Rapport général n° 112 (2014-2015) de Mme Claudine LEPAGE , fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, déposé le 20 novembre 2014

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N° 112

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2014-2015

Enregistré à la Présidence du Sénat le 20 novembre 2014

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (1) sur le projet de loi de finances pour 2015 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

TOME IV

Fascicule 1 b

MÉDIAS, LIVRE ET INDUSTRIES CULTURELLES :

AUDIOVISUEL EXTÉRIEUR

Par Mme Claudine LEPAGE,

Sénatrice.

(1) Cette commission est composée de : Mme Catherine Morin-Desailly , présidente ; M. David Assouline, Mme Corinne Bouchoux, M. Jean-Claude Carle, Mme Marie-Annick Duchêne, M. Louis Duvernois, Mmes Brigitte Gonthier-Maurin, Françoise Laborde, Claudine Lepage, Colette Mélot, M. Jean-Marc Todeschini , vice-présidents ; Mmes Françoise Férat, Dominique Gillot, M. Jacques Grosperrin, Mme Sylvie Robert, M. Michel Savin, secrétaires ; MM. Pascal Allizard, Maurice Antiste, Dominique Bailly, Mmes Marie-Christine Blandin, Maryvonne Blondin, MM. Philippe Bonnecarrère, Gilbert Bouchet, Jean-Louis Carrère, Mme Françoise Cartron, MM. Joseph Castelli, François Commeinhes, René Danesi, Jean-Léonce Dupont, Mme Nicole Duranton, MM. Jean-Claude Frécon, Jean-Claude Gaudin, Mme Samia Ghali, M. Loïc Hervé, Mmes Christiane Hummel, Mireille Jouve, MM. Guy-Dominique Kennel, Claude Kern, Pierre Laurent, Jean-Pierre Leleux, Mme Vivette Lopez, MM. Jean-Jacques Lozach, Jean-Claude Luche, Jacques-Bernard Magner, Christian Manable, Philippe Marini, Mmes Danielle Michel, Marie-Pierre Monier, MM. Philippe Nachbar, Jean-Jacques Panunzi, Cyril Pellevat, Daniel Percheron, Mme Christine Prunaud, MM. Stéphane Ravier, Bruno Retailleau, Abdourahamane Soilihi, Hilarion Vendegou.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : 2234, 2260 à 2267 et T.A. 420

Sénat : 107 et 108 à 114 (2014-2015)

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

L'année 2014 aura été marquée par une accélération de la convergence numérique qui touche tous les médias, transforme le paysage audiovisuel en favorisant l'émergence de nouveaux acteurs et rend indispensable l'élaboration de nouveaux services innovants.

L'audiovisuel extérieur n'échappe pas à ce phénomène puisque le numérique, par nature, se joue des frontières. Il est d'autant plus influencé par ces changements que l'actualité est redevenue brûlante sur un certain nombre de fronts : en Ukraine, en Syrie et en Irak, au Mali. Dans ces conditions, tous les acteurs ont bien compris que l'information était devenue un instrument d'influence. La Russie vient ainsi de lancer un nouveau service multimédia international dénommé « Sputnik » qui intègre un nouveau site Internet et la nouvelle agence de presse « Russie d'aujourd'hui » qui comprend la radio « Voix de Russie » et un service en langues étrangères. Ce nouveau service diffusera ses informations sur Internet mais aussi à la radio dans une trentaine de pays - dont la France - afin de donner « une interprétation alternative » des événements du monde.

Un autre exemple grave concerne notre pays avec les départs de dizaines, voire de centaines de jeunes pour l'Irak et la Syrie qui ont tous muri leur projet au contact de médias étrangers - souvent arabophones ou anglophones - qui ont investi Internet et les chaînes d'information en continu.

Le temps n'est plus, dans ces conditions, où l'audiovisuel extérieur pouvait être considéré simplement comme un outil du développement de la francophonie. Plus que jamais, notre audiovisuel extérieur constitue un instrument d'influence pour favoriser la défense de nos valeurs. C'est le cas lorsque les Russes regardent France 24 en anglais pour s'informer sur la guerre de Crimée et d'Ukraine (avec des taux d'audience supérieurs à ceux de BBC et CNN). C'est aussi le cas lorsque Monte Carlo Doualiya, chaîne publique de radio arabophone, diffuse à Marseille et à certains médias étrangers dont la conception d'une information vérifiée, pluraliste et indépendante diffère de la nôtre.

Les enjeux sont donc, cette année, particulièrement sensibles, ce qui appelait une attention particulière à l'égard de l'audiovisuel public extérieur et votre rapporteure pour avis estime que, dans un contexte budgétaire difficile, l'essentiel a été préservé et qu'un certain nombre de clarifications bienvenues ont été opérées.

La relance de l'audiovisuel extérieur de la France engagée par le Gouvernement s'était fixée deux objectifs majeurs au regard des conclusions du rapport de la mission confiée à M. Jean-Paul Cluzel :

- la mise en oeuvre d'une société en charge de l'audiovisuel extérieur fusionnée au sein de laquelle les rédactions des antennes restent distinctes et conservent leur identité propre ;

- le rapprochement de TV5 Monde et de France Télévisions.

Ces grandes étapes de la réforme de l'audiovisuel extérieur ont été réalisées. En effet, à la suite de la fusion juridique intervenue le 13 février 2012, France Médias Monde a poursuivi la réorganisation de ses fonctions support. Le regroupement des équipes de RFI, MCD et de France 24 dans les mêmes locaux a notamment été achevé.

Dans le cadre d'une entité unique mais dotée de rédactions autonomes, la nouvelle direction a mis en oeuvre sa stratégie éditoriale visant à réaffirmer les identités distinctes et complémentaires des médias de France Médias Monde.

Par ailleurs, par un transfert capitalistique, France Télévisions est devenu, le 23 mai 2013, le principal actionnaire de TV5 Monde en lieu et place de France Médias Monde. À cette occasion, le président de France Télévisions s'est substitué à celui de France Médias Monde dans le rôle de président du conseil d'administration de TV5 Monde.

Enfin, afin de marquer la transformation en cours de la société, l'assemblée générale extraordinaire a décidé le changement de dénomination sociale le 27 juin 2013 : la société en charge de l'audiovisuel extérieur s'intitule désormais « France Médias Monde » (FMM). Mais les dénominations « France 24 », « RFI » et « MCD » continuent à exister, désormais en tant que marques déposées de la société FMM.

Le contrat d'objectifs et de moyens 2013-2015 liant la société France Médias Monde à l'État, qui fixe les orientations de la politique de l'audiovisuel extérieur de la France, a été signé le 9 avril 2014. Ce premier contrat d'objectifs et de moyens (COM) de France Médias Monde marque l'achèvement d'une longue période de mutation qu'a traversée l'audiovisuel extérieur de la France.

Il symbolise le renouveau d'une société à l'organisation maintenant stabilisée. France Médias Monde est désormais en ordre de bataille pour faire face à la concurrence grandissante des médias internationaux tout en respectant l'identité de chacune de ses antennes.

Dans un contexte budgétaire contraint, le Gouvernement prévoit d'accorder à France Médias Monde des moyens qui préservent sa capacité d'action afin de poursuivre l'enrichissement des grilles de programmes de ses entités et de consolider ses antennes dans les zones d'influence prioritaires que sont le Maghreb, l'Afrique subsaharienne, et le Moyen-Orient.

TV5 Monde, l'autre acteur de la politique française de l'audiovisuel extérieur bénéficie maintenant d'un plan stratégique pour la période 2014-2016 qui met notamment en cohérence les orientations de la chaîne multilatérale avec la stratégie de développement de France Médias Monde.

Le nouveau plan stratégique 2014-2016 a été approuvé par les représentants des gouvernements bailleurs de fonds le 15 novembre 2013 à Québec et adopté par le Conseil d'administration de TV5 Monde, le 22 janvier 2014.

AUDIOVISUEL EXTÉRIEUR

I. L'ACTION AUDIOVISUELLE EXTÉRIEURE : UNE ORGANISATION CLARIFIÉE

A. FRANCE MÉDIAS MONDE : UNE NAISSANCE RÉUSSIE QUI DOIT ENCORE ÊTRE ACCOMPAGNÉE

France Médias Monde (FMM) est une société nationale de programmes au sens du IV de l'article 44 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication dont la mission est de « contribuer à la diffusion et à la promotion de la langue française, des cultures française et francophone, ainsi qu'au rayonnement de la France dans le monde, notamment par la programmation et la diffusion d'émissions de télévision et de radio ou de services de communication au public en ligne relatifs à l'actualité française, francophone, européenne et internationale » .

France Médias Monde comprend trois entités distinctes qui conservent leur identité et des rédactions propres :

- France 24, chaîne d'information en continu trilingue ;

- RFI, radio internationale en français et en 12 langues étrangères ;

- et Monte Carlo Doualiya (MCD), radio universaliste en arabe.

La stratégie de FMM est déterminée dans le cadre d'un contrat d'objectifs et de moyens.

1. La mise en oeuvre du contrat d'objectifs et de moyens 2013-2015

Conformément aux dispositions de l'article 53 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, un contrat d'objectifs et de moyens (COM), agréé entre l'État et la société, définit dans un cadre prospectif et pluriannuel les stratégies éditoriales et de développement, les améliorations de gestion à mettre en oeuvre et les moyens d'y parvenir.

Attendu depuis huit ans, le COM négocié par l'État et FMM pour la période 2013-2015 a été signé le 9 avril 2014. Ses principaux objectifs sont les suivants :

- poursuivre la consolidation de la couverture mondiale de France 24 ;

- continuer à adapter les programmes de RFI et MCD à leurs publics, notamment par les langues de diffusion ;

- renforcer la stratégie de diffusion sur tous les supports numériques ;

- approfondir les synergies, tant en interne qu'avec les autres acteurs de l'audiovisuel public.

Votre rapporteure pour avis a rendu compte du COM de FMM, transmis à la commission de la culture, de l'éducation et de la communication préalablement à son adoption au travers d'une communication effectuée le 18 décembre 2013 dans laquelle elle observait qu'il donnait une perspective de moyen terme « sur une période assez courte, de 2013 à 2015, soit la période minimale prévue par la loi » et s'inscrivait « dans la continuité des conclusions du rapport Cluzel, qui préconisait de reconstruire les rédactions tout en préservant les synergies » .

Tout en préservant les spécificités des différentes antennes de FMM, le COM a précisé les objectifs de chacune d'entre elles. RFI doit ainsi veiller au rajeunissement de son auditoire notamment dans les pays africains et développer les émissions en haoussa et kiswahili ainsi qu'en bambara au Mali. MCD a pour objectif d'étendre sa diffusion à 24 heures sur 24 tandis que France 24 a pour mission de renforcer ses antennes anglophones et arabophones par l'augmentation régulière du nombre d'heures de production.

Le COM concerne également la politique de diffusion et de distribution. Il prévoit ainsi pour RFI un développement en Afrique non francophone et au Cambodge. Il traite également la question du rayonnement de France 24 sur le territoire métropolitain après que le Gouvernement a annoncé la préemption de fréquences pour une diffusion sur la TNT en Ile-de-France. Comme l'indiquait votre rapporteure pour avis dans sa communication « l'extension géographique de la diffusion sur l'ensemble du territoire devra être évoquée dans le prochain COM » . Pour MCD, l'objectif sera de pouvoir obtenir des fréquences dans les capitales du Maghreb à un coût raisonnable. Le COM évoque également une coopération entre France 24 et TV5 Monde afin d'éviter une concurrence entre les politiques de distribution au niveau mondial.

Enfin, sur le plan des moyens, le COM prévoit sur la période 2013-2015 des mesures nouvelles à hauteur de 10,8 millions d'euros, soit une augmentation de 1,4 % par an. Au contraire des autres sociétés nationales de programme, FMM conserverait le bénéfice du crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE) à hauteur de 1 million d'euros. Le COM prévoyait également une hausse des ressources propres de 8,2 millions d'euros.

Au cours du débat qui a suivi la communication de votre rapporteure pour avis, il a été proposé d'adresser une lettre à la ministre afin de solliciter l'extension de la diffusion de RFI et MCD sur l'ensemble du territoire métropolitain. Enfin, la commission avait donné à l'unanimité un avis favorable au COM de FMM.

2. La situation budgétaire de France Médias Monde en 2015

Le projet de loi de finances pour 2015 prévoit la suppression du programme 115 « Action Audiovisuelle Extérieure » dont l'action n° 1 « Audiovisuel Extérieur de la France » assurait une partie du financement de FMM au moyen de crédits issus du budget général. Le nouveau programme 844 couvre maintenant l'intégralité des crédits attribués à FMM qui passent de 169,9 millions d'euros en 2014 à 247 millions d'euros en 2015 (242 millions d'euros HT) du fait du transfert de crédits du programme 115. À périmètre constant, la dotation augmente de 0,9 %.

