E. SAINT-PIERRE-ET-MIQUELON

1. Une réflexion institutionnelle à concrétiser

Lors de son audition par votre commission, le ministre des outre-mer a annoncé le dépôt en 2014 d'un projet de loi organique qui contiendrait notamment des dispositions relatives au statut de Saint-Pierre-et-Miquelon. Si, les lois organique et ordinaire du 21 février 2007 ont apporté des modifications marginales au statut de Saint-Pierre-et-Miquelon, tel qu'il résultait de la loi n° 85-595 du 11 juin 1985 , des évolutions restent cependant souhaitables.

Votre rapporteur ne peut que renvoyer aux travaux de la mission d'information qu'il avait conduite avec notre ancien collègue Bernard Frimat en 2011. À cette occasion, vos rapporteurs, MM. Bernard Frimat et Christian Cointat, se faisaient l'écho des interrogations des élus locaux : « le statut de collectivité d'outre-mer régie par l'article 74 de la Constitution est-il véritablement adapté ? Faut-il maintenir une organisation institutionnelle distinguant deux communes et un conseil territorial, pour un territoire peu peuplé ? » 18 ( * ) .

Votre rapporteur ne peut que souhaiter que ce rapport d'information qui esquissait des pistes de réforme institutionnelle soit une source d'inspiration pour le Gouvernement dans l'élaboration de ce projet de loi organique que le Sénat, dès son dépôt, examinera avec intérêt.

Pour votre rapporteur, la réflexion doit se poursuivre avec, à l'esprit, l'idée que, malgré le faible peuplement de la collectivité, les deux îles connaissent deux situations différentes, si ce n'est potentiellement opposées. Il paraît primordial, aux yeux de votre rapporteur, que les deux communes soient regroupées sous une institution commune, sur le modèle d'un organe intercommunal, des assemblées de province et du Congrès de la Nouvelle-Calédonie ou encore les conseils d'arrondissement et l'organe délibérant de la commune à Paris, Lyon et Marseille.

En outre, votre rapporteur et notre ancien collègue Bernard Frimat préconisaient des modifications dans le sens d'une meilleure répartition des compétences fiscales et normatives entre les collectivités de Saint-Pierre-et-Miquelon.

2. Un redressement financier consolidé de la collectivité

Sur le plan financier, la situation de la collectivité se place dans une trajectoire positive . Si les dépenses d'équipement ont diminué, celles de fonctionnement augmentaient, principalement à cause des dépenses de personnel.

Plusieurs indicateurs confirment cependant l'amélioration sensible du cadre financier de la collectivité : le taux d'épargne brute progresse ainsi tandis que, depuis 2010, la capacité de désendettement s'est accrue du fait de la diminution de l'encours de la dette et l'absence d'emprunt significatif depuis 2011. La marge d'autofinancement croît, témoignant de plus grandes marges de manouvres budgétaires.

Une inquiétude demeure cependant sur la diminution du fonds de roulement depuis 2011 alors qu'un tel fonds de roulement s'avère particulièrement utile pour la constitution de réserves dans la perspective du financement d'investissements lourds. Aussi ces investissements nécessiteront-ils immanquablement et plus rapidement le recours à l'emprunt.

A la suite de la conclusion d'un protocole de restructuration budgétaire et de redressement financier avec l'État, la collectivité a connu une amélioration globale de ses finances entre 2007 et 2009 pour remédier à une situation financière dégradée, la situation budgétaire de la collectivité confirme, malgré des craintes en 2011, sa sortie des difficultés.

3. Une reconversion économique de l'archipel à engager d'urgence

Comme le relève le Gouvernement dans ses réponses au questionnaire budgétaire, l'archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon « demeure caractérisé par orientation contrastée des principaux indicateurs économiques », ce qui le conduit à conclure à ce que « ce bilan en demi-teinte témoigne jusqu'à présent de la capacité de résilience de l'économie locale, tant vis-à-vis d'un contexte international atone que de ses propres contraintes structurelles ».

