B. RÉGLEMENTATION DES ÉMISSIONS DE CO2 : L'OACI PRIVILÉGIE LES MESURES DE MARCHÉ AU SYSTÈME ETS DE L'UNION EUROPÉENNE

En avril 2013, sous la pression de la majorité des pays tiers et suite à la décision de l'OACI d'établir un groupe de haut niveau sur la question, l'Union européenne (UE) a adopté une décision dérogeant temporairement à la directive 2008/101/EC sur l'application du système ETS au transport aérien , en ce qui concerne les vols extra-européens (décision dite « Arrêt de l'horloge » ou « Stop the clock »). Cette décision établit un moratoire au titre des émissions de 2012 pour les vols entrant ou sortant de l'UE .

L'APPLICATION DU SYSTÈME ETS AU TRANSPORT AÉRIEN DANS L'UE

Au 1 er janvier 2012, les activités aériennes touchant l'Union européenne ont été intégrées dans le système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre européen (en anglais Emission Trading Scheme - ETS), en application de la directive 2008/101/EC qui dispose que tout vol réalisé avec un aéronef de plus de 5,7 tonnes, au départ et à l'arrivée d'un aérodrome de l'espace économique européen (EEE), quelle que soit sa nationalité, doit rendre des quotas d'émissions ; pour ce faire, les exploitants reçoivent gratuitement l'essentiel de leurs besoins en quotas mais doivent en moyenne racheter l'équivalent d'environ 15  % de leurs émissions de dioxyde de carbone (CO 2 ).

L'Union européenne a ainsi fait en 2008 le choix politique d'apporter seule une réponse aux émissions de l'aviation civile internationale, précisant qu'elle était disposée à rendre le système européen conforme à tout système qui serait adopté au niveau de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) et qu'elle était ouverte à toute adaptation du système si des mesures similaires sont prises par des États tiers.

L' opposition de la quasi-totalité des États extra-européens contre l'ETS n'a pas cessé de se manifester jusqu'à l'été 2013 sous différentes formes. Schématiquement il convient de retenir :

- l' opposition des États-Unis : les compagnies aériennes américaines ont contesté la légalité de la directive au regard du droit international. La Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) leur a donné tort en décembre 2011. Mais à l'initiative du Congrès, le Président Obama a signé fin novembre 2012 une loi protégeant les compagnies des États-Unis contre l'ETS ;

- la contestation des principaux pays émergents (Brésil, Chine, Inde et Russie), dont les compagnies, à l'instar de celles des pays en développement les plus pauvres, ne bénéficient pas de la clause d'exemption à l'ETS sous le seuil de 10 000 tonnes de CO2 par an. Ces États fondent leur lutte contre le dispositif européen sur deux arguments principaux : (i) le principe international de souveraineté bafoué selon eux par la portée extraterritoriale de l'ETS et (ii) la « responsabilité commune mais différenciée » des États posée par la Convention cadre des Nations Unies contre les changements climatiques (CCNUCC). La Chine a utilisé à l'appui de son opposition des menaces de rétorsion commerciale contre Airbus.

Pratiquement la quasi-totalité des transporteurs aériens respectent la législation ETS et, au niveau européen, 98 % des quotas exigibles au titre de 2012 ont été restitués avant la date butoir fin avril 2013 . Les quotas non restitués concernent principalement, d'une part, des petits émetteurs non commerciaux vraisemblablement déroutés par la complexité des formalités administratives liées au système d'échanges, d'autre part, les compagnies chinoises, pour leurs vols de bout de ligne entre deux aéroports de l'Union, en application des consignes de leur gouvernement.

Finalement, l'OACI est parvenue à un accord, le 4 octobre dernier , pour plafonner les émissions de gaz à effets de serre dans le transport aérien. Cet accord préliminaire, signé par tous les États membres de l'OACI sauf six, devrait mettre fin au système ETS mis en place par l'UE, au profit de « mesures de marché » . Le détail de ces mesures ne sera finalisé et présenté que lors de la prochaine réunion de l'OACI en 2016, mais l'engagement a d'ores et déjà été pris d'assurer une croissance neutre du secteur à partir de 2020 , au travers notamment de l'utilisation de biocarburants et de mesures technologiques et techniques.

Par conséquent, la Commission européenne a présenté, le 16 octobre dernier, un projet d'amendement à la directive 2008/101/EC . À partir du 1 er janvier 2014 et jusqu'à la mise en place des mesures de marché, seuls les vols intracommunautaires et ceux vers l'Islande et la Norvège seront concernés par les ETS. Les vols de et vers des pays en voie de développement sont totalement exemptés. Pour les autres pays, cette exemption ne porte que sur le segment avant l'entrée dans l'espace aérien de l'UE. La Commission européenne espère désormais un vote de cet amendement par le Parlement européen et le Conseil d'ici mars 2014.

Toutefois, avec un prix du CO 2 autour de 3 euros la tonne , à comparer à l'amende de 100 euros par tonne non déclarée prévue par la directive 2008/101/EC, l'enjeu autour de ce débat est fortement amoindri. D'autant plus que le Parlement européen a rejeté, en avril dernier, la proposition de la Commission européenne de retirer une grosse partie des quotas d'un marché devenu largement excédentaire afin de faire remonter artificiellement le cours du CO 2 . Pour l'heure, un conflit dommageable avec nos partenaires commerciaux a ainsi pu être évité , et votre rapporteur déplore, une fois de plus, l'instabilité du cadre juridique pour les compagnies du secteur.

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