C. EN 2014, UN PROGRAMME COMMÉMORATIF EXCEPTIONNEL POUR LES ANNIVERSAIRES DES DEUX GUERRES MONDIALES

L'année 2014 voit la conjonction des commémorations de deux conflits qui ont laissé une trace indélébile sur la société française , en raison de leur durée, de l'engagement complet de nos armées, de leur impact sur les territoires où se sont déroulés les combats mais également des pertes dont ils sont à l'origine, chez les militaires mais aussi chez les civils : la première et la deuxième guerre mondiale. Guerres totales, elles ont mobilisé toutes les forces de la Nation qui, entre 1940 et 1944 ou même 1945 dans certains cas, a subi l'occupation.

Le centenaire de la Grande Guerre est l'occasion de se souvenir du sacrifice des 1,4 million de poilus qui sont décédés et des centaines de milliers d'autres qui furent blessés . C'est également l'occasion de mettre en lumière les profondes transformations que la France a subies en raison de ce conflit. Enfin, sa dimension internationale ne doit pas être négligée.

Le soixante-dixième anniversaire de l'année 1944 , des débarquements alliés en France et de la libération de la majeure partie du territoire doit quant à lui marquer la reconnaissance solennelle de notre pays envers ses derniers acteurs toujours en vie, assurer la transmission des valeurs pour lesquelles certains ont choisi de résister et rappeler la réconciliation exemplaire des belligérants grâce à la construction européenne.

Voilà donc deux messages essentiels mais distincts qu'il convient de ne pas confondre ou mélanger , au risque de méconnaître leur singularité et leur spécificité et ainsi de leur ôter toute portée pédagogique. Ayant identifié ces risques, le Gouvernement ne s'est pas engagé dans cette voie : votre rapporteure se félicite donc de la rigueur scientifique et organisationnelle qui a présidé à la préparation de ce cycle commémoratif.

1. Le centenaire du déclenchement de la Première Guerre mondiale, un événement international au sein duquel doit pouvoir se retrouver chaque famille française

Cent ans après le déclenchement de la Première Guerre mondiale, l'année 2014 ne doit pas être celle de la célébration du début d'un long conflit ou de mise à l'honneur d'un prétendu enthousiasme généralisé dans l'entrée en guerre. Il ne saurait être question d'essayer d'exploiter, à des fins politiques, l'union sacrée invoquée par Raymond Poincaré le 4 août 1914. En revanche, l'an prochain doit commémorer les épreuves traversées par les Français dans les premiers mois de la guerre, les profonds bouleversements qu'ils ont engendrés, l'intensité des combats initiaux mais également le caractère mondial du conflit .

Le calendrier des commémorations nationales , officiellement lancées par le Président de la République le 7 novembre 2013, s'inscrit dans cette logique et fait primer, sur l'opposition entre deux camps, le rapprochement des combattants d'hier. Sous l'égide de la mission du centenaire, quatre événements majeurs sont prévus :

- le 14 juillet 2014 , des représentants des soixante-douze nations ayant participé à la guerre, en particulier des jeunes, participeront au défilé sur les Champs-Elysées, qui marquera le début du cycle du centenaire ;

- entre le 1 er et le 3 août 2014 , la mobilisation et l'entrée en guerre seront commémorées symboliquement par la reproduction de l'affiche de la mobilisation générale dans l'ensemble des titres de la presse quotidienne régionale (1 er août) et l'organisation, avec plusieurs pays ayant participé au conflit (Royaume-Uni, Canada), d'une minute de silence internationale rappelant son déclenchement (3 août). Une cérémonie de mémoire franco-allemande pourrait également avoir lieu.

- le 12 septembre 2014 , une journée de commémoration nationale marquera le centenaire de la bataille de la Marne , avec une cérémonie principale qui devrait se tenir à Reims en présence de représentants du Royaume-Uni, de l'Allemagne, de la Russie et du Maroc.