Faiblement peuplée avec moins de 7 000 habitants, la collectivité de Saint-Pierre-et-Miquelon pâtit de son enclavement, les vols vers la métropole nécessitant un passage par Montréal 19 ( * ) . En outre, son économie longtemps dépendante de la pêche doit s'engager aujourd'hui dans une reconversion nécessaire après la déliquescence de la filière halieutique.

Saint-Pierre-et-Miquelon a subi la diminution de la zone économique exclusive en 1992 et la restriction des quotas de pêche qui n'ont été que partiellement compensée que par une reprise de la pêche de la morue en 1997. L'alternative de l'aquaculture, initiée avec un élevage de morue à Saint-Pierre et une exploitation de coquilles Saint-Jacques à Miquelon, souffre encore de difficultés liées principalement à la nouveauté des pratiques et à la validation des protocoles de production. Appuyés par l'Etat, les acteurs locaux tentent de diversifier l'activité économique de l'île. Des pistes dans le domaine aquacole sont initiées depuis quelques années, avec le soutien des pouvoirs publics, pour un succès en demi-teinte.

Cette reconversion économique apparaît d'autant plus nécessaire que les négociations sur l'accord de libre-échange entre le Canada et l'Union européenne devraient marquer, comme l'ont indiqué les représentants du secrétariat général des affaires européennes, une « érosion des préférences » au détriment de l'archipel. En effet, Saint-Pierre-et-Miquelon constitue une porte d'entrée commerciale pour le Canada en direction de l'Union européenne, les produits de la pêche transformés sur ce territoire français pouvant entrer en franchise de droits sur le marché européen. La libéralisation à terme des tarifs douaniers entre le Canada et l'Union européenne fera perdre à Saint-Pierre-et-Miquelon son avantage concurrentiel, privant ainsi de tout intérêt le passage des produits et leur transformation par cette étape.

Selon le compromis politique arrêté le 18 octobre 2013, l'accord devrait être traduit par des instruments internationaux dont la finalisation est prévue en 2015 pour une entrée en vigueur en 2016. La France a obtenu des négociations qu'à compter de la date d'entrée en vigueur, la libéralisation de certains produits de pêche intéressant Saint-Pierre-et-Miquelon s'étale sur une période de 3 à 7 ans selon les produits. De même, une égalité devrait être posée entre le Canada et Saint-Pierre-et-Miquelon puisque les produits de la pisciculture seulement nés au Canada et non simplement élevés bénéficieraient des règles d'origine.

Dans leur rapport d'information de février 2011, votre rapporteur et notre ancien collègue Bernard Frimat souhaitaient que « la France veille à la prise en compte des intérêts de Saint-Pierre-et-Miquelon dans le cadre des négociations, afin d'éviter que l'archipel ne fasse une nouvelle fois figure de sacrifié sur l'autel des échanges internationaux » , ce qui n'est que partiellement atteint. Pour votre rapporteur, les règles obtenues par la France adoucissent partiellement la rigueur des conséquences de cet accord de libre échange mais n'ôtent rien à l'impérieuse nécessité pour l'archipel d'engager dès maintenant une diversification de son économie.

D'autres secteurs comme le tourisme ou l'agriculture et l'élevage, bien que présents à Saint-Pierre-et-Miquelon, ne peuvent pourtant proposer une voie crédible en raison de leur faible importance.

L'État soutient néanmoins l'économie de l'archipel comme le contrat de développement 2077-2013 entre l'État et la collectivité en témoigne. Avec un taux d'exécution à hauteur de 92,6 %, ce contrat permis de financer, pour près de 18 millions depuis 2007, des projets en faveur de la consolidation des équipements, de la diversification économique et d'appui au développement de l'archipel. Un nouveau contrat pour la période 2014-2017 en cours d'élaboration devrait être conclu d'ici la fin de l'année 2013.

4. Une coopération avec le Canada à renforcer

Saint-Pierre-et-Miquelon se situe aux portes du Canada, faisant de la coopération avec cet État voisin un enjeu déterminant pour son avenir économique. La coopération régionale s'est ainsi développée avec les provinces atlantiques du Canada (Nouveau-Brunswick, Nouvelle-Ecosse, Ile du Prince Édouard, Terre-Neuve-et-Labrador).

