N° 109

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2014-2015

Enregistré à la Présidence du Sénat le 20 novembre 2014

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des affaires économiques (1) sur le projet de loi de finances pour 2015 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

TOME I

AGRICULTURE, ALIMENTATION, FORÊT ET AFFAIRES RURALES

Par MM. Gérard CÉSAR, Jean-Jacques LASSERRE et
Mme Frédérique ESPAGNAC

Sénateurs.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Claude Lenoir , président ; Mmes Élisabeth Lamure, Delphine Bataille, MM. Alain Bertrand, Martial Bourquin, Gérard César, Alain Chatillon, Daniel Dubois, Joël Labbé, Michel Le Scouarnec, Yannick Vaugrenard , vice-présidents ; M. Marc Daunis, Mme Valérie Létard, M. Bruno Sido , secrétaires ; MM. Gérard Bailly, Jean-Pierre Bosino, Henri Cabanel, François Calvet, Roland Courteau, Alain Duran, Mmes Frédérique Espagnac, Dominique Estrosi Sassone, M. Daniel Gremillet, Mme Annie Guillemot, MM. Michel Houel, Serge Larcher, Jean-Jacques Lasserre, Daniel Laurent, Philippe Leroy, Mmes Marie-Noëlle Lienemann, Anne-Catherine Loisier, MM. Michel Magras, Franck Montaugé, Robert Navarro, Jackie Pierre, Ladislas Poniatowski, Mme Sophie Primas, MM. Yves Rome, Henri Tandonnet .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : 2234, 2260 à 2267 et T.A. 420

Sénat : 107 et 108 à 114 (2014-2015)

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs

Comme les années précédentes, les crédits de l'État destinés au soutien public à l'agriculture sont en baisse dans le projet de loi de finances pour 2015.

Comme la plupart des politiques publiques, celle en faveur de l'agriculture est mise à contribution afin de participer à la stratégie « d'assainissement budgétaire » visant, à travers un plan d'économies de 50 milliards d'euros, dont 21 milliards de baisses de dépenses des administrations publiques, à une amélioration du solde structurel des finances publiques.

Les crédits soumis à l'examen de votre commission pour avis sont ceux de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » (MAAFAR) et du compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural » (CAS DAR).

Par rapport à la proposition du Gouvernement lors du projet de loi de finances pour 2014, les crédits proposés dans le projet loi de finances pour 2015 pour la MAAFAR sont en recul sensible en crédits de paiement (CP), avec une baisse de plus de 260 millions d'euros par rapport à l'année précédente, soit 8,3 %.

Le budget de l'agriculture s'établit pour la première fois en dessous des 3 milliards d'euros .

La progression de 3,8 % en autorisations d'engagement (AE) résulte simplement d'un effet d'optique , du fait de l'inscription sur la seule année 2015 de l'ensemble de l'enveloppe budgétaire des mesures agroenvironnementales climatiques (MAEC) et des aides à l'agriculture biologique.

Le CAS DAR, pour sa part, voit ses ressources majorées de 22 millions d'euros , sous l'effet de l'attribution de la totalité du produit de la taxe sur le chiffre d'affaires des exploitants agricoles à son profit, alors que seul 85 % de ce produit était jusqu'à présent destiné à ce budget.

Pour autant, cette rallonge budgétaire est en trompe-l'oeil , car elle sert en quasi-totalité à apporter un complément de financement à l'établissement public FranceAgrimer, pour lui permettre de mener des actions en faveur des filières agricoles qui étaient auparavant prises en charge sur le budget principal du ministère de l'agriculture, de l'alimentation et de la forêt (MAAF).

Vos rapporteurs pour avis soulignent cependant que, si la dotation budgétaire allouée à la MAAFAR et au CAS DAR doit être examinée avec la plus grande vigilance, ils ne représentent qu'une petite partie des crédits publics en faveur de l'agriculture . En effet, la MAAFAR ne comprend pas les crédits des programmes relatifs à la recherche et l'enseignement supérieur agricole et à l'enseignement technique agricole, qui représentent 1,7 milliard d'euros, en hausse de plus de 3 % par rapport à 2014.

Au final, les crédits de l'État consacrés à l'agriculture pour 2015 s'établissent à 4,7 milliards d'euros environ, en baisse tout de même de plus de 4 % par rapport à 2014.

