B. UNE HYPOTHÈQUE MAJEURE : LA SUSPENSION DE LA TAXE POIDS LOURDS

A la suite des manifestations bretonnes, le Premier ministre a décidé, le 29 octobre dernier, de suspendre la mise en oeuvre de la taxe poids lourds , qui devait initialement entrer en vigueur le 20 juillet 2013, mais avait déjà subi deux reports en raison de difficultés techniques , au 1 er octobre 2013, puis au 1 er janvier 2014.

La création de cette écotaxe, qui était l'un des engagements du Grenelle de l'environnement, avait fait l'objet d'un large consensus politique lors de sa création.

Codifiée aux articles 269 à 283 quinquies du code des douanes, cette taxe kilométrique vise à faire payer aux poids lourds l'usage, actuellement gratuit, du réseau routier national non concédé et des routes départementales ou communales susceptibles de subir un report de trafic du réseau autoroutier.

Elle répond à un triple objectif :

- réduire les impacts environnementaux du transport de marchandises en imposant un signal prix au transport routier ;

- rationaliser à terme le transport routier sur les moyennes et courtes distances. Il s'agit par exemple de réduire le nombre de déplacements à vide et d'augmenter la charge transportée ou de mieux répartir le trafic entre réseau autoroutier et réseau non concédé ;

- accélérer le financement des infrastructures nécessaires à la mise en oeuvre d'une politique de transport durable. L'écotaxe doit générer une recette brute annuelle de 1,1 milliard d'euros, dont 760 millions d'euros pour l'AFITF et 150 millions d'euros pour les collectivités territoriales.

Sa suspension représente donc un manque à gagner considérable pour l'AFITF, dont le budget annuel est actuellement proche de 2,2 milliards d'euros.

Le report initialement envisagé de l'entrée en vigueur de la taxe au 1 er janvier 2014 a déjà privé l'AFITF de 250 millions d'euros 1 ( * ) en 2013. La suspension pourrait en outre engendrer des dépenses supplémentaires, si l'Etat doit s'acquitter de pénalités vis-à-vis d'Ecomouv', le prestataire choisi pour assurer la mise en place de l'écotaxe.

Certes, et comme l'a précisé le Premier ministre, suspension ne veut pas dire suppression. Votre commission est toutefois convaincue de la nécessité d'une entrée en vigueur rapide de cette écotaxe. Elle a donc alerté le Gouvernement sur l'urgence à trouver une solution rapide et pérenne, non seulement pour compenser le manque à gagner pour l'AFITF résultant de cette suspension, mais aussi pour garantir sa mise en oeuvre effective.

Cette hypothèque budgétaire risque de remettre en cause nombre de projets d'infrastructures de transport pourtant indispensables à la promotion d'une politique de mobilité durable ambitieuse.

Mais il s'agit aussi de faire payer l'utilisation de l'infrastructure routière par ses usagers, comme c'est le cas pour le fret ferroviaire au moyen des péages . A défaut, le transport routier continuerait à être favorisé par rapport à d'autres modes de transport, pourtant plus respectueux de l'environnement.

Il convient en outre de rappeler que dès l'origine, le principe d'une répercussion de la taxe auprès des utilisateurs de transport, ou chargeurs, a été retenu, afin de ne pas peser sur l'équilibre économique du secteur des transports . L'article 16 de la loi n° 2013-431 du 28 mai 2013 portant diverses dispositions en matière d'infrastructures et de services de transports a considérablement simplifié le dispositif prévu par le précédent Gouvernement en ce sens, en instaurant une majoration forfaitaire des prix du transport, correspondant au surcoût engendré par cette taxe.


* 1 Il existe un décalage entre l'entrée en vigueur de la taxe et la perception des recettes. Les 250 millions d'euros évoqués ici ne représentent donc pas la totalité des recettes que perçoit l'AFITF sur cinq mois d'application de l'écotaxe.

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