Au cours de l'année 2014, FMM a fait l'objet d'une mesure de régulation budgétaire à hauteur de 0,6 million d'euros décidée par la loi de finances rectificative de juillet 2014. Cette diminution de ressources a eu pour conséquence une baisse du coût des grilles de programmes et des frais de diffusion du fait du report de certains projets sur 2015.

L'exercice 2015 s'inscrit dans le cadre du COM 2013-2015 et tient compte des nouvelles hypothèses du projet de loi de finances pour 2015. Le financement public est assuré intégralement par la contribution à l'audiovisuel public et comprend une baisse des ressources publiques de 0,1 million d'euros par rapport au COM du fait de l'économie attendue sur les charges sociales dans le cadre du pacte de responsabilité.

3. La réaction des personnels face à la fusion et au statut unique

Afin de pouvoir faire un point sur la réalisation de la fusion et sa perception par les différents personnels, votre rapporteure pour avis a rencontré cette année les cinq organisations syndicales de France Médias Monde (CFDT, CFTC, CGT, FO, SNJ) avec l'intention de leur poser, à chacun, les mêmes questions : la fusion a-t-elle été une bonne chose ? Comment s'est passé le rapprochement des structures et des personnels ? Où en est-on, enfin, de l'harmonisation des statuts ?

Votre rapporteure pour avis constate qu' aucun des syndicats de salariés ne demande le retour en arrière, la fusion constitue un acquis . Cela ne veut pas dire, pour autant, que tout est pour le mieux. Si la CFDT, premier syndicat de France Médias Monde reconnaît que la fusion était « une bonne chose » et que le rapprochement radio-télévision-Internet est positif, la CFTC qui était contre la fusion, considère que les salariés ont maintenant envie de « passer à autre chose » . Pour le SNJ, « la nouvelle structure a le mérite d'exister » . FO rappelle qu'elle ne voulait pas la fusion mais qu'elle a joué le jeu et qu'il n'y a pas de retour possible. La CGT, quant à elle, estime qu' « il n'y a pas de culture commune » et s'inquiète d'une future fusion des rédactions.

On le voit, au-delà des différences, ce sont plus les conditions de la fusion et la place de chacun qui font débat que le principe même, ce qui est déjà significatif.

Concernant les conditions du rapprochement, les griefs sont plus nombreux même si rien ne semble irrémédiable. Tout d'abord - et votre rapporteure pour avis souhaite lui en reconnaître le mérite - tous s'accordent à considérer que Mme Marie-Christine Saragosse a su restaurer les conditions de la confiance nécessaire pour assurer le succès de l'opération de fusion. La CFTC reconnaît ainsi qu'il y a eu des « améliorations concernant le dialogue social » et que les relations sont plus « courtoises et détendues » . Mais dans le même temps, ce même syndicat considère que « les personnels vivent côte-à-côte » et qu'il n'y a « aucune synergie ni aucune ambition éditoriale commune » . Ce constat pessimiste va souvent de pair avec des inquiétudes sur les moyens et la charge de travail. Le SNJ pointe le fait que les journalistes sont plutôt « ouverts à se former à de nouveaux médias comme la vidéo et la photo » mais il insiste sur le fait qu' « un journaliste ne peut produire pour tous les médias » . Le SNJ déplore également que les journalistes doivent faire des tranches d'information plus longues, sans avoir suffisamment le temps de préparer leurs papiers. Cette surcharge de travail mise en avant par le SNJ est aussi ressentie par la CGT qui évoque des « flux tendus à RFI » .

Il y demeure donc des difficultés, peut-être inhérentes à toute fusion. Mais ce qui pose véritablement problème aujourd'hui concerne, d'une part, l'harmonisation des statuts et, d'autre part, le projet de développement de l'entreprise.

L'ensemble des syndicats de salariés redoute, en effet, le futur statut commun d'autant plus que la négociation a pris du retard , les réunions ayant été suspendues depuis juillet, ce qui laisse place aux inquiétudes sincères comme aux rumeurs pas toujours bien intentionnées. La coexistence de personnels pouvant avoir des statuts très différents - tout en exerçant le même emploi - ne peut perdurer. Pour autant, les syndicats estiment que l'enveloppe de 3,5 millions d'euros provisionnée pour financer l'harmonisation sera insuffisante pour réaliser un alignement par le haut ce qui leur fait craindre des remises en cause des acquis.

Mais plus encore, c'est bien l'ambition des pouvoirs publics pour France Médias Monde, dans un contexte de contraintes budgétaires accrues, qui fait débat. La diminution des départs en mission des journalistes pour couvrir les événements, le projet d'abandonner les ondes courtes en Chine, en Russie et en Iran, le report de la création de l'antenne en bambara qui a coïncidé avec la baisse des crédits dans le collectif budgétaire en juillet ont alimenté le pessimisme. FO s'interroge ainsi sur la stratégie de l'État pour l'audiovisuel extérieur et tous ont pris conscience de la concurrence accrue initiée par l'arrivée des nouveaux acteurs.

Paradoxalement, ces inquiétudes sont plutôt rassurantes puisqu'elles illustrent aussi l'attachement des personnels à leur entreprise et une conscience aigüe de leur mission d'information.

Votre rapporteure pour avis est d'autant plus confiante dans l'avenir de France Médias Monde que beaucoup des inquiétudes qu'elle vient de passer en revue recevront bientôt des réponses précises. Comme le lui a confirmé Mme Marie-Christine Saragosse, le processus de remise à plat des statuts est maintenant achevé et, sans vouloir divulguer des éléments de la négociation qui devraient être présentés très prochainement par la direction de l'entreprise, on peut estimer que la solution pourrait être trouvée au travers d'une convergence réciproque des temps de travail assortie d'un effort financier pour ceux qui verront leur temps de travail augmenter. Votre rapporteure pour avis insiste sur le fait que les efforts demandés devraient être raisonnables et permettre des améliorations, par exemple dans la prise des congés à RFI. Quant à la négociation sur les métiers, elle devra prendre en compte le fait que ces derniers évoluent très vite et qu'il faut pouvoir en tenir compte.

Compte tenu de ces informations, votre rapporteure pour avis estime que l'objectif de conclure un accord au premier semestre 2015, même s'il est ambitieux, peut être considéré comme crédible. Cet accord constituera une des fondations de la nouvelle société ; il faut souhaiter qu'il permette aussi d'insuffler un nouvel esprit commun propre à favoriser de nouvelles dynamiques.

4. Les orientations stratégiques de France Médias Monde

La stratégie de France Médias Monde est inséparable de l'effort financier demandé à la société depuis plusieurs années. Elle correspond à une baisse de 10,7 millions d'euros des ressources publiques d'exploitation sur la période 2011-2015 soit, en cumulé, une économie pour les comptes publics de 54 millions d'euros par rapport à la dotation de 2011 . Autant dire que France Médias Monde a déjà fortement contribué à l'effort de redressement des comptes publics.

Si l'on considère que les ressources propres ont augmenté de seulement 6,1 % entre 2011 et 2015 du fait de la mauvaise tenue du marché publicitaire, on comprend mieux pourquoi France Médias Monde a été dans l'obligation de réaliser d'importants gains de productivité. La mise en place de deux plans de départ volontaire (PDV) a eu pour conséquence une baisse nette des effectifs de 253 équivalents temps plein (soit une baisse de 20 % des effectifs) et une économie globale annuelle de 19 millions d'euros . Par ailleurs, un effort a également été fait sur les achats et les frais de fonctionnement, ce qui a permis de réduire ce poste de 16,7 millions d'euros par an. Enfin, 4,1 millions d'euros ont été économisés sur les dépenses de marketing et de communication avec le risque de limiter le développement de l'entreprise.

Ces économies n'ont pas empêché le développement de la version arabophone de France 24 et une migration de la production vers la haute définition (HD). Mais les moyens sont aujourd'hui extrêmement contraints, ce qui limite le nombre des nouveaux projets. L'antenne en bambara de RFI est toutefois aujourd'hui sur les rails et devrait commencer à émettre au plus tard au second semestre 2015 , ce qui est fondamental compte tenu des enjeux qui traversent cette partie du continent africain. Par ailleurs, France 24 sera bientôt diffusée au Québec et un projet existe d'une antenne hispanophone de France 24.

Votre rapporteure pour avis considère que la France dispose maintenant d'un bel outil, financé entièrement par la contribution à l'audiovisuel public. L'audience progresse d'ailleurs sensiblement : +5,4 % en un an pour RFI et +4,2 % pour France 24. Le site de la chaîne enregistre 26,8 millions de pages vues depuis janvier 2014, 13 millions d' « amis » sur Facebook et 4 millions de « suiveurs » sur Twitter.

Votre rapporteure pour avis considèrerait comme souhaitable de mieux valoriser les antennes de France Médias Monde en France même au travers une diffusion de France 24 sur la TNT, non seulement en Île-de-France mais sur tout le territoire , comme elle l'a indiqué à la Ministre de la Culture et de la Communication lors de son audition par votre commission de la culture, de l'éducation et de la communication, le 12 novembre dernier. De même, si la diffusion de RFI et MCD à Marseille est déjà en discussion, il lui semblerait également pertinent d'étendre la diffusion de ces radios au reste du territoire ou tout du moins aux grandes villes .

B. TV5 MONDE : UN DÉVELOPPEMENT SOUS CONTRAINTE QUI DOIT ÊTRE SOUTENU

TV5 Monde est une chaîne multilatérale francophone basée à Paris, associant les radiodiffuseurs publics de la France, de la Belgique, de la Suisse, du Canada et du Québec. Sa mission, définie dans la « Charte TV5 Monde » consiste à servir de vitrine à l'ensemble de la francophonie, à promouvoir la diversité culturelle, à favoriser les échanges de programmes entre les pays francophones et l'exportation internationale de programmes francophones. Elle diffuse ses programmes par câble et satellite sous la forme de 9 signaux régionaux distincts dans plus de 200 pays dans le monde, représentant plus de 255 millions de foyers. TV5 Monde constitue l'un des trois plus grands réseaux mondiaux de télévision aux côtés de MTV et CNN.

Depuis 2013, la répartition du capital de la chaîne a évolué du côté français au bénéfice de France Télévisions qui détient maintenant 49 % des parts contre 12,58 % pour FMM, 3,29 % pour Arte et 1,74 % pour l'INA. Les 33,33 % restants se répartissent à égalité entre les partenaires belge, suisse et canadiens (11,11 % pour la RTBF, 11,11 % pour la SSR, 6,67 % pour Radio-Canada et 4,44 % pour Télé Québec).

Les axes stratégiques de développement de TV5 Monde sont fixés par un plan stratégique avalisé par la Conférence des Ministres responsables des différents gouvernements bailleurs de fonds de la chaîne.

Le financement de TV5 Monde est assuré, du côté français, par le programme 847 nouvellement créé qui se substitue à l'action n° 3 « TV5 Monde » du programme 115 « Action Audiovisuelle Extérieure », supprimé dans le projet de loi de finances pour 2015.

Après avoir fait le point sur les crédits accordés à TV5 Monde, votre rapporteure pour avis s'interrogera sur l'état d'avancement du plan stratégique 2014-2016 compte tenu de la concurrence renforcée à laquelle doit faire face TV5 Monde.

1. Un statut et un mode de fonctionnement particuliers

TV5 Monde est dotée d'un modèle économique particulier : chaque pays bailleur de fonds apporte à la chaîne ses programmes nationaux libres de droits et en supporte seul la charge (les coûts de libération de ces programmes sont dénommés « frais spécifiques »). TV5 Monde ne gère que les frais spécifiques de la France ; les budgets de programmes des autres pays partenaires sont gérés par leurs radiodiffuseurs nationaux et n'apparaissent pas dans le budget de TV5 Monde. Aussi, du fait de l'absence des coûts de mise à disposition des programmes non français dans le budget de TV5 Monde, tout calcul de pourcentage d'intervention des gouvernements bailleurs de fonds, à partir du budget géré par la chaîne, est-il inopérant.

En revanche, le financement des « frais communs » relatifs à la mise en onde, la diffusion, la distribution, la communication, la production d'émissions à caractère multilatéral (notamment, l'information), et à la gestion de l'ensemble de ces dépenses est partagé entre les gouvernements bailleurs de fonds selon une clé de répartition conventionnelle, tenant compte de la dimension des pays concernés, de leur capacité à fournir des programmes, et correspondant à la répartition du capital de la chaîne : 6/9 e pour la France, 1/9 e pour la Suisse, 1/9 e pour la Fédération Wallonie-Bruxelles et 1/9 e partagé entre le Québec et le Canada.

Par ailleurs, le siège de TV5 Monde étant situé à Paris, la France bénéficie, contrairement aux autres gouvernements bailleurs de fonds, d'un retour sur investissement important en matière d'emplois, de cotisations sociales, d'impôts et de taxes. Dès lors, pour compenser cet avantage, la règle dite « du siège » a été instaurée, qui prévoit que la France verse une contribution additionnelle, dont le montant a été fixé par la Conférence des Ministres responsables de TV5 Monde et est indexé sur l'augmentation des contributions au budget de base des frais communs.