Cette baisse oblige à « faire mieux avec moins », alors que la loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt d'octobre 2014 a pour ambition de provoquer une réorientation de l'agriculture française vers l'agro-écologie, l'objectif affiché du ministre de l'agriculture étant que 50 % des agriculteurs, soit 200 000 exploitations, soient engagés dans la démarche agro-écologique en 2025.

La mise en oeuvre la nouvelle loi agricole ne bouleverse pas l'économie générale des choix budgétaires exprimés par le projet de loi de finances : la plupart des enveloppes au service de l'installation, de la compétitivité, de la sécurité sanitaire, de la forêt, ou encore de la prise en charge des frais de fonctionnement des opérateurs, sont reconduites, dont certaines à la baisse.

Vos rapporteurs pour avis notent également que le budget 2015 met fortement à contribution les chambres d'agriculture à travers un prélèvement sur leur fonds de roulement excédent les trois mois de fonctionnement, et une baisse de 5,35 % de la taxe pour frais, ressource qui représente aujourd'hui un peu moins de la moitié du budget des chambres.

Plusieurs amendements ont été adoptés par votre commission des affaires économiques pour atténuer la sévérité de la cure d'amaigrissement qui serait ainsi imposée aux chambres d'agriculture, dont l'affaiblissement serait une mauvaise nouvelle pour les territoires : en effet, qui d'autres que les techniciens de chambre assureraient-ils alors le conseil aux agriculteurs et l'animation du milieu rural ?

Votre rapporteur pour avis Gérard César s'est attaché à analyser les équilibres généraux du budget de la mission, ainsi que les programmes 154 et 215. Le programme 206 a été placé sous la responsabilité de votre rapporteure Frédérique Espagnac . Enfin, le programme 149 ainsi que le CAS DAR ont été placés sous la responsabilité de votre rapporteur pour avis M. Jean-Jacques Lasserre .

* *

*

Lors de sa réunion du 19 novembre 2014, la commission des Affaires économiques du Sénat a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » et du compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural » du projet de loi de finances pour 2015, suivant les recommandations de la rapporteure Mme Frédérique Espagnac, les rapporteurs pour avis MM. Gérard César et Jean-Jacques Lasserre proposant un avis de sagesse.

La commission des Affaires économiques a également adopté dix amendements : six d'entre eux portent sur la première partie du projet de loi de finances et quatre sur sa deuxième partie.

I. L'AGRICULTURE ET L'AGROALIMENTAIRE N'ÉCHAPPENT NI À LA CRISE NI AUX RESTRICTIONS BUDGÉTAIRES.

A. LE SPECTRE DU RETOUR DE LA CRISE AGRICOLE.

1. La dégradation de la conjoncture est perceptible dans la plupart des filières.
a) Une dégradation constatée dans le secteur agricole.

Les comptes provisoires de l'agriculture publiés par la Commission des comptes des comptes de l'agriculture de la Nation en juillet 2014 mettent en évidence le retournement de la conjoncture agricole , qui se traduit par une baisse des revenus des agriculteurs de 19,8 % en 2013, après des hausses de 41,2 % en 2010, année de sortie de la crise agricole, 4,6 % en 2011 et 1,2 % en 2012.

Le revenu agricole s'est établi l'année dernière à 29 000 euros par actif, retrouvant le niveau moyen du début des années 2000.

Cette baisse des résultats est enregistrée en 2013 sur la quasi-totalité des productions, à l'exception de l'arboriculture fruitière et de la viticulture, qui a compensé des faibles volumes par une bonne tenue des prix.

Le dernier bilan conjoncturel publié en octobre 2014 par le ministère confirme la tendance pour l'année 2014, en constatant que les prix des principales productions animales et végétales sont en recul sur un an.

En grandes cultures , si l'on enregistre une hausse des volumes produits, du fait de bons rendements, notamment du maïs, de l'orge ou du colza, les prix mondiaux sont orientés à la baisse, et la récolte française de blé en 2014 a été de qualité très moyenne, du fait des conditions climatiques. Cette dégradation du marché pèsera nécessairement sur les revenus des céréaliers.

En fruits et légumes , l'abondance de la production européenne a fait chuter les prix, et l'embargo russe imposé à la suite de la crise ukrainienne du début de l'été 2014 a perturbé le marché en reportant d'importantes quantités de produits d'autres États membres de l'Union européenne, qui étaient destinés au marché russe, sur le marché intérieur.