- le 11 novembre 2014 , l'anniversaire de l'armistice sera commémoré à Paris tandis que, pour marquer le centenaire de la « course à la mer », durant laquelle le front s'est progressivement stabilisé de la mer du Nord à la frontière suisse à l'automne 1914, une cérémonie est prévue à la nécropole nationale de Notre-Dame-de-Lorette (Pas-de-Calais), en hommage aux 600 000 soldats tombés dans la région. A cette occasion, un nouveau mémorial international sera inauguré sur ce site.

Votre rapporteure prend acte avec satisfaction de l'implication de nos partenaires étrangers dans ces commémorations dès 2014. L'intérêt qu'ils marquent pour la mémoire de ce conflit, qui constitue un élément fondateur de l'identité de plusieurs d'entre eux, comme le Canada, l'Australie ou la Nouvelle-Zélande, démontre une volonté commune de faire des événements de 1914-1918 une source d'enseignements pour l'avenir. La coordination est permanente, le ministre ayant reçu à Paris en octobre dernier ses homologues d'une trentaine de pays pour un séminaire de travail sur le sujet. Elle devra se poursuivre dans les années à venir, pour le centième anniversaire de combats qui font désormais partie de la mémoire collective de nos alliés : la bataille de la Somme de 1916 pour les Britanniques, celle de la crête de Vimy en 1917 pour les Canadiens ou encore les affrontements de 1918 pour les Américains.

A côté de cette dimension internationale, les commémorations doivent être tournées vers les Français, leurs souvenirs familiaux, l'impact local du conflit . C'est la raison pour laquelle une procédure de labellisation des initiatives mémorielles portées par des collectivités, des associations ou d'autres acteurs privés a été lancée et a abouti à l'élaboration d'un programme national qui compte plus de mille projets . Un budget de 7 millions d'euros est prévu pour les soutenir financièrement.

Dans le même esprit, la grande collecte de documents d'archives liés à la guerre menée, entre le 9 et le 16 novembre 2013, par les Archives de France, la Bibliothèque nationale et la mission du centenaire a rencontré un succès très important, donnant lieu à la numérisation, en une semaine, de plus de 15 000 documents (correspondances, journaux personnels, photographies, etc.) apportés par des particuliers.

Il restait encore un point sur lequel le travail de mémoire n'avait pas été achevé : celui des fusillés pour l'exemple . Dans un rapport 6 ( * ) remis en octobre dernier au ministre délégué chargé des anciens combattants, l'historien Antoine Prost en recense environ 650 et présente quatre scénarios d'évolution possibles :

- le maintien du statu quo , en considérant que les déclarations de Lionel Jospin en 1998 puis de Nicolas Sarkozy en 2010 ont réintégré ces hommes dans la mémoire nationale ;

- une réhabilitation générale ;

- une réhabilitation au cas par cas ;

- enfin, une déclaration solennelle, accompagnée d'un projet pédagogique sur ces soldats fusillés, qui constituerait leur réhabilitation « morale, civique ou citoyenne ».

C'est cette quatrième voie qui a été retenue par le Président de la République . S'exprimant à propos des fusillés pour l'exemple, il a fait part, dans son discours du 7 novembre 2013, de son souhait « au nom de la République , qu'aucun des Français qui participèrent à cette mêlée furieuse [la Première Guerre mondiale] ne soit oublié ». Une place sera accordée à leur histoire au musée de l'armée, et les dossiers des conseils de guerre seront numérisés et mis en ligne. Votre rapporteure est convaincue qu'il serait inopportun, sur un plan historique et symbolique, de procéder à la réhabilitation générale de ces hommes, et elle est consciente des grandes difficultés, notamment juridiques, d'une réhabilitation au cas par cas. Il était néanmoins indispensable d'agir pour que le traitement injuste et expéditif de la plupart de ces soldats soit définitivement reconnu par la Nation. Le choix du Président de la République était donc le bon et le seul à même d'apaiser les opinions autour de ce chapitre douloureux de notre mémoire nationale.

Par ailleurs, l'expérience que certains territoires ont eu de la Grande Guerre diffère très largement de celle du reste de la France . C'est tout particulièrement le cas de l'Alsace et de la Moselle , régions annexées par l'Allemagne en 1871 en application du traité de Francfort et qui faisaient alors partie intégrante de l'Empire allemand. En conséquence, leurs hommes ont accompli leurs obligations militaires dans l'armée allemande. Votre rapporteure est particulièrement sensible à la légitime reconnaissance qu'ils méritent à ce titre et sera attentive à ce que les commémorations du centenaire ne passent pas sous silence cet aspect malheureusement trop méconnu , en dehors des trois départements concernés, de l'histoire du conflit.