Enfin, depuis 2011, la France verse un montant additionnel destiné à compenser la taxe sur les salaires, à laquelle TV5 Monde est désormais soumise en raison de la qualification de la subvention française.

2. L'analyse des comptes de l'année 2013

L'année 2013 a constitué une période de transition entre le plan stratégique 2009-2012 et le futur plan stratégique pour la période 2014-2016 qui a été approuvé le 15 novembre 2013 par la « Réunion des Hauts Fonctionnaires des Gouvernements bailleurs de fonds » à Québec. Il s'agit également d'une phase de transition sur le plan opérationnel, en raison de l'obligation légale, en application du droit des marchés publics, de changement du dispositif technique qui structure l'activité de production et de diffusion de la chaîne. 2013 est également la première année de mise en oeuvre de la nouvelle convention d'entreprise, signée par l'ensemble des organisations représentatives du personnel fin décembre 2012.

Le budget initial de TV5 Monde qui s'élevait à 103,58 millions d'euros en ressources (en diminution de 1,9 % par rapport au réalisé 2012) et 108,1 millions d'euros en consolidé avec les filiales de distribution aux États-Unis et en Argentine, prévoyait un déficit prévisionnel initial de 0,42 millions d'euros, compte tenu du caractère atypique de l'année 2013.

À la clôture de l'exercice 2013 l'équilibre a été atteint, la société anonyme (SA) TV5 Monde dégageant un résultat net légèrement positif de 23 000 euros. Les budgets des filiales ont également été exécutés à l'équilibre, et le groupe TV5 Monde présente un résultat net consolidé de 50 000 euros.

La Suisse, le Canada et le Québec ont augmenté leur contribution de base de 2,5 % et la Fédération Wallonie-Bruxelles a octroyé un financement exceptionnel de 109 000 euros. Ces contributions de partenaires non français atteignent 23,6 millions d'euros en 2013. Le montant de la ressource publique française est demeuré stable depuis 2011 à 75 millions d'euros. Le système du financement des frais communs par neuvièmes connait ainsi un déséquilibre défavorable à la France.

Le coût des grilles de programmes (programmes et dépenses de fabrication) s'est élevé à 76,3 millions d'euros en 2013, soit 70 % des dépenses de la chaîne, en diminution de 0,6 million d'euros par rapport à 2012.

3. Un budget 2014 en augmentation

Le budget initial de la SA TV5 Monde pour 2014, approuvé par le conseil d'administration de la chaîne, avec l'accord des gouvernements bailleurs de fonds, s'équilibrait à 105,46 millions d'euros en ressources et dépenses (+0,9 % par rapport au réalisé 2013). Le budget consolidé avec les filiales américaines représentait 109,02 millions d'euros, soit +0,3 % par rapport au réalisé 2013.

Ce budget s'appuie sur le projet de plan d'affaires de la société associé au plan stratégique 2014-2016, lequel a été approuvé par les représentants des cinq gouvernements bailleurs de fonds à Québec en novembre 2013, et adopté par le conseil d'administration de TV5 Monde en janvier 2014.

Afin de soutenir le plan stratégique de TV5 Monde et de compenser partiellement le retard de la France par rapport aux autres partenaires francophones dans l'équilibre du financement des frais communs, la contribution française en faveur de TV5 Monde inscrite au projet de loi de finances pour 2014 était en hausse de 1,6 % (soit 1,2 million d'euros).

Le Québec et le Canada ont maintenu leurs contributions au niveau de 2013. La Fédération Wallonie-Bruxelles, dont la contribution 2013 était restée stable malgré une contribution supplémentaire exceptionnelle de 0,1 million d'euros, a augmenté sa contribution de base de 0,66 % en 2014. La Suisse a décidé de verser une contribution additionnelle « fléchée » en faveur des productions propres multilatérales de TV5 Monde proposées dans le plan stratégique.

Globalement, les contributions publiques à TV5 Monde progressaient de 1,28 % entre 2013 et 2014.

4. Des perspectives budgétaires préservées pour l'année 2015

Les crédits accordés à TV5 Monde dans le projet de loi de finances pour 2015 qui figurent dans le nouveau programme 847, s'élèvent à 76,2 millions d'euros HT (soit 77,8 millions d'euros TTC) en stabilité par rapport à la loi de finances initiale pour 2014. Le budget de TV5 Monde serait également stable par rapport à 2014 puisqu'il s'élèverait à 108,6 millions d'euros, la baisse de 0,2 million d'euros s'expliquant par une diminution des recettes de distribution principalement liée aux effets de change.

Sur la base du maintien en 2015 des contributions 2014 de ses gouvernements bailleurs de fonds, l'objectif que s'est fixé TV5 Monde devrait veiller en 2015 à maintenir son activité et à poursuivre en année pleine les développements inscrits dans son Plan stratégique 2014-2016.

Le plan stratégique 2014-2016 de TV5 Monde

Le plan stratégique 2014-2016 qui a été adopté par le conseil d'administration de la société le 22 janvier 2014 fixe quatre objectifs principaux :

1) Le recentrage éditorial de la chaîne vers une programmation culturelle et généraliste pour distinguer clairement des autres chaînes d'information internationale en langue française. Cette évolution amènera TV5 Monde à renforcer son offre de programmes propres ;

2) La modernisation du partenariat entre TV5 Monde et l'Afrique dans une relation plus équilibrée ;

3) La consolidation du réseau de distribution avec un passage partiel à une diffusion HD, notamment en Asie, au Moyen-Orient, en Afrique francophone et en Amérique et une présence multimédia accrue ;

4) Le renforcement de ses partenariats avec les autres sociétés de l'audiovisuel public et notamment France Télévisions et France Médias Monde.

Source : réponse au questionnaire budgétaire

Il devrait être, dès lors, difficile pour TV5 Monde d'activer de nouvelles initiatives inscrites dans son plan, comme le passage à la diffusion en HD sur de nouveaux continents, ce que votre rapporteure pour avis ne peut que regretter, compte tenu de l'importance de ce critère pour gagner ou conserver des parts de marché.

Évolution des ressources publiques gérées par TV5 Monde

(en millions d'euros)

2012
(réalisé)

2013
(réalisé)

2014
(budget)

2014
(projection)

2015
(avant-projet)

Total ressources

109,87

108,65

109,02

108,89

108,76

Contributions publiques

98,04

98,64

99,91

99,91

99,91

France

75,03

75,03

76,23

76,23

76,23

Total partenaires francophones

23,01

23,61

23,68

23,68

23,68

Fédération Wallonie Bruxelles

7,65

7,80

7,74

7,74

7,74

Suisse

7,64

7,86

7,99

7,99

7,99

Canada

4,68

4,82

4,82

4,82

4,82

Québec

3,04

3,13

3,13

3,13

3,13

Autres ressources

11,83

10,01

9,11

8,98

8,85

Total recettes commerciales

11,46

9,64

8,76

8,68

8,55

Publicité-parrainage

4,20

2,50

2,50

2,50

2,55

Recettes de distribution

7,26

7,14

6,26

6,18

6,00

Produits financiers

0,31

0,27

0,25

0,20

0,20

Total autres ressources non commerciales

0,05

0,10

0,10

0,10

0,10

Contributions volontaires États africains

0,00

0,10

0,10

0,10

0,10

Autres

0,05

0,00

0,00

0,00

0,00

Total dépenses

109,76

108,60

109,02

108,87

108,76

Coûts des grilles de programmes

76,90

76,32

77,46

77,28

78,19

Dépenses de programmes

57,96

55,60

58,30

58,35

58,29

Dépenses techniques de fabrication des signaux

18,95

20,72

19,16

18,93

19,89

Frais de diffusion et de distribution

24,34

23,36

23,42

23,08

22,32

Coûts généraux, fonctions supports, taxes (dont taxe sur les salaires) et frais financiers

7,93

8,09

8,14

8,20

8,25

Charges exceptionnelles

0,58

0,83

0,00

0,31

0,00

Résultat

0,11

0,05

0,00

0,01

0,00

Les budgets de « frais spécifiques » alloués par les partenaires non français ne sont pas gérés par TV5 Monde

Source : réponse au questionnaire budgétaire

En outre, TV5 Monde s'est engagée, en 2014, dans un processus de réduction de la précarité de l'emploi, avec un plan d'intégration progressif de pigistes et d'intermittents qui verra ses effets en 2015.

La publicité et le parrainage sur TV5 Monde font l'objet d'un contrat de régie avec France Télévisions Publicité dont l'échéance est le 31 décembre 2015. Ce contrat prévoyait un minimum garanti pour les années 2009 à 2012 : 3,3 millions d'euros en 2009 et 4,2 millions d'euros pour 2010, 2011 et 2012.

Cependant, le minimum garanti a toujours été supérieur au chiffre d'affaires effectivement réalisé, et l'écart entre les deux montants n'a cessé de croître au cours des trois dernières années passant de 1 million d'euros en 2010 à 1,7 million d'euros en 2012. Le contrat ne prévoit plus de minimum garanti à compter de 2013.

Les ressources publicitaires de TV5 Monde

Ressources publicitaires
(en millions d'euros)

Régie interne TV5 Monde

Régie France Télévisions publicité

Total

CA brut

CA net réel

Complément MG

2008

0,68

2,20

2,89

2009

3,03

0,27

3,3

2010

3,22

0,98

4,2

2011

3,14

1,06

4,2

2012

2,55

1,65

4,2

2013

2,50

2,5

Prévision 2014

2,50

2,5

Évolution 2009-2014

-17,5 %

-24,2 %

Source : réponse au questionnaire budgétaire

Les recettes nettes réalisées en 2013 se sont établies à 2,5 millions d'euros, en léger retrait (-1,76 %) par rapport aux recettes réalisées en 2012 hors minimum garanti, ce qui tient lieu de « performance » compte tenu des fortes baisses enregistrées par la plupart des médias audiovisuels francophones en 2013.

Environ 80 % des espaces vendus sur les antennes de TV5 Monde proviennent d'écrans publicitaires « classiques » (spots TV) et 20 % de parrainage d'émissions.

Les perspectives de croissance du marché publicitaire pour TV5 Monde sont faibles, en raison notamment de l'érosion du chiffre d'affaires publicitaire de TV5 Monde du fait du passage à la TNT et de la création de nouvelles chaînes gratuites. TV5 Monde, absente de la TNT, mode de réception dominant, se trouve de plus en plus marginalisée, y compris dans les offres câble-satellite, où les chaînes de la TNT sont mieux positionnées.

Le même problème apparaît en Afrique où les performances sont plutôt satisfaisantes, mais où la marge de progression est limitée du fait de la concurrence accrue de chaînes publiques ou privées en langue locale, panafricaines ou internationales. De nouvelles chaînes familiales ou d'information sont d'ailleurs sur le point d'être lancées encore dans les prochains mois, attirées par le fort développement économique de ce continent.

À noter enfin que les recettes publicitaires sur le site Internet ont fortement augmenté en 2013 (+29 % entre 2012 et 2013), notamment grâce à la mise en place de nouveaux formats publicitaires attractifs. Elles représentent 8 % environ du chiffre d'affaires publicitaire.

5. La nécessité d'envisager de nouvelles pistes

Dans le rapport effectué l'année passée au nom de notre commission, votre rapporteure pour avis avait tenu à souligner « l'importance jouée par la chaîne TV5 Monde dans le rayonnement de la francophonie » 1 ( * ) . Elle avait également estimé qu' « une large distribution de la chaîne (était) l'outil essentiel d'efficacité de la politique menée par la France dans ce domaine » .

Or, le développement de TV5 Monde est aujourd'hui contraint à la fois par la stabilité des contributions des actionnaires publics mais aussi par la tendance à la baisse du marché publicitaire qui s'explique par des difficultés de distribution et un accroissement de l'offre concurrente.

Cette double évolution constitue une tendance lourde qui appelle, en réponse, des évolutions stratégiques de la part de TV5 Monde pour accroître sa visibilité et développer de nouveaux services.

Les grandes priorités de TV5 Monde concernent le basculement en HD qui a été opéré aux États-Unis, en Asie, dans le Golfe persique et qui reste à faire en Amérique latine et en Afrique. La chaîne est en négociation au Brésil afin de développer un quota de production locale. Mais les deux grandes priorités concernent surtout le lancement d'une chaîne enfant en Afrique pour lequel il manque encore 1,5 million d'euros et le projet d'une chaîne consacrée à l'art de vivre à destination de l'Asie.

TV5 Monde est également très présent sur le numérique avec des offres de replay et de streaming mais aussi une offre de vidéo à la demande par abonnement en Amérique latine. La société, qui dispose d'une forte notoriété, a aussi lancé une offre sur Internet d'accès à 200 grands classiques de la littérature francophone qui a reçu un excellent accueil du public.