En outre, le secteur maraîcher et fruitier se caractérise par un recul constant des capacités de production : les surfaces en légumes ont encore reculé en 2014. A l'exception de la fraise, les surfaces en production fruitière ont régressé en cinq ans et encore de 2 % pour la pêche en 2014. Le secteur pommes-poires est en souffrance, avec la deuxième plus petite récolte en 2014 depuis 1991.

Les productions animales restent pour leur part extrêmement fragiles : la sous-réalisation du quota laitier français de 6 % lors de la campagne 2013-2014, après une sous réalisation de 5,7 % en 2012-2013 montre une réduction durable des capacités de production de la ferme France. Cette tendance semble s'inverser sur la campagne 2014-2015, mais les prix sont orientés nettement à la baisse depuis août 2014, et la crainte d'une production plus importante que la demande nourrit une réelle inquiétude des éleveurs.

En viande bovine , ou en viande ovine , la bonne tenue des prix sur les deux dernières années ne masquent pas une tendance lourde à la baisse de la production. L'avenir de la production de viande reste une préoccupation majeure.

Les productions spécialisées de porc ou de volaille doivent de leur côté faire face à la concurrence acharnée européenne et extra-européenne, et les baisses de prix observées sur 2014 placent certains élevages en dessous des seuils de rentabilité.

Finalement, seul le secteur viticole semble échapper au marasme . Après deux campagnes 2012 et 2013 particulièrement faibles en raison d'une succession d'aléas climatiques défavorables dans les vignobles, les vendanges 2014 renouent avec un niveau proche de la normale grâce à un climat propice. La récolte s'établit à 46,5 millions d'hectolitres. Dans le même temps, les prix progressent, tirant vers le haut le chiffre d'affaires du secteur.

b) L'agroalimentaire en danger.

Débouché naturel des productions agricoles, l'industrie agro-alimentaire reste un fleuron de l'économie française , qui présente en outre l'intérêt de disposer d'implantations à proximité des zones de productions, contribuant ainsi à l'animation économique des territoires .

Le secteur agroalimentaire est un important pourvoyeur d'emplois : 2,3 % de l'emploi total national en 2012. À côté d'un tissu de petites et moyennes entreprises (PME) dense, un noyau de 360 entreprises de plus de 250 salariés assure 55 % du chiffre d'affaires agroalimentaire, qui s'élève à environ 160 milliards d'euros par an.

L'agroalimentaire, et en particulier le secteur des boissons, participe positivement à la balance commerciale de la France, avec un excédent qui est remonté à 11,5 milliards d'euros en 2013.

Mais les industries agroalimentaires demeurent en danger : leur compétitivité se dégrade, dans un univers de plus en plus concurrentiel. L'excédent de la balance commerciale est du quasi-exclusivement aux exportations de vins et spiritueux. Les taux de marge restent faibles et les années 2012 et 2013 ont vu les premiers mouvements de destruction d'emploi, notamment dans le secteur de l'abattage-découpe.

L'année 2015 s'annonce de nouveau comme une année à risques pour l'agroalimentaire : au deuxième trimestre 2014, la production agroalimentaire, qui avait reculé entre 2012 et 2013 de 2,7 %, semble reprendre sa progression, augmentant de 0,7 % sur un an. Mais cette progression intervient sans progression des prix. La faiblesse de la consommation intérieure pèse sur le chiffre d'affaires de l'agroalimentaire.

Le secteur souffre aussi de relations difficiles avec la grande distribution , point de passage obligé vers le consommateur. La campagne de négociations 2014-2015 s'est engagée dans un climat de tensions, attisée par les projets de regroupement des centrales d'achats de la grande distribution, au risque d'accroître le déséquilibre entre acteurs économiques. Votre commission des Affaires économiques a d'ailleurs décidé, en octobre 2014, de saisir sur cette question l'Autorité de la concurrence 1 ( * ) .

La compétitivité, la capacité de négociation avec les distributeurs et le développement à l'export restent des défis que le secteur de l'agro-alimentaire devra affronter en 2015.

2. Les défis de l'année 2015.

C'est dans une conjoncture morose que l'agriculture doit relever les défis de l'année 2015 : son adaptation à la nouvelle politique agricole commune (PAC) et la réponse aux attentes environnementales croissantes.

a) La mise en oeuvre de la nouvelle politique agricole commune.

L'année 2013 s'était achevée sur le bouclage de la réforme de la PAC. Après une année 2014 de transition, l'année 2015 sera la première année d'application pleine et entière de la nouvelle PAC.

Celle-ci se caractérise en ce qui concerne le premier pilier par la mise en place du verdissement des aides directes .

