Avis n° 506 (2014-2015) de M. François PILLET , fait au nom de la commission des lois, déposé le 10 juin 2015

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N° 506

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2014-2015

Enregistré à la Présidence du Sénat le 10 juin 2015

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi , ADOPTÉE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE , créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie ,

Par M. François PILLET,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Bas , président ; Mme Catherine Troendlé, MM. Jean-Pierre Sueur, Alain Richard, Jean-Patrick Courtois, Alain Anziani, Yves Détraigne, Mme Éliane Assassi, M. Pierre-Yves Collombat, Mme Esther Benbassa, M. François Pillet , vice-présidents ; MM. François-Noël Buffet, Michel Delebarre, Christophe-André Frassa, Thani Mohamed Soilihi , secrétaires ; MM. Christophe Béchu, Jacques Bigot, François Bonhomme, Luc Carvounas, Gérard Collomb, Mme Cécile Cukierman, M. Mathieu Darnaud, Mme Jacky Deromedi, M. Félix Desplan, Mme Catherine di Folco, MM. Christian Favier, Pierre Frogier, Mme Jacqueline Gourault, MM. François Grosdidier, Jean-Jacques Hyest, Mme Sophie Joissains, MM. Philippe Kaltenbach, Jean-Yves Leconte, Roger Madec, Alain Marc, Didier Marie, Patrick Masclet, Jean Louis Masson, Michel Mercier, Jacques Mézard, Hugues Portelli, André Reichardt, Bernard Saugey, Simon Sutour, Mmes Catherine Tasca, Lana Tetuanui, MM. René Vandierendonck, Jean-Pierre Vial, François Zocchetto .

Voir le(s) numéro(s) :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) :

2512 , 2585 et T.A. 486

Sénat :

348 , 467 et 468 (2014-2015)

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

Réunie le mercredi 10 juin 2015, sous la présidence de M. Philippe Bas , président, la commission des lois a examiné le rapport pour avis de M. François Pillet , rapporteur, sur la proposition de loi n° 468 (2014-2015) créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie .

La commission des lois a marqué son attachement aux deux principes cardinaux de la législation française actuelle sur la fin de vie : d'une part, la prohibition absolue que la mort soit donnée activement et intentionnellement, d'autre part, le respect, dans ce cadre, de la volonté de la personne et de sa dignité.

Pour cette raison, estimant que le recours à la sédation profonde et continue, qui place le patient dans un état d'inconscience totale jusqu'à son décès, se justifiait uniquement par le souci de soulager les souffrances d'une personne en fin de vie, elle a marqué son accord avec le choix de la commission des affaires sociales de restreindre ce recours aux cas de patients en fin de vie dont les souffrances sont réfractaires à tout autre traitement de soins palliatifs.

Par ailleurs, la commission a adopté neuf amendements , tendant à assurer une meilleure prise en compte de la volonté du patient.

En particulier, elle a jugé nécessaire de supprimer le lien indissoluble établi, à l'article 3 , entre la sédation profonde et continue et l'arrêt de tous les traitements de maintien en vie, comme l'alimentation, l'hydratation ou la respiration artificielles. Elle a en effet estimé que le choix d'arrêter ou non ces traitements, simultanément avec la sédation profonde, devait revenir à la personne concernée.

En outre, à l'article 8 , la commission des lois s'est interrogée sur les moyens de s'assurer de la validité des directives anticipées, qui fixent par écrit la volonté du patient pour sa fin de vie, au cas où il serait hors d'état de l'exprimer. Afin d'éviter que la force contraignante des directives anticipées se retourne parfois contre l'intéressé, s'il n'a pu formellement les révoquer alors qu'il le souhaitait, la commission des lois a prévu, d'une part, que cette révocation puisse intervenir par tout moyen (oralement, par écrit, par enregistrement audiovisuel...) et, d'autre part, que, lorsqu'un doute sérieux serait émis sur la validité de telles directives, le médecin puisse trancher cette question dans le cadre d'une procédure collégiale associant l'équipe médicale et la personne de confiance ou les proches de la personne concernée.

Sous réserve de l'adoption de ses amendements, votre commission des lois a donné un avis favorable à l'adoption de la proposition de loi.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Votre commission des lois s'est saisie pour avis de la proposition de loi n° 468 (2014-2015) créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie, d'abord examinée en première lecture à l'Assemblée nationale.

Elle se prononce, dans cet avis, après la commission des affaires sociales, compétente au fond et, donc, à partir du texte que cette dernière a adopté.

Cette proposition de loi traite d'un sujet difficile et sensible, qui engage, à la fois, des considérations médicales et juridiques, des questionnements éthiques et philosophiques et, surtout, des souffrances humaines. Ce sujet est celui de la fin de vie, des douleurs qui l'accompagnent, de l'ultime choix laissé au patient et du rôle de la médecine au seuil de la mort. Il appelle une réflexion prudente et empreinte d'humilité face aux détresses qui s'expriment et aux incertitudes qui le traversent.

Rédigé à la suite de nombreux travaux préparatoires 1 ( * ) par nos collègues députés, MM. Alain Claeys et Jean Leonetti, le texte vise à revenir sur le dispositif de la loi dite « Leonetti » du 22 avril 2005 2 ( * ) ( cf . encadré, infra ), dont la mise en oeuvre, notamment pour son volet relatif aux soins palliatifs, est apparue insuffisante, et qui méritait, pour ses auteurs, d'être renforcée en consacrant, au côté des devoirs du médecin, de nouveaux droits de patients.

La présente proposition de loi y apporte en effet deux modifications principales.

En premier lieu, elle tend, dans son article 3, à consacrer le droit, pour le patient victime d'une affection grave et incurable, à recevoir une sédation profonde et continue, qui le plonge dans l'inconscience, jusqu'à sa mort, et qui est accompagnée d'un arrêt de tous les traitements médicaux.

En second lieu, elle réforme, dans son article 8, le régime juridique des directives anticipées écrites, qui doivent en principe éclairer le médecin sur le voeu de son patient, si la question de la fin de sa vie se pose alors qu'il est inconscient ou dans une autre situation où il est incapable d'exprimer sa volonté. Elle précise aussi le rôle de la personne de confiance, chargée de témoigner de la volonté du patient (article 9) et l'articulation entre ces différents témoignages, écrits et oraux, du choix du patient (article 10).

Les autres dispositions du texte concernent les conditions du refus de l'acharnement thérapeutique (article 2), l'amélioration de la prise en compte de la souffrance et le développement de l'offre de soins palliatifs (article 1 er ), et la réaffirmation du droit des patients à recevoir des soins palliatifs et à refuser un traitement (articles 4 et 5).

Le droit applicable en matière de fin de vie, depuis la loi Leonetti du 22 avril 2005
(extraits du rapport du Conseil d'État sur la révision des lois de bioéthique)

« La question de la fin de vie a longtemps été traitée en creux par le droit français. Les médecins et les personnels de santé ne pouvaient se reposer que sur les dispositions du code de déontologie qui demandait au médecin de « s'abstenir de toute obstination déraisonnable dans les investigations ou la thérapeutique » (art. 4127-37 du code de la santé publique) tout en lui rappelant solennellement qu'il « n'a pas le droit de provoquer délibérément la mort » (art. R. 4127-38), ces dernières dispositions étant la traduction au plan déontologique de la prohibition de l'homicide par le code pénal.

« Une nouvelle perspective a été donnée à la question par la loi n°  99-477 du 9 juin 1999 qui a, d'une part, posé le principe d'un droit aux soins palliatifs pour « toute personne malade dont l'état le requiert » [aujourd'hui art. L. 1110-9 du code de la santé publique] et a, d'autre part, prévu que « la personne malade peut s'opposer à toute investigation ou thérapeutique ».

« Les deux fondements ainsi posés - possibilité pour le malade de refuser un traitement et obligation d'accompagnement par les soins palliatifs - ont été consolidés par les lois ultérieures. La loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 a renforcé le droit du malade à ne pas subir un traitement, y compris si cela doit abréger sa vie, en indiquant que lorsque la volonté du malade de refuser « un » traitement met sa vie en danger, le médecin doit essayer de le convaincre, puis accepter la décision du patient si elle est réitérée. Le médecin doit alors sauvegarder la dignité du patient en lui dispensant des soins palliatifs (art. L. 1111-4 du code de la santé publique).

« À ces dispositions fondées sur le choix du malade d'arrêter un traitement, la loi n° 2005-370 du 22 avril 2005, dite loi Leonetti , a apporté plusieurs compléments :

« - elle a précisé le contenu du droit du patient, en lui reconnaissant explicitement la possibilité de refuser « tout » traitement et de s'engager ainsi dans un processus de fin de vie ;

« - elle a prévu que dans les cas où le patient est « en phase avancée ou terminale d'une affection grave et incurable », la décision d'arrêt des traitements peut intervenir sans réitération de la demande par le patient (art. L. 1110-10) ;

« - elle a modifié l'équilibre qui résultait des dispositions précitées du code de déontologie, en ouvrant au médecin la possibilité de prendre lui-même une décision d'arrêt de tout traitement. Cette possibilité est ouverte à l'égard des patients « hors d'état d'exprimer leur volonté » (art. L. 1111-4 et L. 1111-13), la décision devant être précédée de la consultation de l'équipe soignante, de la consultation le cas échéant des directives anticipées rédigées par la personne, et de l'avis des proches. »

Source : Conseil d'État , La révision des lois de bioéthique,
La documentation française, 2009, p. 104

En se saisissant pour avis, votre commission des lois s'est principalement attachée aux interrogations éthiques que soulèvent les nouveaux droits ou les nouvelles obligations créés par la proposition de loi.

Deux principes cardinaux de la législation française sur la fin de vie ont guidé son rapporteur dans ses travaux : la prohibition absolue que la mort soit donnée activement et intentionnellement, le respect, dans ce cadre, de la volonté de la personne et de sa dignité.

Lors de ses auditions, des représentants des différentes confessions des grands courants de pensée et des institutions compétentes en matière d'éthique ont été entendus, ainsi que des représentants du personnel médical, en particulier les professionnels pratiquant les soins palliatifs, des juristes, des représentants de la Cour de cassation et du Conseil d'État et des représentants des ministères compétents.

I. UN DROIT À LA SÉDATION PROFONDE ET CONTINUE JUSQU'AU DÉCÈS QUI DOIT ÊTRE ENCADRÉ

Étymologiquement, la sédation désigne un apaisement. D'un point de vue médical, elle décrit le fait de placer, par des moyens médicamenteux, le patient dans un état où il n'a plus conscience de sa situation. Son intensité est variable, puisqu'elle peut aller d'un endormissement léger, dont l'intéressé peut être tiré par une simple sollicitation par la voix ou le toucher, au placement en coma artificiel. Elle peut être temporaire, le patient se réveillant lorsque la dose prescrite cesse de produire des effets, ou continue, lorsque le patient reçoit à intervalle régulier une dose de sédatif, destinée à maintenir son état d'endormissement.

Elle constitue une des techniques de soins palliatifs disponibles. À cet égard, la sédation profonde et continue, qui place le patient dans un état de coma artificiel, jusqu'à son décès, pour éviter, notamment, qu'il souffre, constitue sans doute le dernier degré de la gamme des soins palliatifs : la personne est placée dans un état d'inconscience totale, afin qu'elle ne ressente plus la douleur et qu'elle dorme jusqu'à ce qu'elle meurt. M. le docteur Régis Aubry, président de l'observatoire national de la fin de vie, a toutefois souligné, lors de son audition, qu'aucune étude scientifique ne confirmait ou n'infirmait l'idée selon laquelle le patient n'éprouverait, sous cet état, aucune douleur.

En prévoyant, à l'article 3 du présent texte, de reconnaître, dans certains cas, un droit pour le patient à bénéficier d'une sédation profonde et continue jusqu'à son décès, la proposition de loi ne crée pas une nouvelle pratique médicale. D'ores et déjà, les équipes soignantes y recourent, dans un souci d'humanité, pour éviter au mourant les souffrances de sa maladie ou de son agonie.

En revanche, élever cette possibilité au rang d'un droit garantirait au patient de pouvoir en réclamer le bénéfice contre un médecin qui le lui refuserait, cas fort peu probable au regard des exigences de la déontologie médicale, ou de pouvoir en réclamer le bénéfice auprès de l'établissement hospitalier ou le service qui le soigne, ce qui est plus plausible compte tenu du retard de notre pays dans le développement des soins palliatifs. Ce droit pourra en outre fonder une action en responsabilité, pour carence, contre les structures qui n'auront pu en garantir l'exercice.

A. DES SITUATIONS DIFFÉRENTES, QUI CHANGENT LE SENS QUI PEUT ÊTRE DONNÉ À LA RECONNAISSANCE DU DROIT À LA SÉDATION

1. Les quatre cas envisageables et le choix opéré par la proposition de loi

Quatre cas ont été évoqués au cours des auditions qui pourraient justifier le recours à la sédation profonde et continue jusqu'au décès.

Le premier est celui d'un patient en fin de vie, atteint d'une maladie grave et incurable, qui éprouverait une souffrance réfractaire à tout traitement. La gamme entière des soins palliatifs étant impuissante à soulager cette douleur, le patient pourrait demander à être plongé dans l'inconscience, pour ne plus souffrir.

Le deuxième cas est celui d'un patient, lui aussi en fin de vie et atteint d'une maladie grave et incurable, mais dont les souffrances seraient suffisamment apaisées par les soins palliatifs. Pour autant, il pourrait demander à bénéficier de cette sédation, parce qu'il souhaiterait éviter de vivre son agonie et préfèrerait être plongé avant dans l'inconscience. M. Jean-Claude Ameisen, président du Comité consultatif national d'éthique, a défendu, lors de son audition, cette circonstance de recours à la sédation profonde et continue.

Le troisième cas est celui d'un patient qui, sans être en fin de vie, est atteint d'une maladie grave et incurable, et souhaite arrêter le traitement qui le maintient en vie (dialyse, traitement à l'insuline, respirateur artificiel...), ce qui le fera basculer, ce faisant, dans une situation de fin de vie. Il serait procédé à la sédation profonde et continue concomitamment à l'arrêt du traitement de maintien en vie.

Le quatrième cas est proche du troisième, puisqu'il s'agit du patient hors d'état d'exprimer sa volonté, pour lequel une décision d'arrêt de traitement de maintien en vie est prise au titre du refus de l'obstination déraisonnable. La sédation serait appliquée, préventivement, parce qu'il a été constaté, dans certains cas dramatiques, que l'arrêt de l'alimentation artificielle chez un patient en état végétatif avait provoqué d'importantes souffrances.

La proposition de loi issue des travaux de l'Assemblée nationale a retenu les premier, troisième et quatrième cas de recours à la sédation profonde et continue, et écarté le second.

Le texte adopté par la commission des affaires sociales n'a retenu que le premier et le quatrième, à la condition, dans ce dernier cas, que la souffrance soit jugée réfractaire à tout autre traitement.

2. Un droit de ne pas souffrir ou un droit de ne pas se voir mourir ?

Une question détermine le choix de retenir un cas ou un autre de recours à la sédation jusqu'au décès : s'agit-il d'assurer au patient le droit de ne pas souffrir ou celui de ne pas se voir mourir, même si l'exercice de ce droit suppose de le placer en état de sédation profonde et continue jusqu'à son décès ?

Répondre en faveur du seul droit de ne pas souffrir conduit à retenir le premier cas, celui d'une souffrance réfractaire à tout traitement, et, sans doute, le quatrième, si l'on craint que la personne hors d'état d'exprimer sa volonté souffre de l'arrêt de son traitement.

Tel est le choix opéré, à l'initiative de ses rapporteurs, par la commission des affaires sociales.

À l'inverse, retenir la consécration d'un droit de ne pas assister à sa propre mort et d'être inconscient durant son agonie, revient à autoriser la sédation profonde et continue dans l'ensemble des cas précités, en particulier celui de la sédation effectuée sur une personne en fin de vie, dont les souffrances sont pourtant soulagées par d'autres traitements.

Telle est la position défendue notamment par le président du Comité consultatif national d'éthique, M. Jean-Claude Ameisen, qui a estimé, qu'à défaut, l'apport de la proposition de loi serait faible, puisqu'il se limiterait à consacrer un droit, celui de ne pas souffrir, qui existe déjà sous la forme d'un devoir, celui du médecin de mettre en oeuvre tous les moyens possibles pour apaiser la souffrance du patient.

Votre rapporteur note que le texte des députés tient une position intermédiaire, puisqu'il reconnaît le droit, pour celui qui arrête son traitement de maintien en vie, de ne pas se voir mourir, sans qu'il soit fait référence à une souffrance réfractaire, mais qu'il ne retient pas en revanche le cas d'une personne en fin de vie, dont les douleurs sont traitées par des soins palliatifs.

3. La position de votre commission

Pour votre commission, instaurer un droit à la sédation profonde et continue pour éviter une souffrance qu'aucun autre traitement ne peut apaiser est justifié. Il ne s'agit pas seulement de convertir en un droit un devoir qui pèse actuellement sur les médecins, mais de reconnaître les obligations de notre société vis-à-vis de ceux qui souffrent au seuil de leur mort.

Après en avoir débattu, votre commission n'a en revanche pas estimé qu'il fallait encore étendre le champ du droit à la sédation profonde et continue.

Elle a tout d'abord constaté que bien des cas se résolvaient dans celui de la souffrance réfractaire. Ainsi une sédation pourrait être décidée si l'arrêt d'un traitement de maintien en vie conduisait à des douleurs qui ne pourraient être apaisées autrement.

Elle a ensuite souligné que la sédation profonde et continue n'était pas un acte anodin. En effet, plaçant le patient dans un état d'inconscience totale, elle le rend dépendant, pour sa survie, de la mise en place de traitements de suppléance vitale que sont l'alimentation et l'hydratation artificielle.

Or, les protocoles reçus par les sociétés savantes en matière de sédation profonde et continue associent souvent ce traitement à l'arrêt de tous les autres traitements. Cet aspect avait déjà retenu l'attention du Conseil d'État dans son rapport précité sur la révision des lois de bioéthique.

Le Conseil s'était en effet interrogé sur « la pratique de la sédation profonde à l'égard des patients qui ne sont pas hors d'état d'exprimer leur volonté et qui demandent un tel acte, en vue d'obtenir ensuite , sans souffrance, l'arrêt de tout traitement et notamment, de toute suppléance vitale. L'éventail des hypothèses est ici assez large : peuvent formuler une telle demande des patients connaissant des douleurs réfractaires aux soins palliatifs, des patients dont la douleur physique est prise en charge mais qui connaissent une très grande souffrance psychique et morale, ou encore des patients qui, pour d'autres raisons, refusent tout soin et demandent à obtenir une fin de vie par ce moyen ».

Après avoir rappelé que la loi ne permet pas au médecin de satisfaire une telle demande dans tous les cas de figure, le Conseil soulignait que tout dépendait ici « de l'intention qui préside au placement du patient sous sédation profonde. S'il s'agit d'atténuer la douleur ressentie par un patient conscient et en fin de vie, la mise sous sédation peut être regardée comme la forme appropriée de soins palliatifs, et l'arrêt des suppléances vitales qui lui succéderait peut constituer, compte tenu de la proximité de la fin de vie, l'issue la plus conforme à l'humanité à l'égard du patient. En revanche, dans le cas où, le patient n'étant pas en fin de vie ou la souffrance pouvant être traitée par d'autres moyens, le placement sous sédation a pour seule visée de placer le patient sous suppléance vitale dans l'objectif d'interrompre ensuite celle-ci pour mettre fin à sa vie, le geste ne correspondrait plus aux possibilités prévues par la loi. Celle-ci permet en effet [...] d'interrompre les traitements qui maintiennent en vie le malade, mais elle n'autorise pas à créer artificiellement une situation dans laquelle la vie du patient dépend de suppléances vitales en vue ensuite de mettre fin à celle-ci » 3 ( * ) .

Selon le cadre dans lequel elle intervient, et l'intention qui la porte, la sédation est donc une pratique médicale acceptable ou expose à des dérives, contraires aux principes qui fondent la législation française sur la fin de vie. À cet égard, le fait qu'elle intervienne ou non dans une situation effective de fin de vie est déterminant 4 ( * ) .

Un autre argument a retenu l'attention de votre commission : comme l'a indiqué le professeur Emmanuel Hirsch lors de son audition par votre rapporteur, la consécration d'un droit à la sédation profonde et continue, pour ne pas assister à sa propre mort, risque de créer symboliquement un modèle du « bien mourir », qui conduirait ensuite les professionnels à privilégier cette pratique, au détriment d'une prescription adaptée de soins palliatifs. Ceci rejoint une préoccupation énoncée par le Conseil d'État dans son rapport précité : « la sédation profonde ne peut en aucun cas être un substitut aux soins palliatifs, une « solution de facilité » qui viendrait en quelque sorte pallier leur absence » 5 ( * ) .

Pour l'ensemble de ces raisons, votre commission s'est prononcée en faveur de la rédaction retenue, sur ce point, par la commission des affaires sociales, qui limite le recours à la sédation profonde et continue jusqu'au décès aux seuls cas de souffrance réfractaire à tout autre traitement.

