C. LE MAINTIEN DE LA COMPÉTITIVITÉ DE LA FILIÈRE FERROVIAIRE FRANÇAISE
La filière ferroviaire, qui a été pendant longtemps l'un des atouts de la France, est en grand danger.
Elle est la deuxième industrie ferroviaire d'Europe, après celle de l'Allemagne. En matière d'ingénierie, elle occupe même la première place en Europe 14 ( * ) . En termes de service, la SNCF est le premier opérateur européen dans la grande vitesse. La France brille aussi par ses prouesses en matière de transit de masse, grâce au déploiement des RER et des métros automatiques à grande capacité. Or, ces sujets constituent un fort enjeu de développement dans l'ensemble du monde. L'ensemble de la filière réalise 4,1 milliards d'euros de chiffre d'affaires, dont 1,2 milliard à l'export.
Mais elle est aujourd'hui confrontée à deux types de difficultés :
- l'exacerbation de la concurrence internationale ;
- la fin d'un pic de renouvellement des matériels, en France.
Sur le marché mondial, la filière française a longtemps bénéficié d'une forte avance technologique, qu'elle a perdue. Elle est aujourd'hui confrontée à une concurrence forte de la Chine et des pays de l'Europe de l'Est.
Sur le marché français, la filière souffre de la concurrence d'autres modes de transport, tels que l'aérien low-cost, qui bénéficie de la baisse du prix des carburants, ou encore l'autocar, en phase de développement.
Toutes les prévisions confirment que le plan de charge de la filière va nettement diminuer à partir de 2017, faute de commandes suffisantes 15 ( * ) . Cette situation est d'autant plus dommageable que cette perte de vitesse interviendra après un pic de production en 2015, durant lequel le niveau de production exigé dépassera les capacités de la filière, ce qui engendrera des surcoûts. Ainsi, la demande n'a pas suffisamment été lissée dans le temps.
Cette baisse de régime crée une réelle inquiétude dans le secteur, menacé de devoir débaucher progressivement son personnel. À horizon 2018, 10 000 emplois, sur les 30 000 que compte la filière, sont menacés 16 ( * ) . Les conséquences en seront perceptibles dès 2015 pour l'ingénierie.
Votre rapporteur appelle à une réaction rapide, compte tenu de l'irréversibilité des pertes de compétences induites par cette situation.
L'organisme Fer de France, qui représente la filière et dont le président est Pierre Mongin, président-directeur général de la RATP, a proposé plusieurs pistes de travail, qui doivent être encouragées.
Outre une mobilisation importante des ressources sur la recherche et le développement, la France doit adapter son modèle de conception. Elle doit passer d'une industrie productrice d'engins extrêmement performants mais très sophistiqués et donc peu exportables, en raison notamment de leur coût, à une industrie plus sobre en termes de coûts et de prescriptions, capable de s'adapter à la demande étrangère.
Si les travaux en cours pour l'élaboration du train à très grande vitesse du futur doivent être salués, il est impératif d'encourager parallèlement le développement de produits répondant la demande mondiale, qui s'oriente plutôt vers la grande vitesse (de 200 à 250 km/h).
Il faudrait aussi autoriser, sur le marché français, des expérimentations visant à regrouper la commande publique entre plusieurs donneurs d'ordre. Cette mesure permettrait d'éviter la démultiplication des coûts de développement des produits et de capitaliser davantage sur les acquis au lieu de recréer, pour chaque commande, un nouveau modèle en repartant de 0.
Face à cette situation, l'État stratège, qui a été réaffirmé dans la loi de réforme ferroviaire, doit jouer pleinement son rôle pour rééquilibrer les relations entre les entreprises ferroviaires et les donneurs d'ordre. C'est la raison pour laquelle votre rapporteur avait soutenu l'affirmation de l'Etat stratège lors des débats de juillet dernier sur la réforme ferroviaire.
* 14 Source : Fer de France.
* 15 D'après la fédération des industries ferroviaires (FIF), la production de TGV va fléchir à partir de 2017 pour devenir nulle en 2019, tandis que l'activité TER « s'écroule dès 2016 pour devenir quasiment nulle en 2017?».
* 16 Source : Les Échos.