(1) Des enveloppes budgétaires désormais connues.

L'enveloppe des paiements de base s'élève en 2015 à 3,6 milliards d'euros, et baissera progressivement pour ne représenter plus que 2,4 milliards d'euros en 2018.

Parallèlement, une majoration des droits à paiement sur les 52 premiers hectares est mise en place afin de redistribuer les aides directes des grandes exploitations vers les petites exploitations, pour 0,4 milliard d'euros en 2015, avant d'atteindre 1,4 milliard d'euros en 2018, soit 20 % de l'enveloppe des aides directes allouées à la France.

En outre, 1,1 milliard d'euros d' aides couplées , soit 15 % de l'enveloppe nationale, sont réservés pour soutenir essentiellement les productions animales, la priorité à l'élevage étant affirmée par le Président de la République et par le Gouvernement dans la mise en oeuvre de la réforme de la PAC.

(2) La délicate mise en place du verdissement.

La principale innovation de la nouvelle PAC est la mise en place du verdissement des aides directes : une enveloppe de 2,2 milliards d'euros est réservée au sein du premier pilier aux agriculteurs respectant les trois critères du verdissement : le non-retournement des prairies permanentes , la mise en place de surfaces d'intérêt écologique (SIE) et la diversité des assolements sur les exploitations de plus de 30 hectares.

L'année 2014 a été consacrée aux ajustements techniques de ces critères. La bonne application du dispositif constitue toutefois un défi pour les agriculteurs. La diversité des assolements oblige à modifier les choix culturaux : dans les régions où le maïs est la culture dominante, une telle contrainte est forte : des assouplissements ont été prévus mais ils ne seront pas forcément suffisants.

La mise en place des SIE se rapproche des surfaces d'équivalences topographiques (SET) qui sont déjà applicables. Mais le référentiel change et oblige les agriculteurs à revoir leurs pratiques. En outre, le monde agricole est inquiet du changement de mode de calcul des SIE, qui devront être situées sur la surface labourée de l'exploitation.

(3) La nouvelle approche régionalisée du développement rural.

Enfin, le nouveau programme de développement rural (PDR) devrait entrer en vigueur au 1 er janvier 2015 pour la mise en oeuvre du deuxième pilier.

La gestion des crédits du Fonds européen agricole de développement rural (FEADER) est régionalisée et les régions auront le rôle d'autorités de gestion du FEADER.

Le deuxième pilier combinera donc un cadre national, avec des mesures obligatoires, comme l'Indemnité (ICHN) ou la Dotation jeunes agriculteurs (DJA), et des mesures régionalisées, sur lesquelles les régions auront des marges plus larges d'adaptation aux problématiques et priorités locales.

Si la PAC doit être adaptée aux réalités de terrain, il n'en est pas moins souhaitable qu'elle reste lisible pour les agriculteurs, ce qui nécessitera un travail important de pédagogie et de communication dans les territoires.

b) Les agriculteurs face à la question des normes et au défi environnemental : l'exemple de la directive nitrates.

Au-delà du verdissement de la PAC, l'activité des agriculteurs est confrontée à toute une série de normes, et notamment de normes environnementales, elles-mêmes très évolutives, auxquelles il faut sans cesse s'adapter. Parmi celles-ci, l'application de la directive « nitrates » tient une place à part.

(1) Les exigences de la directive nitrates.

Adoptée en 1991, la directive européenne 91/676/CEE a pour but de permette l'atteinte d'un bon état des masses d'eau, par la limitation de la pollution par les nitrates, considérés comme responsable de l' eutrophisation des eaux littorales, les eaux de surface ou les eaux souterraines. Cette eutrophisation pénalise la biodiversité et favorise les phénomènes comme les marées vertes.

Les nitrates sont produits par la nitrification, à partir de l'azote apporté aux cultures, et qui leur est nécessaire. La directive nitrates impose donc de mettre en oeuvre des plans d'action dans les zones vulnérables, qui ont des répercussions importantes sur l'activité agricole.

Les premiers programmes d'action nitrates (PAN) ont été lancés en France en 1997. Les mesures n'ont cessé de se renforcer, comportant notamment une interdiction d'épandage de plus de 170 kg d'azote par hectare de cultures, la mise en place de calendriers d'épandage, l'obligation de réaliser des bandes enherbées le long des cours d'eau. Des règles renforcées ont été édictées dans les zones d'excédents structurels (ZES).

