N° 165

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2015-2016

Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 novembre 2015

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des affaires économiques (1) sur le projet de loi de finances pour 2016 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

TOME VII

ÉGALITÉ DES TERRITOIRES ET LOGEMENT

Par Mme Dominique ESTROSI SASSONE,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Claude Lenoir , président ; Mmes Delphine Bataille, MM. Alain Bertrand, Martial Bourquin, Gérard César, Alain Chatillon, Daniel Dubois, Joël Labbé, Mme Élisabeth Lamure, MM. Michel Le Scouarnec, Yannick Vaugrenard , vice-présidents ; M. Marc Daunis, Mme Valérie Létard, M. Bruno Sido , secrétaires ; MM. Gérard Bailly, Jean-Pierre Bosino, Henri Cabanel, François Calvet, Roland Courteau, Alain Duran, Mmes Frédérique Espagnac, Dominique Estrosi Sassone, M. Daniel Gremillet, Mme Annie Guillemot, MM. Michel Houel, Serge Larcher, Jean-Jacques Lasserre, Daniel Laurent, Philippe Leroy, Mmes Marie-Noëlle Lienemann, Anne-Catherine Loisier, MM. Michel Magras, Franck Montaugé, Robert Navarro, Jackie Pierre, Ladislas Poniatowski, Mme Sophie Primas, MM. Yves Rome, Henri Tandonnet .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : 3096, 3110 à 3117 et T.A. 602

Sénat : 163 et 164 à 170 (2015-2016)

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Malgré les plans de relance et les multiples mesures adoptées dans la loi de finances pour 2015 pour créer un choc d'offre, la reprise dans le secteur de la construction se fait attendre.

En 2014, le nombre de permis de construire a diminué de 12 % par rapport à 2013 et le nombre de logements mis en chantier de 10,3%.

Fin août 2015, 361 900 logements ont été autorisés, en baisse de 6 % et 345 100 logements ont été commencés, en baisse de 4,1 %. Cependant, de juin à août 2015, le nombre de logements autorisés augmentent de 8,7 % par rapport aux trois mois précédents.

Le secteur de l'artisanat demeure très touché et connaît son quatorzième trimestre consécutif de baisse d'activité.

Les effectifs du secteur du bâtiment pâtissent de ce manque d'activité. Après avoir augmenté pendant onze années sans interruption, l'emploi dans le secteur du bâtiment connaît depuis 2009 une baisse continue de ses effectifs. Ainsi, entre octobre 2013 et avril 2015, on constate la perte de 20 000 emplois intérimaires et 55 800 emplois salariés sur cette période.

Votre rapporteur estime qu'en complément des dispositions en faveur du logement intermédiaire et de l'accession à la propriété, des mesures sont nécessaires pour lever les freins que rencontre le secteur de la construction et pour développer la construction de logements abordables.

S'agissant plus spécifiquement des crédits de la mission « égalité des territoires et logements », votre rapporteur constate que leur forte augmentation de 33,7 % en autorisations d'engagement et de 35,37 % en crédits de paiement est le résultat d'une mesure comptable : la budgétisation des allocations logement à caractère familial.

Votre rapporteur examinera les évolutions des crédits du programme 177 consacré à l'hébergement d'urgence, du programme 109 consacré aux aides personnelles au logement et du programme 135 consacré aux aides à la pierre et à la construction ainsi qu'à la lutte contre l'habitat indigne.

Malgré l'engagement de deux réformes attendues- la réforme des aides au logement et la réforme des aides à la pierre-, votre rapporteur a appelé au rejet de ces crédits estimant que le budget présenté manque de sincérité s'agissant en particulier des programmes 177 et 109. En effet, s'agissant du programme 177 relatif à l'hébergement d'urgence, votre rapporteur note que les crédits sont, comme l'an dernier, insuffisants pour répondre aux besoins de plus en plus pressants en matière d'hébergement d'urgence. Quant aux crédits du programme 109, votre rapporteur estime que la réforme des APL est une réforme a minima dont il n'est pas certain qu'elle permette de réaliser les économies annoncées par le Gouvernement.