Le lancement par Canal+ de la nouvelle chaîne A+ destinée à l'Afrique francophone constitue à la fois une concurrence pour TV5 Monde et une opportunité pour développer des coproductions.

En définitive, votre rapporteure pour avis estime qu'il n'est plus possible de penser séparément la diffusion de TV5 Monde du reste du service public de l'audiovisuel. Avec le financement intégral de la quote-part de la France par la contribution à l'audiovisuel public, le téléspectateur français est en droit de pouvoir accéder à ces programmes de qualité qui devraient avoir toute leur place sur la TNT.

L'avenir de l'audiovisuel public dépendra de deux critères, le niveau de la contribution audiovisuelle publique, d'une part, et son périmètre, d'autre part. Plus il y aura de chaînes à financer, plus les ressources nécessaires seront importantes ; moins nous voudrons augmenter la contribution à l'audiovisuel public pour nous rapprocher des niveaux pratiqués au Royaume-Uni et en Allemagne, moins il nous sera possible de maintenir certaines chaînes qui n'ont pas trouvé leur public mais qui coûtent cher.

Le budget d'une chaîne qui fait aujourd'hui débat, comme France 4, s'élève à 40 millions d'euros pour une audience faible. À un moment où l'on s'interroge sur l'avenir de France Télévisions et notamment sur son périmètre, votre rapporteure pour avis observe que si l'existence de France 4 devait être remise en cause, il pourrait être intéressant de réfléchir à la possibilité de lui substituer TV5 Monde sur la TNT afin, tout en réalisant de substantielles économies, d'enrichir l'offre de programmes proposée aux téléspectateurs français car TV5 Monde constitue une belle ouverture sur d'autres cultures francophones : belge, suisse, québécoise mais aussi africaine, arabe, asiatique. Le coût de sa diffusion sur la TNT serait de 13 à 15 millions d'euros du fait du surcroît de droits qui devrait être payé .

II. LA NÉCESSAIRE MUTUALISATION DES MOYENS DES ACTEURS PUBLICS QUI CONCOURENT À L'AUDIOVISUEL EXTÉRIEUR

A. LA MUTUALISATION DES MOYENS ENTRE TV5 MONDE ET FRANCE MÉDIAS MONDE

L'adossement capitalistique de TV5 Monde à France Télévisions, devenu le premier actionnaire de la chaîne en 2013 à la place de France Médias Monde, ne remet pas en cause la poursuite de certaines coopérations entre TV5 Monde et FMM, en particulier en matière d'études d'audience. Ces coopérations sont indispensables pour la mise en place effective d'une coordination entre FMM et TV5 Monde afin d'assurer la cohérence de la distribution des chaînes et le partage des expériences de terrain.

Dans cette perspective, un accord-cadre de partenariat a été rédigé par les responsables des deux entreprises et est en phase d'approbation par les comités d'entreprise et conseils d'administration respectifs. Cet accord, qui devait entrer en vigueur à l'automne 2014, prévoit quatre champs principaux de coopération : la distribution, le marketing, l'éditorial et les études.

1. La distribution

En matière de distribution, la coopération concerne essentiellement TV5 Monde et France 24, et des synergies sont déjà recherchées. Les directions des technologies des deux sociétés se sont rapprochées afin de rechercher une action globale s'agissant de la supervision technique des réseaux de distribution et des équipements techniques.

L'objectif de l'accord est de conforter les chaînes dans leur développement en évitant toute concurrence entre elles et en alliant, au contraire, leurs efforts dans une démarche de bénéfice mutuel. Il prévoit notamment des échanges d'informations sur les marchés et leurs évolutions, et sur les enjeux respectifs des chaînes sur ces marchés. L'accord prévoit la mise en place de comités d'échanges et de coordination par zone géographique et l'élaboration d'un document commun à l'attention des distributeurs, démontrant la complémentarité des chaînes et l'intérêt pour les opérateurs de proposer les deux à leurs clients.

S'agissant de la politique commerciale et des négociations avec les opérateurs, TV5 Monde et France Médias Monde s'engagent à ne signer aucun accord de distribution dont les conditions, en particulier économiques, seraient susceptibles d'engendrer l'éviction de l'autre.

2. Le marketing et la communication

En matière de marketing et de communication, TV5 Monde et France Médias Monde s'engagent à développer leur coopération marketing sur les marchés et dans les langues qu'elles proposent, en diffusion ou en sous-titrage, notamment en ce qui concerne leurs langues communes. Cette coopération reposera en premier lieu sur la promotion croisée des marques et médias des deux sociétés, selon un principe d'échange de visibilité.

Des collaborations existent déjà entre les deux sociétés. FMM et TV5 Monde ont élargi la politique de co-branding de leurs marques respectives avec un partage des coûts des objets promotionnels, notamment pour le Forum mondial des femmes francophones de Kinshasa, les Journées du réseau diplomatique et de l'Institut Français, le lancement du programme Génération bilingue avec RFI, les différents Congrès de professeurs de FLE. Les services de presse des deux sociétés sont également amenés à travailler ensemble, pour la publication de communiqués communs notamment.

3. L'éditorial

Les deux sociétés ont également déjà développé des synergies du point de vue éditorial.

TV5 Monde et RFI ont signé, à compter du 1 er juillet 2012, un accord relatif à l'utilisation des oeuvres musicales éditées par RFI à des fins de sonorisation des programmes de TV5 Monde.

En matière d'information, le partage du réseau de correspondants à l'étranger (rémunérés à la pige) avec FMM ou des échanges d'images sont des pratiques courantes. Une mutualisation des moyens de productions et de transmission s'effectue autant que possible quand les deux entreprises couvrent les mêmes événements.

S'agissant de la radio et de la télévision, des coproductions ont déjà été développées entre RFI et TV5 Monde (« Internationales », « Afrique Presse », deux magazines hebdomadaires produits et diffusés simultanément sur les deux médias). D'autres initiatives pourront être développées, en veillant à préserver un juste équilibre entre la recherche de synergies et le respect du positionnement éditorial de chacun des médias.

S'agissant de France 24 et de TV5 Monde, hormis des opérations ponctuelles événementielles, il s'agira d'éviter les redondances qu'engendreraient des coproductions, sous peine de créer des risques d'éviction entre les chaînes, et, au contraire, mettre l'accent sur leur complémentarité.

La coopération éditoriale entre TV5 Monde et les médias de France Médias Monde pourra donc prendre des formes variées telles que des émissions événementielles, des contenus Internet (site « Terriennes » de TV5 Monde traduite en arabe par MCD), des partenariats relatifs à l'apprentissage de la langue française ou encore des recours aux mêmes correspondants (ensemble des médias).

4. Les études

Dans le domaine des études, notamment d'audience, TV5 Monde et FMM ont déjà réalisé des synergies dont les modalités sont formalisées dans le projet de convention. Un dispositif très complet de mesures d'audience communes a ainsi été mis en place. Il concerne notamment :

- l'étude panafricaine Africascope qui a intégré France 24 et a été élargie à deux nouveaux pays grâce à une négociation menée conjointement ;

- l'étude Maghréboscope, basée sur les mêmes principes ;

- l'étude pan-européenne EMS, qui a été élargie à la Turquie et couvre désormais 21 pays ;

- les mesures d'audience Internet, confiées à un prestataire unique (Digital analytix-Comscore) après appels d'offres communs.

Enfin, d'une manière générale, d'autres appels d'offres communs seront recherchés chaque fois qu'ils permettront aux deux sociétés de réaliser des économies.

Le contrat d'objectifs et de moyens 2013-2015 de FMM et le plan stratégique 2014-2016 de TV5 Monde font état des principaux domaines de cette coopération.

B. LES SYNERGIES ENTRE FRANCE TÉLÉVISIONS ET LES ACTEURS DE L'AUDIOVISUEL EXTÉRIEUR

1. Les coopérations entre France Télévisions et France Médias Monde (FMM)

La coopération entre FMM et France Télévisions est actuellement encadrée par un contrat commercial portant sur la fourniture d'images (images, reportages et archives) de France Télévisions à France 24 et de prestations diverses à l'occasion des voyages officiels.

Cette convention de collaboration porte sur l'approvisionnement par France 2 et France 3 d'images d'actualité au profit de France 24. Elle concerne en particulier les sujets d'actualité prêts à être diffusés (PAD) diffusés (JT), les sujets PAD non diffusés et rush , les magazines, les images « sport », les sujets d'archives, le reformatage ainsi que des captations des « voyages officiels ».

Par ailleurs une convention de régie a été conclue entre France 24 et France Télévisions Publicité (FTP) par laquelle France 24 a confié en exclusivité à France Télévisions Publicité la commercialisation de ses espaces publicitaires et de ses espaces de parrainage, y compris dans le cadre des opérations d'échange de marchandises. Cette convention a été signée pour cinq ans du 1 er janvier 2011 au 31 décembre 2015.

Cette convention de régie prévoyait un minimum garanti de chiffre d'affaires pour France 24 jusqu'en 2012. En 2013, première année sans garantie de chiffre d'affaires, les recettes publicitaires se sont établies à 1,6 million d'euros (nettes de commission de régie), très inférieures au budget de 2,9 millions d'euros ainsi qu'à la réalisation du chiffre d'affaires net des années précédentes (2012 : 2,3 millions d'euros).

Compte tenu des résultats d'audiences satisfaisants de France 24, la dégradation des résultats publicitaires de 2013 ne peut être imputable seulement à la baisse du marché publicitaire mondial.

Les perspectives 2014 n'étaient guère plus encourageantes puisque les nouvelles prévisions, suite aux résultats 2013, s'élevaient à 1,8 million d'euros. Après avoir étudié différents scénarios, y compris la ré-internalisation de la régie publicitaire, France Médias Monde a décidé de privilégier son partenariat avec France Télévision Publicité en lui demandant un changement profond d'organisation, de pilotage et de stratégie.

Plusieurs décisions ont ainsi été prises :

- le rétablissement d'un minimum garanti pour 2014 ;

- le renforcement des équipes commerciales et la nomination d'un directeur général ;

- la mise en place de réunions bimensuelles entre la régie publicitaire et la rédaction de France 24 ;

- la commercialisation du signal français en France sur le câble, l'ADSL et le satellite ;

- la commercialisation du numérique en France en association avec les chaînes de France Télévisions.

L'impact de ces décisions commence à se faire sentir. D'après FTP, la reprévision du chiffre d'affaires publicitaire pour 2014 devrait être de l'ordre de 2 millions d'euros (+11 % par rapport au minimum garanti). Ces efforts devront être poursuivis en 2015 et devraient permettre de retrouver un levier de croissance plus important pour les recettes de France Médias Monde.

2. Les coopérations entre France Télévisions et TV5 Monde

À la suite de la décision du Gouvernement de faire de France Télévisions le premier actionnaire de TV5 Monde, la cession de 36,42 % du capital de la société TV5 Monde, par France Médias Monde (FMM), à la société France Télévisions, pour un montant de 445 926,84 euros, a été approuvée, le 23 mai 2013, par arrêtés du ministre des affaires étrangères, du ministre de l'économie et des finances et de la ministre de la culture et de la communication.

La participation de France Télévisions au capital de TV5 Monde s'élève désormais à 49 %, ce qui en fait le premier actionnaire de la chaîne multilatérale. Ce transfert capitalistique permet de renforcer encore la visibilité internationale des programmes et des journaux de France Télévisions dans toute leur diversité : magazines, divertissements, jeux, événements, mais aussi les oeuvres (films, fictions, documentaires...) de France 2, France 3, France 4, France 5 et France Ô. Chaque année, les chaînes de France Télévisions mettent ainsi à disposition de TV5 Monde près de 22 000 heures de programmes qui sont diffusées au travers de ses antennes.

Depuis le nouveau rapprochement entre France Télévisions et TV5 Monde, cette offre s'est encore enrichie, grâce à une fluidité accrue des relations. Devenu plus direct, l'accès au catalogue des programmes a été facilité, ainsi qu'aux métadonnées : un accord équitable a ainsi été trouvé pour que TV5 Monde puisse bénéficier des sous-titrages pour sourds et malentendants réalisés pour France Télévisions et déjà financés par la CAP.

Les synergies se renforcent également en matière de production : TV5 Monde a pu réaliser plus de préachats, notamment en fiction, dans le cadre des productions initiées par certaines chaînes du groupe France Télévisions.

Face à la mutation de consommation des programmes par les publics, le rapprochement des deux structures a aussi contribué à accroître les droits de rattrapage des programmes de France Télévisions sur l'offre numérique de TV5 Monde.

Les équipes numériques se sont aussi rapprochées pour proposer des offres complémentaires : coproduction de web documentaires, partage d'expertise sur les métiers des réseaux sociaux, développement en commun d'un générateur d'application sur Facebook.

Le rapprochement entre les deux entités permet également une plus grande mise en commun de moyens et de ressources.

