III. LE CONFLIT DU PRINTEMPS 2014, DÉBLOQUÉ PAR L'EXPÉRIMENTATION D'UNE CONCERTATION ACCOMPAGNÉE PAR L'ÉTAT

La signature de l'accord national interprofessionnel du 22 mars 2014 a entraîné un conflit d'une forte intensité, avec des signes d'enlisement comparables à ceux de 2004.

La concertation lancée par le Gouvernement, sous l'égide de la mission Archambault-Combrexelle-Gille a eu le mérite d'apaiser les esprits et d'initier une nouvelle méthode de concertation particulièrement riche en initiatives.

A. UNE FORTE CONTESTATION, ANNONCIATRICE D'UN SÉISME

Signé le 14 mars 2014, l'accord national interprofessionnel (ANI) a servi de base à la convention du 14 mai qui modifie concrètement les annexes VIII et X sur trois points principaux :

- le relèvement des cotisations , tant patronales que salariales ; elles passent de 10,8 % à 12,8 % des rémunérations brutes, dont 8 % à la charge des employeurs et 4,8 % à la charge des salariés (contre 6,40 % pour le régime général, 4 % à la charge des employeurs et 2,4 % à la charge des salariés). Selon l'Unédic, il en résulterait une recette supplémentaire de 30 millions d'euros en 2014 et 60 millions d'euros en année pleine ;

- le plafonnement du cumul des allocations et des revenus d'activité à 1,4 fois le plafond mensuel de la Sécurité sociale (visé à l'article L. 241-3 du code de la Sécurité sociale). Selon l'Unédic, ce plafonnement concernerait 6 % des intermittents indemnisés et la dépense d'assurance en serait réduite de 20 millions d'euros en 2014 et 30 millions d'euros en année pleine ;

- la modification des règles de calcul du différé d'indemnisation , qui s'applique désormais aux allocataires dont la rémunération horaire moyenne dépasse 1,68 SMIC, soit 16 euros de l'heure. Selon l'Unédic, ce nouveau mode de calcul crée un différé pour près de la moitié des allocataires , alors que neuf sur dix échappaient jusqu'ici à tout différé. Le gestionnaire évalue l'économie à 20 millions d'euros en 2014, 70 millions d'euros en 2015 et 100 millions d'euros annuels par la suite.

Le conflit s'est déclenché sur cet allongement du différé , les intermittents soulignant qu'il allait précariser davantage ceux qui avaient déjà les plus grandes difficultés . De fait, alors que la réforme de 2003 avait déjà « sorti » de l'indemnisation plusieurs milliers d'intermittents, l'allongement du différé rendrait la vie plus difficile pour ceux dont l'indemnisation est faible, proche des minimas sociaux, et qui disposent de moins de réserves financières. Le thème de « l'injustice du régime d'indemnisation » s'est imposé, aux côtés de celui de la précarité d'un grand nombre d'intermittents parmi les travailleurs pauvres.

Les intermittents, en particulier leurs coordinations, ont revendiqué alors un abandon de cet allongement du différé et un retour aux règles d'avant 2003 , en particulier à une période d'un an pour la recherche des 507 heures et au principe de la « date anniversaire » pour le réexamen des droits.

Devant l'ampleur de la contestation, le Gouvernement, début juin 2014, confia d'abord à Jean-Patrick Gille, député, une mission de médiation entre les protagonistes en vue d'une concertation de plus grande ampleur.

Le 19 juin 2014, le Premier ministre annonça que l'allongement du différé ne serait pas appliqué aux intermittents et que l'État compenserait le manque à gagner de l'Unédic, jusqu'à la prochaine renégociation. Il confia alors à M. Gille une nouvelle mission, cette fois-ci de concertation et de proposition , avec Hortense Archambault, ancienne co-directrice du Festival d'Avignon et Jean-Denis Combrexelle, ancien directeur du travail et président de la section sociale du Conseil d'État. L'objectif de cette mission était large, puisqu'en plus d'évaluer les conséquences de la convention du 14 mai, il lui fallait proposer une nouvelle méthode de concertation entre l'État, les syndicats et le patronat, ainsi que pour mieux lutter contre la précarité dans le spectacle.

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