B. UN LIEN SYSTÉMATIQUE ENTRE LA SÉDATION PROFONDE ET CONTINUE ET L'ARRÊT DE TOUS LES TRAITEMENTS QUI POSE QUESTION

1. La consécration législative d'une recommandation médicale

Dans sa version issue des travaux de l'Assemblée nationale, comme dans celle issue de ceux de la commission des affaires sociales, l'article 3 de la proposition de loi, relatif au droit à la sédation profonde et continue, lie indissolublement cette sédation avec une analgésie et l'arrêt des traitements de maintien en vie.

Cette liaison systématique consacre, dans la loi, les recommandations de bonne pratique formulées par les sociétés savantes de soins palliatifs. Il s'agit d'éviter que le maintien des traitements prolonge la vie et donc la durée de la sédation.

2. La position de votre commission : une consécration contradictoire avec le souci de donner plus de force à la volonté du patient

Sans contester sa pertinence d'un point de vue médical, même si, comme l'a remarqué le docteur Régis Aubry, président de l'observatoire national de la fin de vie, les effets sur la fin de vie d'une sédation profonde et de l'arrêt de certains traitements sont ambivalents, votre rapporteur s'est interrogé sur ce systématisme.

Il lui est apparu contradictoire de reconnaître un nouveau droit du patient tout en limitant sa liberté dans l'exercice de ce droit.

En outre, indépendamment de leur effet médical, certains traitements peuvent, plus que d'autres, avoir pour la personne une dimension symbolique. Il en va tout particulièrement ainsi de l'alimentation, de l'hydratation ou de la respiration : la nourriture que nous mangeons, l'eau que nous buvons, l'air que nous respirons. N'y aurait-il pas un paradoxe à chercher à apaiser la détresse d'une personne face à sa mort, en lui offrant la consolation symbolique d'un sommeil apaisé, en lui refusant la certitude qu'elle ne mourra pas de faim, de soif ou d'asphyxie, mais seulement de sa maladie ?

Enfin, lier indissolublement sédation profonde et arrêt des traitements vitaux est rendre plus indistincte la frontière entre une mort causée par la maladie et une mort liée à une autre cause, voire aux conséquences d'un traitement médical. Or cette distinction permet d'écarter tout risque de dérive euthanasique.

Par conséquent, afin de redonner force à la volonté du patient au seuil de sa vie, votre rapporteur a proposé à votre commission un amendement , qu'elle a adopté, permettant à la personne en fin de vie de réclamer une sédation profonde et continue, en s'opposant, toutefois, à ce que certains traitements soient arrêtés.

C. UNE QUESTION CRUCIALE : LA DÉFINITION DU MOMENT À PARTIR DUQUEL IL PEUT ÊTRE RECOURU À LA SÉDATION

La sédation profonde et continue ne pourrait être mise en oeuvre, à la demande du patient, que si son pronostic vital est engagé à court terme en raison de l'arrêt d'un traitement ou de l'évolution de sa maladie.

Cette expression vise à caractériser la situation de fin de vie de la personne. Les professionnels de santé entendus par votre rapporteur s'entendent pour fixer ce terme à quelques heures ou quelques jours.

Il n'est sans doute pas possible à la loi d'être plus précise, sans risquer d'exclure des situations qui mériteraient d'être qualifiées de situations de fin de vie.

Toutefois, votre rapporteur souligne que toute interprétation qui consisterait à considérer cette condition remplie, alors que le pronostic vital est engagé, par exemple à plusieurs semaines, serait dangereuse et risquerait de changer totalement la nature du droit ainsi consacré.

En effet, le dispositif proposé est justifié parce que la sédation, qui apaise les souffrances, ne donne pas la mort : le malade qui est en fin de vie et dont l'agonie a donc commencé, meurt de sa maladie. Or, plus la sédation anticipera ce terme, moins il sera sûr que le malade mourra de sa maladie, puisque, si les suppléances vitales (alimentation, hydratation) n'ont pas été mises en place, il est alors probable qu'elle mourra de leur défaut.

Dans cette situation, la frontière, précédemment évoquée, entre la fin de vie causée par la maladie et celle causée par les conséquences d'un traitement serait brouillée, au risque de faire perdre toute légitimité au recours à une telle sédation.

II. UNE REFORMULATION DES DISPOSITIONS RELATIVES À L'OBSTINATION DÉRAISONNABLE AUX CONSÉQUENCES CONTESTABLES

A. DES CONSÉQUENCES SYMBOLIQUES FORTES

1. Les modifications proposées

Comme on l'a vu précédemment 6 ( * ) , l'actuel article L. 1110-5 du code de la santé publique autorise le médecin à cesser un traitement, au titre du refus de l'obstination déraisonnable, lorsque ce traitement est inutile, disproportionné ou qu'il n'a comme effet que le seul maintien artificiel en vie de la personne.

Dans sa version issue des travaux de l'Assemblée nationale, l'article 2 de la proposition de loi modifie cette disposition d'une part, pour faire de cette autorisation une obligation, et, d'autre part, pour ne retenir que les deux premiers cas (le traitement inutile ou le traitement disproportionné), en estimant que le troisième, celui du seul maintien artificiel de la vie, se rattache à l'un ou l'autre.

2. La position de votre commission : un texte issu des travaux de la commission des affaires sociales plus protecteur

La commission des affaires sociales s'y est opposée et a rétabli, sur ce point, le droit en vigueur.

Votre commission des lois y a souscrit : la portée symbolique de la rédaction de l'Assemblée nationale est problématique, puisqu'elle répute inutile ou disproportionné le maintien artificiel de la vie, alors que le jugement que l'on peut avoir sur un corps en apparence déserté par toute conscience est forcément subjectif et dépend des convictions de chacun. En outre, imposer absolument au médecin, fusse au titre du refus de l'obstination déraisonnable, d'arrêter un traitement de maintien en vie s'accorde mal avec le pouvoir d'appréciation qui lui est reconnu en principe, comme avec la mission qui est la sienne.

B. UNE EXTENSION EXCESSIVE DU CHAMP D'APPLICATION DE LA PROCÉDURE COLLÉGIALE

Le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale, comme celui issu des travaux de la commission des affaires sociales, a généralisé l'obligation faite au médecin, lorsqu'il envisage d'arrêter un traitement au titre du refus de l'obstination déraisonnable, de s'en remettre à la volonté du patient et de rendre sa décision après l'intervention d'une procédure de consultation collégiale.

À l'initiative de son rapporteur, votre commission a adopté un amendement limitant ce recours à la procédure collégiale aux cas où le patient serait hors d'état d'exprimer lui-même sa volonté. En effet, ce serait faire peu de cas de la volonté du patient conscient que de soumettre sa décision d'arrêter un traitement à une procédure collégiale.

En revanche, votre commission a souscrit aux précisions apportées, dans la loi, par la commission des affaires sociales, sur les caractéristiques auxquelles une telle procédure collégiale doit répondre.

III. LA NÉCESSITÉ D'UNE MEILLEURE PRISE EN COMPTE DE LA VOLONTÉ DU PATIENT

L'objectif d'une meilleure prise en compte de la volonté du patient est au coeur des réflexions menées ces dernières années sur le système de santé et, en particulier, sur la fin de vie.

Comme l'a souligné le Comité consultatif national d'éthique (CCNE) dans son avis n° 121 7 ( * ) , « l'expérience du mourir » s'est profondément modifiée. « Si la mort s'est institutionnalisée, si son accompagnement s'est professionnalisé, le rapport moderne à la mort s'est privatisé, individualisé. Il oscille entre une mise à distance de la mort et une aspiration à la contrôler, à faire de la mort une question de choix individuel . »

Ce mouvement d'autonomisation du patient s'est traduit dans la loi par la possibilité pour le malade d'exprimer sa volonté dans un certain nombre de cas : droit de consentir à tout acte médical et à tout traitement 8 ( * ) , droit de décider de limiter ou d'arrêter tout traitement qu'elle jugerait inutile ou déraisonnable et de s'engager ainsi volontairement dans un processus de fin de vie 9 ( * ) , mais également par la mise en place d'outils permettant de recueillir la volonté du patient hors d'état de l'exprimer.

Ainsi, la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé a permis au patient de désigner une personne de confiance, qui est consultée sur la décision à prendre au cas où la personne serait hors d'état d'exprimer sa volonté 10 ( * ) .

La loi n° 2005-370 du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie a ensuite prévu la possibilité pour toute personne majeure d'exprimer de manière anticipée ses souhaits relatifs à la fin de vie, et notamment les conditions de la limitation ou de l'arrêt des traitements, pour le cas où elle serait un jour hors d'état de manifester sa volonté 11 ( * ) .

Ces directives anticipées, contrairement à ce que pourrait laisser supposer leur nom, n'ont aucun effet contraignant pour le médecin, qui a seulement l'obligation d'en tenir compte dans les décisions d'investigation, d'intervention ou de traitement qu'il prend concernant le patient.

A. UN RENFORCEMENT PAR LA PROPOSITION DE LOI DE L'EFFICACITÉ DES MODES DE PREUVE DE LA VOLONTÉ DU PATIENT

Comme le soulignait M. Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d'État dans son intervention au colloque organisé par le Sénat sur la fin de vie le 19 février 2015, « le bilan des directives anticipées apparait mitigé : alors qu'elles sécurisent les choix opérés en fin de vie dans le respect des volontés individuelles, les patients ne se sont pas approprié cet outil qui reste, par ailleurs, mal connu des professionnels de santé ».

De fait, selon les travaux de l'Institut national des études démographiques (INED), seules 2,5 % des personnes décédées avaient rédigé des directives anticipées. Lorsque les directives anticipées existent, les médecins déclarent qu'elles ont été « un élément important » pour 72 % des décisions médicales en fin de vie 12 ( * ) .

Le constat est le même pour le dispositif permettant de désigner une personne de confiance. Il demeure largement méconnu et inégalement appliqué dans les établissements de santé notamment.

Il est difficile de déterminer les raisons de ce peu d'engouement pour ces dispositifs.

Selon le docteur Régis Aubry, président de l'observatoire de la fin de vie, entendu par votre rapporteur, la question de la mort est taboue dans la culture française, ce qui expliquerait une certaine réticence des personnes à se pencher sur des dispositions traitant de leur fin de vie.

Nombreuses sont les personnes entendues par votre rapporteur qui estiment que cette situation résulte principalement d'une réelle méconnaissance de la loi et d'un défaut d'appropriation des directives anticipées par les patients mais également par les professionnels de santé.

Dès lors, votre commission estime qu'il aurait peut-être été pertinent de commencer par rendre les dispositions prévues par la loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie pleinement applicables, et d'en tirer un véritable bilan, avant d'envisager de les réformer en profondeur.

Tel n'a pas été le parti retenu par les auteurs de la proposition de loi, MM. Alain Claeys et Jean Leonetti. Au-delà des mesures visant à améliorer le recours aux directives anticipées comme la mise à disposition d'un modèle de rédaction, ou leur enregistrement dans un fichier national 13 ( * ) , le texte propose une véritable réforme de leur statut juridique.

Les auteurs du texte ont ainsi choisi de renforcer substantiellement les directives anticipées, en supprimant toute limite de validité (aujourd'hui fixée à trois ans) et en prévoyant qu'elles s'imposeraient désormais aux médecins.

Pour éviter la multiplication de témoignages différents et la naissance d'éventuels conflits d'interprétation de la volonté du malade inconscient, le texte établit une hiérarchie entre les différents éléments de preuve en présence. Les directives anticipées seraient le mode privilégié de preuve de l'expression de la volonté du patient. Elles l'emporteraient sur tout autre témoignage. À défaut de directives anticipées, c'est le témoignage de la personne de confiance, si elle a été désignée, qui ferait foi. En dernier lieu, seraient pris en compte les éléments recueillis par la famille ou les proches.

B. UN DISPOSITIF TROP RIGIDE QUI NE PERMET PAS DE PRENDRE PLEINEMENT EN COMPTE LA VOLONTÉ DU PATIENT

1. Le danger de faire des directives anticipées la preuve irréfragable de l'expression de la volonté du malade

L'article 8, dans sa rédaction issue des travaux de la commission des affaires sociales, dispose que les directives anticipées s'imposent au médecin sauf dans deux hypothèses :

- si les circonstances visées par ces directives ne correspondent pas à la situation médicale du patient ;

- en cas d'urgence vitale. Leur application est alors suspendue pendant le temps nécessaire à l'évaluation complète de la situation médicale du patient.

Or, le médecin pourrait tout à fait se trouver en présence de directives anticipées dont l'application ne pose aucune difficulté sur le plan médical mais qui ne seraient plus valides, c'est-à-dire qui ne reflèteraient plus la volonté du patient. Il ne pourrait pas, dans ce cas, les écarter.

Bien que la proposition de loi prévoit, pour limiter ce risque, que les directives anticipées seront révocables à tout moment 14 ( * ) , en raison de la suppression de leur limite de validité 15 ( * ) , le médecin pourrait se trouver en présence de directives très anciennes, dont le patient pourrait avoir oublié jusqu'à l'existence.

Si ces directives se révèlent conformes à la situation médicale du patient, quand bien même celui-ci aurait depuis exprimé d'autres souhaits, recueillis par la personne de confiance, ou par tout autre moyen, elles devraient être appliquées, en raison de la valeur supérieure que leur donne le texte 16 ( * ) .

Pour éviter ce type de situations, dans sa rédaction initiale, non modifiée sur ce point par l'Assemblée nationale, la proposition de loi permettait d'écarter les directives qui apparaitraient « manifestement inappropriées » au médecin. Ainsi, comme le soulignait M. Jean Leonetti, coauteur et corapporteur du texte, lors de l'examen du texte en commission des affaires sociales de l'Assemblée, « si quelqu'un rédige ses directives à l'adolescence et tombe malade à quatre-vingts ans, on pourra évidemment faire valoir leur caractère inapproprié » 17 ( * ) .

La rédaction retenue par la commission des affaires sociales du Sénat ne permet pas une telle souplesse. La possibilité d'appliquer les directives anticipées ne serait appréciée qu'au regard de la situation médicale du patient.

Dès lors, bien que les directives anticipées constituent l'élément le plus fiable pour déterminer la volonté d'un patient en état d'inconscience, votre commission n'a pas jugé opportun de les sanctuariser comme la preuve absolue de la volonté du patient, et de figer cette volonté à un moment précis, sans pouvoir prendre en compte ses évolutions ultérieures éventuelles.

Comme l'a souligné M. Jean-Marc Sauvé, lors de son intervention au colloque organisé par le Sénat sur la fin de vie en janvier dernier, « lorsque le patient est dans un état d'inconscience, ses directives anticipées expriment une présomption de volonté ; elles sont une approximation, certes très forte, de ce qu'aurait été sa volonté consciente. Mais cette présomption ne saurait être irréfragable : elle doit pouvoir être écartée, lorsqu'un faisceau d'indices probants et circonstanciés démontre qu'elles ne correspondent plus à la volonté du patient ».

Afin d'éviter que la force contraignante des directives anticipées se retourne parfois contre leur auteur, votre commission des lois a adopté un premier amendement prévoyant que les directives anticipées pourraient être révoquées « par tout moyen » (oralement, par écrit, par enregistrement audiovisuel...).

Elle a ensuite adopté un second amendement précisant expressément que le médecin ne serait pas tenu de se conformer aux directives anticipées dont la validité fait l'objet d'une contestation sérieuse . Ainsi les directives qui ne correspondraient pas au dernier état de la volonté du patient inconscient, apprécié à la lumière d'éléments plus récents, comme le témoignage de la personne de confiance par exemple, ne s'imposeraient pas au médecin.

Enfin, pour améliorer, autant que faire se peut, la mise à jour des directives anticipées, votre commission a également adopté un troisième amendement précisant que le décret en Conseil d'État, qui fixe notamment les conditions de conservation des directives anticipées, devrait également prévoir un rappel régulier , à la personne qui a enregistré ses directives anticipées dans le registre national, de l'existence de celles-ci .

2. La mise en oeuvre de la procédure collégiale en cas de contestation sérieuse portant sur la validité des directives

Alors que le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale limitait le recours au processus collégial de décision 18 ( * ) aux situations dans lesquelles les directives anticipées apparaissaient « manifestement inappropriées » au médecin, la commission des affaires sociales a systématisé la mise en oeuvre de cette procédure. L'application de toutes directives anticipées devrait désormais faire l'objet d'une telle procédure 19 ( * ) .

Estimant que le recours à cette collégialité est une garantie supplémentaire apportée au patient et permettrait de ne pas laisser le médecin seul face à la décision lourde de conséquences d'appliquer ou non des directives anticipées, votre commission a adopté un amendement précisant que, face à un doute sérieux émis sur la validité de ces directives, le médecin trancherait la question dans le cadre de la procédure collégiale .

3. La nécessité de favoriser par tout moyen l'émergence de la volonté du malade inconscient

Enfin, concernant la personne de confiance, votre commission des lois s'est inquiétée de la rédaction issue des travaux de la commission des affaires sociales, concernant la valeur du témoignage de la personne de confiance.

Celle-ci précise que la parole de la personne de confiance prévaudrait « sur tout autre élément permettant d'établir la volonté du patient à l'exclusion des directives anticipées », alors que le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale ne la faisait prévaloir que sur les autres témoignages (de la famille et des proches le plus souvent).

Or, s'il existe des éléments permettant d'établir la volonté du patient (comme un enregistrement vidéo, une lettre, un message téléphonique vocal ou écrit), il peut sembler contestable de les écarter par principe. À l'initiative de son rapporteur, votre commission des lois a donc adopté un amendement à l'article 9 permettant de revenir à une valeur plus limitée du témoignage de la personne de confiance . Celui-ci ne prévaudrait que sur d'autres témoignages et non pas sur tout élément.

4. Permettre aux personnes sous tutelle d'exprimer leur volonté

Le dernier alinéa de l'article 8 de la proposition de loi, qui n'a pas été modifié par la commission des affaires sociales, permet aux personnes qui font l'objet d'une mesure de protection juridique, quelle qu'elle soit (tutelle, curatelle, sauvegarde de justice, mandat de protection future), de rédiger des directives anticipées sur autorisation du juge ou du conseil de famille s'il a été constitué.

Votre commission des lois a adopté un amendement limitant l'application de ce dispositif aux seules personnes placées sous tutelle . En effet, s'agissant des autres mesures, les personnes peuvent d'ores et déjà rédiger librement des directives anticipées. Il n'est donc pas apparu opportun de les soumettre à un régime d'autorisation plus contraignant.

Par parallélisme, elle a également adopté un amendement à l'article 9, précisant que les personnes sous tutelle pourraient , dans les mêmes conditions, c'est-à-dire avec une autorisation du juge ou du conseil de famille, désigner une personne de confiance .

* *

*

Au bénéfice de ces observations et sous réserve de l'adoption de ses amendements, votre commission a donné un avis favorable à l'adoption des articles de la proposition de loi dont elle s'est saisie.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er (art. L. 1110-5 du code de la santé publique) - Droits des malades et des patients en fin de vie

Le présent article vise, d'une part, à convertir l'obligation faite aux médecins d'assurer à leurs patients une fin de vie digne, en droit pour ces patients de l'obtenir, et, d'autre part, à préciser le type de soin que l'équipe médicale doit leur procurer ou s'abstenir de leur imposer.

I. Le droit en vigueur

Initialement 20 ( * ) , l'article L. 1110-5 du code de la santé publique était consacré au droit des patients à recevoir les soins qu'appelle leur état et particulièrement ceux destinés à soulager leur douleur. Une disposition introduite par un amendement parlementaire adopté à l'Assemblée nationale à l'initiative de M. Jean-Michel Dubernard, puis modifiée par la commission des affaires sociales du Sénat, avait posé à cette occasion le principe selon lequel « les professionnels de santé mettent en oeuvre tous les moyens à leur disposition pour assurer à chacun une vie digne jusqu'à la mort ».

La loi du 22 avril 2005 21 ( * ) y a apporté deux modifications importantes.

Tout d'abord, elle a décrit ce qu'elle a nommé l'« obstination déraisonnable », dans la poursuite des traitements et qui correspond à l'acharnement thérapeutique. Aux termes de l'article précité, il s'agit des situations dans lesquelles les traitements mis en oeuvre apparaissent soit inutiles, soit disproportionnés, soit n'avoir d'autres effets que le seul maintien artificiel de la vie 22 ( * ) .

Ensuite, elle a autorisé les médecins à recourir à des traitements destinés à soulager la douleur d'une personne en phase avancée ou terminale d'une affection grave et incurable, même si ceux-ci peuvent avoir pour effet secondaire d'abréger sa vie (il s'agit du principe dit du « double effet » du traitement), à la condition d'en informer le patient, la personne de confiance ou ses proches 23 ( * ) .

Depuis ces modifications, l'article L. 1110-5 mêle donc des considérations générales relatives à l'accès aux soins, y compris les soins palliatifs, ainsi que d'autres, plus précises, relatives d'une part à l'arrêt des traitements en cas d'obstination déraisonnable et, d'autre part, au possible double effet des soins palliatifs apportés à une personne en fin de vie.

L'article 1 er de la proposition de loi a pour objet de conserver audit article L. 1110-5 une portée générale, en renvoyant les considérations plus précises à un nouvel article L. 1110-5-1, s'agissant de l'obstination déraisonnable - l'article 2 du texte y est consacré - et à l'article L. 1110-9 déjà en vigueur, s'agissant du double effet - cette modification est opérée par l'article 4 de la proposition de loi.

