B. LA POLITIQUE DE MÉMOIRE, UNE PRIORITÉ AFFIRMÉE AUX MOYENS RENFORCÉS

La préservation de la mémoire des conflits dans lesquels la France a été engagée et des sacrifices que ceux qui y ont participé ont consenti est une mission qui, par nature, incombe à l'Etat . Elle est le ciment qui perpétue l'attachement de la Nation à son armée au fil des âges. L'action n° 2 du programme 167 en est le support, tandis que sa conception et sa mise en oeuvre sont confiées à la direction de la mémoire, du patrimoine et des archives (DMPA) du ministère de la défense. L'office national des anciens combattants et victimes de guerre (Onac) est, depuis 2010 et la réforme de l'administration au service du monde combattant, opérateur de cette politique, chargé de l'entretien des nécropoles nationales et des hauts lieux de mémoire .

Avec un budget pour cette action de 23,2 millions d'euros , le PLF 2014 marque une hausse de 33,3 % par rapport à 2013 . En comparaison avec les crédits votés par le Parlement en 2011 pour l'année 2012, l'augmentation est plus marquée encore : + 97,4 % en deux ans , après une progression de 43,3 % entre 2012 et 2013. Votre rapporteure s'en félicite, car les échéances commémoratives de 2014 sont sans précédent et portent sur les deux conflits qui ont façonné la France moderne : les première et seconde guerres mondiales.

Il serait néanmoins regrettable que dans les années à venir ces ressources viennent à diminuer pour retrouver le niveau insuffisant qu'elles connaissaient jusqu'en 2012. La politique de mémoire ne constitue pas un gisement d'économies mais au contraire un investissement pour l'avenir dont le rendement ne se mesure pas comptablement mais à l'aune de l'importance qu'ont pris, aux yeux des Français, les enjeux symboliques et culturels de la mémoire nationale.

1. Une politique articulée autour des symboles de la mémoire nationale

En matière mémorielle, les missions de la DMPA sont variées : organisation des cérémonies inscrites au calendrier commémoratif national, valorisation et entretien des lieux de mémoire et des sépultures de guerre avec l'Onac, soutien à des projets pédagogiques, à la production de films et à l'édition d'ouvrages portant sur les conflits contemporains, le patrimoine de la défense et la recherche historique.

Le calendrier commémoratif national , dont les dates sont fixées par des textes législatifs ou réglementaires, a connu ces deux dernières années plusieurs ajouts qui sont issus d'initiatives parlementaires. Le premier, par la loi du 6 décembre 2012 2 ( * ) , a fait du 19 mars la journée nationale du souvenir et de recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d'Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc . Cette date a été commémorée pour la première fois en 2013. Le second, sur la base d'une proposition de loi de notre collègue Jean-Jacques Mirassou, fait suite à la reconnaissance du 27 mai comme journée nationale de la Résistance 3 ( * ) . La loi ayant été promulguée en juillet 2013, cette journée sera intégrée au calendrier à compter de 2014.


Le calendrier commémoratif national en 2014

- le 19 mars : journée nationale du souvenir et de recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d'Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc (loi du 6 décembre 2012) ;

- le dernier dimanche d'avril : journée nationale du souvenir des victimes et héros de la déportation (loi du 14 avril 1954) ;

- le 8 mai : commémoration de la victoire de 1945 (loi du 2 octobre 1981) ;

- le deuxième dimanche de mai : fête nationale de Jeanne d'Arc et du patriotisme (loi du 10 juillet 1920) ;

- le 27 mai : journée nationale de la Résistance (loi du 19 juillet 2013) ;

- le 8 juin : journée nationale d'hommage aux « morts pour la France » en Indochine (décret du 26 mai 2005) ;

- le 18 juin : journée nationale commémorative de l'appel historique du général de Gaulle à refuser la défaite et à poursuivre le combat contre l'ennemi (décret du 10 mars 2006) ;

- le dimanche le plus proche du 16 juillet : journée nationale à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l'Etat français et d'hommage aux « Justes » de France (loi du 10 juillet 2000) ;

- le 25 septembre : journée nationale d'hommage aux Harkis et autres membres des formations supplétives (décret du 31 mars 2003) ;

- le 11 novembre : commémoration de l'Armistice de 1918 et hommage à tous les morts pour la France (lois du 24 octobre 1922 et du 28 février 2012) ;

- le 5 décembre : journée nationale d'hommage aux « morts pour la France » de la guerre d'Algérie et des combats du Maroc et de la Tunisie (décret du 26 septembre 2003).