2. Le soixante-dixième anniversaire des débarquements et de la libération du territoire, ultime occasion de mettre les acteurs à l'honneur

Les commémorations du soixante-dixième anniversaire de la Seconde Guerre mondiale se poursuivront l'an prochain autour des trois thèmes marquants de l'année 1944 : les débarquements alliés, le soulèvement des maquis et la libération du territoire. La DMPA est chargée de leur organisation et dispose à cette fin d'un budget de 8,03 millions d'euros , soit un tiers des moyens dévolus à la politique de mémoire pour 2014. Ce sera vraisemblablement le dernier anniversaire décennal où pourront être présents et intervenir des acteurs et témoins directs de ces événements issus de tous les pays concernés.

Une cérémonie internationale rassemblera le 6 juin prochain , sur la plage de Sword Beach en Normandie, où débarquèrent les troupes anglaises ainsi que les 177 Français du commando Kieffer, les chefs d'Etat et de gouvernement des nations belligérantes. Des cérémonies bilatérales avec les Canadiens, à Juno Beach, et les Américains, à Omaha Beach, devraient également être organisées. Le 15 août, l'anniversaire du débarquement en Provence mettra l'accent sur le rôle de l'armée d'Afrique dans cette opération, en présence de chefs d'Etat africains. Selon les informations fournies par le ministre lors de son audition, une grande parade navale est envisagée, avant un défilé à Marseille.

Un hommage particulier sera rendu aux victimes civiles , le 9 juin à celles des massacres de Tulle et le 10 au martyr d'Oradour-sur-Glane . Pour les combats de la résistance intérieure, ceux menés au Mont-Mouchet (9 juin) et dans le Vercors (au mois de juillet) seront commémorés.

Enfin, la libération de Paris , le 25 août, et celle de Strasbourg , au mois de novembre, ont été retenues pour symboliser la libération de la majeure partie du territoire et constitueront le troisième volet de ce cycle.

A côté de ce programme officiel, les initiatives venant de collectivités, d'associations et d'autres acteurs privés impliqués dans la promotion de la mémoire du XX e siècle seront sans doute nombreuses. Pour les accompagner, la DMPA et l'Onac ont mis en place 7 ( * ) une procédure d'homologation , similaire à la labellisation conférée par la mission du centenaire de la Première Guerre mondiale. En répondant à cet appel à projets, et après examen de leur dossier par les services départementaux de l'Onac puis décision d'homologation prise par une instance départementale placée sous l'autorité du préfet, les personnes à l'origine d'une telle action pourront recevoir un soutien financier de la part de l'Etat , qui ne devrait pas dépasser 25 % de son coût total. Une enveloppe d'un million d'euros y sera consacrée .

Enfin, dans le cadre de ces commémorations, votre rapporteure réitère une fois de plus son souhait que les souffrances des Alsaciens-Mosellans , qui durant quatre ans ont vécu sous le joug de l'annexion à l'Allemagne, ne soient pas oubliées mais au contraire mieux enseignées à tous les jeunes Français.

3. Un pilotage efficace qui, malgré des débuts difficiles, a trouvé ses marques

Dès 2011 8 ( * ) , dans le cadre des réflexions préliminaires sur l'organisation des commémorations du centenaire de la Première Guerre mondiale, la décision de créer une structure interministérielle dédiée a été prise au vu de l'ampleur des travaux préparatoires à réaliser, de la multiplicité des acteurs concernés et des considérations internationales à appréhender. Un groupement d'intérêt public (GIP) a donc été créé : la Mission du centenaire de la Première Guerre mondiale.


Le GIP « Mission du centenaire de la Première Guerre mondiale »

La constitution du GIP a été approuvée par un arrêté du 5 avril 2012, et ses travaux ont débuté à l'automne de la même année, avec un léger décalage sur le calendrier initialement prévu.