Les synergies avec France Télévisions comptent parmi les plus significatives au sein des pistes d'économies recherchées par TV5 Monde afin de pouvoir initier les développements prioritaires de son nouveau Plan stratégique 2014-2016. L'association de TV5 Monde aux appels d'offres de France Télévisions peut lui permettre de réaliser des économies importantes, compte tenu de la puissance du groupe.

Les résultats de l'appel d'offres, réalisé en commun, relatif à l'hébergement et à la bande passante sur Internet, permettent de dégager une économie de l'ordre de 20 000 euros par mois, voire plus selon le niveau de consommation des vidéos par les internautes du site. Les contrats de transports (transport aérien, location de voitures) mais aussi de location de photocopieurs permettent de bénéficier aussi de meilleures conditions du fait de l'adossement au groupe France Télévisions. D'autres chantiers d'économies sur les services d'achats ont vocation à être développés au fur et à mesure des opportunités et des dates de fin de contrats.

Le rapprochement se traduit également par un meilleur travail de coordination au quotidien entre la chaîne et sa régie publicitaire France Télévisions Publicité afin de potentialiser de façon efficace ses actions et audiences. TV5 Monde a également renouvelé sa convention exclusive avec France Télévisions Publicité pour la commercialisation de ses plateformes numériques (sites de rattrapage de programmes, applications mobiles et télévisions connectées).

Compte tenu de ces observations, votre rapporteure pour avis propose à la commission d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés à l'audiovisuel extérieur dans la mission « Médias, livre et industries culturelles » du projet de loi de finances pour 2015 .

*

* *

La commission émet un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » du projet de loi de finances pour 2015 .

EXAMEN EN COMMISSION

_______

MARDI 18 NOVEMBRE 2014

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis des crédits du programme « Audiovisuel et avances à l'audiovisuel public » . - L'année 2014 constitue assurément un tournant pour le paysage audiovisuel français.

L'arrivée de Netflix en France aura servi de déclic pour mettre sur la place publique des problématiques qui constituent autant de défis pour le secteur audiovisuel français. Quel avenir pour la télévision classique dite « linéaire » ? Quelle place pour les services « délinéarisés » ( video on demand - VOD, subscription video on demand - SVOD) ? Quelles conséquences, enfin, pour le métier même d'éditeur de programmes qui consiste précisément à « recommander » des choix si les algorithmes se substituent au savoir-faire des chaînes de télévision ?

La révolution numérique qui s'accélère constitue un défi pour le service public de l'audiovisuel qui doit élaborer une réponse fidèle à ses valeurs tout en étant confronté à une réduction des moyens disponibles.

Avant aborder les problématiques propres à chacun des acteurs de l'audiovisuel public, je commencerai par évoquer l'évolution des moyens consacrés à l'audiovisuel public.

Le Gouvernement a annoncé en juillet dernier, lors du débat d'orientation budgétaire, son intention de supprimer à l'horizon 2017 l'ensemble des dotations budgétaires et de leur substituer la seule contribution à l'audiovisuel public (CAP). Dès 2015, l'augmentation de la contribution à l'audiovisuel public de 3 euros (dont 1 euro au titre de l'inflation) prévue par l'article 27 du projet de loi de finances permet de financer intégralement France Médias Monde et TV5 Monde ainsi que nous le verrons, dans un instant, avec le rapport de notre collègue Claudine Lepage.

Toutefois, cette hausse ne permet pas de répondre aux besoins de financement de l'ensemble de l'audiovisuel public comme l'illustrent le maintien d'une dotation de 160,4 millions d'euros pour France Télévisions et les incertitudes qui demeurent concernant le bouclage du budget 2015 de l'opérateur public.

Voilà pourquoi le débat sur la contribution à l'audiovisuel public est devenu une nécessité. Avant d'évoquer la question de son élargissement, il m'a semblé utile d'examiner son rendement actuel. Nous savons, en effet, que le produit de la contribution à l'audiovisuel public devrait être en 2015 de 3,67 milliards d'euros, soit une hausse de 3,3 % par rapport à 2014. Mais j'ai été étonné de constater à la fin du mois d'octobre que les questions sur le taux de recouvrement et la lutte contre la fraude n'avaient reçu aucune réponse du ministère de la culture et de la communication, celui-ci m'indiquant par écrit ne pas avoir recueilli d'éléments de la part de Bercy.

Plus étonnant encore, la direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC) m'a répondu, par écrit, que la direction générale des finances publiques ne réalisait pas de mesure du taux de fraude.

Que doit-on penser de cette situation ? Faut-il en conclure que la politique de lutte contre la fraude à la contribution à l'audiovisuel public n'est pas une priorité et que son rendement serait si défaillant qu'il y aurait urgence à nous refuser ces informations ? Quelle serait, dans ces conditions, la légitimité de la hausse de 3 euros demandée cette année et du débat sur l'élargissement de l'assiette ?

Avant d'augmenter ce prélèvement, il convient d'abord de s'assurer - au nom de l'équité fiscale - que tout le monde le paye bien. C'est pourquoi nous avons décidé avec Mme la présidente d'écrire le 30 octobre dernier au secrétaire d'État chargé du budget pour lui demander des explications. Or, au 18 novembre, nous n'avons toujours pas reçu la moindre réponse, ni même un accusé de réception, ce qui ne me semble pas être le meilleur moyen de mener un dialogue constructif avec le Parlement sur ce sujet.

Ce qu'il faut avoir à l'esprit, c'est que plus la fraude serait importante, moins un élargissement de la contribution à l'audiovisuel public (CAP) serait pertinente puisque le contrôle de la possession d'une tablette ou d'un smartphone ne sera pas moins difficile que celui d'un poste de télévision, bien au contraire. Une telle situation devrait alors nous amener à examiner d'autres fondements à la CAP comme l'ont fait nos voisins allemands.

Jusqu'au 1 er janvier 2013, la redevance en Allemagne était prélevée par récepteur mensuellement à hauteur de 5,76 euros pour la radio, 12,22 euros pour un téléviseur et, on le sait moins, 5,76 euros pour un ordinateur ou un smartphone depuis le 1 er janvier 2007. Elle était aussi due pour une résidence secondaire ou de vacances.

La réforme de 2013 a prévu la substitution d'un système de contribution (« Beitrag ») à un système de redevance dont le produit baissait du fait de l'accroissement du nombre d'ordinateurs (moins taxés que les téléviseurs) et du développement de la fraude.

La nouvelle contribution repose sur le fait que les contenus de l'audiovisuel public sont maintenant accessibles à tous sur tous supports et qu'il n'y a plus lieu de taxer les supports. Le nouveau prélèvement - 17,98 euros par mois soit 215 euros par an - est donc payé forfaitairement par résidence (principale ou secondaire), indépendamment du nombre de personnes y résidant ou du nombre d'appareils de radiodiffusion disponibles.

Cette réforme allemande doit nous interpeller. Faut-il, en effet, élargir l'assiette de la contribution à l'audiovisuel public sachant que nous ignorons à peu près tout des conditions de son recouvrement et que le risque de fraude ne fera que grandir ? Ou faut-il nous orienter vers un prélèvement forfaitaire par résidence qui aurait le mérite de la simplicité et de l'équité ? Je souhaite, pour ma part, qu'un vrai débat ait lieu avec le Gouvernement sur ce sujet car je ne trouve aucune raison convaincante de ne pas nous orienter, à notre tour, sur le chemin choisi par nos voisins allemands.

J'en viens maintenant à France Télévisions qui constitue l'autre grand sujet du moment. Les crédits prévus pour France Télévisions dans ce projet de budget pour 2015 s'élèvent à 2,48 milliards d'euros, soit une baisse de 0,5 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2014. Ils comprennent une part prédominante de crédits issus de la contribution à l'audiovisuel publique - 2,32 milliards d'euros HT inscrits au programme 841 du compte de concours financier « Avances à l'audiovisuel public » - et une dotation budgétaire de 160,4 millions d'euros en provenance du programme 313 du budget général. Cette dotation est inférieure de 4,6 millions d'euros HT au montant inscrit au plan d'affaires de l'avenant 2013-2015 au contrat d'objectifs et de moyens (COM) 2011-2015.

Mais cette baisse de dotation ne constitue pas le seul motif de la précarité de la situation budgétaire de France Télévisions. L'objectif de retour à l'équilibre en 2015 prévu par l'avenant au COM risque, en effet, de ne pas être tenu compte tenu des aléas qui pèsent sur la trajectoire des ressources et des charges de l'entreprise.

Trois difficultés rentrent, en effet, en ligne de compte :

- les incertitudes fortes qui continuent à peser sur l'évolution du marché publicitaire ;

- la réduction de la dotation budgétaire de 7 millions d'euros dans le cadre de la loi de finances rectificative a montré que le financement public de France Télévisions n'était pas pleinement assuré dans sa composante issue du budget de l'État ;

- la diminution de la trajectoire d'effectifs prévue par l'avenant au COM nécessite un plan de départs important.

Dans ces conditions, l'entreprise va devoir en 2015 finaliser le plan de départs volontaires ramenant l'effectif à 9 750 équivalents temps plein (ETP) fin 2015, poursuivre la politique de rationalisation induite par la fusion et rechercher avec l'État un nouveau schéma de financement.

Le groupe France Télévisions se trouve donc dans une situation compliquée à la veille de 2015 car les incertitudes identifiées fragilisent les dispositions du projet de loi concernant France Télévisions.

Face à cette situation, le président de France Télévisions a ouvert un débat sur le retour à la publicité de 20 heures à 21 heures et pendant la diffusion des grands événements sportifs afin de pouvoir augmenter les ressources publicitaires. Je ne vous cacherai pas ma circonspection face à cette perspective. Quel serait, en effet, le sens de maintenir la suppression de la publicité seulement après 21 heures ? Comment ne pas penser que, pour les mêmes motifs budgétaires, il nous sera proposé ultérieurement de rétablir la publicité entre 21 heures et 22 heures ? On le voit, la direction de France Télévisions est aujourd'hui réduite à trouver des expédients pour boucler son budget ce qui jette le flou sur le projet même de l'entreprise.

Or force est de constater que la réforme de 2013 sur les modalités de nomination du président de France Télévisions n'a pas arrangé la situation. Loin de moi l'idée de rouvrir le débat de l'année dernière et je prends acte du fait que la nomination par le Président de la République ne faisait pas l'unanimité entre nous, mais je crains aujourd'hui que la réforme adoptée n'ait, en fait, aggravé la situation.

Le budget de France Télévisions est négocié entre l'opérateur et son actionnaire, c'est-à-dire l'État. C'est donc à l'État de définir un projet, une vision, un modèle économique et de faire des choix. La désignation du futur président de France Télévisons par le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) rend la situation extrêmement complexe puisque, comme le prévoit l'article 12 de la loi de du 15 novembre 2013 : « les candidatures sont présentées au CSA et évaluées par ce dernier sur la base d'un projet stratégique » et rien n'indique que ce projet sera celui de l'actionnaire.

Plus grave encore à mon sens, en confiant le pouvoir de nomination au régulateur, le Législateur a créé une situation de conflit d'intérêts qui affaiblit structurellement France Télévisions par rapport à ses concurrents. TF1, par exemple, n'hésite pas à contester en justice des décisions du CSA devant les tribunaux. Qui peut imaginer que le président de France Télévisions pourrait faire de même sachant que c'est le CSA qui a le pouvoir de le nommer et de le révoquer ?

On le voit, la situation de France Télévisions demande une vraie clarification qui passe par la définition d'un véritable projet. Une réflexion est nécessaire sur le périmètre de l'opérateur - et notamment sur la pertinence de France 4 et France Ô - mais aussi sur le modèle économique, ce qui nous ramène à la contribution audiovisuelle publique. Ces réflexions sont au coeur de la mission qui a été confiée par le Gouvernement à Marc Schwartz afin de définir une feuille de route pour l'actionnaire. Je proposerai à notre présidente que notre commission joue un rôle actif dans les prochains mois pour définir également sa propre vision de l'avenir du service public de l'audiovisuel et des réformes qui doivent être menées, ce qui pourra aussi concerner la gouvernance.

À cet égard, je propose que l'on étudie, pour l'avenir, la possibilité que les conseils d'administration des entreprises de l'audiovisuel public nomment eux-mêmes leurs présidents, ce qui constituerait, à mon sens, le vrai signe d'une normalisation de ce secteur.

La situation d'Arte est très différente de celle de France Télévisions. La clarté du projet de la chaîne culturelle franco-allemande coïncide avec des résultats de plus en plus satisfaisants.

Concernant les moyens, le projet de loi de finances prévoit de lui attribuer 261,8 millions d'euros HT soit une enveloppe en légère hausse de +0,5 % qui correspond à une quasi-stabilisation de la ressource publique, après une réduction exceptionnelle d'un million d'euros décidée par la loi de finances pour 2014.

