C. LA SATISFACTION D'UNE REVENDICATION LÉGITIME DU MONDE COMBATTANT : L'ATTRIBUTION DE LA CARTE DU COMBATTANT À CEUX AYANT SERVI EN ALGÉRIE LE 2 JUILLET 1962

Le projet de loi de finances pour 2014 met un terme à une injustice forte des textes juridiques qui encadrent le droit à réparation, dénoncée de longue date par les associations d'anciens combattants. Il prévoit l'attribution de la carte du combattant aux soldats dont le déploiement en Algérie a duré au moins 120 jours et a commencé avant le 2 juillet 1962 mais s'est achevé après cette date.

La carte du combattant « à cheval » , selon l'expression consacrée, avait été promise de longue date par les ministres qui se sont succédé au portefeuille des anciens combattants. Dans l'état actuel du droit, la carte du combattant ne peut être octroyée aux personnes ayant servi en Algérie que si elles justifient de 120 jours de présence dans ce pays avant le 2 juillet 1962, date de l'indépendance du pays. Pourtant, de nombreux soldats, appelés et militaires de carrière, sont arrivés dans le pays entre mars et juillet et ont donc été confrontés aux mêmes risques que leurs camarades.

L'an dernier, lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2013, le ministre avait déclaré qu'il allait faire de cette mesure sa priorité pour 2014. Votre rapporteure, qui appelle depuis deux ans déjà à ce qu'il soit mis fin à cette différence de traitement injustifiée , se félicite donc que ces propos soient traduits en actes.

Selon les études menées par les services du ministère de la défense, environ 8 000 bénéficiaires pourraient être concernés. Son coût est estimé à 4 millions d'euros en 2014 puis à 5,5 millions d'euros en année pleine. L'article 62 du présent projet de loi en est la traduction, modifiant l'article L. 253 bis du CPMIVG pour une application à compter du 1 er janvier 2014 et non, comme certaines associations ont pu le craindre, plus tard dans l'année.

D. CONFIRMER L'ÉGALITÉ DES DROITS ENTRE TOUTES LES GÉNÉRATIONS DU FEU

Le budget pour 2014 donne satisfaction à la dernière revendication légitime et unanimement reconnue comme telle de la troisième génération du feu. La reconnaissance dont bénéficie la quatrième génération du feu , celle des Opex, si elle a connu des améliorations notables ces dernières années, n'y est pas encore équivalente.

La loi du 4 janvier 1993 15 ( * ) a permis d'attribuer aux soldats ayant servi en Opex la carte du combattant, prenant ainsi acte du fait qu'elles constituent la nouvelle forme d'engagement des forces françaises à l'étranger et que ces dernières y sont exposées à des risques qui ne sont pas moindres que ceux rencontrés dans les conflits antérieurs. Toutefois les critères retenus, c'est-à-dire ceux alors en vigueur pour la guerre d'Algérie et reposant sur la notion d' action de feu ou de combat , ne correspondent qu'imparfaitement à la réalité des missions effectuées en Opex. La durée de 120 jours de présence sur un territoire, instituée 16 ( * ) à compter du 1 er juillet 2004 pour l'Algérie, n'a pas été transposée aux Opex . Il a fallu attendre un décret du 12 novembre 2010 17 ( * ) pour que les actions de feu ou de combat prises en compte soient élargies aux « actions de combat et actions qui se sont déroulées en situation de danger caractérisé » lors d'opérations militaires dont la liste est fixée par arrêté.

Depuis lors, la délivrance de cartes du combattant au titre des Opex est en forte croissance : alors qu'il n'y en avait eu que 2 783 en 2006 ou 3 239 en 2007, plus de 12 000 ont été attribuées entre le 1 er août 2012 et le 2 juillet 2013. Au 15 juillet 2013, 61 628 cartes avaient été délivrées aux anciens des Opex depuis 1993.

Il faut saluer les efforts du ministère pour accélérer la détermination des opérations 18 ( * ) et des unités au titre desquelles la carte du combattant peut être demandée. C'est le service historique de la défense (SHD) qui a pour mission, à partir des journaux des marches et opérations (JMO) des unités, de leur conférer la qualité de combattante. Toutefois, ses moyens sont limités tandis que sa tâche demande des recherches approfondies.

Néanmoins, toutes les unités de l'armée de terre qui ont été engagées en Afghanistan et au Mali sont désormais considérées comme combattantes , ce qui n'est malheureusement pas encore le cas pour l'armée de l'air. De même, un arrêté du 30 octobre 2013 19 ( * ) complète la liste des opérations prises en compte avec notamment l'opération Atalanta de lutte contre la piraterie au large de la Somalie et l'opération Harmattan menée en Libye en 2011. Il étend également les périodes retenues pour la Finul , au Liban, ainsi que l'opération Epervier au Tchad.

Les fragilités de la situation actuelle ont été soulignées par la mission conduite dans le cadre de la Map, qui a appelé à « rénover la politique archivistique » après avoir constaté le « degré de précision disparate » avec lequel sont tenus les JMO. Une simplification des critères et des procédures qui leur sont attachées resterait donc souhaitable. Il s'agit d'ailleurs du point de vue du ministre, qui déclarait au Sénat le 19 novembre dernier considérer que « l'application à toutes les opérations extérieures d'un critère uniforme de quatre mois de présence est une piste sérieuse de travail » 20 ( * ) . Il s'est engagé à faire de cette mesure une priorité pour le budget de l'année 2015, comme la carte « à cheval » l'avait été pour 2014. Si son impact budgétaire doit bien évidemment être évalué, ces propos sont pour votre rapporteure une source de satisfaction.

Par ailleurs, le budget pour 2014 prévoit une meilleure prise en charge de l'appareillage des mutilés , avec un budget maintenu constant malgré la diminution des effectifs. Ainsi, 1 million d'euros sera consacré au financement de prothèses de nouvelle génération, soit de quoi équiper une vingtaine de mutilés. Les blessés des Opex, en particulier d'Afghanistan, devraient en être les principaux bénéficiaires. A côté de ces séquelles physiques, la détection et le traitement des blessures psychologiques doivent être des priorités, car on estime que 7 % à 10 % des soldats ayant servi dans ce pays peuvent avoir été affectés.


* 15 Loi n° 93-7 du 4 janvier 1993 relative aux conditions d'attribution de la carte du combattant.

* 16 Par l'article 123 de la loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003 de finances pour 2004.

* 17 Décret n° 2010-1377 du 12 novembre 2010 relatif aux modalités d'attribution de la carte du combattant.

* 18 Qui sont rassemblées dans un arrêté du 12 janvier 1994, régulièrement mis à jour.

* 19 Arrêté du 30 octobre 2013 modifiant l'arrêté du 12 janvier 1994 fixant la liste des opérations ouvrant droit au bénéfice de la carte du combattant au titre de l'article L. 253 ter du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, NOR : ANCM1326411A.

* 20 Compte rendu intégral de la séance du 19 novembre 2013.

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