B. LE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE DES TERRITOIRES

1. La révision des aides européennes à finalité régionale

Une nouvelle carte des zones d'aides à finalité régionale (AFR) a été définie pour la période 2014-2020 par le décret n° 2014-758 du 2 juillet 2014. En effet, la Direction générale de la Concurrence ayant publié tardivement ses lignes directrices, le 23 juillet 2013, les États membres ont eu la possibilité de prolonger leur ancienne carte AFR 2007-2013 et leurs régimes d'aides AFR jusqu'au 30 juin 2014 .

Le fonctionnement des aides à finalité régionale

L'article 107 du Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne (TFUE) impose aux États de limiter les aides publiques à l'investissement productif et à la création d'emplois des entreprises à des périmètres d'intervention approuvées par la Commission européenne.

Ainsi, la France a l'obligation de définir tous les 7 ans une nouvelle carte des zones AFR qui comprend deux catégories :

- les « zones a » dont le niveau de vie est anormalement bas (PIB/habitant inférieur à 75% de la moyenne des 28 États-membres) ou dans lesquelles sévit un grave sous-emploi : pour le France, il s'agit des cinq départements d'outre-mer et de Saint-Martin ;

- les « zones c » constituées de régions défavorisées par rapport à la moyenne nationale : elles sont moins défavorisées que les précédentes et sont sélectionnées sur des bases plus restrictives.

Les aides octroyées par les pouvoirs publics aux entreprises en zones AFR peuvent couvrir les coûts des investissements dans des terrains, des équipements, des bâtiments ou des actifs incorporels (brevets par exemple), ainsi que les coûts salariaux des emplois créés, sur une période de 2 ans.

La nouvelle réglementation européenne permet à la France de rendre éligible 21.24% de sa population aux AFR en « zone c » jusqu'en 2020, contre 15.5 % pour la période 2007-2013.

LA NOUVELLE CARTE DES ZONES RELATIVES AUX AIDES À FINALITÉ RÉGIONALE

Source : CGET

La Commission a réduit de cinq points les plafonds d'intensité des aides , qui varient de 30 à 10 % de l'investissement selon la taille de l'entreprise. Elle a également fortement restreint les possibilités d'aides aux grandes entreprises (de plus de 250 salariés) en « zone c » , excluant le soutien à une extension de capacité productive ou un changement même majeur du processus de production. Seules les créations d'activité et la diversification de la production vers de nouveaux produits pourront prétendre à un soutien public.

Enfin, les conditions d'octroi sont désormais plus complexes puisque des critères qualitatifs comme le « caractère approprié » de l'aide ont été introduits. L'administration concernée devra ainsi justifier, pour chaque projet, les raisons du choix d'un instrument (subvention, prêt, garantie, etc.) par rapport à un autre. La démonstration du « caractère incitatif » de l'aide pour les grandes entreprises est également alourdie : celles-ci sont tenues de présenter le scénario des investissements qu'elles auraient réalisés en l'absence d'aide.

La Commission a donc drastiquement renforcé ses pouvoirs en matière de contrôle de l'attribution des aides. Elle prévoit également une intensification de son contrôle a posteriori , notamment facilité par une obligation de publication sur un site spécifique de toutes les aides individuelles supérieures à 500 000 euros.

Si les PME sont au final peu affectées par cette réforme, les territoires en difficulté auront en revanche moins de facilités pour attirer les grandes entreprises , dont l'implantation est souvent structurante pour le tissu économique local. Votre rapporteur se félicite cependant que la France, l'Allemagne, l'Angleterre et l'Irlande aient obtenu un assouplissement de la position de la Commission, qui souhaitait au départ interdire totalement les aides aux grandes entreprises .

2. Une prime d'aménagement du territoire (PAT) recentrée

Dans son rapport public annuel de 2012, la Cour des Comptes avait émis de sévères critiques à l'encontre de la PAT, qu'elle considérait comme « une prime devenue marginale, peu efficace et mal gérée ». Un nouveau régime de PAT est entré en vigueur le 1 er juillet 2014 , qui tient compte de la révision des lignes directrices relatives aux aides à finalité régionale (AFR) effectuée par la Commission européenne 2 ( * ) .