Alors que le nombre de chaînes a augmenté sur la télévision numérique terrestre (TNT), la chaîne franco-allemande a accru son audience de 33 % en deux ans, passant de 1,5 % en 2011 à 2 % en 2013. La ligne éditoriale qui est devenue plus accessible sans rien céder sur le niveau de qualité constitue également une réussite qui doit être soulignée.

La situation d'Arte France reste cependant fragile financièrement. Malgré la hausse de la ressource publique, la chaîne devra prélever 7,5 millions d'euros sur son fonds de roulement. Arte compte à l'avenir retrouver des marges de manoeuvre avec l'arrêt de la diffusion en basse définition (SD) au printemps 2016 qui devrait lui permettre d'économiser 6,5 millions d'euros en année pleine et mise sur une augmentation de ses ressources propres qui comptent aujourd'hui pour 3 millions d'euros à travers, notamment, la commercialisation de programmes.

J'en viens maintenant à Radio France. Le montant de la ressource publique s'établit à 614,4 millions d'euros TTC (601,8 millions d'euros HT) soit un montant stable par rapport à 2014, mais en baisse significative par rapport à 2013. Depuis 2012, la contribution de Radio France au plan de retour à l'équilibre des finances publiques s'est élevée à 87,6 millions d'euros. Radio France s'est engagé dans un effort de contrôle de la masse salariale avec un objectif de stabilité des effectifs et a mis en place une nouvelle politique des achats et de contrôle des frais généraux.

Faute de marges de manoeuvre supplémentaires, Radio France ne devrait pas être en mesure en 2015 d'absorber la baisse attendue de ses ressources propres due, pour l'essentiel, aux moindres résultats du marché publicitaire ainsi que l'augmentation de ses charges incompressibles (hausse de la fiscalité locale, amortissements liés au chantier de réhabilitation, glissement sur la masse salariale...). La direction de la société prévoit ainsi un déficit de 15 à 20 millions d'euros. Pressée de trouver des solutions, la direction de Radio France en est à demander un élargissement de la publicité à travers une refonte de son cahier des charges permettant de diversifier les annonceurs. Je ne suis pas sûr que ce type d'expédients constitue, là encore, une solution durable et souhaitable.

Le nouveau président de Radio France, Mathieu Gallet, semble avoir pris la mesure des difficultés ainsi que l'urgence qu'il y a à adopter des mesures structurelles. Faut-il fusionner des antennes ? Faut-il ne garder qu'un seul orchestre au lieu des deux actuellement ? Faut-il engager un plan de départs volontaires ? Toutes ces questions ainsi que celle de la stratégie numérique de Radio France devront recevoir des réponses dans le nouveau COM qui devrait être adopté en décembre et soumis à notre examen au premier trimestre 2015.

Quelques éléments maintenant sur le chantier de rénovation dont le coût est passé de 333 millions d'euros à 584 millions d'euros. Cette « dérive » est liée au fait que le projet n'a pas été conçu, dès le départ, dans sa globalité et que les travaux ont été engagés tout en conservant l'activité dans le bâtiment. Mathieu Gallet m'a indiqué que l'incendie du 31 octobre dernier devrait reporter à 2018 la fin du chantier, alors que le coût des locations est estimé à 10 millions d'euros par an.

Un mot sur les crédits en faveur du Fonds de soutien à l'expression radiophonique qui s'élèveront à 29 millions d'euros en 2015. La réforme du Fonds prévue en 2015 devrait permettre de rendre plus exigeants les critères d'octroi des subventions et d'éviter l'effet de « saupoudrage ». Il convient d'être attentif à l'évolution de ce dispositif qui joue un rôle social et culturel important au niveau local.

J'en viens, enfin, à l'Institut national de l'audiovisuel (INA) qui constituait l'année dernière un sujet de préoccupation pour notre commission compte tenu de la forte baisse de la dotation qui était intervenue au travers d'un prélèvement de 19,8 millions d'euros sur le fonds de roulement. Le projet de loi de finances pour 2015 prévoit une dotation équivalente à celle de 2013, à hauteur de 90,9 millions d'euros.

L'INA est sans doute arrivé à un moment charnière de son histoire après l'achèvement du cycle engagé dans les années 1990 consacré au plan de sauvegarde du patrimoine et à l'ouverture des archives au public. La nouvelle présidente désignée en mai 2014, Agnès Saal, a compris qu'un nouveau projet était nécessaire pour motiver les équipes. Elle a également intégré la nécessité de développer un nouveau projet industriel privilégiant un accroissement des ressources propres. Agnès Saal est, en particulier, mobilisée pour proposer une démarche de sauvegarde à de nouveaux acteurs du monde culturel et de l'entreprise, en France comme à l'étranger. Elle a aussi une forte ambition dans le domaine numérique avec un projet d'offre de vidéo à la demande par abonnement.

Ces nouvelles priorités devraient figurer dans le prochain COM 2015-2019 que nous devrions être amenés à examiner au premier trimestre 2015. Ce COM présentera un nouveau projet immobilier qui devrait prévoir le maintien à Bry-sur-Marne avec la construction d'un nouveau bâtiment, les locaux de l'INA dans le 13 e arrondissement à Paris devant, à terme, être abandonnés. Je crois, Mme la présidente, que notre commission pourrait utilement envisager un déplacement à l'INA, à nouveau, au premier trimestre 2015 dans le cadre de l'examen du COM pour examiner ce projet immobilier.

La situation de l'audiovisuel en 2015 est donc contrastée. Certes, à court terme, il peut sembler que les crédits ont été préservés mais, en fait, trop d'incertitudes demeurent notamment concernant France Télévisions et le flou qui entoure aujourd'hui la contribution à l'audiovisuel public n'est pas satisfaisant.

Je vous propose donc de donner un avis défavorable à l'adoption des crédits consacrés à l'audiovisuel.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Merci, monsieur le rapporteur pour cet examen très complet. Je cède la parole à Mme Claudine Lepage.

Mme Claudine Lepage, rapporteure pour avis des crédits du programme « Audiovisuel extérieur » . - Comme vient de nous le rappeler notre collègue Jean-Pierre Leleux, cette année est marquée par une accélération de la convergence numérique qui touche tous les médias, transforme le paysage audiovisuel en favorisant l'émergence de nouveaux acteurs et rend indispensable l'élaboration de nouveaux services innovants.

L'audiovisuel extérieur n'échappe pas à ce phénomène puisque le numérique, par nature, se joue des frontières. Il est d'autant plus concerné par ces changements que l'actualité est redevenue brulante sur un certain nombre de fronts : en Ukraine, en Syrie et en Irak, au Mali. Dans ces conditions, tous les acteurs ont bien compris que l'information était devenue un instrument d'influence. La Russie vient ainsi de lancer un nouveau service multimédia international dénommé « Sputnik » qui intègre un nouveau site Internet et la nouvelle agence de presse « Russie d'aujourd'hui » qui comprend la radio « Voix de Russie » et un service en langues étrangères. Ce nouveau service diffusera ses informations sur Internet mais aussi à la radio dans une trentaine de pays - dont la France - afin de donner je cite « une interprétation alternative » des événements du monde.

Nous ne pouvons évoquer cette explosion du numérique dans les médias, sans mentionner, bien sûr, la douloureuse et toute récente actualité, et l'impact certain qu'elle a eu sur les dizaines voire les centaines de jeunes partis pour l'Irak et la Syrie qui ont tous muri leur projet au contact de médias étrangers - souvent arabophones ou anglophones - qui ont investi Internet et les chaînes d'information en continu.

Le temps n'est plus, où l'audiovisuel extérieur pouvait être considéré simplement comme un outil du développement de la francophonie. Plus que jamais, notre audiovisuel extérieur constitue un instrument d'influence au service aussi de la défense de nos valeurs. C'est le cas lorsque les Russes regardent France 24 en anglais pour s'informer sur la guerre de Crimée et d'Ukraine (avec des taux d'audience supérieurs à ceux de BBC - British Broadcasting Corporation - et CNN - Cable News Network ). C'est aussi le cas lorsque Monte Carlo Doualiya (CMD), chaîne publique de radio arabophone diffuse à Marseille et propose une alternative aux médias étrangers dont la conception d'une information vérifiée, pluraliste et indépendante diffère de la nôtre.

Ces enjeux, effectivement particulièrement sensibles cette année, appellent une attention nourrie quant à la mission plus que jamais essentielle de l'audiovisuel public extérieur. Il me semble que dans le contexte difficile que nous connaissons, l'essentiel a été préservé et un certain nombre de clarifications bienvenues ont été opérées.

La première clarification concerne le financement de l'audiovisuel extérieur au travers de la seule contribution à l'audiovisuel public. Dans la perspective de la suppression de l'ensemble des dotations budgétaires à l'audiovisuel public à l'horizon 2017 une première étape importante a été atteinte cette année avec la suppression du programme 115 « Action audiovisuelle extérieure » de la mission « Médias, livre et industries culturelles ».

Le compte de concours financiers s'enrichit ainsi d'un nouveau programme 847 « TV5 Monde » doté de 77,8 millions d'euros TTC (soit 76,2 millions d'euros HT), un montant stable par rapport à 2014. Il voit ensuite croître les crédits du programme 844 « France Médias Monde » qui passent de 169,9 millions d'euros en 2014 à 247 millions d'euros en 2015 (242 millions d'euros HT) du fait du transfert de crédits du programme 115. À périmètre constant, la dotation augmente de 0,9 %.

Dans le contexte budgétaire extrêmement contraint que nous connaissons, je tiens à saluer particulièrement la stabilité de ces crédits. Cependant, l'annulation de crédits de France Médias Monde à hauteur de quelques 612 000 euros en juillet dernier dans le collectif budgétaire m'enjoint à la plus grande prudence et les menaces n'ont pas disparu en cette fin d'année. Nous demeurons donc vigilants.

Pour autant, on ne peut que se féliciter que le financement des deux groupes publics repose dorénavant entièrement sur la contribution à l'audiovisuel public - CAP. Cela constitue un progrès en termes de stabilité de la ressource comme d'indépendance du financement. Mais cette louable situation d'un financement complet de l'audiovisuel extérieur par le contribuable met d'autant plus en exergue l'incongruité et même l'injustice d'un accès aussi limité à cette source d'information pour le contribuable en France. Je vous ferai quelques propositions pour combler cette lacune.

J'en viens maintenant aux détails de la situation des deux opérateurs.

Concernant France Médias Monde tout d'abord, comme vous le savez, mes précédents rapports n'ont jamais éludé mes interrogations sur les conditions de la fusion. J'évoquais, par exemple, l'année dernière, le fort sentiment de délaissement ressenti par Radio France internationale - RFI - et le manque d'objectifs de France 24. Le climat social constituait également un motif de préoccupation que nous étions nombreux à partager.

La fusion juridique a été engagée le 13 février 2012 tandis que Marie-Christine Saragosse a été désignée présidente de France Médias Monde (FMM) le 7 octobre 2012 avec pour mission de mener à bien le rapprochement et de restaurer la confiance au sein de l'institution.

Afin de pouvoir me rendre compte des progrès accomplis, j'ai rencontré cette année les cinq organisations syndicales de France Médias Monde (CFDT - Confédération française démocratique du travail, CFTC - Confédération française des travailleurs chrétiens, CGT - Confédération générale du travail, FO - Force ouvrière - et SNJ - Syndicat national des journalistes) ainsi que sa présidente avec l'intention de leur poser, à chacun, les mêmes questions : la fusion a-t-elle été une bonne chose ? Comment s'est passé le rapprochement des structures et des personnels ? Où en est-on, enfin, de l'harmonisation des statuts ?

Concernant la fusion tout d'abord. C'est un point essentiel : aucun des syndicats de salariés ne demande le retour en arrière, la fusion constitue un acquis. Cela ne veut pas dire, pour autant, que tout est pour le mieux. Si la CFDT, 1 er syndicat de France Médias Monde, reconnaît que la fusion était « une bonne chose » et que le rapprochement radio/télévision/Internet est positif, la CFTC, qui était contre la fusion, considère que les salariés ont envie maintenant de « passer à autre chose ». Pour le SNJ, « la nouvelle structure a le mérite d'exister ». FO rappelle qu'elle ne voulait pas la fusion mais qu'elle a joué le jeu et qu'il n'y a plus de retour possible. La CGT, quant à elle, estime qu' « il n'y a pas de culture commune » et s'inquiète d'une éventuelle future fusion des rédactions.