Ses membres, avec la pondération de leurs voix au sein du conseil d'administration, sont les suivants :

- le ministère de la défense (34,6 %) ;

- le ministère de la culture et de la communication (24,3 %) ;

- le ministère de l'éducation nationale (4,4 %) ;

- le ministère des affaires étrangères (4,5 %) ;

- le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche (5,6 %) ;

- le ministère chargé du tourisme (1,5 %) ;

- le ministère de l'intérieur (1,5 %) ;

- l'Institut français (1,5 %) ;

- l'Onac (2,2 %) ;

- le musée de l'armée (3,5 %) ;

- l'Etablissement de communication et de production audiovisuelle de la défense (1,3 %) ;

- la Bibliothèque nationale de France (5 %) ;

- le Centre national de documentation pédagogique (5 %) ;

- l'Association des maires de France (2,1 %) ;

- le Souvenir français (0,6 %) ;

- la Carac (2,4 %).

Sept ministères sont donc représentés , celui de la défense ayant le poids le plus important au sein du conseil d'administration puisqu'il y dispose, avec les organismes qui en dépendent, de 41,6 % des voix . Au sein de ce conseil siègent également deux sénateurs et deux députés. Il est présidé par le général Elrick Irastorza, ancien chef d'état-major de l'armée de terre. A ses côtés, un conseil scientifique , présidé par l'historien Antoine Prost, est chargé de veiller à la cohérence historiographique des projets envisagés.

En ce qui concerne les moyens du GIP, alors que son budget devait s'établir à environ 20 millions d'euros sur trois ans, ce chiffre a été revu à la baisse à 14 millions d'euros en raison de l'abandon du projet de parade du 14 juillet 2014. Sur ce total, 8,9 millions sont issus de subventions dont la tranche la plus importante, à hauteur de 4,3 millions d'euros , lui sera versée en 2014. La différence doit être comblée par le mécénat. Pour cela, un comité des mécènes, présidé par Jean-Claude Narcy, a été mis en place et la recherche de financements a commencé à l'été 2013. Au total, la moitié du budget du GIP, soit 7 millions d'euros, est consacrée à son fonds d'intervention , qui apporte un soutien financier aux projets qu'il a labellisés. Pour y parvenir, un ambitieux objectif de 4,5 millions d'euros issus du mécénat en 2014 a été fixé. Par ailleurs, la mission bénéficie d'importantes valorisations de la part des membres du conseil d'administration, que ce soit la mise à disposition de personnel, de locaux ou la délivrance de prestations à titre gratuit.

Au plan local, des comités départementaux du centenaire , sous la présidence du préfet de département, ainsi que des comités académiques , présidés par les recteurs, ont été installés. Ils ont été chargés de recevoir ou d'identifier les projets issus des collectivités, du milieu scolaire ou d'associations susceptibles de recevoir le label national du centenaire. Après avoir été soumis au conseil scientifique, plus de mille projets ont été retenus et constituent l'ossature au programme national de commémoration.

La mission du GIP, telle qu'elle ressort de sa convention constitutive, est la conception, la préparation et l'organisation du programme commémoratif du centenaire de 1914. Son champ a été précisément circonscrit à cette tâche à la fin de l'année 2012 9 ( * ) .

Son rôle pour les années suivantes n'est pas encore clairement défini, sa dissolution devant avoir lieu au plus tard le 31 décembre 2015. Aucun financement n'est même prévu après 2014.

Tout comme l'an dernier, cette situation singulière a attiré l'attention de votre rapporteure. Il serait regrettable que la mission ne soit pas pérennisée au moins jusqu'au terme prévu par sa convention constitutive , afin de procéder à l'évaluation des actions menées en 2014. Il serait même judicieux d'en prolonger l'existence jusqu'au terme du cycle du centenaire afin d'apporter un appui aux initiatives de nos partenaires étrangers pour commémorer les événements qui leur sont plus spécifiques et d'élaborer, dans la continuité de 2014, les cérémonies de 2018. Cela est d'autant plus vrai que le travail de l'équipe pluridisciplinaire du GIP , composée de treize personnes sous la direction de Joseph Zimet, fait l'unanimité auprès de tous les acteurs engagés dans le centenaire et a d'ores et déjà démontré sa pertinence .