La prime d'aménagement du territoire (PAT)

Il s'agit d'aide d'État soumise à une double réglementation, au plan communautaire et au plan national. Elle finance deux types d'interventions, selon deux régimes différents :

- la PAT « industrie services » vise à soutenir des projets de création, d'extension ou de reprise d'entreprises industrielles ou de services. Fondée sur le régime européen des aides à finalité régionale (AFR), elle constitue une prime à l'investissement productif d'entreprises dont les taux maximum et les critères d'éligibilité sont déterminés selon une grille validée par la Commission européenne. La prime s'élève au maximum à 15 000 euros par emploi créé ou sauvegardé, avec un taux d'aide de 10 % à 30 % en fonction de la zone AFR ;

- la PAT « recherche, développement et innovation » vise à favoriser le développement des projets de recherche-développement et d'innovation d'entreprises industrielles et de service. Fondée sur l'encadrement communautaire des aides à la recherche, au développement et à l'innovation, elle s'adresse aussi bien aux PME qu'aux grandes entreprises, sur l'ensemble du territoire métropolitain. La prime s'élève au maximum entre 15 000 et 25 000 euros par emploi créé ou sauvegardé, avec un taux d'aide de 25 % à 60 % en fonction du programme.

La PAT est donc une aide qui a vocation à appuyer les projets majeurs d'intérêt national, au premier rang desquels les investissements internationalement mobiles ; à soutenir les projets industriels de taille intermédiaire ; à encourager le développement des zones en crise, par l'accompagnement des projets les plus structurants pour ces territoires. Le fait que la PAT soit attribuée de manière discrétionnaire , et non pas de façon automatique sur simple respect de critères d'éligibilité, concourt à limiter les effets d'aubaine.

On estime que la PAT contribue chaque année à la création ou à la préservation d'environ 5 000 à 8 000 emplois . Le coût par emploi créé ou sauvegardé peut être évalué à 4 000 euros, ratio qui peut être considéré comme tout à fait satisfaisant, au regard d'autres mécanismes tels que les exonérations de charge. Selon une évaluation conduite sur la période 1996-2004 et rendue début 2006, plus de la moitié des créations d'emplois primées n'auraient pas eu lieu sans le concours de la PAT, et la localisation du projet sur le sol français a été conditionnée par l'obtention d'une PAT dans un cas sur cinq.

L'ensemble des secteurs en bénéficie, même s'il apparaît qu' en 2013-2014, elle a surtout profité à l'automobile et l'aéronautique . Les principales régions bénéficiaires ont été le Nord Pas-de-Calais, la Lorraine, la Bretagne, Provence-Alpes-Côte d'Azur (PACA) et Pays de Loire.

Ainsi, la nouvelle mouture de la PAT est recentrée sur les PME depuis que le décret n° 2014-1056 du 16 septembre 2014 a fait sortir la plupart des grandes entreprises bénéficiaires de son champ d'application. En parallèle, la PAT « recherche, développement et innovation », qui avait concentré les critiques de la Cour des Comptes, est abandonnée . L'intensité de l'aide en fonction du zonage et du type d'entreprise est également revue, conformément aux nouvelles lignes directrices relatives aux AFR.

ANCIENS ET NOUVEAUX CRITÈRES D'ÉLIGIBILITÉ À LA PAT

Type de projet

Décret 2007

Décret 2014

PME

Grande entreprise

PME

Grande entreprise

Création d'établissement

Oui

Oui

Oui

Oui

Extension des capacités d'un établissement

Oui

Oui

Oui

Non

Diversification de la production

Oui

Oui

Oui

Oui (nouvelle activité ni identique ni similaire)

Changement fondamental de processus de production

Oui

Oui

Oui

Non

Acquisition d'actifs (reprise)

Oui

Oui

Oui

Oui (nouvelle activité ni identique ni similaire)

Recherche, développement et innovation

Oui

Oui

PAT RDI supprimée

Source : CGET

ANCIENS ET NOUVEAUX SEUILS D'ÉLIGIBILITÉ À LA PAT

Type de projet

Décret 2007

Décret 2014

Création d'établissement

25 emplois nets

5 M€ d'investissement

20 emplois nets

3 M€ d'investissement

Extension, diversification ou changement fondamental du processus

Soit 25 emplois nets, représentant au moins 50% de l'effectif, et 5 M€ d'investissement

