C. L'ANIMATION DES TERRITOIRES RURAUX

1. Les zones de revitalisation rurale : un nouveau dispositif en préparation

Depuis plusieurs années, les espaces ruraux français connaissent un regain d'attractivité, qui s'explique à la fois par l'amplification de la périurbanisation et par les dynamiques propres de certains territoires plus éloignés des agglomérations. Ces évolutions favorables conduisent mécaniquement à faire sortir un nombre croissant de communes du dispositif des zones de revitalisation rurale (ZRR), parce qu'elles ne remplissent plus les critères 5 ( * ) .

Le problème s'est matérialisé en 2013, lorsque l'actualisation des données démographiques de référence avait conduit à sortir brutalement 1 891 communes du classement . Finalement, le relèvement du plafond avait permis de réintégrer, à titre transitoire, 1 200 d'entre elles, dans l'attente d'une réforme plus profonde du système des ZRR.

Les députés Alain Calmette et Jean-Pierre Vigier 6 ( * ) ont présenté leur rapport sur ce sujet le 8 octobre dernier : ils proposent une refonte à la fois du zonage et des aides, le tout assorti d'un mécanisme de sortie progressive pour ne pas pénaliser brutalement les communes déclassées.

Ils suggèrent ainsi qu'un nouveau zonage soit établi au 1 er janvier 2015 en retenant une entrée intercommunale basée sur deux critères simples et cumulatifs : la densité démographique de l'EPCI et la richesse des habitants . Ce nouveau zonage serait établi pour une période de 6 ans (avec une révision exceptionnelle au 1 er janvier 2018 compte tenu de l'évolution du paysage intercommunal qui interviendra à cette date), en prévoyant un délai de 2 ans pour une sortie progressive des communes déclassées .

L'ACTUELLE CARTE DES ZONES DE REVITALISATION RURALE

Source : CGET

Les deux députés rapporteurs prônent également une révision des aides, avec la fin de l'exonération des cotisations sociales pour les nouvelles embauches (compte tenu de son faible intérêt par rapport aux mesures de droit commun issues du pacte de responsabilité). En revanche, ils se prononcent en faveur du maintien du dispositif d'exonération d'impôts sur les bénéfices, de l'exonération de plein droit de la contribution économique territoriale, du dispositif d'exonérations facultatives de la fiscalité à l'initiative des collectivités locales et de l'exonération des cotisations sociales en faveur des organismes d'intérêt général.

En matière de dépenses, ils privilégient une sanctuarisation des dotations , un meilleur fléchage des transferts financiers de l'État, des aides à l'ingénierie territoriale, une territorialisation du dispositif et un système de « bonus » visant à abonder systématiquement toute politique nationale en ZRR. Ils recommandant enfin de mettre en oeuvre des mesures de simplification et de créer un observatoire des ZRR.

D'après les informations communiquées à votre rapporteur, la mise en oeuvre de cette réforme devrait s'effectuer en deux temps , en commençant d'abord par la révision du zonage, puis en examinant les exonérations fiscales et sociales. Celles-ci devraient donc être vraisemblablement prolongées en 2015, dans le cadre du collectif budgétaire de fin d'année. Votre rapporteur insiste sur la nécessité de concevoir au plus vite un dispositif stable et lisible , et souligne que les ZRR sont un outil difficilement remplaçable pour de nombreux territoires ruraux bénéficiaires.

2. Les pôles d'excellence rurale : une deuxième phase en voie d'achèvement

Symétrique de la politique menée dans les zones urbaines avec les pôles de compétitivité, la politique des pôles d'excellence rurale (PER) a été engagée pour les territoires ruraux à l'occasion du comité interministériel à l'aménagement et à la compétitivité des territoires du 14 octobre 2005.

Le label de PER a été attribué, à l'issue de deux vagues successives d'appels à projets en juin et décembre 2006, à 379 projets de développement économique créateurs d'emplois situés soit en zone de revitalisation rurale, soit en dehors des aires urbaines de plus de 30 000 habitants. Mais 31 de ces projets de PER ont été abandonnés, ramenant leur nombre à 348. L'enveloppe budgétaire totale qui leur a été consacrée s'est élevée à 235,5 millions d'euros, dont 117 millions d'euros issus du FNADT.

Au vu des résultats satisfaisants obtenus par la première génération de PER, une deuxième génération a été initiée pour la période 2010-2015 avec le lancement d'un deuxième appel à projets en novembre 2009, visant à soutenir des projets générateurs d'activité économique et de développement local. À l'issue de l'instruction, 263 nouveaux PER ont été labellisés. Ce nombre a été ramené à 260, après l'abandon de 3 projets.