Le présent article 1 er apporte aussi quelques précisions sur la nature des soins, à la fois curatifs et palliatifs 24 ( * ) , auxquels le malade a droit.

Enfin, il propose une nouvelle rédaction de la première phrase du dernier alinéa de l'article L. 1110-5, issue de l'amendement précité de M. Jean-Michel Dubernard.

Symboliquement, plutôt que d'évoquer un devoir des professionnels de santé « pour assurer à chacun une vie digne jusqu'à la mort », cette nouvelle rédaction, issue des travaux de l'Assemblée nationale, consacre un droit, pour toute personne, « à une fin de vie digne et apaisée », et impose aux professionnels de garantir le respect de ce droit.

À l'initiative de ses rapporteurs, la commission des affaires sociales du Sénat a remplacé le terme « apaisée » par l'expression « accompagnée du meilleur apaisement possible de la souffrance ». Cette modification rend compte que la médecine n'est malheureusement pas toujours en mesure d'apporter effectivement cet apaisement, mais qu'il est de son devoir de tenter d'y parvenir.

Votre commission a donné un avis favorable à l'adoption de l'article 1 er .

Article 2 (art. L. 1110-5-1 [nouveau] du code de la santé publique) - Arrêt des traitements en vertu du refus d'une obstination déraisonnable

Le présent article reprend, dans un nouvel article L. 1110-5-1 du code de la santé publique et sous une rédaction adaptée, les dispositions relatives à l'arrêt des traitements au titre du refus de l'acharnement thérapeutique, aujourd'hui inscrites à l'article L. 1110-5 du même code.

• Le droit en vigueur

Dans leur rédaction en vigueur, issue de la loi précitée du 22 avril 2005, ces dispositions définissent l'acharnement thérapeutique ou, selon le terme qu'elles retiennent, « l'obstination déraisonnable », comme la poursuite de traitements soit « inutiles », soit « disproportionnés », soit, enfin, comme n'ayant « d'autre effet que le seul maintien artificiel de la vie ».

Les traitements inutiles sont ceux qui n'apportent aucune amélioration à l'état du patient, qu'il s'agisse de sa guérison ou de son bien-être. Leur caractère disproportionné s'apprécie au regard des risques ou des effets nocifs qu'ils présentent par rapport au bénéfice thérapeutique escompté.

La dernière situation, relative au seul maintien artificiel de la vie, recouvre deux éléments, comme le conseil national de l'ordre des médecins l'a observé dans l'avis qu'il a rendu à la demande du Conseil d'État dans l'affaire Lambert . En effet , cette expression renvoie à « la situation des personnes chez lesquelles non seulement le maintien de la vie n'est assuré que par le recours à des moyens et techniques de substitution de fonctions vitales essentielles 25 ( * ) , mais aussi et surtout chez lesquelles on constate une altération profonde et irréversible des fonctions cognitives et relationnelles ». Selon le conseil national de l'ordre des médecins, « il eût peut-être été préférable de parler de maintien de la seule vie somatique » 26 ( * ) . La situation ainsi décrite est celle du coma profond, sans espoir d'amélioration.

L'actuelle rédaction de l'article L. 1110-5 autorise un médecin, dans l'une de ces trois situations, à suspendre le traitement en cause ou à ne pas l'entreprendre. Il n'est pas précisé à cet article si le patient doit consentir à cet arrêt ou à cette absence de traitement.

Deux cas doivent être distingués.

Le premier est celui du patient conscient et capable d'exprimer sa volonté, confronté à des soins inutiles ou disproportionnés. Il a, en vertu, des droits généraux reconnus à tout malade, celui de refuser le traitement, conformément à l'article L. 1111-4 du code de la santé publique. En revanche, il ne peut imposer au médecin la poursuite d'un traitement inutile ou disproportionné, dans la mesure où le professionnel n'est tenu que de lui apporter des soins appropriés, conformément au premier alinéa de l'article L. 1110-5 du même code.

Le second cas est celui du patient hors d'état d'exprimer sa volonté. S'il est en fin de vie, l'article L. 1111-13 du code de la santé publique autorise le médecin à limiter ou cesser le traitement en cause, après avoir respecté la procédure collégiale et consulté la personne de confiance, la famille ou les proches, ainsi que les directives anticipées que la personne aurait pu rédiger sur sa fin de vie.

S'il n'est pas en fin de vie, mais que la limitation ou l'arrêt d'un traitement serait susceptible de mettre sa vie en danger, l'article L. 1111-4 impose de recourir à la même procédure de consultation collégiale. La circonstance ainsi visée ne correspond pas expressément au cas d'une obstination déraisonnable. Pour autant, dans l'affaire Vincent Lambert , le Conseil d'État a fait référence à cet article pour définir la procédure à suivre avant de décider d'arrêter ou non les traitements de maintien en vie d'une personne dans le coma, qui ne serait pas en fin de vie.

Dans un cas comme dans l'autre, lorsque le patient est hors d'état d'exprimer sa volonté, l'arrêt d'un traitement vital ne peut être fondé que sur le refus d'une obstination déraisonnable.

Comme le Conseil d'État lui-même l'a observé dans son avis sur la révision des lois de bioéthique 27 ( * ) , la dispersion des dispositions de la loi de 2005 dans plusieurs articles du code de la santé publique est source d'« ambiguïté » et d'un défaut de clarté du droit. Le présent article entreprend d'y remédier, en rassemblant la plupart de ces dispositions dans un nouvel article L. 1110-5-1. Ce nouvel article s'articulerait en trois éléments : le refus des traitements traduisant une obstination déraisonnable, la procédure associée aux décisions d'arrêt de traitement fondée sur ce refus, l'inclusion de l'hydratation et de l'alimentation dans les traitements susceptibles d'être arrêtés.

• Les précisions apportées s'agissant de l'obstination déraisonnable et de ses conséquences

Dans sa rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale, le présent article introduit deux modifications notables.

En premier lieu, s'appuyant sur le fait que, dans sa décision relative à l'affaire Vincent Lambert , le Conseil d'État a consacré comme une liberté fondamentale « le droit du patient de consentir à un traitement médical et de ne pas subir un traitement qui serait le résultat d'une obstination déraisonnable » 28 ( * ) , les auteurs de la proposition de loi ont souhaité convertir en obligation la faculté offerte au médecin d'arrêter (ou, ont-ils ajouté, de ne pas entreprendre) un traitement relevant d'un cas d'obstination déraisonnable.

Une telle novation appelle d'importantes réserves , en particulier lorsque la question de l'arrêt des traitements se pose parce que l'on considère que ceux-ci ont pour unique effet le seul maintien artificiel de la vie. Poser comme principe que dans un tel cas, le médecin est obligé d'arrêter le traitement, sauf volonté contraire de l'intéressé, est faire peu de cas de ceux dont la volonté, sur ce point, resterait inconnue. C'est, aussi, inverser l'ordre des choses, qui fait du maintien de la vie, la règle, et de l'arrêt, l'exception.

À cet égard, votre rapporteur a soutenu, avec votre commission, le choix de la commission des affaires sociales, de rétablir l'arrêt de traitement comme une faculté offerte au médecin et non une obligation .

Seconde modification importante du droit en vigueur, les députés ont associé la notion d'obstination déraisonnable aux seuls cas de traitement inutile ou disproportionné, faisant du cas relatif au seul maintien artificiel de la vie, une situation particulière se rattachant à l'un ou l'autre 29 ( * ) .

À nouveau, une telle modification est loin d'être sans conséquence d'un point de vue symbolique. En effet, elle répute inutile ou disproportionné le seul maintien artificiel de la vie. Une telle appréciation objective de la vanité ou du caractère excessif de ce maintien en vie est contestable : dans ces matières, les jugements sont subjectifs et dépendent de la valeur existentielle que l'intéressé, sa famille ou ses proches ont pu attacher à cette survie, même si elle est dépourvue de conscience.

En outre, votre rapporteur observe, comme l'a relevé dans ses conclusions sur l'affaire Vincent Lambert le rapporteur public du Conseil d'État, M. Rémi Keller, que l'inutilité ou la disproportionnalité d'un traitement s'apprécient principalement au regard de son effet thérapeutique, c'est-à-dire de sa capacité à améliorer ou non l'état de santé du patient. Les traitements de maintien en vie, comme l'alimentation ou l'hydratation, relèvent d'une autre logique, qui n'est pas à visée thérapeutique.

Pour toutes ces raisons, votre commission a défendu la rédaction retenue par la commission des affaires sociales, qui revient au droit en vigueur, en distinguant les trois situations possibles d'obstination déraisonnable .

• La procédure associée aux décisions d'arrêt de traitement

Le présent article 2 reprend la procédure collégiale qui doit précéder les décisions d'arrêt de traitement mettant en danger la vie d'une personne hors d'état de manifester sa volonté.

Dans le même temps, il applique cette procédure aux cas où la personne est en mesure d'exprimer sa volonté.

Une telle association est antinomique. En effet, la volonté du patient prime et rien ne justifie que sa décision soit contrainte ou retardée par une procédure collégiale qui associera l'équipe médicale et ses proches. La rédaction proposée contredira, sur le sujet des soins déraisonnables, l'article L. 1111-4 du code de la santé publique qui rappelle le droit de la personne à consentir à son traitement ou à le refuser.

La rédaction proposée par la commission des affaires sociales ne se distingue pas, de ce point de vue, de celle de l'Assemblée nationale. Il semble même qu'elle étende considérablement le champ de la procédure collégiale, puisqu'elle l'applique non pas uniquement, comme dans le texte de nos collègues députés, à l'arrêt de traitements de maintien artificiel en vie, mais aussi à l'arrêt ou à la non mise en oeuvre de traitements inutiles ou disproportionnés. Or, dans de tels cas, lorsque les traitements ne mettent pas en cause la vie du patient, il revient actuellement au seul médecin de décider, le cas échéant en accord avec l'intéressé, de cesser ou de ne pas recourir à ces thérapeutiques.

À l'initiative de son rapporteur, votre commission a, par conséquent, adopté un amendement ( LOIS.1 ) limitant le recours à la procédure collégiale aux seuls cas où est en cause l'arrêt d'un traitement susceptible de présenter un risque vital et où la personne est hors d'état d'exprimer sa volonté.

La commission des affaires sociales a, par ailleurs, précisé dans la loi les grandes caractéristiques de la procédure collégiale (association de l'équipe médicale, de la personne de confiance ou des proches ou des membres de la famille qui le souhaitent), aujourd'hui fixées à l'article R. 4127-37 du code de la santé publique, de niveau réglementaire. Cette avancée est pertinente.

• La reconnaissance de l'alimentation et de l'hydratation comme des traitements

À l'occasion de l'affaire Vincent Lambert , le juge administratif a assimilé l'alimentation et l'hydratation artificielle à des traitements. À défaut d'une telle assimilation, il n'aurait pas été possible de faire relever la situation médicale de M. Lambert des dispositions relatives à l'arrêt éventuel d'un traitement au titre du refus de l'obstination déraisonnable.

Ce faisant, s'agissant de l'alimentation artificielle, le Conseil d'État a tranché une question discutée, conformément à l'intention du législateur en 2005 30 ( * ) .

Le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale reprenait dans la loi cette précision. Nos collègues de la commission des affaires sociales en ont proposé la suppression estimant que la clarification jurisprudentielle était suffisante.

Sous réserve de l'adoption de son amendement , votre commission a donné un avis favorable à l'adoption de l'article 2.

Article 3 (art. L. 1110-5-2 [nouveau] du code de la santé publique) - Conditions de recours à la sédation profonde et continue

Le présent article crée un droit, pour certains patients en fin de vie, à bénéficier d'une sédation profonde et continue jusqu'à leur décès.

Ce droit serait reconnu dans un nouvel article L. 1110-5-2 du code de la santé publique. Comme on l'a vu précédemment, la sédation profonde et continue est destiné à altérer la conscience des personnes, afin qu'elles ne souffrent pas durant leur agonie. Elle serait obligatoirement accompagnée d'une analgésie et de l'arrêt de tous les traitements de maintien en vie.

Le recours à cette sédation serait précédé d'une appréciation médicale rendue dans le cadre de la procédure collégiale définie à l'article 2 du présent texte 31 ( * ) .

L'Assemblée nationale avait prévu qu'elle intervienne dans trois cas :

- pour un patient en fin de vie, c'est-à-dire dont le pronostic vital est engagé à court terme, qui est atteint d'une affection grave et incurable et qui présente une souffrance réfractaire à tout autre traitement ;

- pour un patient atteint d'une affection grave et incurable, dont la décision d'arrêt d'un traitement engage le pronostic vital à court terme ;

- pour le patient hors d'état d'exprimer sa volonté, lorsque le médecin arrête un traitement de suppléance vitale au titre du refus de l'obstination déraisonnable.

La commission des affaires sociales a supprimé le second cas de recours à la sédation profonde et continue, estimant que la sédation n'est justifiée qu'en cas de douleur réfractaire.

Pour les raisons énoncées précédemment dans l'exposé général, votre commission s'est ralliée à cette dernière rédaction, qui garantit que la sédation profonde reste la solution ultime, en cas d'échec des autres traitements palliatifs.

Elle a par ailleurs adopté un amendement ( LOIS.2 ) permettant au patient qui sollicite une sédation profonde et continue de s'opposer à l'arrêt de certains traitements vitaux. Cette faculté lui a paru plus conforme au principe selon lequel la volonté du patient doit être prise en compte.

Sous réserve de l'adoption de son amendement , votre commission a donné un avis favorable à l'adoption de l'article 3.

Article 4 (art. L. 1110-5-3 [nouveau] et L. 1110-9 du code de la santé publique) - Droit aux soins palliatifs

Le présent article vise à réaffirmer le droit des patients à recevoir des soins destinés à soulager leurs souffrances.

Initialement regroupées au sein d'un nouvel article L. 1110-5-3 du code de la santé publique, elles ont été transférées par la commission des affaires sociales au sein de l'article L. 1110-9, qui dispose actuellement que « toute personne malade dont l'état le requiert a le droit d'accéder à des soins palliatifs ».

Cette phrase est d'ailleurs conservée dans le texte de la commission. L'article 4 y ajoute deux dispositions aujourd'hui inscrites à l'article L. 1110-5, et qui concernent les soins palliatifs.

La première est la proclamation selon laquelle toute personne a le droit de recevoir des soins visant à soulager sa douleur.

La seconde vise la situation d'un patient en phase terminale ou avancée d'une affection grave ou incurable. Elle vise à autoriser le médecin à recourir à un traitement palliatif pour soulager sa douleur, même si ce traitement peut avoir pour effet secondaire d'abréger sa vie. Toutefois, cette autorisation ne vaut que s'il n'y a pas d'autres moyens d'apaiser cette souffrance et si le patient, la personne de confiance, sa famille ou, à défaut, un de ses proches est informé.

La commission des affaires sociales a par ailleurs supprimé la mention selon laquelle le patient est informé de la possibilité de recevoir des soins palliatifs à domicile : cette obligation ne relève sans doute pas de la loi.

Votre commission a donné un avis favorable à l'adoption de l'article 4.

Article 4 bis (supprimé) (art. L. 1110-10-1 [nouveau] du code de la santé publique) - Information sur les soins palliatifs et contrôle sur les sédations profondes et continues

Dans sa rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale, le présent article créait un nouvel article L. 1110-10 du code de la santé publique qui, d'une part, imposait aux agences régionales de santé (ARS) de présenter un rapport sur la prise en charge des patients en soins palliatifs et, d'autre part, prévoyait la création au sein de chaque établissement de santé d'un registre référençant chaque cas de sédation profonde et continue jusqu'au décès, pratiqué au sein de la structure.

La commission des affaires sociales a supprimé le présent article. Elle a estimé que la première obligation entrait plus dans les missions de l'observatoire national sur la fin de vie que dans celles des ARS. Pour la seconde, elle a considéré que « la mise en place d'un tel fichier [recensant au sein de chaque établissement les sédations pratiquées] supposerait d'y intégrer l'ensemble des actes relevant des soins palliatifs dont la traçabilité est déjà assurée dans le dossier médical des patients. Par ailleurs, les ARS et tout autre organisme compétent ont déjà la possibilité d'accéder à ce type d'informations à leur demande. Enfin, ce registre a vocation à être incomplet dès lors que l'on souhaite développer les soins palliatifs à domicile » 32 ( * ) .

Votre rapporteur souligne que, dans l'esprit de ses promoteurs, ce suivi des sédations pratiquées était sans doute destiné à faciliter la détection de situations anormales. Il observe toutefois, qu'en tout état de cause, une telle disposition relève plus du règlement que de la loi.

Votre commission a donné un avis favorable à la suppression du l'article 4 bis .

Article 5 (art. L. 1111-4 du code de la santé publique) - Droit de refuser un traitement

Le présent article vise à préciser et renforcer le droit pour un patient de refuser un traitement.

• Le droit en vigueur

L'article L. 1111-4 pose le principe du consentement libre et éclairé du patient aux soins qui lui sont proposés. Il l'accompagne de l'obligation pour le médecin de respecter ses volontés en l'informant, toutefois, des conséquences de ses choix.

Il consacre la possibilité pour le patient de refuser tout traitement, ce qui est la traduction négative du principe du consentement aux soins. Toutefois, lorsque ce refus est susceptible de mettre sa vie en danger, il impose au médecin de tout mettre en oeuvre pour le convaincre d'accepter les soins indispensables, lui laissant la possibilité de recevoir, dans cette tâche, le renfort d'un autre membre du corps médical. Si le patient réitère son refus dans un délai raisonnable, le médecin doit alors obtempérer en prenant les mesures nécessaires pour sauvegarder la dignité du mourant et assurer la qualité de sa fin de vie en dispensant des soins palliatifs.

Le même article traite du cas du patient hors d'état d'exprimer sa volonté. Toute décision d'arrêt de traitement susceptible de mettre sa vie en danger ne peut être prise qu'au terme d'une procédure collégiale et après consultation de la personne de confiance, de la famille ou, à défaut d'un de ses proches, ainsi que de ses directives anticipées.

• Les modifications proposées et la position de votre commission

Le présent article consacre explicitement le droit de refuser ou de ne pas recevoir un traitement, quel qu'il soit.

Il en tire les conséquences en supprimant l'obligation faite au médecin de dissuader son patient lorsque sa décision mettrait sa vie en danger. Il maintient toutefois l'obligation pour le patient de réitérer son refus dans un délai raisonnable. Plutôt que de conserver l'intervention, en renfort du médecin, d'un second professionnel de santé pour convaincre le patient, la nouvelle rédaction de l'article L. 1111-4 en ouvrirait le bénéfice au patient, pour qu'il soit éclairé - et non dissuadé - dans son choix.

Par ailleurs, l'article 5 procède à une reformulation des dispositions relatives au patient hors d'état d'exprimer sa volonté. Il substitue à l'expression « mettre sa vie en danger », celle, plus conforme, d'« entraîner son décès », et, conformément à la prévalence donnée aux directives anticipées, il les fait primer les témoignages de la personne de confiance ou des proches.

La commission des affaires sociales a apporté plusieurs utiles précisions d'ordre rédactionnel.

Votre commission a donné un avis favorable à l'adoption de l'article 5.

Article 8 (art. L. 1111-11 du code de la santé publique) - Renforcement du statut des directives anticipées

Le présent article propose une nouvelle rédaction de l'article L. 1111-11 du code de la santé publique relatif aux directives anticipées. Il modifie substantiellement le statut juridique de ces directives en prévoyant notamment qu'elles auront désormais un effet contraignant à l'égard du médecin.

1. Le droit en vigueur

Créées par la loi n° 2005-370 du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie, ces directives permettent à toute personne majeure d'exprimer de manière anticipée ses souhaits relatifs à sa fin de vie concernant les conditions de la limitation ou de l'arrêt de traitement , pour le cas où elle serait un jour hors d'état de manifester sa volonté.

Pour être valables, les directives anticipées doivent avoir été établies moins de trois ans avant l'état d'inconscience de la personne. Elles sont révocables à tout moment .

Elles n'ont pas d'effet contraignant pour le médecin , qui a seulement l'obligation d'en tenir compte pour toute décision d'investigation, d'intervention ou de traitement concernant le patient.

Dispositions réglementaires relatives à la validité
et la conservation des directives anticipées

Pris en application de l'article L. 1111-11 du code de la santé publique, le décret du 6 février 2006 relatif aux directives anticipées 33 ( * ) a modifié la partie réglementaire du code de la santé publique 34 ( * ) pour préciser les conditions de validité et de conservation des directives anticipées.


•Le formalisme des directives
:

L'article R. 1111-17 du code de la santé publique impose un document écrit, daté et signé mentionnant les nom, prénom, date et lieu de naissance de son auteur. Lorsque celui-ci, bien qu'en état d'exprimer sa volonté, ne peut écrire et signer lui-même, il peut se faire assister de deux témoins, dont la personne de confiance s'il en a désigné une, pour établir ce document.

L'auteur peut également demander au médecin d'annexer à ces directives, au moment de leur insertion dans son dossier, une attestation constatant qu'il est en état d'exprimer librement sa volonté et qu'il lui a délivré toutes informations appropriées.