Soit 50 emplois nets

Soit 10 M€ d'investissement

Soit 20 emplois nets, représentant au moins 50% de l'effectif, et 3 M€ d'investissement

Soit 40 emplois nets et 3 M€ d'investissement

Soit 10 M€ d'investissement

Acquisition d'actifs

Situation de l'emploi très dégradée

Rétablissement durable et structurel de la compétitivité de l'entreprise

Reprise de 80 emplois et 5 M€ d'investissement

Situation de l'emploi très dégradée

Rétablissement durable et structurel de la compétitivité de l'entreprise

Maintien significatif de l'emploi dans l'entreprise

Reprise de 50 emplois et 3 M€ d'investissement

Source : CGET

Au final, les crédits pour 2015 sont en baisse : ils s'élèvent à 29,6 M€ (en AE et CP) contre 37,2 M€ en AE et 33,6 M€ en CP pour 2014, notamment en raison de la sortie des grandes entreprises du dispositif.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE LA PAT (EN M€)

Source : CGET

Votre rapporteur espère que cette contraction des crédits n'est que temporaire : la PAT est un outil puissant qui peut faire la différence dans la négociation finale pour l'implantation d'un investissement. Ce mécanisme de solidarité nationale vient en aide aux territoires structurellement fragiles ou victimes de sinistres économiques. Il serait dommage d'affaiblir un instrument auquel recourent les autres pays européens.

3. Les pôles de compétitivité : un dispositif menacé ?

Dans le cadre du « Pacte national pour la croissance, la compétitivité et l'emploi », une troisième phase des pôles de compétitivité a été lancée pour la période 2013-2018 . L'objectif prioritaire de cette nouvelle phase est la maximisation son impact économique, envisagée selon deux axes :

- le passage de « l'usine à projets » à « l'usine à produits d'avenir » : cet objectif vise à inciter les pôles à favoriser l'émergence de projets de R&D ayant un impact économique concret, au travers de produits, services et procédés innovants directement commercialisables sur le marché : les pôles ont vocation à accompagner davantage le passage de la R&D à l'industrialisation ;

- l'accompagnement du développement des PME/ETI, dans quatre domaines en particulier : l'accès aux financeurs privés, l'internationalisation des entreprises, l'accompagnent des PME et l'anticipation des besoins en compétences.

Les pôles de compétitivité servent également de support opérationnel aux grands programmes lancés par le Gouvernement (34 plans industriels, French Tech).

Pour le moment, le soutien financier apporté par l'État aux pôles de compétitivité est sanctuarisé, à hauteur de 450 M€ sur la période 2013-2015, répartis entre 15 % pour le financement de la gouvernance des pôles et 85 % pour le financement des projets par le fonds unique interministériel.

Votre rapporteur s'inquiète cependant de la réduction annoncée du soutien de l'État . La position de l'administration est sans ambiguïté sur ce point : « La politique des pôles de compétitivité est amenée à évoluer en fonction du degré de maturité des pôles. L'accroissement des ressources privées des pôles est un objectif clair des prochaines années . Les modèles d'affaires des pôles doivent donc continuer à se consolider ». Lors de son audition, la ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité, a clairement affirmé qu' aucun nouvel appel à projets n'est actuellement envisagé . Votre rapporteur préfère attendre les résultats de l'évaluation en cours pour apprécier l'opportunité d'une baisse des crédits, qui n'est jamais une bonne nouvelle pour le développement économique des territoires.

4. La fin des grappes d'entreprises

La politique des grappes d'entreprises 3 ( * ) , lancée en 2009 , a pris fin en 2014 . À ce titre, aucun crédit de financement opérationnel n'est prévu depuis la LFI 2014. Le CGET continue cependant à financer l'animation du dispositif par le biais de l'association France Cluster (dont le marché court jusqu'en juin 2015).