On le voit, au-delà des différences, le principe même de la fusion est aujourd'hui acquis. Ce sont plus les conditions de cette fusion et les nouvelles places de chacun qui font débat. Ces conditions de rapprochement font, en effet, l'objet de griefs plus nombreux même si rien ne semble irrémédiable. Tout d'abord - et je souhaite vivement lui en reconnaître le mérite - tous s'accordent à considérer que Marie-Christine Saragosse a su restaurer les conditions de la confiance nécessaire pour assurer le succès de l'opération de fusion juridique. La CFTC évoque ainsi des « améliorations concernant le dialogue social » et des relations plus « courtoises et détendues ». Mais dans le même temps, ce même syndicat considère que « les personnels vivent côte-à-côte » et qu'il n'y a « aucune synergie ni aucune ambition éditoriale commune ». Ce constat va souvent de pair avec des inquiétudes sur les moyens et la charge de travail. Le SNJ pointe que les journalistes sont plutôt « ouverts à se former à de nouveaux médias comme la vidéo et la photo » mais il insiste sur le fait qu' « un journaliste ne peut produire pour tous les médias ». Le SNJ déplore également que les journalistes doivent faire des tranches d'information plus longues, sans avoir suffisamment le temps de préparer leurs papiers. Cette surcharge de travail mise en avant par ce syndicat est aussi ressentie par la CGT qui évoque des « flux tendus à RFI ».

Il demeure donc des difficultés, peut-être inhérentes à toute fusion. Mais ce qui pose véritablement problème aujourd'hui concerne d'une part l'harmonisation des statuts et, d'autre part, le projet de développement de l'entreprise.

L'ensemble des syndicats des salariés redoute, en effet, le futur statut commun d'autant plus que la négociation a pris du retard, les réunions ayant été suspendues depuis juillet. Cette situation laisse tout autant place aux inquiétudes sincères qu'aux rumeurs pas toujours bien intentionnées. La coexistence de personnels pouvant avoir des statuts très différents - tout en exerçant le même emploi - ne peut pas perdurer. Pour autant, les syndicats estiment que l'enveloppe de 3,5 millions d'euros provisionnée pour financer l'harmonisation sera insuffisante pour réaliser un alignement par le haut ce qui leur fait craindre des remises en cause des acquis.

Mais plus encore, c'est bien l'ambition des pouvoirs publics pour France Médias Monde, dans un contexte de contraintes budgétaires accrues, qui fait débat. La diminution des départs en mission des journalistes pour couvrir les événements - pour des raisons budgétaires mais aussi pour des raisons de sécurité - le projet d'abandonner les ondes courtes en Chine, en Russie et en Iran, le report de la création de l'antenne en bambara qui a coïncidé avec la baisse des crédits dans le collectif budgétaire en juillet dernier, ont alimenté le pessimisme. FO s'interroge ainsi sur la stratégie de l'État pour l'audiovisuel extérieur et tous ont pris conscience de la concurrence accrue initiée par l'arrivée des nouveaux acteurs.

Paradoxalement, ces inquiétudes sont plutôt rassurantes puisqu'elles illustrent aussi l'attachement des personnels à leur entreprise et une conscience aigüe de leur mission d'information. Pour ma part, je suis particulièrement confiante dans l'avenir de France Médias Monde. Cela d'autant plus encore que beaucoup des inquiétudes que je viens d'évoquer recevront bientôt des réponses précises. Je ne doute pas, en effet, que Mme Saragosse mette tout en oeuvre pour parvenir non seulement au meilleur résultat possible mais aussi à un résultat accepté par tous. Ainsi, comme elle me l'a confirmé au cours des auditions, le processus de remise à plat des statuts est maintenant achevé et, sans vouloir divulguer des éléments de la négociation qui devraient être présentés très prochainement par la direction, il semble que la solution pourrait être trouvée au travers d'une convergence réciproque des temps de travail assortie, bien entendu, d'un effort financier pour ceux qui verront leur temps de travail augmenter. J'insiste sur le fait que les efforts demandés devraient être raisonnables et être source d'améliorations, par exemple, dans la prise des congés à RFI. Quant à la négociation sur les métiers, elle devra prendre en compte leur évolution très rapide aujourd'hui. Au regard de ces informations, il me semble que l'objectif de conclure un accord au premier semestre 2015, même s'il est ambitieux, est parfaitement crédible. Cet accord constituera une des fondations de la nouvelle société, il faut souhaiter qu'il permette aussi d'insuffler un nouvel esprit commun propre à favoriser de nouvelles dynamiques.

J'en viens maintenant à la stratégie de France Médias Monde. Celle-ci ne peut être appréciée que remise en perspective dans son cadre budgétaire. France Médias Monde devrait bénéficier en 2015 de 242 millions d'euros (HT). Cela correspond à une baisse de 10,7 millions d'euros des ressources publiques d'exploitation sur la période 2011-2015 soit, en cumulé, une économie pour les comptes publics de 54 millions d'euros par rapport à la dotation de 2011. Autant dire que France Médias Monde a déjà fortement contribué à l'effort de redressement des comptes publics.

Si l'on considère que les ressources propres ont augmenté de seulement 6,1 % entre 2011 et 2015 du fait de la mauvaise tenue du marché publicitaire, on comprend mieux pourquoi France Médias Monde a été dans l'obligation de réaliser d'importants gains de productivité. La mise en place de deux plans de départ volontaire (PDV) a eu pour conséquence une baisse nette des effectifs de 253 équivalents temps plein (soit une baisse de 20 % des effectifs) et une économie globale annuelle de 19 millions d'euros. Par ailleurs, un gros effort a également été fait sur les achats et les frais de fonctionnement, ce qui a permis de réduire ce poste de 16,7 millions d'euros par an. Enfin, 4,1 millions d'euros ont été économisés sur les dépenses de marketing et de communication avec le risque de limiter le développement de l'entreprise.

Ces économies n'ont pas empêché le développement de la version arabophone de France 24 et une migration de la production vers la haute définition (HD). Mais les moyens sont aujourd'hui extrêmement contraints ce qui limite le nombre des nouveaux projets. L'antenne en bambara de RFI est toutefois aujourd'hui sur les rails et devrait commencer à émettre au plus tard au second semestre 2015, c'est fondamental compte tenu des enjeux qui traversent la partie du continent africain où cette langue est pratiquée. Par ailleurs, France 24 sera bientôt diffusée au Québec et un projet existe d'une antenne hispanophone.

Comme je le disais en introduction, nous avons maintenant un bel outil, financé entièrement par la contribution à l'audiovisuel public. L'audience progresse d'ailleurs sensiblement : +5,4 % en un an pour RFI et +4,2% pour France 24.

Il me semble maintenant éminemment souhaitable de mieux valoriser les antennes de France Médias Monde ce qui passe, à mon sens, par une diffusion de France 24 sur la TNT, non seulement en Île-de-France, mais sur tout le territoire, comme je l'ai indiqué à la ministre de la culture et de la communication lors de son audition. De même, si la diffusion de RFI et MCD à Marseille est déjà en discussion, il semblerait également pertinent d'étendre la diffusion de ces radios au reste du territoire, tout au moins, aux grandes villes.

J'en viens maintenant à TV5 Monde, la grande chaîne francophone dont le capital est partagé entre la France (6/9 e ), la Suisse (1/9 e ), la Fédération Wallonie-Bruxelles (1/9 e ) et le Québec et le Canada (1/9 e ). Le total des ressources de la chaîne s'établira en 2015 à 108,76 millions d'euros dont 99,91 millions d'euros de contributions publiques et 8,85 millions de ressources propres. La quote-part de la France s'établira à 76,23 millions d'euros HT, soit le même niveau qu'en 2014. La nouveauté tient au fait que, ici aussi, ce financement sera intégralement assuré en 2015 par la contribution à l'audiovisuel public ce qui constitue une bonne nouvelle.

Un mot sur les ressources propres. Les recettes de publicité continuent à constituer une préoccupation depuis la fin du minimum garanti qu'assurait la régie de France Télévisions puisque les recettes sont passées de 4,2 à 2,5 millions d'euros. TV5 Monde considère ainsi qu'il y aurait moyen de mieux valoriser ses audiences en Afrique et en Asie, mais cela nécessiterait un plus grand investissement de la régie dans son démarchage local. C'est pourquoi l'essentiel des ressources propres continue à dépendre des recettes de distribution pour un montant en légère baisse de 6,18 millions d'euros en 2014.

Les grandes priorités de TV5 Monde concernent le basculement en HD qui a été opéré aux États-Unis, en Asie, dans le Golfe persique et qui reste à faire en Amérique latine et en Afrique. La chaîne est ensuite en négociation au Brésil afin de développer un quota de production locale. Mais les deux grandes priorités concernent surtout le lancement d'une chaîne enfant en Afrique pour lequel il manque encore 1,5 million d'euros et le projet d'une chaîne consacrée à l'art de vivre à destination de l'Asie.

TV5 Monde est également très présent sur le numérique avec des offres de replay et de streaming mais aussi une offre de vidéo à la demande par abonnement en Amérique latine. La société qui dispose d'une forte notoriété a aussi lancé une offre Internet d'accès à 200 grands classiques de la littérature francophone qui a reçu un excellent accueil du public.

J'évoquerai également, pour conclure, le lancement par Canal + de la nouvelle chaîne A+ destinée à l'Afrique francophone qui constitue à la fois une concurrence pour TV5 Monde mais aussi une opportunité pour développer des coproductions.

En définitive, mes chers collègues, je crois qu'il n'est plus possible de penser séparément la diffusion de TV5 Monde du service public de l'audiovisuel. Avec le financement intégral de la quote-part de la France par la contribution à l'audiovisuel public, le téléspectateur français est en droit de pouvoir accéder à ces programmes de qualité qui devraient avoir toute leur place sur la TNT.

En somme, ce dont nous avons besoin, c'est bien d'une vision globale du service public de l'audiovisuel. Nous savons que son avenir dépendra de deux critères, le niveau de la contribution audiovisuelle publique d'une part et son périmètre d'autre part. Plus il y aura de chaînes à financer, plus les ressources nécessaires seront importantes ; moins nous voudrons augmenter la contribution à l'audiovisuel public pour nous rapprocher des niveaux pratiqués au Royaume-Uni et en Allemagne, moins il nous sera possible de maintenir certaines chaînes qui n'ont pas trouvé leur public mais qui coûtent cher.

TV5 Monde constitue une belle fenêtre sur d'autres cultures francophones : belge, suisse, québécoise mais aussi africaine, arabe, asiatique. Le coût de sa diffusion sur la TNT serait de 13 à 15 millions d'euros du fait du surcroît de droits qui devrait être payé. Ce coût est à comparer, à mon sens, au budget de France 4 qui s'élève à 40 millions d'euros pour une audience très faible. À un moment où l'on s'interroge sur l'avenir de France Télévisions et notamment sur son périmètre, j'observe que la substitution de TV5 Monde à France 4 sur la TNT permettrait d'enrichir l'offre de programmes proposée aux téléspectateurs français et de réaliser plus d'une vingtaine de millions d'euros d'économies, cela mérite réflexion.

À l'issue de l'examen des crédits de l'audiovisuel extérieur, je vous propose de donner un avis favorable à leur adoption.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Je vous remercie, Madame la rapporteure. Je vous rappelle que ces rapports s'inscrivent dans le cadre d'une mission plus large « Médias, livre et industries culturelles ». Nous examinerons les crédits « Presse » et « Livre et industries culturelles » la semaine prochaine. Le vote global sur l'ensemble de la mission aura lieu à ce moment-là. Aujourd'hui, s'ouvre plutôt une discussion.

M. David Assouline . - Dans sa présentation du budget « Audiovisuel et avances à l'audiovisuel public », M. Jean-Pierre Leleux a mis en exergue plusieurs phénomènes, mais je pense qu'il adopte un point de vue qui reflète une vision artificielle de la réalité. Je vous entends dire que c'est la loi que l'on vient de voter sur l'indépendance de l'audiovisuel public qui est la cause des malheurs de France Télévisions. Mais, jusqu'à la loi de 2010, cette société connaissait une stabilité financière et le redressement opéré au cours de la décennie précédente était très net. Cette loi, que vous avez défendue avec Nicolas Sarkozy, a supprimé la publicité et a créé une instabilité. À cette époque nous dénoncions le fait que le budget ne dépendrait plus que d'une dotation de l'État, qui, selon les années, pouvait ne pas venir, notamment en période de vache maigre. Ce qui est exactement le cas aujourd'hui ; quand l'État a des difficultés, il peut décider d'autres priorités en ajustant le montant de sa dotation, surtout avec un taux de chômage élevé et des difficultés quotidiennes dans la vie de nos concitoyens.

Auparavant il y avait d'un côté la redevance, de l'autre, la publicité. On a enlevé la publicité, le système de financement est devenu bancal. Mais la ligne budgétaire choisie est la bonne - même si on peut peut-être réfléchir au rétablissement de la publicité sur la tranche 20 heures-21 heures. Globalement, le principe est que la redevance stabilise le budget de l'audiovisuel public. C'est la voie que prend ce budget. L'augmentation de la CAP assise sur le coût de la vie finance globalement l'audiovisuel, même si il y a besoin d'une petite rallonge. Une stabilisation est prévue d'ici 2017. Vous ouvrez un débat ; j'aimerais que notre commission le mène à son terme. Jusqu'à présent, il y avait une dynamique positive de l'assiette, notamment liée à l'évolution des modes de vie, les couples séparés multiplient les foyers fiscaux. L'émergence des nouvelles technologies peut entraîner une diminution du produit de la CAP ; la question de l'élargissement de l'assiette se pose.