Une enveloppe légèrement accrue de 240 millions d'euros a été dégagée pour le financement des PER de deuxième génération , dont 159 millions d'euros intégrés dans un fonds ministériel mutualisé (FMM) et 81 millions d'euros de crédits d'État déconcentrés et de fonds structurels européens.

Une réunion interministérielle en date du 15 octobre 2013 a permis de revoir les modalités de financement des PER : à compter de 2015, les financements résiduels seront intégralement apportés par le programme 112 . La construction du budget triennal 2015-2017 a tiré les conséquences de cet arbitrage : le FNADT est doté des moyens permettant de finaliser ces dernières contributions jusqu'en 2017.

En conséquence, le montant théorique des opérations à la charge du FMM est ramené à 151,8 M€. Au mois de septembre 2014, les engagements effectifs s'élèvent à 137,5 M€, soit plus de 90 % du total . Pour l'année 2015, les crédits prévus au PLF s'élèvent à 27,2 M€, en crédits de paiement exclusivement, puisque les autorisations d'engagements au titre des années précédentes sont suffisantes pour couvrir tous les besoins.

Lors de son audition, la ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité, a annoncé que le dispositif des PER ne sera pas reconduit à partir de 2016 . Votre rapporteur regrette cette décision : les financements des PER exercent un fort effet levier comme accélérateurs de projets et sont structurants pour la dynamisation des espaces ruraux .

3. Une première mise en oeuvre des pôles territoriaux de coopération économique

Cette initiative, lancée à la mi-juillet 2013, a obtenu une reconnaissance législative à travers la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire (ESS). Son article 9 définit ainsi : « Les pôles territoriaux de coopération économique sont constitués par le regroupement sur un même territoire d'entreprises de l'économie sociale et solidaire, au sens de l'article 1 er de la présente loi, qui s'associent à des entreprises, en lien avec des collectivités territoriales et leurs groupements, des centres de recherche, des établissements d'enseignement supérieur et de recherche, des organismes de formation ou toute autre personne physique ou morale pour mettre en oeuvre une stratégie commune et continue de mutualisation, de coopération ou de partenariat au service de projets économiques et sociaux innovants, socialement ou technologiquement, et porteurs d'un développement local durable. » Ainsi, le point important pour cette nouvelle catégorie de pôles est la participation d'entreprises de l'économie sociale et solidaire.

Concrètement, les pôles territoriaux de coopération économique (PTCE) sont susceptibles de concerner de nombreux secteurs et filières : insertion par l'activité économique (paysage, bâtiment, recyclage,...), services aux personnes (crèches, animation périscolaire, épicerie sociale, accueil de nouveaux habitants, logements passerelles,...), activités culturelles et créatives, développement d'énergies renouvelables, agriculture biologique et circuits courts alimentaires, etc.

Le premier appel à projets , lancé le 15 juillet 2013, a suscité l'envoi de 183 dossiers de candidature, dont 130 se sont avérés recevables. Au final, 22 conventions ont été signées à l'été 2014 et 940 838 € versés aux lauréats . Une enveloppe de 3 millions d'euros a été prévue pour 2013-2014, provenant de l'État (notamment deux millions d'euros au titre du FNADT) et de la Caisse des dépôts et consignations.

Un bilan de cet appel à projets est en cours. À partir de ses conclusions, un deuxième appel à projets est éventuellement envisagé dans les mois à venir.

4. Une nouvelle expérimentation pour revitaliser les centres-bourgs

Les centres-villes des petites agglomérations connaissent actuellement un affaiblissement important, caractérisé par la désertification commerciale et l'augmentation des logements vacants . Face à cette tendance dénoncée de longue date par les élus locaux , le Gouvernement a lancé cette année un dispositif expérimental adressé à deux types de territoires :

- les communes rurales qui connaissent un déclin démographique, ou un affaiblissement de leurs fonctions de centralité (offre de services, activités marchandes et économiques en général...), et qui sont confrontées à une dévitalisation de leur centre, éventuellement accompagnée d'un développement de zones pavillonnaires périphériques ;

- les communes gagnées par la périurbanisation, qui voient augmenter la demande de logements, d'équipements et de services et pourraient servir de point d'ancrage à un développement périurbain mieux maîtrisé.

Cette expérimentation est pilotée par le Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET), en lien avec l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) et différents services des ministères du logement et de l'égalité des territoires, de la décentralisation et de la fonction publique, et des outre-mer.