En revanche, il n'a pas été jugé nécessaire de faire de même pour le soixante-dixième anniversaire de la Seconde Guerre mondiale. C'est donc la DMPA, avec l'appui de l'Onac, qui en a la charge.

Peu après sa nomination, le ministre délégué chargé des anciens combattants a souhaité, en raison des enjeux politiques et sociétaux attachés à ce double cycle commémoratif, renforcer la coordination du travail des structures auxquelles son organisation a été déléguée. Ainsi, une mission interministérielle des anniversaires des deux guerres mondiales a été créée 10 ( * ) , placée sous sa présidence, et dont le rôle est notamment de « concevoir, susciter et coordonner les actions de commémoration et de célébration du centenaire de la Première Guerre mondiale et du soixante-dixième anniversaire des années 1943-1945 » et d'« harmoniser les actions entreprises par les différentes administrations en ce domaine ».

S'appuyant sur un comité scientifique présidé par l'historien
Jean-Pierre Azéma et un comité d'éthique présidé par Jacques Vistel, président de la fondation de la Résistance, la mission rassemble les ministères de la défense, des affaires étrangères, de l'éducation nationale, de l'intérieur, de la culture, de l'enseignement supérieur et de la recherche, des outre-mer, du tourisme, des anciens combattants et de la jeunesse et de la vie associative. Sont également représentés à son comité d'orientation et de suivi plusieurs établissements publics concernés par les commémorations (Institut français, BNF, musée de l'armée, CNDP, Ecpad), les associations représentant les collectivités territoriales (AMF, ADF, ARF) ainsi que des fondations et associations « particulièrement impliquées dans la célébration des anniversaires des deux Guerres mondiales ».

L'an dernier, votre rapporteure avait déploré que des désaccords aient pu exister sur les modalités de pilotage des commémorations : ceux-ci avaient alors retardé le début des travaux du GIP. Elle avait également mis en garde contre le risque de brouiller les messages pédagogiques en rattachant les deux anniversaires à un seul organisme , car les mémoires des deux conflits ne sauraient être confondues. La leçon à tirer du sacrifice des poilus dans les tranchées ou des actes de barbarie subis par certaines populations sous l'occupation n'est assurément pas la même.

Toutefois, les événements de l'année 2013 démontrent que de tels écueils ont pu être évités . Le rôle du GIP a été reconnu, et ses relations avec le ministère reposent désormais sur une confiance mutuelle. En 2014, ce dernier lui versera une subvention de 3 millions d'euros , inscrite à l'action n° 2 du programme 167. La mission interministérielle, qui emploie quatre personnes, doit quant à elle être le lieu où seront pris les nécessaires arbitrages politiques visant à garantir la lisibilité et la cohérence des commémorations qui débuteront l'an prochain. Il sera nécessaire d'articuler le basculement dans la Grande Guerre avec la mémoire de la libération du territoire . Dans ces conditions, une structure légère de coordination trouve toute sa légitimité.

4. Faire de ces commémorations un tremplin pour le tourisme de mémoire

Le développement du tourisme de mémoire , c'est-à-dire la valorisation du patrimoine mémoriel, civil comme militaire, lié aux conflits contemporains, fait partie depuis déjà plusieurs années des priorités de la DMPA. Plus largement, une politique interministérielle est menée en ce sens en collaboration avec le ministère chargé du tourisme et la direction générale de la compétitivité, de l'industrie et des services (DGCIS) dans un cadre formalisé par une convention « défense-tourisme » signée en mai 2011.

Les anniversaires des deux guerres mondiales, de par leur caractère universel et international, constituent une opportunité unique d'accélérer la croissance de cette activité , au bénéfice des territoires qui accueillent ces lieux de mémoire mais également de leur vocation éducative.

