I. LE BUDGET 2014 EST MARQUÉ PAR UNE PROGRESSION SENSIBLE DES CRÉDITS DES PROGRAMMES « LOGEMENT » ET PLUSIEURS MESURES FISCALES IMPORTANTES, SIGNE DE LA VOLONTÉ SOUTENUE DU GOUVERNEMENT EN MATIÈRE DE LOGEMENT

A. DES « BOULETS FISCAUX », DÉPENSES FISCALES COÛTEUSES ET INEFFICACES, CONTINUENT DE GREVER LE BUDGET DE LA POLITIQUE DU LOGEMENT


• A l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2013, votre rapporteure pour avis a souligné que « la politique menée au cours de la dernière décennie pèse lourdement sur la politique actuelle en matière de logement » 1 ( * ) . Elle a notamment relevé que :

- l'augmentation du rythme de construction de logements sociaux au cours de la dernière décennie doit être nuancée : le parc HLM n'a augmenté que de 370 000 logements sur la décennie passée 2 ( * ) , soit de moins de 40 000 logements en moyenne annuelle. Par ailleurs, près de la moitié de la hausse constatée est imputable aux prêts locatifs sociaux (PLS), dont le taux est passé d'un peu plus de 20 % à plus de 35 % des logements locatifs sociaux financés ou agréés entre 2002 et 2011 3 ( * ) ;

- les aides budgétaires à la pierre se sont effondrées sur la période 2000-2012 , cet effondrement étant compensé par une augmentation des contributions extérieures, telles que celle d'Action logement, et par l'effort des collectivités territoriales, qui ne s'est jamais démenti. Votre rapporteure pour avis a notamment relevé que, « pour ce qui concerne le bouclage financier d'un logement social en PLUS 4 ( * ) ou en PLAI 5 ( * ) , la part de la subvention de l'État est aujourd'hui inférieure aux subventions des collectivités territoriales et aux fonds propres des bailleurs sociaux » 6 ( * ) ;

- certaines dépenses fiscales coûteuses et inefficaces, instituées au cours du précédent quinquennat, pèsent lourdement sur les finances publiques .


• S'agissant des dépenses fiscales , votre rapporteure pour avis rappelle que le montant des dépenses fiscales rattachées aux programmes « Logement » de la mission « Egalite des territoires, logement et ville » est très largement supérieur aux crédits budgétaires de ces mêmes programmes .

Elles devraient ainsi représenter 11,7 milliards d'euros en 2014 , tandis que les crédits budgétaires des programmes « Logement » atteindront 7,6 milliards d'euros en crédits de paiement. Autrement dit, les dépenses fiscales représenteront en 2014 près de 150 % des crédits budgétaires .

MONTANT DES DÉPENSES FISCALES SUR IMPÔTS D'ÉTAT
RATTACHÉES AUX PROGRAMMES LOGEMENT
DE LA MISSION « ÉGALITÉ DES TERRITOIRES, LOGEMENT ET VILLE »
(
en millions d'euros )

2012

2013

2014

Programme 177 « Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables »

45

45

45

Programme 109 « Aide à l'accès au logement »

61

65

65

Programme 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat »

13 177

12 861

11 603

Total des programmes logement de la mission « Égalité des territoires, logement et ville »

13 283

12 971

11 713

Source : projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2014.

Votre rapporteure pour avis note que la hausse des dépenses fiscales propres à la politique du logement est aujourd'hui stoppée . Alors que notre ancienne collègue Nicole Bricq relevait en 2011 « l'explosion de la dépense fiscale » 7 ( * ) en matière de logement, le montant global de la dépense fiscale devrait diminuer d'environ 300 millions d'euros en 2013 (- 2,3 %) et d'1,2 milliard d'euros en 2014 (- 9,7 %) .

Cette diminution s'explique, pour 2014, par le relèvement de 7 à 10 % du taux de TVA applicable aux travaux d'amélioration, de transformation, d'aménagement et d'entretien portant sur les logements achevés depuis deux ans, dépense fiscale dont le coût devrait reculer de 5 à 3,9 milliards d'euros.


• Pour autant, votre rapporteure pour avis relève cette année encore - en le regrettant - que certains « boulets fiscaux » hérités du précédent quinquennat continuent de peser très lourdement sur les finances publiques et de grever le budget de la politique du logement . Il s'agit notamment :

- du crédit d'impôt sur le revenu au titre des intérêts d'emprunt supportés à raison de l'acquisition ou de la construction de l'habitation principale, dit « crédit d'impôt TEPA » ;

- du « dispositif Scellier ».

