un socle, permettant d'assurer le fonctionnement et que le PIA doit apporter un « plus ».

M. Michel Bécot . - Le CIR profite aux très petites entreprises (TPE) et aux PME, mais la masse des crédits va quand même à de grandes sociétés qui n'ont pas forcément besoin de recevoir de telles sommes pour conduire un effort de recherche et d'innovation. Le dispositif devrait être plus différencié pour éviter certains effets d'aubaine.

M. Daniel Raoul , président . - Les crédits du CIR ont considérablement augmenté depuis sa création. Il représentera en 2014 une enveloppe de 5,8 milliards d'euros. Cependant on n'observe aucune corrélation entre l'augmentation du CIR et le développement de la R&D. Cela a été relevé par la Cour des comptes. Le fait que les principaux bénéficiaires du CIR soient de grandes sociétés n'y est sans doute pas pour rien : ce dispositif fiscal leur permet de capter des crédits, mais cela ne les incite pas pour autant à faire plus de recherche. Je crois qu'il faudrait déplacer le curseur vers les PME. En outre, ces dernières, compte tenu de la complexité du dispositif, doivent recourir à des officines de conseil qui peuvent récupérer pour leur compte plus de 30 % du montant du CIR. Or, la vocation de ce dernier n'est pas d'enrichir des cabinets conseil en fiscalité !

M. Michel Bécot . - Il faut simplifier ! Les PME n'ont pas les ressources en interne pour administrer un dispositif aussi complexe.

Mme Valérie Létard , rapporteur pour avis . - Quelques chiffres de la Cour des comptes pour éclairer ce débat. 80 % des bénéficiaires du CIR sont des entreprises de moins de 250 salariés. Seuls 5 % des déclarants ont plus de 500 salariés. Et les entreprises de plus de 5000 salariés, représentent 0,4 % des déclarants, mais soumettent 7 milliards d'euros de déclarations, soit 38 % du total déclaré.

M. Daniel Raoul , président . - Tout est dit !

Mme Valérie Létard , rapporteur pour avis . - Certaines grandes sociétés, qui ont l'expertise juridique suffisante pour exploiter le dispositif, sont de grosses consommatrices du CIR, mais l'on peut s'interroger sur le rapport sur investissement en termes de recherche pour la collectivité.

L'accompagnement des PME par des tiers dans la demande de CIR est également une vraie question. Faut-il un agrément des sociétés de conseil ? Il y a des conseillers qui font de la défiscalisation sans rien connaître au CIR. De nombreux redressements ont concerné des entreprises qui avaient été mal conseillées. Les choses se sont un peu améliorées au cours du temps, mais l'accompagnement des PME reste une problématique d'actualité. Il y a ce problème du conseil fiscal, mais il y a aussi la question de l'expertise des dossiers sur le fond. Selon que l'expert est plutôt proche du monde académique ou du monde de l'entreprise, l'appréciation d'un même dossier va être différente.

M. Daniel Raoul , président . - Il faudrait aussi évoquer, s'agissant du CIR, la question de la technique de la filialisation mise en oeuvre par les grands groupes. Ces derniers peuvent créer des filiales à la seule fin d'optimiser le volume de CIR perçu. Limiter ce genre de dérive ne doit pas être si compliqué.

M. Yannick Vaugrenard . - Je reste sur ma faim. J'ai le sentiment qu'il n'existe pas véritablement de système d'évaluation sur ce qu'est la recherche en France. Peut-on véritablement en chiffrer le budget consolidé ? Peut-on véritablement savoir s'il augmente ou pas ? Dotations budgétaires, PIA, CIR, ANR, dispositifs fiscaux divers... Peut-on véritablement chiffrer l'effort national de recherche ?

Mme Valérie Létard , rapporteur pour avis . - Il faudrait aussi compter les crédits européens en matière de recherche dont profite la France ! Sans oublier non plus le budget recherche des collectivités, notamment les régions. Ces deux niveaux, supra et infra national, doivent être prise en compte dans une réflexion stratégique sur la recherche.

M. Daniel Raoul , président . - Tout à fait. Pour prendre l'exemple de ma communauté d'agglomération, elle dépense chaque année 8 millions d'euros pour l'enseignement supérieur et la recherche. Une fois déduite des dépenses dans le domaine de l'immobilier, notamment, il reste encore 2 millions d'euros pour la recherche elle-même. Et puis, il faudrait prendre en compte également les pôles de compétitivité, et le Fonds unique interministériel (FUI) ... C'est une usine à gaz.

M. Yannick Vaugrenard . - On fait souvent des comparaisons internationales, on nous dit que la France est en retard. Mais je constate que, même pour la France, nous avons du mal à établir un budget clair de la recherche. Alors que signifient les chiffres des autres pays ? Quelle est la pertinence de ces comparaisons ?

Mme Valérie Létard , rapporteur pour avis . - Les comparaisons sont très difficiles à faire car les systèmes nationaux de recherches sont extrêmement divers. Parfois, on fait des comparaisons internationales qui mettent en avant un élément au sein de ces systèmes. On va nous parler par exemple des instituts Max Planck. En France, cela n'existe pas. Mais dans un système organisé très différemment, cela ne veut pas dire qu'il n'existe pas des institutions qui remplissent un rôle analogue. Faire des comparaisons pertinentes exige un énorme travail préalable de compréhension des systèmes de recherches, pour saisir qui fait quoi, l'affectation des différents crédits, comment tout cela se complète, ou au contraire entre en redondance ou bien laisse des « trous ».

M. Daniel Raoul , président . - Même une approche disciplinaire est complexe. Répondre à une question telle que : dans tel domaine, quel est le niveau de la recherche ? Cela ne va pas de soi. S'agissant des sciences du vivant par exemple, on va spontanément s'intéresser à l'INSERM, au CNRS...En réalité, c'est le CEA qui est leader dans ce domaine. Comprendre ce qui se passe en France est compliqué, procéder à la comparaison avec des systèmes étrangers l'est encore plus.

Mme Valérie Létard , rapporteur pour avis . - Le travail à accomplir est énorme.

M. Daniel Raoul , président . - Il faut maintenant en venir au vote sur les crédits de la mission. Quel est votre avis, Madame la rapporteur ? Vous avez signalé très honnêtement qu'il y avait un effort appréciable pour maintenir le budget de la recherche, avec une progression de 0,44 % des crédits, et ce malgré un contexte budgétaire très contraint. Vous ne voudriez pas donner un avis favorable assorti de réserve ?

Mme Valérie Létard , rapporteur pour avis . - Je m'abstiens, Monsieur le Président.

M. Michel Bécot . - Je m'abstiens également.

M. Daniel Raoul , président . - Je mets au vote.

La commission donne un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « recherche et enseignement supérieur ».

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