Les premières assises du tourisme de mémoire, qui s'étaient tenues au Sénat en mai 2011, avaient souligné le poids économique de cette filière. Selon une étude qui y avait été présentée, en 2010, les sites historiques relatifs aux conflits contemporains ont attiré plus de 6 millions de visiteurs , pour un chiffre d'affaires direct de 45 millions d'euros et des retombées indirectes (hôtellerie, restauration) sans doute bien plus importantes. Les données plus récentes de la DMPA confirment l'intérêt croissant du public puisqu'en 2012 les seize sites mémoriels les plus fréquentés, qui représentent près de 50 % de la fréquentation globale, ont enregistré 4,25 millions de visites , soit 750 000 de plus qu'en 2010.

Les deuxièmes assises du tourisme de mémoire ont eu lieu les 14 et 15 novembre 2013 dans la région Nord-Pas-de-Calais. A cette occasion, un contrat de destination « centenaire de la Grande Guerre » a été signé entre l'Etat et ses opérateurs (Atout France et la mission du centenaire) et les collectivités territoriales qui constituaient la ligne de front. Les acteurs associatifs et du monde touristique y sont associés. Son objectif est de développer l'offre touristique en lien avec le centenaire, de coordonner les initiatives des signataires en la matière, de renforcer leur coopération et de mieux promouvoir ces projets à l'international.

Cette mesure s'inscrit dans le cadre plus large de la structuration de la filière du tourisme de mémoire et de sa professionnalisation. Un label Qualité Tourisme propre aux sites mémoriels devrait être créé, tout comme un observatoire du tourisme de mémoire afin d'assurer un suivi régulier de son évolution. Pour le grand public, le site internet Chemins de mémoire 11 ( * ) met en réseau les lieux de mémoire et propose des circuits de visite locaux. Il apporte également des informations historiques à leur sujet.

Dans des régions qui connaissent d'indéniables difficultés économiques, le patrimoine de pierre est un atout qui est loin d'être négligeable . Des centaines de milliers de visiteurs , Français mais aussi étrangers, sont attendus dans les quatre années à venir, Américains, Anglais ou encore Australiens.

L'Etat a apporté un soutien à certaines collectivités pour la mise en valeur et la rénovation de ces lieux chargés d'histoire : depuis 2008 en Alsace pour le Hartmannswillerkopf , 2011 pour la rénovation de la nécropole de Notre-Dame-de-Lorette dans le Nord-Pas-de-Calais et 2013 en soutien des actions conduites par le conseil général de l'Aisne.

Il va accentuer cet effort en 2014 puisque le projet de loi de finances prévoit que 1,5 million d'euros viendront appuyer des projets menés par des collectivités territoriales en matière de tourisme de mémoire. Votre rapporteure s'en félicite, car cette mesure répond à l'un des souhaits qu'elle avait formulés l'an dernier en constatant l'insuffisance des moyens à la disposition de la DMPA pour venir efficacement en soutien des acteurs locaux.

Le tourisme de mémoire constitue l'un des facteurs à l'aune desquels la réussite des commémorations du centenaire de la Première Guerre mondiale et du soixante-dixième anniversaire de la Seconde Guerre mondiale sera mesurée. L'intérêt dont font part de nombreuses personnes pour la mémoire combattante du XX e siècle doit pouvoir être accueilli dans les meilleures conditions sur les lieux même où celle-ci s'est construite. Il en va de la perpétuation du souvenir de ceux qui ont combattu pour la France et de la transmission des valeurs qu'ils ont défendues.


* 6 Quelle mémoire pour les fusillés de 1914-1918 ? Un point de vue d'historien ; rapport du groupe de travail animé par Antoine Prost, octobre 2013.

* 7 Circulaire du 8 novembre 2013 relative à la procédure de soutien des actions commémoratives du cycle mémoriel du 70 e anniversaire de la Résistance, des débarquements, de la libération de la France et de la victoire sur le nazisme.

* 8 Joseph Zimet, Commémorer la Grande Guerre (2014-2020) : propositions pour un centenaire international ; rapport au Président de la République, septembre 2011.

* 9 Arrêté du 30 mai 2013 portant approbation d'un avenant à la convention constitutive du groupement d'intérêt public « Mission du centenaire de la Première Guerre mondiale - 1914-2014 », NOR : DEFD1305703A.

* 10 Par le décret n° 2012-1305 du 26 novembre 2012.

* 11 http://www.cheminsdememoire.gouv.fr.

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