Une enveloppe dédiée de 230 millions d'euros est prévue pour l'appel à manifestation d'intérêt « centres-bourgs » lancé à la mi-juin 2014 :

- pour accompagner les collectivités dans l'élaboration et l'animation de leur projet, des crédits du FNADT seront mobilisés à hauteur de 15 millions d'euros . Ils permettront de financer l'ingénierie nécessaire à la conception, la mise en oeuvre et l'évaluation des projets complexes de revitalisation des centres-bourgs lauréats de l'AMI.

- pour soutenir l'acquisition-amélioration et la création de logements locatifs sociaux adaptés aux besoins sociaux, une enveloppe de 15 millions d'euros, comprise dans la dotation allouée aux préfets de région pour le logement social sera mobilisée ;

- pour l'amélioration de l'habitat privé, l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) réservera une enveloppe de 200 millions d'euros sur six ans pour financer l'ingénierie opérationnelle (diagnostics, étude pré-opérationnelle, suivi-animation, missions d'expertises ou d'assistance à la maîtrise d'ouvrage...), les travaux des propriétaires privés (en faveur des propriétaires occupants, bailleurs et des syndicats de copropriétaires) et les opérations de recyclage foncier dans le cadre de la résorption ou du traitement de l'habitat insalubre.

L'administration a invité 302 communes à se porter candidates. À la date du 12 septembre 2014, date de fin de dépôt des dossiers, 267 communes l'ont effectivement fait et la liste des 50 lauréats vient tout juste d'être dévoilée. La signature des conventions est prévue avant le 20 décembre 2014.

LES 300 CANDIDATS POTENTIELS IDENTIFIÉS PAR L'ADMINISTRATION

Source : CGET

Votre rapporteur souligne de longue date la nécessité d'une politique forte en faveur de la revitalisation des centres-bourgs . Il regrette cependant que le dispositif proposé ne soit qu'une expérimentation d'affichage et appelle à mener une réflexion en faveur d'un dispositif pérenne . Il déplore en outre que les élus nationaux n'aient pas été associés aux jurys de sélection. Il constate enfin que la simplification administrative ne s'applique pas partout, tant la complexité des dossiers de candidature est patente et peu adaptée à la réalité des moyens d'une mairie de petite ville.

5. Les restructurations de défense

Le plan gouvernemental d'accompagnement des restructurations de défense, mis en place en 2008, a pour objectif de créer, dans les territoires concernés, un nombre d'emplois au moins équivalent à celui des emplois supprimés du fait des restructurations .

Il consiste notamment en la mise en place progressive de 25 contrats de redynamisation de site (CRSD) et de 33 plans locaux de redynamisation (PLR) sur la période 2009-2014, auxquels ont été ajoutés 4 nouveaux CRSD en 2013 (Varennes-sur-Allier, Orange, Luxeuil et Châteaudun). Ces dispositifs sont dotés d'une enveloppe de 320 millions d'euros.

L'objectif est initial est de signer la totalité des CRSD et PLR à la fin de l'année 2014 . Cet objectif est presque atteint au 31 décembre 2013, à l'exception de la Polynésie Française, du Tarn-et-Garonne et des quatre sites ajoutés la même année. Ces contrats ont vocation à être rattachés au volet territorial de la nouvelle génération de CPER.

Le ministère de la défense a annoncé, le 15 octobre dernier, une nouvelle série de restructurations qui entraînera la dissolution du 1 er Régiment d'artillerie de marine de Châlons-en-Champagne, la fermeture de la base aérienne 102 de Dijon-Longvic, la transformation de la base aérienne 901 de Drachenbronn, et la fermeture en 2016 de la base aérienne 110 de Creil. Cette annonce récente n'entraînera vraisemblablement pas d'engagement de crédits en 2015 , bien qu'il soit prévu de raccourcir au maximum les délais de signature des contrats.


* 5 Le dispositif des zones de revitalisation rurale (ZRR) a été créé dans l'objectif de compenser les difficultés particulières que rencontrent certains espaces ruraux en matière d'attractivité démographique et économique. Le classement en ZRR ouvre droit à un ensemble d'avantages, dont des exonérations fiscales et sociales accordées aux entreprises qui s'installent ou développent leur activité. En 2013, les zones de revitalisation rurale (ZRR) couvrent 14 290 communes, soit près de 40 % du total des communes françaises, et concernent plus de 6 millions d'habitants. Les critères du zonage sont restés inchangés depuis 2005 et de nature essentiellement démographique.

* 6 « Une nouvelle ambition pour les zones de revitalisation rurale » - Rapport d'information n° 2251 des députés Alain Calmette et Jean-Pierre Vigier, enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 8 octobre 2014.

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