Lors d'une réunion tenue le mardi 24 novembre 2015, la Commission des affaires économiques, sur la proposition de son rapporteur, a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Égalité des territoires et logement » du projet de loi de finances pour 2016.

Elle a également donné, sur proposition de son rapporteur, un avis défavorable à l'adoption de l'article 55 quater rattaché à la mission, un avis favorable à l'adoption des articles 54, 55, 55 bis , 55 ter , et 56 bis rattachés à la mission ainsi qu'à l'article 56 sous réserve des amendements qu'elle a adoptés.

I. UNE TRÈS FORTE AUGMENTATION DES CRÉDITS DE LA MISSION « ÉGALITÉ DES TERRITOIRES ET LOGEMENT » EN RAISON D'UNE MODIFICATION DE PÉRIMÈTRE

Les crédits de la mission « Égalité des territoires et logement » sont en très forte augmentation en 2016 , de 32,2 % en autorisations d'engagement (18,15 milliards d'euros) et de 33,4 % en crédits de paiement (17,89 milliards d'euros).

ÉVOLUTION EN 2016 DES CRÉDITS DE LA MISSION
« ÉGALITÉ DES TERRITOIRES ET LOGEMENT »
(en millions d'euros)

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Programme

LFI pour 2015

PLF 2016

Évolution

LFI pour 2015

PLF 2016

Évolution

177

Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables

1 365,9

1 440,3

+5,4%

1 365,9

1 440,3

+5,4%

109

Aide à l'accès au logement

10 984,3

15 401,9

+40,2%

10 984,3

15 401,9

+40,2%

135

Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat

598,2

546,09

-8,7%

279,6

286,09

+2,3%

337

Conduite et pilotage des politiques du logement et de l'égalité des territoires

777,1

765,2

-1,5%

777,1

765,2

-1,5%

TOTAL

13 725,7

18 153,7

+32,2%

13 407,1

17 893,7

+33,4%

Source : projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2016.

Lors de l'examen des crédits de la mission « égalité des territoires et logement », le 4 novembre dernier, les députés ont adopté deux amendements du Gouvernement modifiant ces crédits :

- 69,85 millions d'euros supplémentaires sont affectés en AE et en CP au programme « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » ;

- 26,17 millions d'euros supplémentaires sont affectés en AE et en CP au programme « Aide à l'accès au logement » ;

- 100 millions d'euros supplémentaires sont affectés en AE et 150 millions d'euros en CP au programme « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat ».

Lors de la seconde délibération du présent projet de loi de finances, les députés ont également adopté un amendement du Gouvernement augmentant les crédits du programme « Aide à l'accès au logement » de 10 millions d'euros afin de tenir compte des modifications apportées par les députés à la réforme des aides personnelles au logement.

En conséquence, le budget de la mission « égalité des territoires et logement » s'établit ainsi :

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Programme

LFI pour 2015

PLF 2016

Évolution

LFI pour 2015

PLF 2016

Évolution

177

Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables

1 365,9

1 510,2

+10,6%

1 365,9

1 510,2

+10,6%

109

Aide à l'accès au logement

10 984,3

15 438,1

+40,5%

10 984,3

15 438,1

+40,5%

135

Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat

598,2

646,0

+8%

279,6

436,09

+56%

337

Conduite et pilotage des politiques du logement et de l'égalité des territoires

777,1

765,2

-1,5%

777,1

765,2

-1,5%

TOTAL

13 725,7

18 359,7

+33,7%

13 407,1

18 149,7

+35,37%

Dans la suite du présent rapport, sauf mention spécifique, il sera cependant fait référence aux données figurant dans le projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2016.

A. DES CRÉDITS INSUFFISANTS POUR RÉPONDRE À LA DEMANDE D'HÉBERGEMENT D'URGENCE (PROGRAMME 177)

Le programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » regroupe les crédits de la politique d'hébergement et d'accès au logement des personnes sans abri ou mal logées.