•La validité des directives

L'article R. 1111-18 du même code précise que ces directives peuvent être, à tout moment, soit modifiées en respectant certaines modalités prévues à l'article R. 1111-17, soit révoquées sans formalité. Leur durée de validité est de trois ans. Elles peuvent ensuite être renouvelées par simple décision de confirmation de leur auteur.


•La conservation et la production des directives

L'article R. 1111-19 du même code dispose que ces directives doivent être conservées « selon des modalités les rendant aisément accessibles pour le médecin appelé à prendre une décision de limitation ou d'arrêt de traitement ». À cet égard, elles sont conservées dans le dossier du patient constitué par son médecin de ville ou, en cas d'hospitalisation, dans son dossier médical.

Elles peuvent également être conservées par la personne elle-même ou par la personne de confiance qu'elle a désignée, par un membre de la famille ou un proche. Dans ce cas, l'existence de ces directives et les coordonnées de leur détenteur sont mentionnées dans le dossier constitué par le médecin de ville ou dans le dossier médical.

Une personne admise en établissement de santé ou en établissement médico-social peut signaler l'existence de ses directives anticipées et les coordonnées de la personne qui en est détentrice. Ces informations sont alors inscrites dans son dossier médical.

À défaut de mention de l'existence de ces directives dans le dossier de la personne, l'article R. 1111-20 prévoit que le médecin appelé à prendre une décision de limitation ou d'arrêt de traitement s'enquiert de l'existence éventuelle de celles-ci auprès de la personne de confiance, si elle a été désignée, de la famille, des proches, du médecin traitant de la personne malade ou du médecin qui la lui a adressée.

Il appartient au médecin de vérifier que les conditions tenant à la validité de ces directives, prévues aux articles R. 1111-17 et R. 1111-18 du code de la santé publique, sont bien remplies.

2. Les modifications prévues par le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale

La proposition de loi pose tout d'abord une condition supplémentaire pour la rédaction des directives anticipées. Leur auteur devrait être « capable », alors qu'actuellement, l'article L. 1111-11 du code de la santé publique exige seulement que la personne soit majeure.

Le texte remplace la notion de « souhait » du patient par celle de « volonté », entendant ainsi renforcer la portée des directives anticipées et l'autonomie de la personne qui les rédige.

Il précise que ces directives viseraient seulement à exprimer la volonté de la personne de refuser, limiter ou arrêter les traitements et actes médicaux, ce qui apparaît plus restrictif que le droit en vigueur qui prévoit qu'elles concernent les conditions de la limitation ou de l'arrêt de traitement.

Pour faciliter l'utilisation de ces documents, un modèle unique de rédaction des directives anticipées serait proposé. Il distinguerait selon que la personne se sait ou non atteinte d'une affection grave au moment de la rédaction. Le contenu de ce formulaire serait fixé par décret en Conseil d'État, pris après avis de la Haute autorité de santé.

La durée de validité de trois ans des directives anticipées serait supprimée . Elles resteraient donc valables tant qu'elles n'ont pas été révoquées.

La modification la plus importante du droit en vigueur résulte de la consécration du caractère contraignant des directives anticipées à l'égard du médecin. Alors qu'actuellement, le praticien a seulement l'obligation d'en tenir compte pour prendre toute décision d'investigation, d'intervention ou de traitement concernant le patient, désormais ces directives s'imposeraient à lui, sauf dans deux situations :

- en cas d'urgence vitale. Ces directives ne s'imposeraient alors pas pendant le temps nécessaire à une évaluation complète de la situation du patient ;

- si les directives anticipées sont « manifestement inappropriées ». Dans ce cas, dans sa rédaction initiale, la proposition de loi avait prévu que le médecin pourrait se délier de l'obligation de les respecter, à condition de consulter au moins un confrère et de motiver sa décision, inscrite sur le dossier médical.

Lors de l'examen du texte en première lecture, l'Assemblée nationale a restreint la capacité du médecin d'écarter ces directives en prévoyant que, dans le cas de directives inappropriées, le médecin devrait solliciter « un avis collégial. La décision collégiale s'impose [rait] alors ».

Par ailleurs, la proposition de loi initiale reprenait le renvoi de la définition des conditions de validité, de confidentialité et de conservation des directives anticipées à un décret pris en Conseil d'État, actuellement prévu par l'article L. 1111-11 du code de la santé publique, en ajoutant la fixation des conditions d'information des patients. Elle prévoyait également que l'accès à ces directives serait facilité par une mention inscrite sur la carte vitale.

Lors de l'examen du texte en première lecture, l'Assemblée nationale a ajouté que ce décret serait pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés.

À la place de l'inscription sur la carte vitale, à l'initiative du Gouvernement, l'Assemblée nationale a précisé que ces directives seraient « notamment » conservées sur un registre national faisant l'objet d'un traitement automatisé dans le respect de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.

Le texte entend associer le médecin traitant de la personne au dispositif , en précisant qu'il « informe ses patients de la possibilité et des conditions de rédaction de directives anticipées ».

Enfin, à l'initiative du Gouvernement, l'Assemblée nationale a précisé que les personnes qui font l'objet d'une mesure de protection au sens du chapitre II du titre XI du livre I er du code civil, c'est-à-dire sous sauvegarde de justice, curatelle, tutelle ou mandat de protection future, pourraient rédiger des directives anticipées avec l'autorisation du juge ou du conseil de famille s'il a été constitué. Ces autorités pourraient prévoir que la personne bénéficie pour la rédaction de l'assistance de la personne chargée de sa protection, dans les conditions prévues à l'article 459, à l'exclusion de toute possibilité de représentation.

3. Les travaux de la commission des affaires sociales du Sénat et les propositions de votre commission des lois

Lors de l'établissement de son texte, la commission des affaires sociales a adopté un amendement de ses rapporteurs, MM. Michel Amiel et Gérard Dériot, proposant une réécriture complète du présent article.

Mises à part les modifications rédactionnelles ou de clarification, la commission des affaires sociales a fait évoluer, de manière tout à fait opportune, le présent article sur plusieurs points.

La commission des affaires sociales a complété les dispositions relatives au contenu des directives pour préciser, qu'outre des dispositions relatives à la limitation, l'arrêt ou au refus de traitement, ces directives pourraient exprimer la volonté de la personne de voir le traitement se poursuivre .

Au deuxième alinéa de l'article L. 1111-11, la commission des affaires sociales a préféré rendre facultatif le recours au modèle de directives anticipées établi par décret en Conseil d'État, permettant ainsi un assouplissement du formalisme qui s'attache à cet acte et éviter la caducité des directives rédigées sous d'autres formes, qu'elles l'aient été avant l'entrée en vigueur de la présente loi ou qu'elles le soient après.

Elle a ensuite complété la procédure par une information de la personne de confiance, désignée par le patient ou, à défaut, de la famille ou des proches, concernant la possibilité ou l'impossibilité d'appliquer les directives anticipées .

La commission des affaires sociales est également intervenue sur d'autres points qui appellent de la part de votre commission des lois plusieurs modifications.

a) S'assurer, avant leur mise en oeuvre, que les directives anticipées sont toujours conformes à la volonté du patient

On ne peut exclure l'hypothèse d'une personne qui aurait rédigé des directives anticipées plusieurs années avant d'être hors d'état de manifester sa volonté. Par la suite, au moment d'une hospitalisation par exemple 35 ( * ) , elle pourrait avoir confié des voeux différents à la personne de confiance qu'elle a désignée ou à l'un de ses proches. Il pourrait même avoir oublié qu'il a rédigé des directives anticipées plusieurs années auparavant.

S'il se trouve ensuite hors d'état de manifester sa volonté, les directives anticipées pourtant plus anciennes s'imposeraient au médecin 36 ( * ) , alors même qu'il existe des éléments plus récents témoignant du changement de ses voeux. En effet, le texte est clair : les directives anticipées l'emportent sur tout autre élément permettant d'établir la volonté du malade 37 ( * ) .

Cette « sanctuarisation » 38 ( * ) des directives anticipées pose particulièrement question lorsqu'elles ont été rédigées par une personne en bonne santé. En effet, comme l'ont souligné les personnes entendues par votre rapporteur, il est particulièrement délicat pour une personne de se projeter dans une fin de vie dont elle ignore tout et d'en prévoir les conditions.

De plus, même lorsque les directives anticipées ont été rédigées alors que leur auteur se sait atteint d'une affection grave, il n'est pas rare que la personne change d'avis au cours de sa maladie. Comme l'a souligné le professeur Didier Sicard dans son rapport remis au Président de la République le 18 décembre 2012, « souvent, quelques malades souhaitent à juste titre, au moment même de l'accident ou au cours d'une maladie grave, que leurs directives anticipées soient oubliées ou méconnues » 39 ( * ) .

Or, bien que le modèle de directives anticipées, prévu par le présent article, ait vocation à distinguer « deux types de directives anticipées selon que la personne se sait ou non atteinte d'une affection grave au moment où elle les rédige », aucune conséquence juridique n'est tirée de cette distinction. Les deux types de directives ont la même valeur contraignante.

Dans la mesure où les décisions qui découlent de la mise en oeuvre de ces directives sont potentiellement irréversibles, puisqu'elles peuvent conduire à la limitation ou à l'arrêt des traitements entraînant la mort du patient, votre commission estime qu'il ne doit pas exister de doute concernant la validité de la volonté exprimée par le patient. Il conviendrait donc de prendre en considération l'expression de la volonté du malade dans son dernier état en écartant, le cas échéant, des directives anticipées devenues obsolètes.

Pour permettre au médecin d'apprécier la validité des directives anticipées au moment de leur mise en oeuvre, dans sa rédaction initiale, non modifiée sur ce point par l'Assemblée nationale, la proposition de loi prévoyait qu'il pourrait écarter les directives qui lui apparaitraient « manifestement inappropriées ».

La commission des affaires sociales a estimé que cette formulation était trop imprécise.

Elle l'était, certes, mais elle permettait néanmoins au médecin de disposer d'une marge d'appréciation utile. Le caractère inapproprié pouvait s'analyser au regard de la situation médicale du patient mais pas seulement. Comme l'a relevé M. Jean Leonetti, coauteur et corapporteur de la proposition de loi, dans les débats relatifs à l'établissement du texte de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale 40 ( * ) : « si quelqu'un rédige ses directives à l'adolescence et tombe malade à quatre-vingts ans, on pourra évidemment faire valoir leur caractère inapproprié ».

À la place de la référence au caractère manifestement inapproprié des directives anticipées, la commission des affaires sociales a prévu que le médecin ne serait pas tenu de se conformer aux directives anticipées du patient « lorsque sa situation médicale ne correspond [rait] pas aux circonstances visées par ces directives ».

La rédaction ainsi retenue ne permet pas d'écarter des directives anticipées qui ne seraient plus conformes à la volonté du patient. La possibilité d'appliquer les directives anticipées ne serait appréciée qu'au regard de la situation médicale du patient.

L'appréciation par le médecin de la possibilité d'appliquer les directives anticipées devrait donc se faire en deux temps. Dans un premier temps, il pourrait être amené à écarter des directives anticipées qui ne seraient plus valides au regard des souhaits les plus récents exprimés par le patient avant de sombrer dans l'inconscience, indépendamment du contenu de ces directives. Il apprécierait ensuite la possibilité d'appliquer ces directives au regard de la situation médicale du patient.

Votre commission a donc adopté plusieurs amendements tendant à réintroduire la prise en compte de la validité des directives anticipées dans l'appréciation de la possibilité de les appliquer.

• Permettre la révocation des directives anticipées par tout moyen

Le deuxième alinéa de l'article L. 1111-11 du code de la santé publique prévoit que, pour être valables, les directives anticipées doivent avoir été établies moins de trois ans avant l'état d'inconscience de leur auteur. L'objectif de cette condition est de s'assurer que le document est toujours fidèle à la volonté du patient au moment de sa prise en compte.

La proposition de loi supprime cette disposition. Comme l'ont souligné les auteurs de la proposition de loi, MM. Alain Claeys et Jean Leonetti, imposer un délai de validité relativement court à ces documents est une condition difficile à respecter en pratique, car les personnes sont réticentes à se pencher régulièrement sur des directives anticipant leur fin de vie. Elle aurait donc un effet dissuasif sur la rédaction des directives anticipées 41 ( * ) .

Pour garantir que les directives anticipées demeurent conformes à la volonté du patient, en l'absence de limitation dans le temps de leur validité, le texte prévoit, comme le droit en vigueur, qu'elles pourront être modifiées ou révoquées à tout moment par la personne.

Cependant, votre rapporteur s'est interrogé concernant les formes que devrait revêtir la révocation de ces directives et si le simple fait pour la personne d'exprimer de nouveaux souhaits, verbalement par exemple, pourrait emporter révocation des directives anticipées rédigées antérieurement.

Afin d'éviter que la force contraignante des directives anticipées ne se retourne parfois contre leur auteur ( cf. supra ), votre commission a adopté un amendement ( LOIS.3 ) qui prévoit que les directives anticipées pourront être révoquées « par tout moyen » .

Cette garantie supplémentaire s'inspire d'une disposition actuellement prévue à l'article R. 1111-18 du code de la santé publique, selon laquelle les directives anticipées peuvent, à tout moment, être révoquées « sans formalité ». La formulation retenue par votre commission est plus large et permettrait, par exemple, d'admettre une révocation orale, écrite, par enregistrement audiovisuel, voire par signe pour une personne en état de conscience minimale.

• Favoriser la mise à jour des directives anticipées

Pour améliorer, autant que faire se peut, la mise à jour des directives anticipées, votre commission a également adopté un troisième amendement ( LOIS.6 ) précisant que le décret en Conseil d'État, qui fixe notamment les conditions de conservation des directives anticipées, devrait également prévoir un rappel régulier , à la personne qui a enregistré ses directives anticipées dans le registre national, de l'existence de celles-ci .

• Prendre en compte tous les éléments permettant d'établir la volonté du patient

Dans son arrêt rendu le 24 juin 2014, à propos de la situation de M. Vincent Lambert, le Conseil d'État a estimé que « le médecin doit accorder une importance toute particulière à la volonté que le patient peut avoir, le cas échéant, antérieurement exprimée, quels qu'en soient la forme et le sens ».

Dès lors, bien que les directives anticipées constituent l'élément le plus fiable pour déterminer la volonté d'un patient en état d'inconscience, votre commission n'a pas jugé opportun de les « s anctuariser » comme la preuve absolue de la volonté du patient, et de figer cette volonté à un moment précis, sans pouvoir prendre en compte ses évolutions ultérieures éventuelles, en fonction de l'état de santé du patient mais également de son cheminement personnel.

Une telle préoccupation se retrouve dans les travaux récents menés sur la fin de vie. Dans le rapport « Penser solidairement la fin de vie », la commission de réflexion sur la fin de vie en France, présidée par le professeur Didier Sicard avait d'ailleurs préconisé que « la demande de la médecine à la personne de confiance, ou à défaut à sa famille ou ses proches devrait être systématique concernant le sentiment du malade, lorsqu'il est en situation d'inconscience, à propos de ses directives anticipées ».

De même dans son avis n° 21 du 1 er juillet 2013, le Comité consultatif national d'éthique estimait que le caractère contraignant des directives anticipées devrait être écarté dans l'hypothèse de « témoignages suffisamment précis, étayés et le cas échéant concordants des proches du malade indiquant que les directives ne correspondent plus au dernier état de sa volonté ».

En conséquence, votre commission a adopté un amendement ( LOIS.4 ) précisant que le médecin ne serait pas tenu de se conformer aux directives anticipées dont la validité fait l'objet d'une contestation sérieuse . Ainsi les directives qui ne correspondraient pas au dernier état de la volonté du patient inconscient, apprécié à la lumière d'éléments plus récents, comme le témoignage de la personne de confiance par exemple, ne s'imposeraient pas au médecin.

Cet amendement a également entendu préciser l'hypothèse dans laquelle le médecin peut écarter les directives anticipées au regard de la situation médicale du patient.

Votre rapporteur s'est en effet interrogé sur l'exigence posée par la commission des affaires sociales, selon laquelle, les directives anticipées, pour être applicables, devraient viser les « circonstances » de la fin de vie de leur auteur.

Comme l'ont souligné de nombreuses personnes entendues par votre rapporteur, la rédaction de directives anticipées est un exercice complexe ( cf. supra ), a fortiori pour une personne qui n'est pas atteinte d'une affection grave. Il pourrait donc sembler excessivement contraignant d'imposer qu'une personne y vise les circonstances d'une fin de vie dont elle ignore tout.

Si les circonstances visées par les directives anticipées ne correspondent pas parfaitement à la situation du patient, ce qui sera fréquemment le cas en pratique, le médecin sera contraint de les écarter pour que sa responsabilité ne puisse pas être engagée.

Le caractère contraignant conféré aux directives anticipées par le présent texte serait ainsi affaibli.

Votre commission a donc préféré retenir une rédaction plus souple permettant au médecin d'écarter les directives qui ne seraient pas « adaptées » à la situation médicale du patient.

• Recourir à la procédure collégiale pour apprécier la validité des directives anticipées

Dans le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale, si les directives anticipées apparaissaient « manifestement inappropriées », le médecin devait solliciter un « avis collégial ». La « décision collégiale » s'imposait alors.

Cette rédaction n'était pas satisfaisante car elle ne précisait pas la composition du collège visé et faisait référence à la fois à un avis collégial, c'est-à-dire à la consultation du collège, et à une décision collégiale, laissant penser que la décision ne serait plus prise par le médecin mais par ce collège tout entier, sans pour autant préciser les conditions dans lesquelles cette décision serait prise, et notamment les règles de vote applicables.

La commission des affaires sociales a entendu, d'une part, systématiser le recours à cette procédure collégiale , alors que dans le texte initial, elle n'était mise en oeuvre que si le médecin jugeait les directives anticipées manifestement inappropriées et, d'autre part, clarifier cette rédaction en prévoyant que « la possibilité d'appliquer les directives anticipées au regard de la situation médicale du patient est examinée dans le cadre d'une procédure collégiale telle que celle visée à l'article L. 1110-5-1 ».

La rédaction proposée par votre commission des affaires sociales ne tranche cependant pas la question de la nature de l'intervention du collège : simple avis ou prise de décision ?

En effet, selon la nouvelle rédaction proposée, la question de l'application des directives anticipées serait examinée « dans le cadre d'une procédure collégiale telle que celle visée à l'article L. 1110-5-1 ». Or, cet article ne met pas en place de procédure particulière. Il fixe seulement la composition du collège évoqué en prévoyant qu'il « réunit l'ensemble de l'équipe soignante et associe la personne de confiance ou, à défaut, les membres de la famille ou les proches qui le souhaitent. Ses modalités sont définies par voie réglementaire » et renvoie les modalités de mise en oeuvre de cette procédure collégiale aux dispositions réglementaires.

Or, compte tenu des conséquences potentielles de la mise en oeuvre des directives anticipées, il appartient au législateur, et non au pouvoir réglementaire, de désigner l'autorité compétente pour prendre une telle décision.

Par ailleurs, l'utilisation des termes « telle que » soulève également une interrogation. Une autre procédure que celle visée pourrait-elle être utilisée alors même que ses modalités de mise en oeuvre ne sont pas précisées par le texte ?

Pour l'ensemble de ces raisons, votre commission a adopté un amendement ( LOIS.5 ) précisant les modalités de mise en oeuvre de cette procédure collégiale. Le collège donnerait un simple avis sur la possibilité d'appliquer ou non les directives anticipées. La décision finale appartiendrait au médecin qui en assume la responsabilité.

Enfin, estimant que le recours à cette collégialité est une garantie supplémentaire apportée au patient et permettrait de ne pas laisser le médecin seul face à la décision lourde de conséquences d'appliquer ou non des directives anticipées, cet amendement précise que de même que pour l'appréciation du caractère adapté de ces directives à la situation médicale du patient, le médecin soumettra à la procédure collégiale toute contestation sérieuse concernant la validité des directives anticipées au regard du dernier état connu de la volonté du patient.

b) La nécessaire précision des dispositions relatives aux personnes qui font l'objet d'une mesure de protection juridique

Au premier alinéa de l'article L. 1111-11 du code de la santé publique, dans sa rédaction proposée par le présent texte, la commission des affaires sociales a supprimé la référence à la condition de capacité de l'auteur des directives , pour revenir à la rédaction actuelle de l'article L. 1111-11 qui n'impose qu'une condition de majorité.

Cette modification du texte est tout à fait opportune. En effet, comme l'ont souligné les représentants de l'association nationale des juges d'instance (ANJI), entendus par votre rapporteur, l'utilisation du terme « capacité », dans le sens courant de capacité concrète peut créer une confusion avec la notion de capacité civile, telle qu'elle résulte du code civil, et apparaître contradictoire avec le dernier alinéa du présent article qui prévoit la possibilité pour des personnes juridiquement incapables de rédiger des directives anticipées à certaines conditions.

À cet égard, votre commission a estimé que la rédaction du dernier alinéa du présent article devait être précisée.