M. Leleux a pris l'exemple de l'Allemagne, qui est un bon et un mauvais exemple. C'est un bon exemple : ce pays a décidé d'appliquer la redevance à tout foyer fiscal comme un impôt ; c'est ce à quoi nous aimerions arriver. Mais si nous faisons cela, cet impôt ira dans les caisses de l'État. Ce n'est plus une contribution directement affectée à l'audiovisuel public et on retombe dans le travers que je critiquais précédemment. Notre objectif est de réussir à ce que tout le monde paye, mais que l'assujettissement soit fondé sur un objet qui permette de recevoir la télévision. C'est pour cela que l'on parle de l'élargissement de l'assiette aux tablettes et smartphones .

Je suis très étonné de votre critique sur le Gouvernement qui cacherait le taux de recouvrement pour cacher la fraude à la CAP ; je comprends que vous vous adressiez à Bercy pour avoir des informations. Mais si les services fiscaux ne vous répondent pas en temps et en heure, il ne faut pas pour autant s'engager sur la voie de la théorie du complot et dire : « ils veulent nous cacher quelque chose ». C'est un procès d'intention. Je dispose des chiffres de 2012 ; ils sont à votre disposition. En 2012, le taux de recouvrement constaté de première année était de 91,7 % et le taux cumulé sur deux ans de 99,5 %, ce qui est remarquable pour un impôt déclaratif.

En conclusion, nous soutenons tout ce qui permet le débat cette année sur l'audiovisuel public. La ministre a annoncé que l'État allait établir une lettre de mission avant l'ouverture des candidatures au poste de président de France Télévisions ; ces dernières devront s'inscrire dans une stratégie pour le service public. Cela répond à votre demande, vous ne pouvez pas l'ignorer.

M. Louis Duvernois. - Sauf erreur de ma part, c'est la première fois qu'on entend à la suite les deux rapports pour avis relatifs, d'une part, à l'audiovisuel public national et, d'autre part, à l'audiovisuel public extérieur. Je trouve que c'est une très bonne chose, pour la raison très simple que c'est désormais une entreprise commune. On ne peut donc plus dissocier le national de l'international puisque le financement repose entièrement sur la contribution publique.

Rappelons que la réalisation de l'audiovisuel national n'a pas été facile, que des réticences à divers niveaux se sont manifestées. Il n'en demeure pas moins que cette intégration financière existe et nous ne pouvons que nous en réjouir, mais, puisqu'il s'agit d'un financement commun, les difficultés que rencontre l'audiovisuel national auront des conséquences sur l'audiovisuel extérieur.

Je tiens à rappeler l'effort substantiel de l'audiovisuel extérieur pour arriver à la situation d'aujourd'hui. Il a fallu se « délester » de 20 % des personnels, soit 240 personnes qui ont quitté volontairement l'entreprise, ce qui est considérable.

Nous sommes arrivés, en 2014 et dans le budget pour 2015, à la croisée des chemins en ce qui concerne le développement de l'audiovisuel extérieur sans le soutien de l'audiovisuel national. Les Français doivent pouvoir avoir accès à l'audiovisuel extérieur dans l'hexagone. Puisqu'il s'agit d'un financement public, quelle est la part apportée par l'audiovisuel national à l'audiovisuel extérieur, pour assurer notamment l'harmonisation des statuts, le développement de la diffusion, la multiplication de nos vecteurs de diffusion, ou la nécessité d'être davantage présent sur le territoire national ? La réponse à cette question permettra d'évaluer véritablement si le rapprochement entre les deux niveaux se fait dans les meilleures conditions et si l'un et l'autre contribuent à l'objectif de service public.

Mme Corinne Bouchoux . - Ma question porte sur le soutien à l'expression radiophonique locale. Même si les radios libres d'antan ont beaucoup évolué, des radios associatives, qui jouent un rôle important sur notre territoire, disparaissent, d'autant que la presse a subi beaucoup de concentrations. Sauf erreur de ma part, le Fonds de soutien à l'expression radiophonique locale (FSER) a été bloqué à son niveau de 2010. Non seulement il n'y a pas eu une diminution du nombre des radios libres ces dernières années, mais de nouvelles sont apparues. Mécaniquement, cela va diminuer les ressources financières pour les différentes radios. Je voudrais simplement attirer votre attention sur le fait qu'un effort budgétaire important pesant sur ce fonds risque de fragiliser un certain nombre de radios associatives et, par conséquent, l'emploi et la liberté d'expression dans un secteur garant de la diversité démocratique.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Les radios nous alertent actuellement sur les conséquences très préjudiciables du gel des crédits, il faut qu'on puisse leur apporter une réponse.

M. Jean-Louis Carrère . - Je voudrais contester l'organisation de nos débats qui attribue d'abord trois minutes pour un orateur de chaque groupe. Je ne suis pas sûr qu'elle repose réellement sur des fondements très orthodoxes. En commission, lors de l'examen de tels rapports, la parole est libre, même si on peut donner la primeur à l'expression des groupes, ce que vous faites d'ailleurs, madame la présidente, avant de donner la parole aux autres membres de la commission. La limitation à trois minutes de chaque intervention n'a pas été respectée parce que ce n'est pas tenable. Ou on n'a pas grand-chose à dire et on ne prend pas la parole, sauf pour se faire inscrire, ou on s'exprime dans le temps imparti. Confère la durée des interventions de M. Assouline et de M. Duvernois. Nous avons écouté aujourd'hui deux rapports pour avis, très intéressants au demeurant, et je reconnais à chacun le droit d'avoir des inflexions compte tenu des orientations politiques de nos rapporteurs pour avis. Ils donnent un avis intéressant et je m'étonne que vous ne nous fassiez pas voter. Votera-t-on rapport par rapport ou globalement ? Ou n'aura-t-on eu que des approches partielles, qu'elles soient favorables ou défavorables ?

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Nous voterons sur l'ensemble de chaque mission, ce qui n'empêche pas que, au fur et à mesure des rapports examinés, ces avis soient commentés et que les groupes prennent position.

M. Jean-Louis Carrère . - Le rapport de M. Leleux est-il lié à une seule mission ?

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Le rapport de M. Leleux porte sur un des programmes de la mission « Médias, livre et industries culturelles » ainsi que sur le compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public ».

M. Jean-Louis Carrère . - Que le vote sur la mission se fonde sur des avis partiels, certes, mais ces derniers n'ont pas grand intérêt.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Cela a toujours été la règle. Je fais en sorte que chacun puisse s'exprimer. Le bureau de la commission a fixé un cadre sur lequel nous nous sommes tous mis d'accord pour les temps de parole permettant à chacun de s'exprimer. J'ai d'ailleurs veillé à ce que M. Assouline et M. Duvernois aient pu aller au terme de leur propos en parlant près de 5 minutes chacun.

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis . - Monsieur Assouline, loin de moi l'intention de rouvrir le débat sur la nouvelle gouvernance de l'audiovisuel public. Je n'ai pas l'intention de polémiquer sur la loi de 2013, mais m'est-il interdit de souligner une ambiguïté qu'il faudrait lever ?

Trois personnes morales : le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), l'État et le président de France Télévisions peuvent se contredire à un moment donné en ayant un accord à deux mais pas avec la troisième. C'est le CSA qui nomme le président, certes, dans le cadre d'un projet, lequel a été ou sera proposé sur la base d'une mission stratégique que lui confiera l'État. Ceci étant, l'État affecte les fonds. Il y a là matière à débat.

Sur la contribution à l'audiovisuel public, les statistiques de 2012 n'ont pas été communiquées par le ministère des finances. Nous attendons des précisions de Bercy. Le pourcentage de 99 % de recouvrement ne me paraît pas juste. Combien ne déclarent pas ? Et comment le sait-on ?

Plus les images seront reçues sur de multiples écrans, smartphones , tablettes audiovisuelles, téléviseurs, plus il sera difficile d'aller contrôler les « consommateurs » d'images. J'ai souvent préconisé, lors des débats en séance publique, suivant ainsi Mme Morin-Desailly sur ce sujet, un prélèvement à la réception de l'image ou éventuellement par écran. Étant donné la diminution progressive du nombre de téléviseurs traditionnels, une CAP basée sur la possession ou non d'un téléviseur au sein du foyer va présenter des difficultés. On pourrait réfléchir sur une redevance sur l'audiovisuel public, comme en Allemagne, sur la base du foyer. La multiplication des écrans et des usages liés au numérique rend les contrôles de plus en plus problématiques et nous conduit à envisager une redevance par foyer.

Le fonds de soutien à l'expression radiophonique (FSER) est maintenu et nous serons attentifs à ce que la réforme prévue en 2015 permette une nouvelle répartition visant à la survie des petites stations et luttant contre les concentrations.

Mme Claudine Lepage, rapporteure pour avis . - Je remercie M. Duvernois pour son intervention relative à France Médias Monde (FMM) qui a effectivement dû consentir à de réels efforts, dans la mesure où les suppressions de postes ont représenté environ 20 % des effectifs globaux initiaux. Reste un important chantier d'harmonisation sociale - devant porter à la fois sur les rémunérations, sur le temps de travail et sur la nomenclature des professions - pour lequel une enveloppe de 3,5 millions d'euros a été débloquée.

L'éventualité d'une diffusion de France 24 sur la TNT est une piste de réflexion que nous avons souhaité indiquer à la ministre.

Mme Maryvonne Blondin . - Une prochaine réunion interministérielle devait traiter de la question des radios locales : avons-nous des informations à ce sujet ?

De même, avons-nous des informations sur les suites données au rapport de Mme Anne Brucy sur France 3, qui est chaîne de service public de proximité ?

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Nous pourrons interroger la ministre à ce sujet en séance publique.

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis . - Nous sommes réunis aujourd'hui pour traiter des questions budgétaires, mais nous ne pourrons nous exonérer, notamment dans le cadre de cette commission, d'une réflexion relative à ce que doit être le service public de l'audiovisuel. Cette réflexion libre et profonde pourra être poussée jusqu'à envisager la suppression même du service public de l'audiovisuel et les conséquences qu'aurait une telle suppression pour mieux apprécier son intérêt. Elle conduira alors à nous interroger à nouveau sur la présence et l'importance de la publicité sur les antennes de l'audiovisuel public.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Ce type de réflexion, M. le rapporteur, relève en effet du domaine de compétence de notre commission. Nous vous remercions pour ce rapport qui contient un certain nombre de propositions ambitieuses, voire iconoclastes.

L'apparition du numérique entraîne de multiples changements, tant au niveau des usages que des supports de diffusion, qui nous obligeront à repenser les modèles économiques et la fiscalité. Certaines chaînes, comme Arte, prennent en compte ces évolutions et s'y adaptent rapidement, d'autres, comme les chaînes du groupe France Télévisions, semblent éprouver davantage de difficultés.

Par ailleurs, de nouveaux types d'opérateurs, tels Netflix, arrivent sur le marché et les réponses à donner tardent malgré nos alertes répétées : la contribution à l'audiovisuel public n'intègre pas encore ces nouveaux phénomènes.

Nous devons reprendre un travail de fond sur le financement de l'audiovisuel public, comme le faisait notre ancien collègue rapporteur spécial de la commission des finances M. Claude Belot. Je prendrais l'attache de la présidente de cette commission, Mme Michèle André, afin de coordonner les démarches de nos deux commissions dans ce domaine.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Ministère de la culture et de la communication

Mme Laurence FRANCESCHINI, directrice générale des médias et des industries culturelles et M. Masafumi TANAKA, chef du bureau du secteur « audiovisuel public »

TV5 Monde

M. Yves BIGOT, directeur général, et Mme Liliane DELASSAUSSÉ, secrétaire général adjointe et directrice de la gestion et des Finances

France Médias Monde

Mmes Marie-Christine SARAGOSSE, présidente, et Geneviève GOETZINGER, directrice des relations institutionnelles, et Thierry DELPHIN, directeur administratif et financier

Syndicats de France Médias Monde

CFDT : MM. Marc THIÉBAULT, Ludovic DUNOD, Rodolphe PACCARD

CFTC : Mmes Aziza NAIT SIBAHA, Hélène DROUET, et MM. Maximilien DE LIBERA, Rabya OUSSIBRAHIM

CGT : Mme Sabine MELLET, déléguée syndicale

CGT : Mme Catherine ROLLAND, élue au conseil d'administration

FO : Mme Maria AFONSO et MM. Patrice CHEVALLIER, Hugo CASALINHO et Christophe LOISEL

SNJ : Mme Nina DESESQUELLE et M. Marc VERNEY

SNJ-CGT : Mme Addala BENRAAD, déléguée syndicale

SNRT-CGT : Mme Françoise DELIGNON, déléguée syndicale


* 1 Avis n°160 (2013-2014) - Tome IV - fascicule 4, page 13.

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