Il est à noter le changement d'intitulé du programme désormais libellé « hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables », afin, selon le projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2016, de traduire « le recentrage des missions du programme sur le périmètre de l'hébergement, de l'accompagnement et de l'accès au logement, opéré depuis plusieurs années ».

Pour 2016, les crédits consacrés dans le projet de loi initial au programme 177 sont de nouveau en augmentation de 5,4 % en AE et en CP.

Cette évolution masque cependant des évolutions différenciées des crédits selon les actions. Ainsi, si les crédits de l'action n° 2 « hébergement et logement adapté », qui représentent 95 % des crédits du programme, augmentent de 6 %, ceux de l'action « conduite et animation des politiques de l'hébergement et de l'inclusion sociale » diminuent de 36,8 % en raison du transfert du Fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire (FONJEP) vers le programme 163 « jeunesse et vie associative ».

Évolution des crédits du programme 177
(en millions d'euros)

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Actions

LFI 2015

PLF 2016

Évolution

LFI 2015

PLF 2016

Évolution

Prévention de l'exclusion

59,9

60,5

1%

59,9

60,5

1 %

Hébergement et logement adapté

1 289,9

1 369,7

6,1%

1 289,9

1 369,7

6,1%

Conduite et animation des politiques de l'hébergement et de l'inclusion sociale

16

10,1

-36,8%

16

10,1

-36,8%

Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables

1 365,9

1 440,3

5,4%

1 365,9

1 440,3

5,4%

Source : projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2016.

Lors de l'examen des crédits de la mission « égalité des territoires et logement », le 4 novembre dernier, les députés ont adopté un amendement du Gouvernement augmentant les crédits de 69,8 millions d'euros en AE et en CP portant ainsi les crédits du programme à 1 510,2 millions d'euros en AE et CP soit une augmentation de 10,6 % des crédits .

Les crédits de l'action 2 « hébergement et logement adapté » qui représentent l'essentiel des crédits de ce programme se répartissent de la manière suivante :

- 90 millions d'euros pour la veille sociale, en augmentation de 2,5 % ; ces crédits seront dédiés aux services d'accueil et d'orientation (SIAO) chargés de la coordination de l'action des structures contribuant à l'accueil, l'hébergement et l'accès au logement des personnes sans domicile fixe, le numéro vert 115 et les SAMU sociaux ;

- 440 millions d'euros pour l'hébergement d'urgence, en augmentation de 15 % ;

- 636,3 millions d'euros pour les centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) ;

- 203,4 millions d'euros pour les dispositifs de logements adaptés, en augmentation de 4,2 %.

1. Une pression constante de la demande sur le parc d'hébergement d'urgence

Pour répondre à la demande toujours aussi forte sur le parc d'hébergement d'urgence, le Gouvernement a décidé d'augmenter les capacités d'accueil et de réduire les nuitées hôtelières par le biais de trois plans :

- la feuille de route pour 2015-2017 du plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale, adoptée le 3 mars dernier ;

- le plan triennal relatif à la substitution de dispositifs alternatifs aux nuitées hôtelières et à l'amélioration de la prise en charge à l'hôtel pour la période 2015-2017 conformément à la circulaire interministérielle du 20 février 2015 ;

- le plan « Répondre au défi des migrations : respecter les droits - faire respecter le droit » mis en oeuvre conformément à la circulaire du 22 juillet 2015 commune au ministère du logement et au ministère de l'intérieur.

a) Le plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale

Le 21 janvier 2013, le Gouvernement avait adopté un plan contre la pauvreté qui affirmait en matière d'hébergement et de logement un double objectif :

- que le plus grand nombre de personnes en difficultés accèdent plus rapidement au logement en faisant éventuellement l'objet d'un accompagnement adapté ;

- que les réponses apportées aux personnes en situation d'exclusion soient mieux structurées.

Ce plan s'est traduit en pratique par la création de :

- 7 000 places d'hébergement, 4 000 places en centres d'accueil pour demandeurs d'asile (CADA) et 7 360 places en logement adapté ;

- 106 414 places en logements sociaux dont plus de 25 % de logements très sociaux.