En effet, cette disposition propose de permettre aux personnes qui font l'objet d'une mesure de protection juridique au sens du chapitre II du titre XI du livre I er du code civil, c'est-à-dire sous tutelle, curatelle, sauvegarde de justice ou mandat de protection future, de rédiger des directives anticipées avec l'autorisation du juge ou du conseil de famille s'il a été constitué.

Or, une personne qui fait l'objet d'un mandat de protection future n'est pas privée de sa capacité et peut librement rédiger des directives anticipées.

De même, lorsqu'une personne est placée sous sauvegarde de justice, elle continue d'exercer la plupart de ses droits, ce régime ayant essentiellement pour objet de faciliter l'annulation des actes qu'elle aurait pu passer en contradiction avec ses propres intérêts.

Quant à la curatelle, il s'agit d'une mesure d'assistance dans laquelle la personne protégée conserve la plupart de ses droits personnels qu'elle exerce seule, comme, par exemple, voter ou faire un testament librement. De plus, le code de la santé publique prévoit une capacité de principe de la personne sous curatelle pour effectuer la plupart des actes médicaux.

Il n'est donc pas apparu pertinent à votre commission de soumettre l'ensemble des personnes qui bénéficient de l'un de ces trois dispositifs à un régime particulier d'autorisation pour la rédaction de leurs directives anticipées puisqu'elles peuvent actuellement le faire selon les règles de droit commun et que la loi du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs 42 ( * ) a rappelé le principe de subsidiarité des mesures de protection et la nécessité de préserver, dans la mesure du possible, l'exercice de leurs droits par les personnes protégées.

À l'initiative de son rapporteur, votre commission a donc adopté un amendement ( LOIS.7 ) limitant l'application de ce régime d'autorisation aux personnes placées sous tutelle.

Sous réserve de l'adoption de ses cinq amendements , votre commission a donné un avis favorable à l'adoption de l'article 8.

Article 9 (art. L. 1111-6 du code de la santé publique) - Missions de la personne de confiance

L'article L. 1111-6 actuellement en vigueur permet à toute personne majeure de désigner par écrit une personne de confiance. Celle-ci peut être un parent, un proche ou le médecin traitant de la personne. Elle est consultée lorsque la personne qui l'a désignée est hors d'état de manifester sa volonté et de recevoir l'information médicale qui la concerne. Elle n'a donc pas de rôle décisionnel. La personne de confiance peut être révoquée à tout moment.

La désignation d'une personne de confiance est systématiquement proposée en cas d'hospitalisation d'une personne dans un établissement de santé.

L'article L. 1111-6 prévoit une exception en matière de tutelle. Une personne sous tutelle ne peut désigner une personne de confiance. Cependant, si elle avait été désignée antérieurement à la mesure, le juge peut décider de confirmer sa désignation ou la révoquer.

La proposition de loi de MM. Alain Claeys et Jean Leonetti, complète cet article pour préciser que la personne de confiance « témoigne de la volonté de la personne. Son témoignage prévaut sur tout autre témoignage ».

En première lecture, l'Assemblée nationale a ajouté deux dispositions au texte initial. Elle a précisé qu'en plus d'être révocable, la désignation de la personne de confiance serait « révisable » à tout moment.

Elle a également prévu un accès de la personne de confiance au dossier médical du patient afin de lui permettre de « vérifier si la situation médicale de la personne concernée correspond aux conditions exprimées dans les directives anticipées ».

Lors de l'établissement de son texte, la commission des affaires sociales a supprimé cette dernière disposition.

Votre commission des lois approuve cette suppression estimant qu'une telle disposition comportait un risque non négligeable de voir la personne de confiance s'immiscer dans les décisions médicales voire les contester, alors même qu'elle n'a pas nécessairement l'expertise professionnelle pour les apprécier, à moins d'être le médecin traitant de la personne.

La commission des affaires sociales a également prévu que la personne de confiance devrait signer le document la désignant comme telle, pour s'assurer qu'elle accepte bien cette mission. Les rapporteurs de la commission des affaires sociales, MM. Michel Amiel et Gérard Dériot ont fait valoir à cet égard qu'il arrivait qu'une personne découvre qu'elle a été désignée personne de confiance au moment où il est fait appel à elle et alors même qu'elle ne souhaite pas forcément jouer ce rôle. Votre commission tient néanmoins à préciser que cette signature ne saurait faire de la personne de confiance le mandataire du patient.

Enfin, la commission des affaires sociales a renforcé encore le poids de la parole de la personne de confiance en décidant qu'elle prévaudrait « sur tout autre élément permettant d'établir la volonté du patient à l'exclusion des directives anticipées » alors que le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale ne la faisait prévaloir que sur les autres témoignages (de la famille et des proches le plus souvent).

Or, s'il existe des éléments permettant d'établir la volonté du patient, il peut sembler contestable de les écarter par principe. À l'initiative de son rapporteur, votre commission des lois a donc adopté un amendement ( LOIS.8 ) permettant de revenir à une valeur plus limitée du témoignage de la personne de confiance. Celui-ci ne prévaudrait que sur d'autres témoignages et non pas sur tout élément comme par exemple un courrier laissé par la personne malade, un message téléphonique vocal ou écrit.

Par ailleurs, cet amendement supprime l'assimilation du témoignage de la personne de confiance à l'expression de la volonté du patient. En effet, comme l'ont souligné les représentants de l'association nationale des juges d'instance (ANJI), entendus par votre rapporteur, l'expression de la volonté renvoie en droit civil à la capacité et à l'autonomie de la volonté. Elle ne peut être que personnelle. Il apparait donc particulièrement délicat de demander à un tiers « d'exprimer » la volonté de la personne malade.

Enfin, s'agissant de l'impossibilité pour une personne mise sous tutelle de désigner une personne de confiance, celle-ci peut apparaître quelque peu paradoxale par rapport à l'article 8 ( cf. supra ) qui permet à la personne sous tutelle, avec l'autorisation du juge ou du conseil de famille, de rédiger des directives anticipées.

À l'initiative de son rapporteur, votre commission a donc adopté un amendement ( LOIS.9 ) prévoyant cette possibilité après autorisation du juge ou du conseil de famille s'il a été constitué.

Enfin, votre rapporteur appelle à une vigilance particulière concernant la rédaction des dispositions concernant la personne de confiance, dans la mesure où elles font également l'objet de modifications à l'article 22 du projet de loi relatif à l'adaptation de la société au vieillissement.

Sous réserve de l'adoption de ses deux amendements , votre commission a donné un avis favorable à l'adoption de l'article 9.

Article 10 (art. L. 1111-12 du code de la santé publique) - Hiérarchie des éléments permettant d'établir la volonté du patient

Le présent article prévoit que pour prendre toute décision d'investigation, d'intervention ou de traitement concernant une personne en phase avancée ou terminale d'une affection grave ou incurable, le médecin a l' obligation de rechercher la volonté du patient 43 ( * ) .

Cet article introduit alors une hiérarchie dans les éléments de preuve de la volonté du patient. Ils sont pris en compte par le médecin dans l'ordre suivant : d'abord les directives anticipées si elles ont été rédigées, puis le témoignage de la personne de confiance si elle a été désignée et, enfin, tout autre élément permettant d'établir la volonté du patient recueilli auprès de la famille ou des proches du patient.

Dans sa rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale, cet article prévoyait qu'en l'absence de directives anticipées, le médecin recueillait « le témoignage de la personne de confiance ou, à défaut, tout autre témoignage de la famille ou des proches ».

La rédaction proposée par la commission des affaires sociales permet de prendre en considération tout élément pertinent susceptible d'éclairer le médecin sur la volonté du patient, au-delà des seuls témoignages.

Votre commission a donné un avis favorable à l'adoption de l'article 10.

Intitulé de la proposition de loi

Le titre d'origine de la proposition de loi visait la création de nouveaux droits « en faveur des malades et des personnes en fin de vie ».

Par coordination avec la suppression, intervenue à l'article 3, de la possibilité de recourir à la sédation profonde et continue pour des personnes qui ne sont pas en fin de vie, mais souhaitent arrêter leur traitement de maintien en vie, la commission des affaires sociales a modifié cet intitulé pour viser seulement « les personnes malades en fin de vie ».

Votre commission a donné un avis favorable à l'adoption de cet intitulé.

* *

*

Au bénéfice de ces observations et sous réserve de l'adoption de ses amendements, votre commission a donné un avis favorable à l'adoption des articles de la proposition de loi dont elle s'est saisie.

EXAMEN EN COMMISSION

______

MERCREDI 10 JUIN 2015

M. François Pillet, rapporteur pour avis . - Notre commission des lois s'est saisie pour avis de la proposition de loi créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie, d'abord examinée en première lecture à 1'Assemblée nationale. Elle se prononce après la commission des affaires sociales, compétente au fond en se fondant, par conséquent, sur le texte que cette dernière a adopté.

Cette proposition de loi traite d'un sujet difficile et sensible, qui engage des considérations médicales et juridiques, des questionnements éthiques et philosophiques, et, surtout, des souffrances humaines. Ce sujet est celui de la fin de vie, des douleurs qui l'accompagnent, de l'ultime choix laissé au patient et du rôle de la médecine au seuil de la mort. Il appelle une réflexion prudente et empreinte d'humilité face aux détresses qui s'expriment et aux incertitudes qui le traversent.

Deux principes cardinaux de la législation française sur la fin de vie encadrent ces travaux : la prohibition absolue que la mort soit donnée activement et intentionnellement ; le respect, dans ce cadre, de la volonté de la personne et de sa dignité. Rédigé à la suite de nombreux travaux préparatoires, par nos collègues députés, MM. Alain Clayes et Jean Leonetti, le texte vise à revenir sur le dispositif de la loi dite « Leonetti » du 22 avril 2005, dont la mise en oeuvre, notamment pour son volet relatif aux soins palliatifs, est apparue insuffisante, et qui méritait, pour les auteurs de la proposition de loi, d'être renforcée en consacrant, au côté des devoirs du médecin, de nouveaux droits des patients.

Cette proposition de loi y apporte en deux modifications principales. En premier lieu, elle tend, dans son article 3, à consacrer le droit, pour le patient victime d'une affection grave et incurable, à recevoir une sédation profonde et continue, qui le plonge dans l'inconscience, jusqu'à sa mort, et qui est accompagnée d'un arrêt de tous les traitements médicaux.

En second lieu, elle réforme, dans son article 8, le régime juridique des directives anticipées écrites, qui doivent en principe éclairer le médecin sur le voeu de son patient dans l'éventualité où se poserait la question de la fin de sa vie, lorsque celui-ci est inconscient ou incapable d'exprimer sa volonté.

Elle précise aussi le rôle de la personne de confiance, chargée de témoigner de la volonté du patient, et l'articulation entre les différents témoignages, écrits et oraux, du choix du patient. D'autres dispositions concernent les conditions du refus de 1'acharnement thérapeutique, l'amélioration de la prise en compte de la souffrance et le développement de l'offre de soins palliatifs, la réaffirmation du droit des patients à recevoir des soins palliatifs et à refuser un traitement.

Le texte consacre ainsi un droit à la sédation profonde et continue jusqu'au décès. Ce droit doit être encadré. La sédation profonde et continue place le patient, par des moyens médicamenteux, dans un état où il n'a plus conscience de sa situation. D'intensité variable, la sédation, qui constitue une des techniques de soins palliatifs, peut aller d'un endormissement léger, dont l'intéressé peut être tiré par une simple sollicitation de la voix ou du toucher, au placement en coma artificiel. Elle peut être temporaire, le patient se réveillant lorsque la dose prescrite cesse d'avoir des effets, ou continue, lorsque le patient reçoit à intervalles réguliers une dose de sédatif, destinée à maintenir son état d'endormissement. À cet égard, la sédation profonde et continue qui place le patient dans un état de coma artificiel, jusqu'à son décès, pour éviter, notamment, qu'il souffre, constitue sans doute le dernier degré de la gamme des soins palliatifs.

En prévoyant, à l'article 3, de consacrer, dans certain cas, un droit pour le patient à bénéficier d'une sédation profonde et continue jusqu'à son décès, la proposition de loi ne crée pas une nouvelle pratique médicale. D'ores et déjà, les équipes soignantes y recourent, dans un souci d'humanité, pour éviter au mourant les souffrances de sa maladie ou de son agonie. En revanche, élever cette possibilité au rang de droit garantirait au patient de pouvoir en réclamer le bénéfice contre un médecin qui le lui refuserait - cas fort peu probable au regard des exigences de la déontologie médicale - ou auprès de l'établissement hospitalier ou du service qui le soigne, ce qui est plus plausible compte tenu du retard de notre pays dans le développement des soins palliatifs. Ce droit pourra en outre fonder une action en responsabilité, pour carence, contre les structures qui n'auront pu en garantir l'exercice.

Mais selon les situations, la consécration de ce droit à la sédation change de sens. Quatre cas ont été évoqués, au cours des auditions, qui pourraient justifier le recours à la sédation profonde et continue jusqu'au décès.

Le premier est celui d'un patient en fin de vie, atteint d'une maladie grave et incurable, qui éprouverait une souffrance réfractaire à tout traitement. La gamme entière des soins palliatifs étant impuissante à soulager cette douleur, le patient pourrait demander à être plongé dans l'inconscience, pour ne plus souffrir.

Le deuxième cas est celui d'un patient lui aussi en fin de vie et atteint d'une maladie grave et incurable, mais dont les souffrances seraient suffisamment apaisées par les soins palliatifs. Pour autant, il pourrait demander à bénéficier de cette sédation, parce qu'il souhaiterait éviter de vivre son agonie et être plongé dans l'inconscience pour ne pas se voir mourir.

Le troisième cas est celui d'un patient qui, sans être en fin de vie, est atteint d'une maladie grave et incurable, et souhaite arrêter le traitement qui le maintien en vie - dialyse, traitement à l'insuline, respirateur artificiel... Ce faisant, il basculerait dans une situation de fin de vie. Il serait procédé à la sédation profonde et continue concomitamment à l'arrêt du traitement de maintien en vie.

Le quatrième cas concerne le patient hors d'état d'exprimer sa volonté, pour lequel une décision d'arrêt de traitement de maintien en vie est prise au titre du refus de l'obstination déraisonnable. La sédation serait appliquée, préventivement, parce qu'il a été constaté, dans certains cas dramatiques, que l'arrêt de l'alimentation artificielle chez un patient en état végétatif avait provoqué d'importantes souffrances.

La proposition de loi issue des travaux de l'Assemblée nationale a retenu les premier, troisième et quatrième cas de recours à la sédation profonde et continue, et écarté le second. Le texte adopté par la commission des affaires sociales du Sénat n'a retenu que le premier et le quatrième, à la condition, dans ce dernier cas, que la souffrance soit jugée réfractaire à tout autre traitement.

S'agit-il d'assurer au patient le droit de ne pas souffrir ou celui de ne pas se voir mourir, même si 1'exercice de ce droit suppose de le placer en état de sédation profonde et continue jusqu'à son décès ? Telle est la question qui doit guider le choix des cas de figure à retenir. Dans ce que je vous proposerai, il ne s'est pas agi pour moi, à la différence de ce que l'on attend traditionnellement d'un rapporteur, de me faire l'avocat d'une position tranchée. Je n'ai jamais autant lu qu'en travaillant sur ce texte et j'ai constaté que la conviction que forgeait chaque audition, chaque réflexion, chaque lecture, ne paraissait étayée que jusqu'à l'audition ou la lecture suivante, qui l'effritait.

Répondre en faveur du seul droit de ne pas souffrir conduit à retenir le premier cas, celui d'une souffrance réfractaire à tout traitement, et, sans doute, le quatrième, si 1'on craint que la personne hors d'état d'exprimer sa volonté ne souffre de l'arrêt de traitement. Tel est le choix opéré, à l'initiative de ses rapporteurs, par la commission des affaires sociales.

La sédation profonde et continue pour éviter une souffrance qu'aucun autre traitement ne peut apaiser est, dans les faits, pratiquée, et personne ne le conteste. Mais en consacrant un droit à la sédation profonde et continue, pour ne pas assister à sa propre mort, ne risque-t-on pas de créer symboliquement un modèle du « bien mourir », qui conduirait ensuite les professionnels à privilégier cette pratique au détriment d'une prescription adaptée de soins palliatifs ? Ceci rejoint une préoccupation énoncée par le Conseil d'État, qui juge que « la sédation profonde ne peut en aucun cas être un substitut aux soins palliatifs, une " solution de facilité " qui viendrait en quelque sorte pallier leur absence ».

De ce point de vue, lier systématiquement la sédation profonde et continue et 1'arrêt de tous les traitements pose question. Dans sa version issue des travaux de l'Assemblée nationale, comme dans celle issue de ceux de la commission des affaires sociales, 1'article 3 lie indissolublement cette sédation à une analgésie avec arrêt des traitements de maintien en vie.

Sans en contester la pertinence d'un point de vue médical, même si, comme le souligne le docteur Régis Aubry, président de l'Observatoire national de la fin de vie, les effets sur la fin de vie d'une sédation profonde et de l'arrêt de certains traitements sont ambivalents, i1 est nécessaire de s'interroger sur ce systématisme.

Outre qu'il est contradictoire de reconnaître un nouveau droit du patient tout en limitant sa liberté dans 1'exercice de ce droit, soulignons qu'indépendamment de leur effet médical, certains traitements peuvent, plus que d'autres, avoir pour la personne une dimension symbolique. Il en va tout particulièrement ainsi de l'alimentation, de l'hydratation ou de la respiration : la nourriture que nous mangeons, l'eau que nous buvons, l'air que nous respirons. Ne serait-il pas paradoxal de chercher à apaiser la détresse d'une personne face à sa mort, en lui offrant la consolation symbolique d'un sommeil apaisé, tout en lui refusant la certitude qu'elle ne mourra pas de faim, de soif ou d'asphyxie, mais bien de sa maladie ?

Enfin, lier indissolublement sédation profonde et arrêt des traitements vitaux est rendre plus indistincte la frontière entre une mort causée par la maladie, et une mort causée par autre chose que cette maladie, voire par les conséquences d'un traitement médical. Or c'est cette distinction qui permet d'écarter tout risque de dérive euthanasique.

Je vous soumettrai donc un amendement visant à redonner force à la volonté du patient au seuil de sa vie.

Reste une question cruciale : la définition du moment à partir duquel il peut être recouru à la sédation profonde et continue. Celle-ci ne pourrait être mise en oeuvre à la demande du patient que si son pronostic vital est engagé à court terme en raison de 1'arrêt d'un traitement ou de l'évolution de sa maladie. Cette expression vise à caractériser la situation de fin de vie. Les professionnels de santé que nous avons entendus s'accordent pour fixer ce terme à quelques heures ou quelques jours. Il n'est sans doute pas possible à la loi d'être plus précise sans risquer d'exclure des situations qui mériteraient d'être qualifiées de situations de fin de vie. Toutefois, toute interprétation qui consisterait à considérer cette condition remplie, alors que le pronostic vital est certes engagé, mais à plusieurs semaines, serait dangereuse et risquerait de changer totalement la nature du droit ainsi consacré.

En effet, le dispositif proposé est justifié parce que la sédation, qui apaise les souffrances, ne donne pas la mort : le malade en fin de vie, dont l'agonie a commencé, meurt de sa maladie. Or, plus la sédation anticipera ce terme, moins il sera sûr que le malade mourra de sa maladie, puisque, si les suppléances vitales, et en particulier l'hydratation, n'ont pas été mises en place, il mourra de leur défaut.

Dans cette situation, la frontière, précédemment évoquée, entre la fin de vie causée par la maladie et celle causée par les conséquences d'un traitement serait brouillée, au risque de faire perdre toute légitimité au recours à une telle sédation. Encore une fois, je ne fais là que vous livrer mes réflexions.

J'en viens à la reformulation des dispositions relatives à l'obstination déraisonnable, qui peut entraîner une contestation de ses conséquences.

L'article L. 1110-5 du code de la santé publique autorise le médecin à cesser un traitement, au titre du refus de l'obstination déraisonnable, lorsque ce traitement est inutile, disproportionné ou qu'il n'a pour effet que le seul maintien artificiel en vie de la personne. Dans sa version issue des travaux de l'Assemblée nationale, l'article 2 du texte modifie cette disposition pour faire de cette autorisation une obligation, et limiter l'obstination déraisonnable aux traitements inutiles ou disproportionnés, estimant que le troisième cas, celui du seul maintien artificiel de la vie, se rattache à l'un ou l'autre. Le texte issu des travaux de notre commission des affaires sociales est plus protecteur puisqu'il a rétabli, sur ce point, le droit en vigueur. Notre commission des lois peut y souscrire : la rédaction de l'Assemblée nationale est d'une portée symbolique problématique, puisqu'elle répute inutile ou disproportionné le maintien artificiel de la vie, alors que le jugement que l'on peut avoir sur un corps en apparence déserté par toute conscience est forcément subjectif et dépend des convictions de chacun. En outre, imposer au médecin, fût-ce au titre du refus de l'obstination déraisonnable, d'arrêter un traitement de maintien en vie s'accorde mal avec le pouvoir d'appréciation qui lui est reconnu en principe, comme avec la mission qui est la sienne.

