C. LES ÉTABLISSEMENTS ET SERVICES D'AIDE PAR LE TRAVAIL

1. Le financement contraint des établissements et services d'aide par le travail

Les établissements et services d'aide par le travail (Esat), entièrement financés par l'Etat, devraient percevoir l'année prochaine 2 748 millions d'euros , soit une augmentation de 1,53 % par rapport à 2014.

La dotation globale de fonctionnement, d'un montant de 1 469 millions d'euros , doit permettre le financement des 119 211 places autorisées au sein des 1 349 structures. Cette très légère augmentation des crédits par rapport à l'année 2014 s'inscrit dans un contexte où la fragilité du mode de tarification des Esat est de plus en plus patente. Dans une décision du 17 juillet 2013, le Conseil d'Etat a en effet annulé l'arrêté tarifaire du 2 mai 2012, remettant ainsi en cause un processus de convergence vers des tarifs plafonds dont le niveau, fondé sur une étude de coûts datant de 2008, n'était pas augmenté pour la quatrième année consécutive 12 ( * ) . Si le Gouvernement indique, dans le projet annuel de performances annexé à la présente mission que « la dotation 2015 prend en compte [...] les conséquences de l'annulation par le Conseil d'Etat de l'arrêté tarifaire pour 2012 et de la revalorisation du tarif plafond sur la base duquel est mis en oeuvre, depuis 2009, un mécanisme de converge des dotations des Esat destiné à renforcer l'équité dans l'allocation de ressources à ces établissements » , aucune précision n'est donnée quant à la façon dont il a procédé pour se conformer à la décision du Conseil d'Etat.

Votre rapporteur souligne qu'au-delà de la revalorisation des tarifs plafonds, qui ne peut qu'être limitée compte tenu des contraintes qui pèsent sur l'évolution des finances publiques, une réflexion plus globale doit être engagée sur l'évolution du mode de tarification des Esat qui puisse s'appuyer sur une étude nationale de coûts actualisée.

A la dotation globale de fonctionnement s'ajoutent 1 277 millions d'euros destinés à compenser pour les Esat une partie du coût de la rémunération garantie aux travailleurs handicapés (GRTH).

Si le Gouvernement fait le choix de maintenir en 2015 la suspension du programme de création de 10 000 places en Esat qui avait été lancé en 2008, il se fixe en revanche pour objectif d'appuyer la modernisation de ces structures à travers le déploiement d'un plan d'aide à l'investissement . Celui-ci, dont le montant avait été fixé à 3,5 millions d'euros en 2014, est cependant ramené à 2 millions d'euros l'année prochaine, ce qui porte le niveau de la subvention moyenne à moins de 1 500 euros par établissement. L'effet levier sur l'investissement risque par conséquent d'être fort limité. Pourtant, comme le souligne le projet annuel de performances, les Esat qui figurent parmi les structures les plus anciennes du secteur médico-social et sont confrontés à des besoins importants de modernisation.

Au regard de la faiblesse des montants en jeu, votre rapporteur s'interroge sur la pertinence d'un dispositif qui s'apparente davantage à du saupoudrage qu'à la mise en oeuvre d'une politique véritablement structurée d'appui au développement et à la modernisation des Esat.

2. Repenser la place des établissements et services d'aide par le travail au sein du parcours de vie des personnes handicapées

L'un des axes de travail identifiés par le comité interministériel du 25 septembre 2013 concerne l'emploi des personnes handicapées. Il s'agit là d'un enjeu central pour la présente mission qui, comme cela a été indiqué précédemment, assure l'ensemble du financement des Esat.

Au cours de ses auditions, votre rapporteur a pu constater que, au-delà des enjeux relatifs à la tarification et à la modernisation, le rôle des Esat dans le parcours de vie des personnes handicapées. A la frontière entre le secteur médico-social et les politiques de l'emploi, les Esat occupent en effet une place particulière dans le champ des établissements et services sociaux et médico-sociaux.

Comme cela a été souligné à plusieurs reprises devant votre rapporteur, les Esat sont trop peu souvent en mesure d'assurer pleinement leur mission de tremplin vers l'emploi en milieu ordinaire. Ce constat est confirmé par le récent rapport d'Annie Le Houérou sur l'emploi des personnes handicapées en milieu ordinaire 13 ( * ) . Soulignant la nécessité d'aller jusqu'au bout des principes inscrits dans la loi du 11 février 2005, le rapport estime qu' « à l'image, mais non à l'identique, de ce qui a été fait pour l'école depuis une décennie maintenant, le cadre ordinaire de travail doit devenir l'objectif premier à regarder. Il ne s'agit nullement d'opposer le milieu ordinaire de travail au secteur protégé, mais de permettre aux personnes d'exercer un métier selon les modalités qui leur conviennent le mieux à tel ou tel moment de leur vie et qui peuvent donc varier » .

Le rapport insiste par conséquent sur la nécessité de développer la formation et les compétences des travailleurs en Esat, afin de faciliter le passage vers le milieu ordinaire. Il souligne également l'intérêt des expériences menées à travers les Esat « hors les murs ». Ces structures, sans unité de production intégrée, accompagnent les personnes dans le milieu de travail ordinaire, dans le cadre d'une convention signée avec une entreprise. A l'heure actuelle, 28 Esat de ce type, disposant de 1 113 places, sont répartis dans 13 régions françaises.

S'agissant de l'emploi des personnes handicapées, votre rapporteur s'inquiète de l'article 62 du projet de loi de finances qui crée une contribution annuelle de 29 millions d'euros à la charge de l'association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées (Agefiph) ainsi que du fonds d'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP) sur la période 2015-2017 pour assurer le financement des contrats aidés.


* 12 Conseil d'État, 1 ère et 6 ème sous-sections réunies, 17/07/2013, 344035. Le Conseil d'Etat indique également en son considérant n° 28 que « pour la quatrième année consécutive, les tarifs plafonds ont été fixés au même niveau, déterminé en fonction d'une étude reposant sur des données relatives à l'exercice 2008, sans que les ministres compétents ne cherchent à apprécier l'incidence de l'application des règles de convergence fixées par les arrêtés successivement applicables sur la situation des établissements et services, en particulier sur la situation de ceux dont les charges immobilières sont très nettement supérieures à la moyenne, pour des raisons tenant notamment à leur localisation géographique, alors même que l'arrêté attaqué, par ses effets propres, qui se cumulent avec les effets des arrêtés pris pour les exercices antérieurs, emporte, pour les structures dépassant les tarifs plafonds, des conséquences importantes ».

* 13 Annie Le Houérou, députée des Côtes d'Armor, rapport au Premier ministre : « Dynamiser l'emploi des personnes handicapées en milieu ordinaire : aménager les postes et accompagner les personnes », septembre 2014.

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