Cette feuille de route a été actualisée le 3 mars dernier pour la période 2015-2017. Le Gouvernement a réaffirmé sa volonté de sortir de la gestion de l'urgence et de mettre en place des solutions pérennes en matière de logements. Il a notamment souhaité améliorer l'organisation des services offerts par les dispositifs d'hébergement en renforçant le rôle des services intégrés d'accueil et d'orientation (SIAO) et en généralisant les diagnostics dits à 360°.

b) La gestion de l'accueil des demandeurs d'asile et la mise en place du plan « Répondre au défi des migrations : respecter les droits - faire respecter le droit »


• Les demandeurs d'asile bénéficient en principe de places d'hébergement dédiées. Ainsi, on dénombre 25 300 places dans les centres d'accueil pour demandeurs d'asile (CADA), 19 600 places d'hébergement d'urgence pour demandeurs d'asile (HUDA) et un dispositif d'hébergement d'urgence à gestion nationale (AT-SA) de 2 800 places.

Ces places sont gérées dans le cadre du programme 303 « immigration et asile ».

Toutefois, en raison de l'insuffisance du nombre de places dédiées aux demandeurs d'asile, ces derniers sont en pratique hébergés dans les structures d'accueil et d'hébergement d'urgence généralistes .

La direction générale de la cohésion sociale a indiqué à votre rapporteur ne pas être en mesure de donner le nombre de demandeurs d'asile pris en charge par le dispositif généraliste. Cependant, selon un rapport de l'Igas, il peut être estimé à 20%.

Votre rapporteur constate que la réforme de l'asile , contrairement à ce que le Gouvernement indiquait l'année dernière, n'a pour l'instant produit aucun effet , le Gouvernement reconnaissant lui-même dans son plan « répondre à la crise des migrants : respecter les droits, faire respecter le droit » que les capacités d'hébergement des demandeurs d'asile demeuraient engorgées.


• La hausse des flux migratoires a conduit le Gouvernement a présenté le 17 juin dernier un plan visant à « répondre à la crise des migrants : respecter les droits, faire respecter le droit » qui comprend des actions réparties selon trois axes : améliorer l'accueil des demandeurs d'asile, mieux les mettre à l'abri et les accompagner et enfin lutter contre l'immigration irrégulière. Ce plan s'inscrit dans la continuité de la réforme du droit d'asile.

Le Gouvernement s'est engagé à créer 4 000 places supplémentaires d'hébergement pour les demandeurs d'asile d'ici la fin de l'année 2016, dont 2 000 places d'ici la fin de l'année 2015. Ces places viendront s'ajouter aux 4 200 places devant être créées avant la fin de l'année 2015.

En outre, 5 000 places « destinées à favoriser l'accès au logement autonome des personnes réfugiées » et situées dans le parc social des zones détendues, dans les résidences sociales et dans l'intermédiation locative ainsi que 500 places en centre provisoire d'hébergement devraient en outre être créées avant 2017. Selon les informations recueillies par votre rapporteur, les réfugiés n'auront pas le choix du lieu de l'hébergement et seront dirigés vers les zones détendues.

c) Le plan de réduction des nuitées hôtelières

Face à une pression continue des demandes sur les structures d'hébergement d'urgence, le recours aux nuitées d'hôtel s'est imposé comme une solution de facilité plus particulièrement dans quatre régions : l'Ile-de-France qui concentre 86% des nuitées, la Lorraine, Rhône-Alpes et la Basse-Normandie.

Le Gouvernement a souhaité développer des solutions pérennes alternatives aux nuitées d'hôtel. Il a ainsi décidé de réduire de 10 000 le nombre de nuitées lesquelles seraient remplacées par 13 000 places créées sur trois ans qui se répartissent en :

- 9 000 places en intermédiation locative ;

- 1 500 places en logement adapté ;

- 2 500 places d'hébergement dans les centres ou des appartements dédiés aux familles.

Cependant, votre rapporteur constate que le nombre de nuitées continue d'augmenter atteignant 37 318 au 30 juin 2015, soit une augmentation de 15,5 %.

d) L'augmentation des capacités d'accueil et le développement de l'intermédiation locative

Votre rapporteur observe une augmentation constante depuis 2011 des places d'hébergement passant de 75 347 à 103 527 (soit + 37,4 %), augmentation à laquelle les plans précités contribuent.