On doit également s'interroger sur le champ d'application de la procédure collégiale

Le texte issu des travaux de l'Assemb1ée nationale, comme celui qu'a établi notre commission des affaires sociales, généralise l'obligation faite au médecin, lorsqu'il envisage d'arrêter un traitement au titre du refus de l'obstination déraisonnable, de s'en remettre à la volonté du patient et de rendre sa décision au terme d'une procédure de consultation collégiale.

Je suggérerai pour sauvegarder mieux encore la volonté du patient, un amendement limitant ce recours à la procédure collégiale aux cas où ce dernier serait hors d'état d'exprimer lui-même sa volonté. Ce serait faire peu de cas de la volonté du patient conscient que de soumettre sa décision d'arrêter un traitement à une procédure collégiale. On peut en revanche souscrire aux précisions apportées par la commission des affaires sociales sur les caractéristiques auxquelles une telle procédure collégiale doit répondre.

Favoriser la recherche d'une meilleure prise en compte de la volonté du patient : tel a été mon deuxième souci. C'est un objectif qui est au coeur des réflexions menées ces dernières années sur le système de santé et en particulier sur la fin de vie. Ainsi, la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé a permis au patient de désigner une personne de confiance, qui est consultée sur la décision à prendre au cas où la personne serait hors d'état d'exprimer sa volonté. La loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie a ensuite introduit la possibilité pour toute personne majeure d'exprimer de manière anticipée ses souhaits relatifs à sa fin de vie par des directives anticipées. Mais contrairement à ce que laisse supposer cette appellation, ces directives n'ont aucun effet contraignant pour le médecin, qui a seulement l'obligation d'en tenir compte dans ses décisions d'investigation, d'intervention ou de traitement.

Ce texte fait un choix : faire des directives anticipées une preuve absolue de la volonté du patient. Il aurait peut-être été plus pertinent de commencer par rendre les dispositions prévues par la loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie pleinement applicables, et d'en tirer un véritable bilan, avant d'envisager de les réformer en profondeur. Tel n'est pas le parti qu'ont pris par les auteurs de la proposition de loi, MM. Alain Claeys et Jean Leonetti. Au-delà des mesures visant à améliorer le recours aux directives anticipées comme la mise à disposition d'un modèle de rédaction, ou leur enregistrement dans un fichier national, le texte propose une véritable réforme de leur statut juridique.

Les auteurs de la proposition de loi ont ainsi choisi de renforcer substantiellement les directives anticipées, en supprimant leur durée de validité de trois ans et en prévoyant qu'elles s'imposeraient désormais aux médecins. Pour éviter la multiplication de témoignages différents et la naissance d'éventuels conflits d'interprétation de la volonté du malade inconscient, le texte établit une hiérarchie entre les différents éléments de preuve. Les directives anticipées seraient le mode privilégié de preuve de l'expression de la volonté du patient. Elles l'emporteraient sur tout autre témoignage. À défaut de directives anticipées, c'est le témoignage de la personne de confiance, si elle a été désignée, qui ferait foi. En dernier lieu, seraient pris en compte les éléments recueillis par la famille ou les proches.

Il faut parfaire notre recherche de la réalité de cette volonté, en dissociant, dans la réflexion, deux questions. La première concerne la validité des directives anticipées au regard des souhaits les plus récents exprimés par le patient avant de sombrer dans l'inconscience, indépendamment du contenu de ses directives. La seconde concerne l'effet contraignant des directives à 1'égard du médecin, dès lors que leur contenu est adapté à la situation médicale du patient.

Faire des directives anticipées la preuve irréfragable de la volonté du malade présente un danger. Si les directives anticipées constituent certes l'élément le plus fiable pour déterminer la volonté d'un patient en état d'inconscience, j'estime cependant dangereux de leur attribuer un caractère trop absolu. Comme l'a souligné Jean-Marc Sauvé, lors de son intervention au colloque organisé par le Sénat sur la fin de vie, en janvier dernier, « lorsque le patient est dans un état d'inconscience, ses directives anticipées expriment une présomption de volonté ; elles sont une approximation, certes très forte, de ce qu'aurait été sa volonté consciente. Mais cette présomption ne saurait être irréfragable : elle doit pouvoir être écartée, lorsqu'un faisceau d'indices probants et circonstanciés démontre qu'elles ne correspondent plus à la volonté du patient ».

Je vous proposerai donc, à l'article 8, un amendement prévoyant que les directives anticipées peuvent être révoquées « par tout moyen », ce qui permettra de remettre en cause des directives qui ne correspondraient pas au dernier état de la volonté du patient inconscient, à la lumière du témoignage de la personne de confiance ou de toute autre personne. Imaginons une personne qui prend, aujourd'hui, des directives anticipées ; qui, vingt ans plus tard, est victime d'un accident et qui, alors même qu'elle a pu oublier l'existence de ces directives, dit avant d'entrer dans la salle d'opération, à sa personne de confiance : « Je veux vivre ». Il faut laisser une place à la volonté du patient, à sa dernière volonté. Avec mon amendement, seules des directives « dont la validité n'est pas contestée » auraient vocation à être mises en oeuvre.

Pour améliorer, autant que faire se peut, la mise à jour des directives anticipées, je proposerai également un amendement précisant que le décret en Conseil d'État, qui fixe notamment les conditions de conservation des directives anticipées, devrait également prévoir un rappel régulier, à la personne qui a enregistré ses directives anticipées dans le registre national, de l'existence de celles-ci. Alors que l'on oblige les banquiers à fournir des informations annuelles sur l'engagement de caution, cela me semble une mesure minimale.

Il existe aussi un risque de voir la volonté du patient entravée par des conditions de mise en oeuvre des directives anticipées trop restrictives. La rédaction de directives anticipées est un exercice complexe, a fortiori pour une personne qui n'est pas atteinte d'une affection grave. Il est donc excessivement contraignant d'imposer que, pour s'appliquer, celles-ci aient à viser précisément les circonstances de la fin de vie du patient. Une telle disposition risquerait de priver d'efficacité les directives anticipées, qui seraient écartées dans de nombreux cas, ce qui semble contraire à l'objectif poursuivi par le texte, qui entend en renforcer l'utilisation en leur conférant un caractère contraignant.

Par ailleurs, la commission des affaires sociales a prévu que le médecin, avant l'application de toutes directives anticipées, devra consulter un collège composé de 1'ensemble de 1'équipe soignante, de la personne de confiance ou, à défaut, des membres de la famille ou des proches qui le souhaitent. On aurait pu estimer que lorsque les directives anticipées sont valides et qu'elles ne posent pas de difficultés particulières au regard de la situation médicale du patient, il n'est peut-être pas justifié de soumettre l'expression de cette volonté à un examen par ce collège. Vous apprécierez.

Concernant la personne de confiance, je m'interroge sur la rédaction retenue par la commission des affaires sociales concernant la valeur du témoignage de la personne de confiance. La parole de la personne de confiance prévaudrait ainsi « sur tout autre élément permettant d'établir la volonté du patient à l'exclusion des directives anticipées », alors que le texte issu des travaux de 1'Assemb1ée nationale ne la faisait prévaloir que sur les autres témoignages, ceux de la famille et des proches, le plus souvent. D'où mon amendement à l'article 9, qui rend, comme l'avait prévu l'Assemblée nationale, une valeur plus limitée au témoignage de la personne de confiance.

Enfin, 1'article 8 de la proposition de loi permet aux personnes qui font l'objet d'une mesure de protection juridique, quelle qu'elle soit, de rédiger des directives anticipées sur autorisation du juge ou du conseil de famille s'il a été désigné. Il convient, à mon sens, de limiter 1'application de ce dispositif aux seules personnes placées sous tutelle, sachant que dans les autres cas, comme celui de la curatelle, les personnes peuvent actuellement rédiger de directives anticipées librement. Je vous proposerai également, à l'article 9, de prévoir les mêmes conditions pour la désignation, par les personnes sous tutelle, d'une personne de confiance.

Tels sont les quelques éléments de réflexion que je vous soumets.

M. Philippe Bas, président . - Je remercie notre rapporteur, qui fait preuve, comme à l'accoutumée, d'une grande honnêteté intellectuelle et d'un sens de l'éthique marqué par le souci de rester fidèle à la diversité de nos points de vue. Il s'est agi pour vous, ainsi que vous l'avez souligné, d'éclairer le débat par des éléments de réflexion, dont vous avez traduit certains sous forme d'amendements.

M. Yves Détraigne . - Je remercie à mon tour notre rapporteur de sa position nuancée et équilibrée. Ce sujet touche de près à l'humain et il est éminemment difficile d'avoir des certitudes. Aussi je m'interroge. Ce texte va-t-il améliorer les choses ou bien au contraire, comme souvent lorsque l'on entreprend de sophistiquer une procédure en prévoyant tous les cas de figure, ne risque-t-il pas de compliquer les prises de décision et d'ouvrir la voie à des contentieux, au risque d'aggraver les souffrances de familles souvent déchirées, comme l'actualité récente l'a encore montré ?

M. Jean-Jacques Hyest . - À mon tour de féliciter François Pillet de sa réflexion et de l'approche juridique qui a été la sienne. Car si nous sommes saisis de ce texte, c'est bien parce qu'il touche à des questions juridiques d'importance.

Faut-il ou non légiférer ? Je ne vais pas rouvrir ici le débat, mais la loi Leonetti me paraissait équilibrée pour autant qu'elle s'accompagnait d'une vraie politique de soins palliatifs. N'est-ce pas parce que cette condition n'a pas été mise en oeuvre que nous sommes amenés à légiférer de nouveau ? Si tel est le cas, cela pose, en effet, problème.

La sédation profonde est une pratique qui existe déjà, mais lier cet acte à l'arrêt de l'hydratation, de l'alimentation et de l'assistance respiratoire, c'est entrer, comme vous l'avez dit, dans tout autre chose. Sans rémission. Pour moi, vos propositions apportent des précisions importantes. La médiatisation de l'affaire Lambert, venue après beaucoup d'autres, montre assez que plus on légifère, plus on ouvre de motifs de contentieux. Je n'en dirai pas plus sur ce que je pense, sur le fond, de ce texte, mais c'est bien parce qu'il aura sans nul doute ses effets, jusque peut-être dans les maisons de retraite, que les amendements de notre rapporteur sont bienvenus.

M. Pierre-Yves Collombat . - Je m'associe à ces louanges. Le sujet est plus que délicat. Si l'on fait une loi nouvelle parce que la précédente, avec sa politique de soins palliatifs, n'a pas été mise en oeuvre, ce serait, en effet, fâcheux. S'il y a eu échec, faut-il l'imputer au manque de moyens ou au fait que la façon de traiter le problème ne répondait pas totalement à la question ? La sédation profonde, la cessation des traitements de maintien en vie ne sont-ils pas une façon de laisser la mort arriver plutôt que de la donner ? Car c'est bien cela qui fait le fond du débat.

Ce texte apportera des améliorations sur certains points, mais il laisse de côté un aspect du problème. Que se passera-t-il pour quelqu'un qui n'est pas en toute fin de vie mais se sait atteint d'une affection incurable et fait le choix de disparaître ? Dans d'autres pays, on lui en laisse la possibilité. Quand la seule liberté qui reste à quelqu'un est de choisir sa mort, peut-on faire quelque chose pour lui ? La réflexion aurait mérité de prendre en compte le cas d'une volonté ainsi exprimée en pleine conscience - ce qui veut dire aussi qu'elle peut à tout moment être modifiée. Or, ce texte, comme la loi Leonetti, dans le prolongement de laquelle il se situe, laisse cette question de côté.

M. Alain Anziani . - Je salue à mon tour le travail du rapporteur, plein d'intelligence et de sensibilité. Il a centré sa réflexion sur la volonté exprimée du patient. Mais il existe, et je rejoins en cela Pierre-Yves Collombat, d'autres cas. Je pense également à celui du patient qui ne peut pas exprimer sa volonté, sans doute définitivement. Or, certains choix de rédaction peuvent poser des difficultés. Je pense à l'article 2, qui prévoit que lorsque les actes de maintien en vie « apparaissent inutiles, disproportionnés ou lorsqu'ils n'ont d'autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, ils peuvent être suspendus ou ne pas être entrepris, conformément à la volonté du patient et à l'issue d'une procédure collégiale ». Dès lors que ce « et » est inclusif, qu'en sera-t-il du patient qui ne peut exprimer sa volonté ? Il me semble également que l'article 4 comporte une contradiction, puisque tout en visant, à l'alinéa 4, le cas du patient hors d'état d'exprimer sa volonté, il précise, à l'alinéa 6, que la sédation profonde et continue est mise en oeuvre « à la demande du patient ».

M. Jacques Mézard . - Nous avons tous conscience que sur un tel sujet, toutes les opinions méritent respect. Il touche au problème le plus personnel qui puisse être, au point qu'il est éminemment difficile de lui trouver une réponse collective.

L'espérance de vie a évolué, et la question, tant sociologiquement que techniquement, ne se pose pas dans les mêmes termes qu'il y a quelques décennies. Notre groupe, où a longtemps siégé Henri Caillavet, avait déposé une proposition de loi sur la fin de vie. Personnellement, je suis satisfait de voir nous arriver ce texte, issu de la collaboration de deux députés qui ont travaillé ensemble non pour rechercher un compromis, parce que le mot, sur cette question, n'a aucun sens, mais dans la conscience que les problèmes auxquels chaque famille est un jour confrontée sont devenus, avec l'évolution des techniques médicales, encore plus douloureux. On peut avoir des idées de principe, mais lorsque l'on est confronté au réel, on peut aussi changer d'avis du tout au tout. Ce qui me semble essentiel, en l'occurrence, c'est l'expression de la volonté, sur laquelle notre rapporteur a, à juste titre, porté l'accent. Surtout quand elle change, et encore plus quand on ne peut plus l'exprimer de manière cohérente. Ce texte fait, de ce point de vue, progresser les choses, et si ses termes restent dans un certain flou, c'est qu'il ne peut pas en être autrement.

De la loi sur le renseignement, je disais qu'elle avait l'avantage, parmi beaucoup d'inconvénients, d'entourer d'un cadre légal des pratiques qui ont déjà cours. Sans pousser au-delà la comparaison, ne soyons pas aveugles à ce qui se passe dans les Ehpad (établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes), dans les hôpitaux, dans les familles. Il est clair que les réponses sont tellement personnelles que nous n'arriverons jamais à une position commune, mais essayons de respecter au plus près la volonté de chacun.

M. François Pillet, rapporteur pour avis . - Faut-il à nouveau légiférer ? La loi va-t-elle améliorer la situation ? Je rappelle, pour commencer, que l'on ne fait pas ici le procès d'une loi qui aurait été mal pensée. C'est une loi qui n'a pas été suffisamment appliquée. Les soins palliatifs ne sont pas assez développés en France. Ce n'est pas seulement une question de moyens, mais d'approche. Par une sorte de mésestime, on dédaigne la formation aux soins palliatifs, alors même que ce sont des soins qui, comme je l'ai souvent entendu, sont complémentaires du traitement avec lequel ils se mettent en place. Or les médecins généralistes n'y sont pas formés ; ils en ignorent les objectifs et les techniques. Alors que l'on crée, pour lutter contre la désertification dans nos territoires, des maisons pluridisciplinaires de santé, ne serait-il pas utile de prévoir qu'au moins un médecin au sein de ces structures y soit sensibilisé ?

La loi ne réglera pas tous les problèmes. Elle va apporter des garanties supplémentaires quant à la recherche de la volonté du malade, mais elle ne préviendra pas tous les contentieux. Imaginez quelqu'un qui, victime d'un accident de la circulation, se trouve dans le coma. S'il n'a pas donné de directives anticipées, n'a pas désigné de personne de confiance et que ses proches sont divisés, la loi ne résoudra pas le problème. Si le médecin estime qu'on en est arrivé à une situation d'acharnement thérapeutique, il pourra interrompre les soins, mais on n'échappera pas à de possibles contentieux. Aucune loi ne peut les prévenir entièrement, et celle-ci pas plus qu'une autre.

Si la loi telle que l'a voulue le législateur en 2005 avait été appliquée, et les soins palliatifs développés, il n'aurait peut-être pas été nécessaire de réfléchir à un nouveau texte.

La question des maisons de retraite a également été évoquée. Ce sont des situations que je connais bien, pour avoir été président d'un Ehpad. Quand, en pleine nuit, une personne qui se trouve dans un état quasi végétatif est prise d'un problème respiratoire, qu'il n'y a pas d'infirmière, pas de médecin qui puisse se déplacer, on l'envoie directement aux urgences. Il est sûr, dans ce cas, que son agonie sera douloureuse. Si, avec cette loi et pour peu qu'existent des directives anticipées, le médecin de l'Ehpad peut décider, en en prenant la responsabilité, qu'il n'envoie pas aux urgences et traite la douleur, est-ce que ce sera plus humain ? À chacun d'en décider. En n'oubliant pas que plus personne ne meurt chez soi.

J'en viens à la grande question qu'a soulevée M. Collombat. Fallait-il aller jusqu'à l'extrême forme de l'expression de la volonté ? La question n'a pas été oubliée : cette solution a été écartée. C'est un choix. Et qui relève de la conscience de chacun.

La procédure collégiale, Monsieur Anziani, est nécessairement mise en oeuvre lorsque le patient ne peut pas faire connaître sa volonté.

La mort de chacun se traite aussi, comme je l'ai entendu au cours des auditions, dans ce que l'on appelle le bien vivre ensemble. Tout le débat est là. L'agonie ne sert à rien ? Tout est dans le point d'interrogation : si vous faites de l'assertion une interrogation, vos réflexions ne seront pas terminées.

EXAMEN DES AMENDEMENTS

Article 2

M. François Pillet, rapporteur pour avis . - Il me semble qu'il convient de respecter la volonté du patient de suspendre ou de ne pas entreprendre un traitement. Mon amendement LOIS.1 vise donc à limiter le recours à la procédure collégiale aux seuls cas où le patient est hors d'état d'exprimer sa volonté.

M. Philippe Bas, président . - Vous rendez en somme explicite ce qui restait implicite.

L'amendement LOIS.1 est adopté.

Article 3

M. François Pillet, rapporteur pour avis . - Mon amendement LOIS.2 est important ; il vise à assurer le respect de la volonté du patient. Je précise que j'ai rencontré les rapporteurs de la commission des affaires sociales pour leur soumettre l'état de mes réflexions ; il est apparu qu'un accord pourrait intervenir sur certains points, mais celui-ci est débattu. L'article 3 consacre le droit du patient en fin de vie à bénéficier d'une sédation profonde et continue jusqu'à son décès lorsqu'aucun traitement ne permet de soulager sa douleur. Il impose, en revanche, que cette sédation soit accompagnée de l'arrêt de tous les traitements de maintien en vie - alimentation, hydratation, respiration artificielle. Mais lorsque le patient est conscient, cette décision ne doit-elle pas lui revenir ? Étant entendu que cela n'influe que sur le temps : la sédation durera sans doute un peu plus, mais au moins, le patient n'aura pas le sentiment de mourir de faim, de soif ou d'étouffement. Il est difficile de s'accorder, car la technique médicale influe beaucoup, en ce domaine, sur la décision de chacun - bien que je n'ai pas rencontré beaucoup de certitude, chez les médecins, sur leurs techniques...

M. Yves Détraigne . - Votre amendement vise à insérer les mots « , sauf si le patient s'y oppose » après le mot « et ». Mais il y a deux fois le mot « et » dans cet alinéa ; il faudrait préciser.

M. François Pillet, rapporteur pour avis . - En effet. Je rectifie l'amendement pour préciser que c'est après les mots « analgésie et ».

M. Jean-Jacques Hyest . - Il est assez extraordinaire de considérer que l'hydratation et l'aide respiratoire sont des traitements. Il est clair que sans sédation, leur arrêt provoquera d'horribles souffrances chez le malade. Mais c'est bien pourquoi lier les deux actes me gêne beaucoup. Cela change totalement la nature du projet, et même des directives.

M. Philippe Bas, président . - Le président Hyest a, me semble-t-il, raison. Vous avez évoqué, tout à l'heure, les différentes hypothèses de recours à la sédation. Quand le malade est à l'agonie et que malgré un recours à toute l'échelle des soins palliatifs, la souffrance reste réfractaire, la sédation profonde, si elle peut avoir pour effet d'abréger le nombre d'heures qui restent au patient à vivre, est plus aisément justifiable que dans d'autres cas. Elle n'est au fond que l'étape ultime de l'application du droit aux soins palliatifs. Le cas dont nous discutons est plus complexe. Il faut admettre une réponse positive à plusieurs questions difficiles avant d'accepter de lier l'arrêt de l'alimentation, de l'hydratation et de la respiration artificielle et le droit à la sédation profonde. Il faut admettre, alors, qu'il s'agit de « traitements ». Ce saut a été opéré par le juge. Dès 2009, le Conseil d'État a estimé, dans son rapport, qu'il fallait englober dans la notion de « traitement » ces trois soins supplétifs. Il a confirmé cet avis par jugement, dans l'affaire Vincent Lambert. Le droit positif actuel englobe donc ces soins de suppléance vitale dans la catégorie des traitements. Le législateur pourrait retenir une réponse différente, mais à supposer qu'il admette ce point, il reste que la nature du geste médical n'est plus la même que dans le premier cas. L'ordre des facteurs peut même s'inverser : c'est parce que l'on décide d'arrêter les traitements de suppléance vitale, ce qui va entraîner la mort, mais une mort horriblement douloureuse, que l'on applique la sédation. La loi, dont on a souvent dit que sa visée était de rendre effectif le droit aux soins palliatifs, ne traite plus là de la même question que précédemment. Elle opère un saut, dont il revient ici à chacun de se demander s'il faut l'opérer.

