II. LA NÉCESSITÉ DE RENFORCER LA MAÎTRISE DE L'AIDE MÉDICALE DE L'ETAT DANS LE RESPECT DE SON OBJECTIF SANITAIRE

Placé sous la responsabilité de la direction de la sécurité sociale, le programme « Protection maladie » se voit doté de 687,5 millions d'euros par le projet de loi de finances pour 2015, contre 604,9 millions d'euros en loi de finances initiale pour 2014. Ses crédits connaissent ainsi une augmentation très soutenue, qui atteint 13,7 %.

Cette forte progression résulte en quasi-totalité de l'évolution des crédits dédiés au financement de l'aide médicale de l'Etat (AME). Ces derniers représentent 98,5 % des crédits du programme, le reliquat (10 millions d'euros) correspondant à la contribution de l'Etat au fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (Fiva).

L'aide médicale de l'Etat (AME)

L'AME, qui fait l'objet de l'action n° 02 du programme 183, regroupe de fait trois dispositifs distincts : l'AME de droit commun, l'AME « soins urgents » et l'AME dite « humanitaire ».


L'AME de droit commun, entrée en vigueur le 1 er janvier 2000 parallèlement à la couverture maladie universelle (CMU), permet la prise en charge des soins des personnes étrangères en situation irrégulière résidant en France de façon ininterrompue depuis plus de trois mois et disposant de ressources inférieures à un plafond identique à celui fixé pour le bénéfice de la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C) 3 ( * ) . Financé par l'Etat, le dispositif est géré par la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (Cnam). L'AME de droit commun représente 93 % des crédits de l'action n° 02 en loi de finances initiale pour 2014.


L'AME « soins urgents » concerne les étrangers en situation irrégulière ne justifiant pas de la condition de résidence nécessaire pour bénéficier de l'AME de droit commun et nécessitant des soins urgents « dont l'absence mettrait en jeu le pronostic vital ou pourrait conduire à une altération grave et durable de l'état de santé de la personne ou d'un enfant à naître ». Sont également considérés comme urgents les soins destinés à éviter la propagation d'une pathologie à l'entourage ou à la collectivité ainsi que les soins liés à la maternité et à l'IVG. Les soins sont assurés par les hôpitaux et réglés aux établissements de santé par la Cnam à partir d'une subvention forfaitaire de l'Etat fixée à 40 millions d'euros depuis plusieurs années.


L'AME « humanitaire » est quant à elle accordée au cas par cas par décision individuelle du ministre compétent à des personnes ne résidant pas sur le territoire français de façon habituelle (personnes étrangères en situation régulière ou françaises). Elle représente environ une centaine d'admissions pour soins hospitaliers.

L'action n° 02 regroupe également des dispositifs connexes tels que les évacuations sanitaires d'étrangers résidant à Mayotte vers des hôpitaux de La Réunion ou de la métropole et les frais pharmaceutiques et soins infirmiers des personnes gardées à vue.

Le montant total des dépenses publiques exécutées au titre de l'AME sous ses différentes formes s'est élevé à 846 millions d'euros en 2013, soit une progression de 20,3 % par rapport à 2012. A l'exception de l'exercice 2012, les crédits consommés ont toujours été supérieurs aux crédits votés, ce qui appelle la recherche d'une meilleure maîtrise du dispositif.

A. UNE FORTE CROISSANCE DES DÉPENSES

1. Evolution du nombre de bénéficiaires

Comme le montre le graphe ci-dessous, le nombre de bénéficiaires de l'AME a crû d'environ 130 000 depuis 2002.

Figure n° 6 : Evolution du nombre d'usagers concernés par l'AME
(pour la France entière)

Source : Projet annuel de performance (PAP) de la mission « Santé » du PLF pour 2015

Selon le projet annuel de performance 2015 de la mission « Santé », les bénéficiaires de l'AME de droit commun étaient au nombre de 282 425 au 31 décembre 2013, après 215 763 en 2009. Leur nombre a ainsi progressé de 30 % en l'espace de quatre ans. On relève une forte accélération de l'augmentation entre 2011 et 2013, avec plus de 73 000 nouvelles ouvertures de droit. Environ 20 000 bénéficiaires de l'AME résident en outre-mer.

Votre rapporteur regrette que le projet annuel de performances pour 2015 ne comporte aucune information sur l'évolution du nombre de bénéficiaires au cours de l'exercice 2014.

Les caractéristiques des bénéficiaires restent relativement stables au cours du temps : 57 % sont des hommes, plutôt jeunes (4 sur 10 sont âgés de 18 à 35 ans et 19 % sont mineurs). Dans huit cas sur dix, les « foyers bénéficiaires » sont composés d'une personne seule.

Dans leur rapport conjoint de novembre 2010, l'inspection générale des finances (IGF) et l'inspection générale des affaires sociales (Igas) 4 ( * ) précisent que si une forte proportion des bénéficiaires de l'AME recourt aux soins de ville, la dépense moyenne des bénéficiaires de l'AME se caractérise par un poids élevé des dépenses hospitalières. La part des dépenses d'hospitalisation des bénéficiaires de l'AME s'élève en effet environ 70 % contre un peu plus de 50 % pour l'ensemble des assurés sociaux. Ces dépenses d'hospitalisation se font pour 93 % à l'hôpital public (soit 10 points de plus que pour les assurés sociaux). Ces différences expliquent que la dépense moyenne par bénéficiaire (entre 1 800 et 2 300 euros) soit plus élevée que la dépense moyenne d'un assuré du régime général (1 800 euros).

Quant à la répartition géographique des dépenses, elle apparaît très concentrée. Parmi les 106 caisses gestionnaires (caisses primaires d'assurance maladie en métropole et caisses générales de sécurité sociale dans les départements d'outre-mer), 10 concentrent 69 % de la dépense. Les caisses franciliennes représentent en effet 56 % de la dépense totale, la Cpam de Paris comptant pour un quart de la dépense d'AME totale. La CGSS de Guyane regroupe quant à elle 6 % de la dépense.

2. Evolution des crédits

Pour 2015, le montant total des crédits dédiés à l'AME s'élève à 677,5 millions d'euros en crédits de paiement et en autorisations d'engagement, en progression de 12 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2014. Il se décompose comme suit :

- 632,6 millions d'euros au titre de l'AME de droit commun ;

- 40 millions d'euros au titre de l'AME « soins urgents » ;

- 4,9 millions d'euros pour les autres dépenses d'AME .

Votre rapporteur relève que la progression des crédits de l'AME explique à elle seule la hausse des crédits de la mission « Santé » en 2015. Cette mission ne respectera pas la norme d'évolution « zéro valeur » fixée pour les dépenses de l'Etat. Année après année, le rythme d'augmentation des dépenses d'AME se révèle supérieur au rythme de progression des dépenses d'assurance maladie.

Selon le rapport annuel de performance 2013 de la mission « Santé », l'AME de droit commun a représenté l'année dernière un montant exécuté de 715 millions d'euros contre 582 millions en 2012. Dépassant de loin la somme forfaitaire allouée en loi de finances, l'AME pour soins urgents a quant à elle atteint 129 millions après 120 millions d'euros en 2012. Les dépenses liées à l'AME humanitaire se sont élevées à 1,7 million d'euros contre 1,3 million d'euros en 2012.


* 3 Soit 720 euros pour une personne seule et 1 081 euros pour deux personnes au 1 er juillet 2015 en métropole.

* 4 Analyse de l'évolution des dépenses au titre de l'aide médicale d'Etat, novembre 2010.

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