2013 a été marquée par un hommage à la Résistance et en particulier à Jean Moulin, à l'occasion du soixante-dixième anniversaire de la première réunion du Conseil national de la Résistance (CNR), qui eut lieu le 27 mai 1943, et de son arrestation. Le 11 novembre dernier, le Président de la République s'est rendu à Oyonnax pour saluer la mémoire des maquisards qui, le 11 novembre 1943, défilèrent à travers la ville. Par ailleurs, les commémorations du soixante-dixième anniversaire de la libération de la Corse , qui ont débuté en septembre 2013, eurent également lieu en sa présence le 4 octobre pour rappeler le rôle majeur joué par les résistants et par les Forces françaises libres, en particulier les tirailleurs et goumiers marocains, dans les combats qui ont libéré le premier département français .

Au total, les cérémonies organisées en 2013 auront représenté un coût de 1,86 million d'euros , somme qui prend en compte les dépenses engagées lors des hommages aux personnalités décédées dans l'année comme Stéphane Hessel et Pierre Mauroy. Pour 2014, le coût prévisionnel est estimé à 1,69 million d'euros , ce qui exclut la saison mémorielle spécifique de l'année à venir qui fait l'objet d'un financement distinct.

Avec un calendrier si riche, l'un des enjeux principaux est de parvenir à mobiliser les Français, à leur expliquer le sens de ces événements et à éviter la confusion des messages . Votre rapporteure a pu constater lors de ses auditions que la DMPA en est consciente et que son action vise à répondre à ces préoccupations.

La même logique constitue le fondement de la politique de sauvegarde et de développement des hauts lieux de la mémoire nationale , qui présentent aux visiteurs les différents aspects des conflits auxquels la France a pris part au XX e siècle et le sens du sacrifice de tous ceux qui ont alors fait le choix de servir la Nation. Leur gestion est déléguée par la DMPA à l'Onac, qui bénéficie à ce titre d'une subvention à hauteur de 2,79 millions d'euros pour 2014, qui couvre également l'entretien et la rénovation des sépultures de guerre.


Les hauts lieux de mémoire

- Le mémorial des martyrs de la déportation (île de la Cité, Paris)

- Le mémorial de la guerre d'Algérie et des combats du Maroc et de Tunisie
(quai Branly, Paris)

- Le monument aux victimes de la rafle du Vel d'Hiv (Paris)

- Le mémorial de la France combattante (Mont Valérien)

- Le mémorial de l'internement aux Milles (Bouches-du-Rhône)

- Le mémorial du débarquement de Provence (Mont Faron, Var)

- Le mémorial de l'internement (Gurs, Pyrénées-Atlantiques)

- Le Centre européen du résistant-déporté (Natzwiller-Struthof, Bas-Rhin)

- Le mémorial de la prison de Montluc (Lyon)

En 2014, la rénovation du mémorial de l'île de la Cité sera poursuivie, afin que le monument puisse être inauguré en 2015, à l'occasion de l'anniversaire de la libération des camps, tandis que celle du mémorial du Mont Faron aura lieu en vue des commémorations du débarquement en Provence.

La DMPA a entamé une réflexion sur le régime de ces hauts lieux de mémoire qui devrait, selon les informations recueillies par votre rapporteure, aboutir à la publication d'un arrêté leur donnant une véritable base juridique. Surtout, deux nouveaux sites devraient faire leur entrée dans cette catégorie à l'occasion du centenaire de la Première Guerre mondiale : la nécropole nationale de Notre-Dame-de-Lorette ainsi que celle de Fleury-devant-Douaumont , au titre de leur caractère national, emblématique d'un aspect du conflit : le sacrifice des forces alliées dans le premier cas et celui plus spécifique des soldats français à Verdun pour le second.

La mémoire des conflits contemporains trouve également à s'exprimer dans les cimetières militaires : la France métropolitaine en compte 265, où reposent 740 000 corps , en très grande majorité (88 %) de soldats de la Première Guerre mondiale. Le pôle des sépultures de guerre et des hauts lieux de la mémoire nationale de l'Onac, situé à Metz, est chargé de leur entretien et de leur réfection. A l'approche du centenaire, la priorité est donnée aux nécropoles de la guerre de 1914-1918 dans le cadre d'une programmation pluriannuelle qui a débuté en 2011 et s'achèvera en 2018. L'an prochain, plusieurs sites dans la Marne seront concernés (Ferme de Suippes, Sommepy-Tahure, Auberive) et la suite de la modernisation des panneaux d'information historique présents dans les nécropoles sera lancée.

A travers notre réseau consulaire, l'entretien d'un millier de cimetières français à l'étranger, où sont inhumés 230 000 soldats, est également assuré. En 2014, 0,81 million d'euros seront consacrés à leur entretien et 0,8 million à des travaux de rénovation, principalement en Macédoine, en Roumanie, en Belgique, en Italie et à Madagascar.