M. Jean-Jacques Hyest . - On sait où mènent les sauts successifs...

M. Pierre-Yves Collombat . - On revient à ce que je disais tout à l'heure. Le fond du débat est bien là : peut-on accepter un acte qui entraîne la mort ? On apporte ici une réponse sans l'apporter, et selon des modalités, qui plus est, discutables. Le rapporteur nous dit que la réponse est individuelle. Pas seulement, c'est aussi un problème éminemment politique. Qu'est-il acceptable de faire quand une personne demande, en toute conscience, une assistance pour mourir ?

M. Jacques Bigot . - Je comprends mal le sens et la portée de cet amendement. Nous sommes ici dans l'hypothèse où le malade peut exprimer sa volonté. Je conçois mal qu'il puisse demander à la fois la sédation et la poursuite de soins de maintien de vie. À moins que ces soins ne soient conçus comme un simple accompagnement de la fin de vie. On veut ici aller trop loin ; la loi ne peut pas tout faire. Tout tient ici dans l'échange entre le malade et le médecin, qui apportera son conseil. Le juriste doit rester, en ce domaine, d'une humilité absolue.

M. Philippe Bas, président . - Je pense que ce que vise l'amendement, c'est à changer profondément le sens de ce qu'ont retenu l'Assemblée nationale et la commission des affaires sociales, qui ont rendu indissociable l'exercice du droit à la sédation profonde et l'arrêt des traitements de suppléance vitale - air, eau, aliments. Notre rapporteur les dissocie. Oui, il existe un droit à la sédation profonde pour vaincre la douleur, mais il n'a pas à être obligatoirement assorti d'une rupture de l'alimentation en eau, en air, en aliments. Voilà, je crois, ce que veut signifier l'amendement.

M. François Pillet, rapporteur pour avis . - Votre analyse est parfaitement juste. Il est vrai que l'hypothèse sera peut-être extrêmement rare, mais le souci qui m'anime est de préserver à tout prix la volonté du patient. Que demande-t-il ? À ne plus souffrir. Les praticiens ne sont pas tous d'accord entre eux. Quand l'un procède à la sédation en maintenant l'hydratation, un autre lui objecte qu'il prolonge, ne fût-ce que de 24 heures, la vie que le malade veut quitter. Mais est-on sûr que l'on respecte ainsi la volonté du malade, qui se résignait peut-être à mourir de sa maladie, mais pas d'autre chose ? Dans les faits, l'hypothèse où un malade demande la sédation avec maintien des soins sera sans doute rare. Le médecin les maintiendra-t-il jusqu'au terme ultime ? Ce sera de sa responsabilité.

On ne peut pas vouloir respecter au plus près la volonté du malade, dans la limite des critères de recours à la sédation profonde que j'ai rappelés, et ne pas lui permettre d'exprimer celle-là.

M. Alain Anziani . - Ce débat apporte de nombreux éclaircissements mais aboutit à une conclusion qui me choque profondément, parce qu'elle crée deux catégories de patients. Ceux qui peuvent s'exprimer seront écoutés, mais ceux qui ne le peuvent pas seront condamnés à la souffrance, parce qu'ils n'auront pas pu dire qu'ils n'en veulent pas. Il faut aller jusqu'au bout et se poser la question que posait Jean-Jacques Hyest. Est-il vraiment nécessaire d'interrompre les traitements de suppléance vitale, et ne peut-on se contenter de recourir à une sédation profonde ?

M. François Pillet, rapporteur pour avis . - Le 2° de l'article 3 répond à votre interrogation : « lorsque le patient est hors d'état d'exprimer sa volonté et sauf si ses directives anticipées s'y opposent, dans le cas où le médecin arrête un traitement de maintien en vie au titre de l'obstination déraisonnable et que la souffrance du patient est jugée réfractaire », il est procédé à une sédation profonde et continue.

Mme Jacqueline Gourault . - Mais avec arrêt des traitements.

M. François Pillet, rapporteur pour avis . - En cas d'obstination déraisonnable, oui. Après avis collégial.

M. André Reichardt . - Il me semble, au contraire, qu'il y a une contradiction entre votre amendement et cet alinéa. Vous voulez que le patient qui demande une sédation puisse s'opposer à l'arrêt des traitements supplétifs mais il est clair, à la lecture de cet alinéa, que le patient qui n'est plus en état d'énoncer sa volonté verra inéluctablement ces traitements interrompus.

Mme Catherine di Folco . - Je vais mettre les pieds dans le plat : je vois mal la différence entre « sédation profonde et continue associée à une analgésie et un arrêt des traitements » et euthanasie, mot que personne n'ose ici prononcer. Un médecin à qui je m'en ouvrais me disait qu'en effet, la seule différence est dans la durée. L'amendement du rapporteur me semble appréciable, parce qu'il rompt ce lien problématique.

M. Jean-Pierre Sueur . - Ce que vous dites devrait conduire à refuser le texte dans son ensemble. Pour moi, je suis d'accord avec la logique du texte, mais mal à l'aise, monsieur le rapporteur, avec votre amendement. Quelqu'un qui demande la sédation profonde demande à mourir et il me semble que cela implique l'arrêt d'un certain nombre de traitements.

M. Pierre-Yves Collombat . - Ce qui est contradictoire, c'est de prévoir ce qui est, en effet, une forme d'euthanasie, mais en retenant la procédure qui fera souffrir le plus. On ne veut pas aborder le problème en face : peut-on aider quelqu'un à mourir ? Moyennant quoi on préfère attendre que la mort vienne en le déshydratant, en l'asphyxiant ? Il y a tout de même des méthodes plus humaines. La proposition du rapporteur ne résout pas, en effet, le problème que soulevait Alain Anziani, mais elle vaut déjà un peu mieux.

M. Philippe Kaltenbach . - Tout est question de temps. En combien de temps vient la mort une fois la sédation profonde engagée ?

M. François Pillet, rapporteur pour avis . - On ne peut pas le dire.

Mme Esther Benbassa . - Je suis d'accord avec ma collègue : le mot d'euthanasie nous fait peur. Nos convictions religieuses sont également en jeu. Avec la sédation profonde, on pense aussi au confort de la famille, pour laquelle une euthanasie active, qui raccourcit le temps de la mort, pourrait être traumatisante.

Il ne s'agit pas ici de rester dans la théorie et de nous gargariser de mots, mais bien de trouver des solutions pragmatiques pour que ceux qui veulent en finir ne souffrent pas ; des solutions, aussi, pour ceux qui ne peuvent pas s'exprimer - on a vu, avec l'affaire Lambert, tout ce qui pouvait être en jeu dans de telles situations. Imaginez quelqu'un qui, victime d'un accident, n'aurait pas donné de directives anticipées ni désigné une personne de confiance ; s'il n'a pas de famille, de surcroît, sera-t-il condamné à végéter indéfiniment ? Nous devons voter un texte clair, qui n'oblige pas nos concitoyens qui veulent en finir dans la dignité à aller en Suisse payer pour mourir.

M. Didier Marie . - On peut, sans être médecin, parler tout de même d'expérience. Dans la sédation profonde, le corps réagit différemment selon sa constitution. Le terme arrive très vite dans certains cas, moins vite dans d'autres. Je souscris pleinement à l'amendement du rapporteur, car je considère que c'est au médecin de décider ce que doit être l'accompagnement destiné à éviter la douleur. Je pense en particulier à l'assistance respiratoire. Dans le cas auquel je pense, il est clair qu'elle a permis à la personne concernée, qui avait voulu la sédation, de ne pas souffrir. Lier, comme le veut la commission des affaires sociales, la sédation à l'arrêt de toute assistance serait prendre le risque d'amplifier la douleur, au contraire de ce que l'on recherche. Laissons, comme le disait Mme Benbassa, un peu de pragmatisme dans tout cela : les médecins ont toute qualité pour juger des soins d'accompagnement nécessaires.

M. François Pillet, rapporteur pour avis . - Cette dernière intervention est éclairante. Je veux ici rappeler que la sédation ne tue pas ; elle n'est pas faite pour cela, mais pour empêcher de souffrir. C'est une anesthésie. L'hypnovel, qui est le médicament utilisé dans ce cas, ne tue pas. Joël Schumacher a été placé sous sédation profonde, mais il a été maintenu en vie parce qu'il n'était pas en fin de vie. Ce qui tue c'est la fin de vie, ce n'est pas la sédation profonde. C'est aussi pourquoi il nous faut bien distinguer les cas où il y aurait « obstination déraisonnable » - ce que le langage courant désigne par acharnement thérapeutique.

Notre collègue a clairement illustré le problème. Mon amendement ne règle pas tout, mais il a le mérite de se concentrer sur la volonté du malade en fin de vie, qui est au premier chef de ne pas souffrir.

Mme Jacky Deromedi . - Le sujet nous concerne tous, quelquefois personnellement. Je voulais simplement apporter une précision. Nous devons être attentifs aux décisions qui pourraient être prises, dans le cas d'un malade sous tutelle ne pouvant s'exprimer, par le tuteur, qui n'est rémunéré, il ne faut pas l'oublier, que jusqu'à la mort de la personne dont il assure la tutelle...

M. Jacques Bigot . - Je comprends mieux le sens de l'amendement. Mais je ne suis pas sûr que la question soit ici celle de la volonté du malade. L'objectif de la loi est d'autoriser le médecin à arrêter les traitements de maintien en vie. Il suffirait de retenir une expression comme « l'arrêt, le cas échéant, des traitements ». Le malade sait qu'il va mourir, il ne veut pas souffrir, et il demande au médecin de l'accompagner. Telle est, en réalité, la situation. Ce qui importe, c'est d'éviter des contentieux qui pourraient être soulevés au motif que si le médecin a engagé la sédation tout en maintenant les traitements, c'est que la personne aurait pu vivre. La solution de la commission des affaires sociales n'est sans doute pas satisfaisante, mais je ne suis pas sûr que la vôtre soit susceptible de prévenir de tels contentieux.

M. François Bonhomme . - Je suis pris de vertige devant les interrogations nouvelles que soulève ce débat. Le texte est-il susceptible d'engendrer de nouveaux contentieux entre les familles, telle est la question que je me pose.

M. Philippe Bas, président . - Je veux ici rappeler que le principe de respect de la vie est à la racine de toute organisation sociale. Qu'un juge soit appelé à intervenir quand une décision est complexe à prendre est heureux. C'est une régulation ultime, qui nous fait mesurer la difficulté de sa tâche. Je ne crois pas que l'on puisse adopter aucune rédaction qui l'évince de cette responsabilité ultime.

M. Jean-Jacques Hyest . - Sauf si le juge se voulait législateur...

M. François Bonhomme . - N'alimente-t-on pas ici l'idée que le législateur peut valablement intervenir dans ce domaine et trouver une réponse à une question aussi lourde ? Ne suscite-t-on pas, ce faisant, une attente sociale plus forte encore ?

M. François Pillet, rapporteur pour avis . - J'indique à Mme Deromedi qu'en aucun cas le tuteur ne peut avoir, en cette matière, voix au chapitre.

M. André Reichardt . - Je voterai l'amendement parce qu'il permet de dissocier la sédation profonde et continue et l'arrêt des traitements de maintien en vie, mais il ne me satisfait pas pleinement parce que lorsque le patient sera hors d'état d'exprimer sa volonté, l'un et l'autre resteront liés, comme l'indique clairement le quatrième alinéa, ce que je considère inacceptable.

M. Philippe Bas, président . - Dans l'alinéa que vous visez, soit le 2° de l'article, il s'agit d'arrêter les traitements de maintien en vie au titre de l'obstination déraisonnable. Dans le deuxième alinéa, sur lequel vient se greffer l'amendement, il s'agit d'autre chose : en l'état du texte, les traitements de maintien en vie seraient interrompus alors même qu'ils ne relèvent pas de l'obstination déraisonnable.

M. André Reichardt . - Mais le patient inconscient n'aura pas eu le choix. On va le déshydrater, lui couper l'oxygène. Ce n'est pas acceptable

L'amendement LOIS.2 rectifié est adopté.

Article 8

M. François Pillet, rapporteur pour avis . - Mon amendement LOIS.3 vise à préciser que les directives anticipées peuvent être révisées dans les conditions prévues par décret et révoquées par tout moyen, c'est à dire sans formalités particulières. Il s'agit, là encore, de privilégier la volonté du patient, qui peut changer, par exemple avant une opération.

M. Philippe Bas, président . - Vous affinez, en somme, la rédaction de la commission des affaires sociales en précisant les modalités selon lesquelles les directives sont révisables ou révocables, sans exiger un parallélisme des formes entre l'un et l'autre cas. Si la preuve est apportée que les directives anticipées ont été révoquées par le patient, ce changement de volonté doit être respecté.

M. Alain Richard . - Sur quoi portera le décret ?

M. François Pillet, rapporteur pour avis . - Il prévoira un modèle, différent selon que les directives anticipées sont prises par une personne malade ou en pleine santé, et les conditions auxquelles celles-ci peuvent être révisées.

M. Alain Richard . - Vous visez les modalités formelles de leur révision, or, le terme de « conditions » peut renvoyer à des conditions de fond. Mieux vaudrait retenir le terme de « modalités », et bien préciser, en séance, que sont visées les modalités formelles de la révision.

M. François Pillet, rapporteur pour avis . - C'est juste. Je rectifie l'amendement en ce sens.

M. Philippe Bas, président . - Vous souhaitez également que l'on réinterroge régulièrement l'auteur des directives anticipées ?

M. François Pillet, rapporteur pour avis . - Non pas qu'on le réinterroge, mais qu'on lui rappelle, à intervalle régulier, qu'il a déposé des directives anticipées. Je vous proposerai un amendement en ce sens.

M. Yves Détraigne . - Le texte précise-t-il où doivent être déposées ces directives anticipées ?

M. François Pillet, rapporteur pour avis . - Un registre national prévu au sixième alinéa y pourvoira. Ce registre prendra vraisemblablement la forme d'un recueil informatique du type de ce qui est prévu pour les testaments.

L'amendement LOIS.3 rectifié est adopté.

M. François Pillet, rapporteur pour avis . - Mon amendement LOIS.4 vise à préciser les cas dans lesquels le médecin pourra ne pas appliquer les directives anticipées rédigées par un patient. La rédaction de la commission des affaires sociales est beaucoup plus restrictive que celle que proposait l'Assemblée nationale : le médecin ne pourrait plus écarter les directives anticipées qu'au regard de la situation médicale du patient. Ce qui va jusqu'à le priver de l'examen de leur validité.

M. Jean-Pierre Sueur . - On commence par dire que les directives anticipées s'imposent au médecin, pour préciser, ensuite, que celui-ci peut ne pas les suivre s'il juge qu'elles ne conviennent pas au regard de la situation médicale. Est-il judicieux d'ajouter, comme vous le faites, le cas où existerait une « contestation sérieuse » ? Ne risque-t-on pas d'ouvrir la voie à des contentieux ? Ne serait-il pas préférable, si vous souhaitez élargir la faculté d'appréciation du médecin, de viser plus sobrement le cas où les directives sont « manifestement inappropriées » ?

M. François Pillet, rapporteur pour avis . - Cela donnerait en effet un peu plus de latitude au médecin, mais si j'ai retenu les termes de contestation sérieuse, c'est que l'hypothèse ne peut être écartée, du fait que des directives anticipées qui auraient été prises vingt ou trente ans auparavant resteront opposables. Le médecin doit pouvoir prendre en compte les éléments qui lui laisseraient penser que ces directives ne sont plus d'actualité.

M. Jean-Pierre Sueur . - Je comprends votre argument, mais il peut arriver, comme vient de le prouver l'actualité récente, qu'un membre de la famille oppose une contestation radicale à un choix. Autant je comprends que des directives ne s'appliquent pas pour une raison médicale, autant il me paraît périlleux d'admettre qu'elles puissent être suspendues parce que s'exprimerait une contestation consistant à remettre en cause le fait que la volonté du malade s'impose.

M. Philippe Bas, président . - La question est, là encore, extrêmement délicate. Il faut partir de la règle fondamentale qui veut que l'arrêt des traitements et la sédation profonde supposent un consentement libre et éclairé du patient. On mesure par là le niveau de l'information qui devra être délivrée au patient sur les actes pratiqués, liés à une situation médicale donnée, laquelle n'est pas toujours prévisible et peut évoluer.

Dans le cas où le patient est inconscient, son consentement éclairé ne peut plus être recueilli. D'où les directives anticipées, prévues par la loi de 2005. On ne saurait leur donner force opposable sans tenir compte du fait qu'elles ne pourront, par hypothèse, valoir consentement libre et éclairé pour toutes les situations qui pourront se présenter dans le parcours médical de leur signataire. C'est bien pourquoi la loi de 2005 prévoyait que ces directives devaient être prises en compte par le médecin, mais non pas qu'elles s'imposaient à lui. Nul ne saurait formuler des directives anticipées susceptibles de s'appliquer, sans aucune difficulté d'interprétation, à toute situation - même si leur auteur, au moment où il les rédige, a connaissance d'une maladie et des circonstances dans lesquelles elle pourrait se terminer.

Je comprends donc que notre rapporteur ait souhaité que ces directives anticipées, auxquelles ce texte donne une force juridique nouvelle, ne s'imposent pas sans un minimum de précautions.

M. François Pillet, rapporteur pour avis . - Qu'elles ne soient pas irréfragables.

M. Philippe Bas, président . - D'où la prise en compte de deux cas de figure : inadaptation à la situation médicale ou contestation sérieuse de leur validité juridique. Cela indique, d'une certaine façon, que les circonstances dans lesquelles on se trouve n'entrent pas dans les prévisions des directives anticipées.

M. Jacques Bigot . - L'hypothèse d'une inadaptation à la situation médicale doit évidemment être prise en compte. En revanche, il me semble que si l'on adopte l'amendement à venir du rapporteur qui prévoit un rappel permanent à l'auteur des directives de leur existence, avec consignation au registre, les contestations ne seront plus possibles. Sinon, on entre dans le contentieux des témoignages, dont on connaît la complexité. Bien souvent, le témoignage ne consiste pas en un « il a dit que », mais en un « il aurait pensé que ».

M. Jean-Jacques Hyest . - Je ne sais si je comprends bien la rédaction proposée par le rapporteur, mais il me semble que ce qui est ici visé, si j'en crois le « lorsque » qui lie les deux propositions, ce sont les « contestations sérieuses » touchant à la situation médicale. Les autres seront réglées par d'autres voies. N'est-ce pas ?

M. François Pillet, rapporteur pour avis . - En toute hypothèse, ce n'est pas parce qu'une contestation sérieuse s'élèvera que ce qui est envisagé n'aura pas lieu. Tout dépendra aussi de l'avis collégial. Une contestation sérieuse permettra au médecin de ne pas prendre seul la décision.

M. Philippe Bas, président . - Le « lorsque » qui apparaît dans l'amendement du rapporteur, monsieur le président Hyest, n'a pas, comme le marque la virgule, valeur de subordination à la proposition précédente, mais à la proposition de tête. Le médecin n'est pas tenu de se conformer aux directives dans trois cas : soit lorsque leur validité fait l'objet d'une contestation sérieuse, soit lorsqu'elles ne sont pas adaptées à la situation médicale, soit en cas d'urgence vitale pendant le temps nécessaire à une évaluation complète de la situation médicale.

M. Jean-Jacques Hyest . - Ce n'est franchement pas clair à la lecture de l'amendement.

M. François Grosdidier . - Une virgule peut vite s'égarer. Peut-être serait-il prudent de la remplacer par un « ou ».

M. Pierre-Yves Collombat . - Je ne voterai pas cet amendement. Le mieux est l'ennemi du bien. Ajouter la circonstance d'une « contestation sérieuse » ouvre aux conjectures et aux contentieux.

M. Philippe Bas, président . - Il est bien écrit que le médecin « n'est pas tenu » de se conformer aux directives anticipées. Cela ne veut pas dire qu'il ne s'y conformera pas.

Envisageons la situation où une famille se déchire au chevet de l'un des siens à l'agonie et où émerge une contestation sérieuse. Quel médecin ira se précipiter pour procéder à l'arrêt des traitements ? Il le fera s'il estime qu'il y a obstination déraisonnable, en assumant, comme il le fait déjà, sa responsabilité. Que la contestation sérieuse puisse être considérée comme une indication pour le médecin, susceptible de le délivrer de l'obligation qui lui est faite, me paraît acceptable.

M. Didier Marie . - Si par contestation sérieuse, on entend une discussion familiale au chevet du malade en fin de vie, je ne puis suivre. Il faut que la contestation soit solidement étayée.

De même, il serait bon de préciser ce qui relève de l'appréciation médicale. Il ne faudrait pas que cela permette à un médecin de ne pas respecter, en vertu de ses convictions, les attentes du patient. Quelles garanties peuvent être apportées pour s'assurer que l'avis médical est bien étayé ?