Pourtant, la coopération régionale a longtemps pâti de la dichotomie entre le représentant de l'État et l'exécutif de la collectivité territoriale qui aboutissait à une omniprésence de l'État alors même que le développement économique est une compétence relevant de la collectivité. Ce constat, effectué lors de la mission d'information de votre commission, avait conduit à encourager la collaboration de la collectivité avec les provinces canadiennes voisines qui ont, du fait du fédéralisme canadien, des compétences étendues.

Une commission mixte de coopération régionale se réunit, lors de chaque automne, en application de l'accord franco-canadien du 2 décembre 1994 relatif au développement de la coopération régionale entre les provinces atlantiques canadiennes et Saint-Pierre-et-Miquelon. Lors de leur déplacement en 2010 à Saint-Pierre-et-Miquelon, le préfet de Saint-Pierre-et-Miquelon, avait indiqué à notre ancien collègue Bernard Frimat et à votre rapporteur que l'État et la collectivité d'outre-mer conduisaient des réunions de coopération parallèles qui auraient désormais pris fin, mettant un terme à une dualité incompréhensible pour les autorités canadiennes.

Cette commission mixte a permis plusieurs avancées en termes de coopération que ce soit pour permettre l'exportation de viandes vers le Canada par la reconnaissance du statut des services vétérinaires de l'archipel par l'agence canadienne d'inspection des aliments ou la résolution en amont des refus de visa canadien pour des étrangers qui disposeraient d'un visa français, ce qui les empêcherait de venir à Saint-Pierre-et-Miquelon. Des chantiers restent cependant entiers comme l'élaboration d'un accord encadrant la coopération policière et la lutte antipollution maritime ou pour résoudre les difficultés pratiques avec l'agence des services frontaliers du Canada.

D'autres avancées sont à souligner hors du cadre de cette commission mixte. Une convention franco-canadienne, signée en mars 2013, devrait ainsi bientôt être ratifiée, permettant aux étudiants de bénéficier de la coordination des régimes de sécurité sociale prévue par l'accord franco-canadien de 1979 et le protocole d'entente entre la France et le Québec relatif à la protection sociale des élèves et étudiants di 19 décembre 1998.

Si le climat global entre le Canada et la France, s'agissant de Saint-Pierre-et-Miquelon, est marqué par les bonnes volontés réciproques, la question des droits souverains de la France sur le plateau continental de Saint-Pierre-et-Miquelon reste un sujet de crispation avec l'État canadien.

À la suite du dépôt, le 8 mai 2009, par le France, auprès de la commission des limites du plateau continental des Nations unies, d'une lettre d'intention revendiquant une extension de ce plateau continental, le chef de l'État a confirmé son attachement à la défense des intérêts français. Par un communiqué du 24 juillet 2013, le président de la République a confirmé, à la suite d'un entretien avec la sénatrice et la députée de l'archipel, que « la France défendrait les intérêts de l'archipel concernant l'extension du plateau continental au large de Saint-Pierre-et-Miquelon », ce dont votre rapporteur, comme son homologue de l'Assemblée nationale, M. René Dosière, se félicite.

Enfin, votre rapporteur ne peut que renouveler son étonnement que la collectivité n'entre dans le champ de compétence d' aucun ambassadeur délégué à la coopération régionale . Il serait donc utile d'étendre la compétence de l'ambassadeur délégué à la coopération régionale en charge de l'océan atlantique, et ce d'autant plus qu'il doit se préoccuper des relations que les départements d'outre-mer souhaitent avoir avec le Québec.


* 18 Rapport d'information n° 308 (2010-2011) de MM. Christian Cointat et Bernard Frimat , Saint-Pierre-et-Miquelon : Trois préfets plus tard, penser l'avenir pour éviter le naufrage - 15 février 2011.

* 19 N'étant qu'à une distance géographique de 4 750 km de l'hexagone, le temps de trajet est cependant d'environ 11 heures, soit plus que les Antilles françaises qui sont pourtant géographiquement plus lointaines.

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