La DMPA apporte également son soutien à des actions pédagogiques et à des projets éducatifs . Elle contribue ainsi à l'organisation et au financement du concours national de la Résistance et de la Déportation (CNRD), auquel 34 000 jeunes ont participé l'an dernier. Un protocole signé avec le ministère de l'éducation nationale en janvier 2007, suivi d'un second signé avec le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche en avril 2012, organise cette coopération. Leur refonte dans un document unique est actuellement recherchée. L'édition d'ouvrages et la production de films peuvent également recevoir un soutien financier, tout particulièrement si leur thématique s'insère dans le programme mémoriel de l'année. Ainsi, en 2013, le ministère de la défense a notamment participé au financement de l'adaptation des mémoires de Daniel Cordier, Alias Caracalla , ainsi que d'un documentaire sur Jean-Louis Crémieux-Brilhac. Au total, le ministère disposera de 0,61 million d'euros à cet effet en 2014.

De plus, l'Onac disposera de 0,67 millions d'euros pour développer ses actions pédagogiques et de mémoire dans chaque département, à travers des expositions itinérantes, un soutien au CNRD ou encore le financement d'initiatives éducatives ou associatives locales.

Enfin, 2,1 millions d'euros sont inscrits dans le budget pour 2014 afin de soutenir d'autres acteurs publics ou privés souhaitant promouvoir des projets mémoriels. Sont principalement concernées les grandes fondations de mémoire, comme la Fondation de la Résistance ou la Fondation pour la mémoire de la Déportation, ainsi que des collectivités qui seraient désireuses d'organiser des cérémonies, des expositions ou encore de rénover des espaces mémoriels.

2. Valoriser la mémoire de la quatrième génération du feu

La quatrième génération du feu , celle des Opex, se distingue de celles qui l'ont précédée par ses effectifs, plus faibles en raison de la disparition de la conscription, comme par ses conditions d'engagement. Néanmoins, la reconnaissance de la Nation envers celles et ceux qui en font partie doit de toute évidence être la même que celle qui a été accordée aux poilus, à ceux ayant combattu pendant la Seconde Guerre mondiale ou à ceux ayant servi en Algérie.

La première étape a consisté en l'adjonction 4 ( * ) d'un hommage à tous les morts pour la France à la commémoration, chaque 11 novembre, de l'armistice de 1918.

Un rapport demandé en 2011 au général Thorette 5 ( * ) préconisait d'édifier à Paris un mémorial en hommage aux soldats morts pour la France en Opex . 616 étaient recensés entre 1963 et septembre 2011. Depuis cette date, ce bilan s'est malheureusement alourdi en Afghanistan et au Mali, où sept hommes ont perdu la vie durant l'opération Serval. Un budget d'un million d'euros a été inscrit dans la loi de finances pour 2013. S'il a dès l'origine été décidé que ce monument serait édifié place Vauban, à Paris, et qu'il comporterait un volet virtuel, la procédure de sélection des candidatures est encore en cours. Sur les sept projets reçus à la suite d'un appel public à la concurrence lancé en septembre 2012, trois seraient encore en lice et en cours d'analyse.

Lors de son audition par votre commission, le ministre a clairement affiché sa volonté de voir ce projet aboutir . Votre rapporteure s'en félicite. Les crédits nécessaires, qui ne seront pas consommés en 2013, seront reportés sur 2014.

Il est indispensable de voir ce mémorial sortir de terre sans délai, et ce d'autant plus que l'année 2013 a été marquée , le 23 octobre dernier, par la commémoration du trentième anniversaire de l'attentat du Drakkar , à Beyrouth, qui coûta la vie à 58 soldats français. Principale forme d'engagement de l'armée française depuis maintenant plus de cinquante ans, les Opex sont , à travers de tels événements, entrées dans la mémoire collective française et ne sont plus un phénomène ponctuel. Le Gouvernement en a conscience et votre rapporteure espère que la mémoire des femmes et des hommes qui y ont participé constituera bel et bien une priorité de son action jusqu'au terme de la mandature.


* 2 Loi n° 2012-1361 du 6 décembre 2012 relative à la reconnaissance du 19 mars comme journée nationale du souvenir et de recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d'Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc.

* 3 Loi n° 2013-642 du 19 juillet 2013 relative à l'instauration du 27 mai comme journée nationale de la Résistance.

* 4 Loi n° 2012-273 du 28 février 2012 fixant au 11 novembre la commémoration de tous les morts pour la France.

* 5 Rapport du groupe de travail « Monument aux morts en opérations extérieures », sous la présidence du général d'armée (2 e section) Bernard Thorette, septembre 2011.

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