Votre rapporteure pour avis rappelle que ces deux dépenses fiscales ont été largement inefficientes et très coûteuses, ce qui a d'ailleurs conduit le Gouvernement précédent à les supprimer :

- le « crédit d'impôt TEPA », mis en place en 2007 8 ( * ) , a été jugé très sévèrement par le Comité d'évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales. Ce dernier a souligné son « fort effet d'aubaine car il bénéficie à l'ensemble des ménages souhaitant acquérir une résidence principale et non seulement aux primo accédant », estimé que « son fort caractère universel favorise la hausse des prix dans les zones tendues » et dénoncé son « effet déclencheur limité » 9 ( * ) . Ce dispositif a été supprimé par la loi de finances pour 2011 10 ( * ) , dans le cadre de la réforme des dispositifs d'accession à la propriété ;

- le « dispositif Scellier », institué par l'article 31 de la loi de finances pour 2008 11 ( * ) en remplacement d'autres dispositifs de soutien à l'investissement locatif, a cumulé les défauts : une inefficience en termes de zonage et de loyer de sortie, relevée par l'Inspection générale des finances (IGF) 12 ( * ) , un effet inflationniste réel et un coût budgétaire important. Ce dispositif a été supprimé à compter du 1 er janvier 2013 par la loi de finances pour 2012 13 ( * ) .

Ces deux dispositifs ont solvabilisé artificiellement les acquéreurs, le plus souvent relativement aisés, et ont dopé le niveau de construction. L'arrêt de ce soutien fort coûteux pour le budget de l'Etat explique pour une large part la diminution de la production de logements privés . Ces avantages fiscaux ont de surcroît joué un rôle néfaste d'accroissement des prix qui accentue le décalage entre le niveau de revenus des Français et les coûts du logement.

Votre rapporteure pour avis relève que malgré leur suppression, ces deux dépenses fiscales continuent de peser très lourdement sur les finances publiques , comme l'illustre le tableau suivant.

COÛT DU « CRÉDIT D'IMPÔT TEPA » ET DU « DISPOSITIF SCELLIER »
(
en millions d'euros )

2012

2013

2014

Crédit d'impôt sur le revenu au titre des intérêts d'emprunt supportés à raison de l'acquisition ou de la construction de l'habitation principale, dit « crédit d'impôt TEPA »

1 995

1 640

1 175

Dispositif Scellier 14 ( * )

645

900

990

Total

2 640

2 540

2 105

Source : projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2014.

En 2014, ces deux dispositifs devraient ainsi coûter plus de 2,1 milliards d'euros , le coût du « dispositif Scellier » progressant même de 10 % entre 2013 et 2014.

Ils devraient d'ailleurs continuer de peser encore longtemps sur les finances publiques : d'après les documents budgétaires, le « crédit d'impôt TEPA » cessera d'avoir une incidence budgétaire en 2020 et le « Scellier » uniquement en 2030...

Votre rapporteure pour avis regrette cet « héritage lourd et durable » 15 ( * ) , pour reprendre les termes de notre ancien collègue Thierry Repentin, laissé par le Gouvernement précédent. Les 2,1 milliards d'euros qui seront consacrés en 2014 à ces deux dépenses fiscales auraient pu utilement financer la construction de logements sociaux ou l'accession sociale à la propriété .


* 1 Avis n° 149 (2012-2013) présenté au nom de la commission des affaires économiques sur le projet de loi de finances pour 2013, Tome IV : Égalité des territoires, logement et ville, M. Claude Dilain et Mme Marie-Noëlle Lienemann, p. 7.

* 2 Cf. Ibid., p. 9.

* 3 Cf. Ibid., p. 10.

* 4 Prêt locatif à usage social.

* 5 Prêt locatif aidé d'intégration.

* 6 Cf. Ibid., p. 12.

* 7 « Prélèvements obligatoires 2007-2012 : un quinquennat d'incohérences et d'injustices », Rapport d'information n° 64 (2011-2012) fait au nom de la commission des finances sur les prélèvements obligatoires et leur évolution, Mme Nicole Bricq, p. 93.

* 8 Loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat.

* 9 Cité in : Avis n° 149 (2012-2013), Ibid., p. 15-16.

* 10 Loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011.

* 11 Loi n° 2007-1822 du 24 décembre 2007 de finances pour 2008.

* 12 « Évaluation des dépenses fiscales en faveur de l'investissement immobilier locatif », Inspection générale des finances, juin 2011, p. 11.

* 13 Loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012.

* 14 Il s'agit de la somme des dispositifs « Scellier » et « Scellier intermédiaire ».

* 15 Avis n° 111 (2011-2012) présenté au nom de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire sur le projet de loi de finances pour 2012, Tome VII : Ville et logement, MM. Claude Dilain et Thierry Repentin, p. 25.

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