M. François Pillet, rapporteur pour avis . - Il faut s'en référer à la rédaction des directives anticipées. Autant celles qui seront rédigées sur la base du formulaire prévu par décret seront très informatives, autant celles de quelques lignes que l'on retrouvera dans un tiroir de table de nuit pourront prêter à interprétation. C'est bien pourquoi il faut permettre au médecin de recourir à l'assistance de la collégialité.

L'amendement LOIS.4 est adopté.

M. François Pillet, rapporteur pour avis . - Mon amendement LOIS.5 vise à préciser les modalités de mise en oeuvre de la procédure collégiale utilisée pour apprécier la possibilité d'appliquer ou non les directives anticipées. Il me semble nécessaire d'affirmer clairement que le collège, composé de l'équipe soignante, de la personne de confiance ou à défaut des membres de la famille ou des proches, ne donnera qu'un simple avis. Il vise également à préciser qu'en cas de contestation sérieuse concernant la validité des directives anticipées au regard du dernier état connu de la volonté du patient, le médecin ne sera pas seul pour apprécier les différents éléments en présence. De même que pour l'appréciation du caractère adapté de ces directives à la situation médicale du patient, il soumettra cette question à l'avis du collège avant de prendre sa décision.

L'amendement LOIS.5 est adopté.

M. François Pillet, rapporteur pour avis . - Dès lors que des directives anticipées peuvent être opposables quel qu'ait été le moment de leur rédaction, remontât-il à vingt ou trente ans, il me semble indispensable de prendre la précaution, minime, d'en rappeler régulièrement l'existence à leur auteur. Tel est le sens de mon amendement LOIS.6

M. Jean-Jacques Hyest . - Je n'ai pas d'objection mais je m'interroge, en revanche, sur le septième alinéa de l'article 8 : « Le médecin traitant informe ses patients de la possibilité et des conditions de rédaction de directives anticipées . » Il est vrai que cela se pratique pour le don d'organes, mais le cas est tout différent. Personnellement, si mon médecin traitant me dit que ce serait une bonne chose que je donne des directives anticipées, je me dirai que je suis fichu. Il faut supprimer cette proposition, ne serait-ce parce qu'elle n'a rien à faire dans la loi, car elle n'emporte aucune conséquence juridique.

M. François Pillet, rapporteur pour avis . - Elle était dans le texte initial.

M. Jean-Jacques Hyest . - Ce n'est pas une raison pour la conserver.

M. Alain Richard . - C'est une interpellation unique dans la vie de chaque personne que ce sujet. Le premier péril, quand arrive la fin de vie, c'est que la personne n'ait pas anticipé son choix. Alors que la loi, en prévoyant que les directives anticipées seront opposables, opère un vrai changement, il me paraît normal qu'elle prévoie les conditions dans lesquelles les personnes sont appelées à prendre ces directives anticipées. Et qui d'autre que le médecin de famille pourrait faire ce rappel ? D'autant que ce sont des médecins qui prendront, in fine , la décision.

M. Philippe Bas, président . - Il y a plusieurs cas de figure. Dans le cas où le médecin pose un diagnostic engageant le pronostic vital, il peut ne pas juger opportun d'engager son patient à rédiger des directives anticipées. D'autant que le code de déontologie, s'il fait obligation au médecin de dire la vérité au malade en prévoit aussi les limites, pour tenir compte de ce que le malade peut supporter. Lui imposer d'évoquer ces directives anticipées devant tout malade serait contraire au caractère tempéré de cette obligation déontologique. On pourrait aussi imaginer qu'il ait à faire connaître cette procédure par voie d'affiche, comme pour les tarifs, mais je crains fort qu'une telle obligation ne soit rarement suivie d'effets... Pour moi, le cabinet médical n'est pas forcément le lieu le mieux approprié pour faire connaître cette procédure.

M. Yves Détraigne . - Si on charge le médecin de délivrer cette information, cela peut en effet donner au patient le sentiment qu'il est fichu, même si c'est faux.

Mme Catherine Tasca . - Je rejoins les réserves exprimées par le président Hyest. On ne respecte pas, au bout du compte, la responsabilité du patient. L'attitude face à la fin de vie est une question éminemment personnelle. Plus on encadrera les choses par la loi, plus on déniera au patient son autonomie. Or, le sens de la réforme en cours est bien, dans le prolongement de la loi Leonetti, de reconnaître au patient sa volonté, sa responsabilité dans la décision. Demander au médecin d'encadrer à ce point son patient me semble contraire à cet esprit. J'ajoute que beaucoup de gens ne rédigeront pas de directives anticipées. Laissons à chacun son libre arbitre.

M. François Grosdidier . - On mesure là toute la difficulté de l'anticipation. On peut anticiper sa décision en matière de don d'organes mais dans le cas de la fin de vie, il y a une balance entre l'état de souffrance et l'envie de vivre. Or, comment préjuger de sa souffrance future ?

M. Philippe Bas, président . - Je vous rappelle à l'amendement, qui porte sur le sixième alinéa et a trait au rappel de l'existence de ses directives anticipées à leur auteur.

M. Alain Richard . - Cela aura un coût. Il est bon de le préciser.

M. Philippe Bas, président . - Il peut être fait usage du mail. Le décret trouvera la bonne formule.

L'amendement LOIS.6 est adopté.

M. Philippe Bas, président . - Souscrivez-vous, monsieur le rapporteur, aux observations du président Hyest sur le septième alinéa, et souhaitez-vous déposer un amendement de suppression ?

M. François Pillet, rapporteur pour avis . - La mention est sans doute mal placée et sa formulation, qui crée une obligation pour le médecin, pourrait être revue, mais il ne me semble pas opportun de la supprimer purement et simplement. Les directives anticipées devront comporter des précisions très techniques, qui ne rendent pas inutile l'intervention du médecin. Dans 90 % des cas, on demande à ceux qui accompagnent quelqu'un qui entre dans un Ehpad s'il a donné des directives anticipées et désigné une personne de confiance. Qui mieux que le médecin personnel peut y aider quand ce n'a pas été fait ?

M. Philippe Bas, président . - Peut-être le président Hyest pourra prendre une initiative, s'il le souhaite.

M. Jacques Bigot . - Alors que l'on s'efforce, dans ce texte, de faire en sorte que tout le poids de la responsabilité ne pèse pas sur le seul médecin, avec cette mention, on renforce légalement son obligation. Je rejoins le président Hyest. Les médecins, si on leur demande leur aide, l'apporteront naturellement, et c'est plutôt à l'ordre des médecins qu'à la loi de les inciter à le faire.

Si l'on crée une obligation légale, où s'arrêtera-t-on ? On peut penser que sont concernées les personnes très âgées, celles qui sont atteintes d'une maladie incurable, mais quid de celles, par exemple, qui conduisent une moto, et risquent l'accident ? Va-t-on obliger les assureurs à inscrire sur leurs contrats qu'il est souhaitable au souscripteur de prendre des directives anticipées ? Je serais assez partisan d'un amendement de suppression.

M. Philippe Bas, président . - Peut-être le président Hyest et notre rapporteur peuvent-ils se rapprocher, pour trouver une rédaction appropriée. L'avis médical est important dans les directives anticipées.

M. François Pillet, rapporteur pour avis . - Mon amendement LOIS.7 limite l'application du régime spécial d'autorisation prévu à l'article 8 aux seules personnes placées sous tutelle. Je m'en suis expliqué tout à l'heure.

L'amendement LOIS.7 est adopté.

Article 9

M. François Pillet, rapporteur pour avis . - Le témoignage de la personne de confiance doit prévaloir sur tout autre témoignage, mais pas sur tout autre élément comme une lettre ou un message enregistré. Mon amendement LOIS.8 revient à cette version, qui était celle de l'Assemblée nationale.

L'amendement LOIS.8 est adopté.

M. François Pillet, rapporteur pour avis . - Mon amendement LOIS.9 a le même objet que l'amendement LOIS.7, pour la désignation, cette fois, de la personne de confiance.

L'amendement LOIS.9 est adopté.

M. Philippe Bas, président . - Merci à notre rapporteur pour la finesse de ses analyses.

AMENDEMENTS PRÉSENTÉS PAR LA COMMISSION DES LOIS

Article 2

Amendement LOIS.1

Alinéa 2, deuxième phrase

Après le mot :

et

insérer les mots :

, si ce dernier est hors d'état d'exprimer sa volonté,

Article 3

Amendement LOIS.2

Alinéa 2

Après les mots :

analgésie et

insérer les mots :

, sauf si le patient s'y oppose,

Article 8

Amendement LOIS.3

Alinéa 2, dernière phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

À tout moment, elles peuvent être révisées selon les modalités prévues par décret en Conseil d'État et révoquées par tout moyen.

Article 8

Amendement LOIS.4

Alinéa 4, seconde phrase

Remplacer les mots :

sa situation médicale ne correspond pas aux circonstances visées par ces directives

par les mots :

leur validité fait l'objet d'une contestation sérieuse, lorsqu'elles ne sont pas adaptées à sa situation médicale,

Article 8

Amendement LOIS.5

Alinéa 5, première phrase

Remplacer les mots :

est examinée dans le cadre d'une procédure collégiale telle que celle visée

par les mots :

ou au regard de l'existence d'une contestation sérieuse portant sur leur validité fait l'objet d'une décision du médecin prise après consultation du collège prévu

Article 8

Amendement LOIS.6

Alinéa 6

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée:

Lorsqu'elles sont conservées dans ce registre, un rappel de leur existence est régulièrement adressé à leur auteur.

Article 8

Amendement LOIS.7

Alinéa 8

1° Première phrase :

Remplacer les mots :

protection juridique

par le mot :

tutelle

2° Seconde phrase :

Rédiger ainsi cette phrase :

Le tuteur ne peut ni l'assister ni la représenter à cette occasion.

Article 9

Amendement LOIS.8

Alinéa 5, seconde phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

Son témoignage prévaut sur tout autre.

Article 9

Amendement LOIS.9

Alinéa 6

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Lorsqu'une personne fait l'objet d'une mesure de tutelle, elle peut désigner une personne de confiance avec l'autorisation du juge ou du conseil de famille s'il a été constitué. Dans l'hypothèse où la personne de confiance a été désignée antérieurement à la mesure de tutelle, le juge peut confirmer la désignation de cette personne ou la révoquer. »

Table de correspondance entre la numérotation
des amendements adoptés par la commission des lois
et celle retenue pour l'examen en séance publique

N° amendement adopté
par la commission des lois

N° correspondant lors de l'examen en séance publique

LOIS.1

12

LOIS.2

13

LOIS.3

14

LOIS.4

15

LOIS.5

16

LOIS.6

17

LOIS.7

18

LOIS.8

19

LOIS.9

20

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Ministère de la justice - Direction des affaires civiles et du sceau

Mme Carole Champalaune , directrice

M. François Ancel , sous-directeur du droit civil

Mme Caroline Azar , chef du bureau du droit des personnes et de la famille

Direction générale de la santé

Mme Zinna Bessa, sous-directrice de la santé des populations et de la prévention des maladies chroniques

M. Frédéric Seval, chef de la division des droits des usagers, affaires juridiques et éthiques

Mme Élisabeth Gaillard, adjointe au chef de bureau des maladies chroniques

Conseil d'État

M. François Stasse , conseiller d'État

Cour de cassation

Mme Frédérique Dreifuss-Netter , conseiller à la première chambre civile

Comité consultatif national d'éthique

M. Jean-Claude Ameisen , président

Conseil national de l'ordre des médecins

Docteur Patrick Bouet , président

Conseil supérieur du notariat

Maître Florence Pozenc , membre de l'institut d'études juridiques

Observatoire national de la fin de vie

Docteur Régis Aubry , président

Représentants des cultes et des courants de pensée

Conférence des évêques de France

Monseigneur Pierre d'Ornellas , archevêque de Rennes

Fédération protestante de France

Pasteur François Clavairoly , président

Union bouddhiste de France

Révérend Olivier Wang-Genh , président

Union des communautés juives de France

M. Haïm Korsia , Grand Rabbin de France

Grande loge de France

Professeur Patrick Bloch , président de la commission obiédentielle d'éthique et professeur de chirurgie cancérologie

Personnalités qualifiées

Mme Marie de Hennezel , psychologue

M. Emmanuel Hirsch, professeur des universités, directeur de l'Espace national de réflexion éthique MND

M. Éric Kariger , médecin

M. Vincent Morel , médecin responsable de l'équipe mobile d'accompagnement et de soins palliatifs du CHU de Rennes

M. Didier Sicard, auteur du rapport sur la fin de vie en France, professeur de médecine à l'université Paris Descartes

Mme Dominique Thouvenin, professeure à l'école des hautes études en santé publique

M. Didier Truchet, professeur de droit public à Paris 2 Panthéon-Assas

Mme Geneviève Viney , professeur émérite de droit civil

Associations

Alliance Vita

Docteur Xavier Mirabel , conseiller médical

M. Henri de Soos , secrétaire général

M. Tugdual Derville , délégué général

Association nationale des juges d'instance

Mme Émilie Pecqueur , présidente

M. Thierry Verheyde

Association pour le droit de mourir dans la dignité

M. Jean-Luc Romero , président

Fédération « Jusqu'à la mort accompagner la vie »

Mme Colette Peyrard , présidente

M. Emmanuel Vent , secrétaire général

Contribution écrite

Contribution de son éminence le métropolite Emmanuel de France, président de l'assemblée des évêques orthodoxes de France

Compte tenu des délais d'examen, la contribution du conseil français du culte musulman n'a pu être remise avant l'examen du présent rapport


* 1 Le premier rapport fut celui de la commission de réflexion sur la fin de vie en France, présidée par le professeur Didier Sicard, Penser solidairement la fin de vie, Rapport au président de la République , du 18 décembre 2012. Le Comité consultatif national d'éthique a ensuite publié, le 1 er juillet 2013, un avis ( avis n° 121, Fin de vie, autonomie de la personne, volonté de mourir ), puis organisé une conférence de citoyens sur le sujet, dont il a rendu compte le 14 décembre 2013. Enfin, le Premier ministre a confié à nos collègues députés, MM. Alain Claeys et Jean Leonetti, la mission de réfléchir au développement des soins palliatifs, à une meilleure prise en compte des directives anticipées sur la fin de vie et aux conditions dans lesquelles l'apaisement des souffrances peut conduire à abréger la vie dans le respect de l'autonomie de la personne. Nos collègues ont rendu leur rapport -auquel ils ont joint le texte de la proposition de loi- au Président de la République le 12 décembre 2014.

* 2 Loi n° 2005-370 du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie .

* 3 Conseil d'État, op. cit ., p. 108.

* 4 Cf. infra , C.

* 5 Ibid .

* 6 Cf . encadré de l'avant-propos.

* 7 Avis du CCNE n° 121, Fin de vie, autonomie de la personne, volonté de mourir , 1 er juillet 2013, p. 10.

* 8 Article L. 1111-2 du code de la santé publique.

* 9 Article L. 1111-4 du code de la santé publique.

* 10 Article L. 1111-6 du code de la santé publique.

* 11 Article L. 1111-11 du code de la santé publique.

* 12 « Les décisions médicales en fin de vie », Population et Société , INED, n° 494, novembre 2012, p. 4.

* 13 Le texte initial prévoyait l'inscription des directives anticipées sur la carte vitale. En première lecture à l'Assemblée nationale, à l'initiative du Gouvernement, cette inscription a été remplacée par un enregistrement dans un fichier national.

* 14 Comme le prévoit également l'article L. 1111-11 du code de la santé publique en vigueur.

* 15 Actuellement, l'article L. 1111-11 du code de la santé publique dispose que les directives doivent avoir été établies moins de trois ans avant l'état d'inconscience de la personne pour être prises en compte par le médecin.

* 16 L'alinéa 5 de l'article 9, dans sa rédaction issue des travaux de la commission des affaires sociales, prévoit que l'expression de la volonté du patient par la personne de confiance « prévaut sur tout autre élément permettant d'établir la volonté du patient à l'exclusion des directives anticipées ». Quant à l'article 10, il précise que ce n'est qu'en l'absence de directives anticipées que la personne de confiance rendra compte de la volonté du patient et qu'à défaut de personne de confiance, le médecin pourra recueillir tout élément permettant d'établir la volonté du patient auprès de la famille ou des proches.

* 17 Rapport de MM. Alain Claeys et Jean Leonetti fait au nom de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale sur la proposition de loi créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie, n° 2585, p. 102.

* 18 La définition de cette procédure collégiale était renvoyée au code de déontologie médicale.

* 19 À l'article 2 du présent texte, la commission des affaires sociales a également précisé la composition du collège compétent. Il réunirait l'ensemble de l'équipe soignante et associerait la personne de confiance ou, à défaut, la famille ou les proches qui le souhaitent.

* 20 C'est-à-dire lors de sa création par la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé .

* 21 Loi n° 2005-370 du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie .

* 22 Sur ce point, voir le commentaire de l'article 2 qui reprend, dans un article L. 1110-5-1 du code de la santé publique, les dispositions en cause.

* 23 Sur ce point, voir le commentaire de l'article 4 qui reprend, à l'article L. 1110-9 du code de la santé publique, les dispositions en cause.

* 24 Le texte de l'Assemblée nationale distinguait les notions de traitements et de soins. La commission des affaires sociales du Sénat a suivi ces rapporteurs pour substituer à cette expression celle de « soins curatifs et palliatifs ».

* 25 Tel est le cas, par exemple, des dialyses ou du placement sous respirateur artificiel.

* 26 Conseil national de l'ordre des médecins, observations adressées au Conseil d'État, RFDA , 2014.692.

* 27 Conseil d'État, La révision des lois de bioéthique , La documentation française, avril 2009, p. 105.

* 28 Conseil d'État, Ass., 14 février 2014, Mme Rachel Lambert , req. n° 375081.

* 29 Le nouvel article L. 1110-5-1 serait ainsi rédigé : « Les [traitements] ne doivent être ni mis en oeuvre, ni poursuivis au titre du refus d'une obstination déraisonnable lorsqu'ils apparaissent inutiles ou disproportionnés. Dans ce cadre, lorsque les traitements n'ont d'autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, alors [...] ils sont suspendus ou ne sont pas entrepris ».

* 30 Notre collègue Gérard Dériot, précisait ainsi, à l'époque, dans son rapport au nom de la commission des affaires sociales du Sénat : « En autorisant le malade conscient à refuser « tout » traitement, le texte ouvre implicitement le droit au refus de l'alimentation artificielle, qui est désormais considérée, le plus souvent, comme un véritable traitement. Cette analyse est aussi celle faite par l'Assemblée nationale et s'est vue confirmée très largement par le monde médical et, récemment, par le Conseil de l'Europe. Il faut en conclure qu'imposer une alimentation forcée à un malade qui s'y refuse s'apparente à une violence physique et une atteinte à sa liberté » (rapport n° 281 (2004-2005) de M. Gérard Dériot, fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 6 avril 2005, p. 21, http://www.senat.fr/rap/l04-281/l04-281.html).

* 31 La sédation pourrait être mise en oeuvre à domicile, dans un établissement de santé ou un établissement accueillant des personnes âgées.

* 32 Rapport n° 467 (2014-2015) de MM. Michel Amiel et Gérard Dériot, fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 27 mai 2015, p. 31 (http://www.senat.fr/rap/l14-467/l14-467.html).

* 33 Décret n° 2006-119 du 6 février 2006 relatif aux directives anticipées prévues par la loi n° 2005-370 du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie et modifiant le code de la santé publique.

* 34 Articles R. 1111-17 à R. 1111-20 du code de la santé publique.

* 35 L'article L. 1111-6 du code de la santé publique, dans sa rédaction proposée par l'article 9 de la proposition de loi prévoit que « lors de toute hospitalisation dans un établissement de santé, il est proposé au malade de désigner une personne de confiance ».

* 36 À condition qu'elles correspondent à la situation médicale du patient.

* 37 L'alinéa 5 de l'article 9, dans sa rédaction issue des travaux de la commission des affaires sociales, prévoit que l'expression de la volonté du patient par la personne de confiance « prévaut sur tout autre élément permettant d'établir la volonté du patient à l'exclusion des directives anticipées ». Quant à l'article 10, il précise que ce n'est qu'en l'absence de directives anticipées que la personne de confiance rendra compte de la volonté du patient et, qu'à défaut de personne de confiance, le médecin pourra recueillir tout élément permettant d'établir la volonté du patient auprès de la famille ou des proches.

* 38 Terme utilisé par M. Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d'État, lors de son intervention au colloque organisé par le Sénat sur la fin de vie le jeudi 19 février 2015.

* 39 Rapport Penser solidairement la fin de vie , remis à M. François Hollande, Président de la République, le 18 décembre 2012, par la commission de réflexion sur la fin de vie en France, présidée par le professeur Didier Sicard, p. 47.

* 40 Rapport précité de l'Assemblée nationale sur la proposition de loi, p. 120.

* 41 Rapport de présentation et texte de la proposition de loi de MM. Alain Claeys et Jean Leonetti créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie, p. 16.

* 42 Loi n° 2007-308.

* 43 Dans sa rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale, cet article prévoyait que le médecin avait l'« obligation de s'enquérir de l'expression de la volonté exprimée par le patient ».

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