Au total, 126 grappes d'entreprises (sur 450 candidatures) ont été labellisées à l'issue de deux appels à projets lancés au mois d'octobre 2009 (42 grappes retenues) et de juin 2010 (84 grappes retenues). Elles ont été soutenues jusqu'à la fin de 2012 pour la première vague et jusqu'à la fin 2013 pour la seconde vague.

Une évaluation du dispositif a été lancée par l'ex-Datar en janvier 2014 . Elle comporte deux volets : la caractérisation des grappes d'entreprises, résultats intermédiaires et qualification des premières retombées économiques et territoriales ; l'évaluation de la politique nationale en faveur des grappes d'entreprises (atteinte des objectifs et articulation avec les autres dispositifs de l'innovation).

Le comité de pilotage de l'étude se compose notamment du CGET, de l'Association des régions de France (ARF), de BPI France, de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), des régions, du secrétariat général des affaires régionales (SGAR), de la Direction générale de la compétitivité, de l'industrie et des services (DGCIS) et du Commissariat général à la stratégie et à la prospective (CGSP). Les résultats de cette étude seront connus à la fin de l'année.

Votre rapporteur s'inquiète de la survie d'un certain nombre de ces grappes dans les mois à venir , qui ne disposent pas de la capacité d'autofinancement nécessaire en l'absence du soutien financier de l'État.

5. Une fusion AFII - UbiFrance à marche forcée

En 2013, le rapport Bentejac-Desponts 4 ( * ) a suggéré de fusionner l'agence française pour le développement international des entreprises (AFII) et Ubifrance, afin de regrouper dans une même structure les savoir-faire et expertises des deux réseaux ,

Il s'agit de faire en sorte que les questions d'attractivité et de compétitivité soient traitées par une seule et même entité , au bénéfice des entreprises françaises travaillant à l'export et des entreprises étrangères désireuses de créer des emplois sur notre territoire.

À l'heure actuelle, les deux agences exercent des missions différentes, bien qu'elles partagent le même objectif de promotion et d'internationalisation de l'économie française : l'AFII est chargée de la prospection et de l'accueil des investissements internationaux en France, tandis qu'Ubifrance a pour but d'accompagner les entreprises françaises à l'international.

Cette fusion, qui s'inscrit dans la démarche du choc de simplification, a finalement été annoncée par le Président de la République lors du Conseil stratégique de l'attractivité du 14 février 2014 . Elle devrait intervenir au 1 er janvier 2015, et la nouvelle agence formera un ensemble de 1 500 personnes, présentes dans 65 pays. Elle sera placée sous la triple tutelle des ministères en charge des finances, des affaires étrangères et de l'aménagement du territoire. Son nom n'est pas encore décidé, mais pourrait être « France international ».

Soumis à un calendrier serré, ce projet soulève néanmoins certaines réticences , au sein d'Ubifrance comme de l'AFII. La prospection d'investisseurs étrangers pour la France et l'accompagnement d'entreprises françaises à l'étranger sont deux métiers bien différents. Votre rapporteur craint que les synergies recherchées ne se concrétisent guère - une fusion administrative étant rarement source d'économies à court terme -, et que cette opération ne soit qu' un prétexte pour réaliser davantage d'économies, au risque de détruire des compétences existantes .


* 2 Règlement communautaire n° 651/2014 du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d'aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité de l'Union Européenne.

* 3 Une grappe d'entreprises se définit comme un réseau d'entreprises constitué majoritairement de PME et de TPE, fortement ancrées localement, souvent sur un même créneau de production et une même filière, mobilisées autour d'une stratégie commune et la mise en place de services et actions concrets et mutualisés. Les grappes d'entreprises sont complémentaires des pôles de compétitivité : alors que ces derniers ont un positionnement axé sur la recherche-développement et l'innovation technologique, les grappes d'entreprises se positionnent sur des actions plus proches du marché. La réorientation des pôles de compétitivité pour 2013-2018 rend toutefois cette distinction obsolète.

* 4 Rapport de la mission d'évaluation sur l'efficacité du dispositif d'appui à l'internationalisation de l'économie française, remis le 26 juin 2013 à la ministre du commerce extérieur par Alain Bentejac et Jacques Desponts.

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