La Bretagne a été particulièrement concernée par la réglementation européenne sur les nitrates, puisqu'elle est classée en totalité en zone vulnérable et que la moitié de son territoire est considéré comme étant en ZES.

(2) Le renforcement contesté des exigences découlant de la directive nitrates.

Plusieurs fois condamnée par la justice européenne pour mauvaise application de la directive nitrate, la France est contrainte d'en renforcer l'application, ce qui impose des contraintes supplémentaires aux agriculteurs.

(a) Sur la question du périmètre d'application de la directive nitrates :

Le 13 juin 2013, la Cour de justice de l'Union européenne a condamné la France en manquement - sans toutefois prononcer ni d'amendement ni d'astreinte - pour avoir retenu un périmètre trop étroit des zones vulnérables .

En juillet dernier, le Gouvernement a présenté une nouvelle carte des zones vulnérables ajoutant 3 800 communes à la liste de celles déjà soumises à des règles renforcées pour prévenir la pollution des eaux par les nitrates. Cela porte à 23 128 communes le nombre de celles classées en zone vulnérable. Cette extension concerne 63 000 exploitations, essentiellement dans la région Centre, dans le Massif central et dans le grand Sud-Ouest.

Cette extension a suscité la colère du monde agricole dans les secteurs concernés. Le seuil d'entrée dans le classement en zone vulnérable, fixé à 18 mg/litres , se fonde sur une étude de l'Agence de l'eau Seine-Normandie, qui considère qu'il existe un risque d'eutrophisation à compter d'une telle concentration. Mais la validité scientifique de ce chiffre est contestée.

L'enjeu est considérable, car la mise aux normes pour les exploitations peut être très coûteuse , avec à la clef des dizaines de milliers d'euros d'investissements par exploitation, essentiellement à la charge d'un secteur, celui de l'élevage, qui n'est pas parmi les plus prospères de la ferme France.

Devant cette colère du monde agricole, le Gouvernement a annoncé travailler à une nouvelle cartographie plus fine des zones vulnérables, qui ne seraient plus définis au niveau de la commune mais au niveau des bassins hydrographiques.

(b) Sur la question du contenu des programmes d'action nitrates :

Là encore, la France a été condamnée par la justice européenne le 4 septembre 2014 pour l'insuffisance des mesures prévues dans ses programmes d'action touchant les zones vulnérables : en particulier, la justice européenne reproche à la France de ne pas fixer de périodes d'interdiction d'épandage de fumier pour les cultures d'automne, d'autoriser le stockage au champ de fumiers pailleux pendant une période de 10 mois. La justice européenne déplore également l'absence de règles permettant aux agriculteurs et aux autorités de contrôle de calculer de manière exacte la quantité d'azote pouvant être épandue afin de garantir une fertilisation équilibrée. Elle conteste les valeurs de rejets d'azote fixées par la réglementation française, jugées trop basses, et critique l'insuffisante réglementation en matière d'épandage sur les terrains en pente. Enfin, l'absence de réglementation de l'épandage sur sols gelés ou enneigés est critiquée.

Plusieurs critiques n'ont plus lieu d'être , car elles portent sur le quatrième programme d'actions nitrates (PAN) mis en place en 2009. Or, le cinquième PAN, qui repose sur un socle national, et des programmes régionaux, entré en application le 1 er novembre 2013, corrige certains points, comme les périodes d'interdiction d'épandage, les modalités de calcul des rejets d'azote ou encore du stockage.

La profession agricole attend cependant des assouplissements :

- Des adaptations sont réclamées sur l'interdiction de l'épandage sur des sols en pente.

- Des assouplissements sont souhaitables sur l'autorisation de stockage au champ des fumiers pailleux : faute de quoi de très lourds investissements dans des zones de stockage sur sol en béton devront être effectués.

Le Gouvernement a annoncé vouloir renégocier la directive nitrates, pour assouplir les PAN, mais cet assouplissement ne pourra pas être immédiat.

La directive nitrate reste dans l'intervalle une réglementation environnementale particulièrement contraignante pour les agriculteurs.


* 1 Par une lettre du 29 octobre 2014, le président de la commission des Affaires économiques a saisi l'Autorité de la concurrence pour lui demander d'évaluer l'impact sur la concurrence au niveau des marchés de produits agro-alimentaires de la concentration des centrales d'achat de la grande distribution, et pour analyser les possibilités de mettre en place les seuils de concentration des achats agro-alimentaires.

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