Le nombre de places dans les hôtels a plus que doublé sur cette même période. Le nombre de places en CHRS est lui aussi en augmentation de 3,4 % sur la période et atteint 40 690.

Source : projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2013, 2014, 2015 et 2016 NB : pour 2013, le PAP ne mentionne pas le détail des places en centre d'hébergement d'urgence.

En outre, 209 749 places sont disponibles soit dans des résidences sociales, soit dans les dispositifs d'intermédiation locative.

Le Gouvernement a souhaité renforcer l 'intermédiation locative qui permet de développer l'accueil des ménages en difficultés pour accéder à un logement autonome. Le dispositif comporte des garanties financières et des avantages fiscaux en faveur des bailleurs afin de faciliter la mobilisation du parc privé. En pratique, le dispositif peut prendre deux formes :

- une forme avec mandat de gestion par laquelle le propriétaire s'adresse à une agence immobilière sociale qui assurera la gestion et un suivi individualisé ; un bail d'une durée de trois ans est conclu avec le locataire ;

- une forme avec sous-location, avec ou sans bail glissant : le tiers social est locataire et sous-loue à la personne.

Ce dispositif a connu une montée en puissance extrêmement rapide depuis 2012 pour atteindre 21 643 places en 2014 . Cette progression devrait se poursuivre, la création de 9 000 places supplémentaires étant prévue d'ici 2017.

Évolution depuis 2012 du nombre de places en intermédiation locative

Modalités d'intermédiation locative

2012

2013

2014

Sous-location

5 539

14 392

17 472

Mandat de gestion

2 396

3 344

2 840

Sous-location avec bail glissant

-

642

1331

total

7 935

18 378

21 643

Source : DGCS : enquête AHI.

Votre rapporteur estime que l'intermédiation locative est un dispositif intéressant mais qui demande du temps pour démarcher et convaincre les propriétaires. Elle observe que l'Anah s'est mobilisée afin que 2 000 logements passent sous le statut de l'intermédiation locative, en adoptant le principe d'une prime incitative pour l'intermédiation locative de 1 000 euros.

Parallèlement, les personnes qui ne sont pas assez autonomes pour occuper un logement peuvent être accueillies dans les maisons-relais ou les pensions de famille . Le projet de loi de finances prévoit d'affecter à ce dispositif 86 millions d'euros pour 2016, en augmentation de 8,5 %. 1 000 places supplémentaires devraient ainsi être créées en complément des 14 038 places ouvertes au 31 décembre 2014.

2. Des crédits dédiés à l'hébergement d'urgence insuffisants
a) Le constat d'une sous-budgétisation persistante des crédits dédiés à l'hébergement d'urgence

Malgré l'augmentation des capacités d'accueil, votre rapporteur constate une pression continue sur les dispositifs d'hébergement d'urgence et une sous-budgétisation persistante des crédits qui leur sont dédiés.

Votre rapporteur observe que la prévision budgétaire initiale de 1 440 millions est inférieure aux crédits du programme exécutés en 2014 et qui atteignaient 1 470 millions d'euros en AE et 1 469 millions d'euros en CP, alors même que les besoins se sont accrus.

En outre, votre rapporteur constate que le Gouvernement a de nouveau été contraint de prendre un décret d'avance pour augmenter les crédits dédiés à l'hébergement d'urgence pour 2015. 130 millions ont ainsi été débloqués afin :

- de financer les mesures exceptionnelles du plan d'accueil des réfugiés : création de 5 000 places de logement accompagné et 1 500 places d'hébergement d'urgence, moyens mobilisés pour Calais ;

- d'assurer le versement des financements dédiés au logement adapté et au CHRS.

Le projet de loi de finances rectificative pour 2015 prévoit en outre d'ouvrir des crédits supplémentaires à hauteur de 53,59 millions d'euros . Ce sont ainsi 1 550 millions d'euros qui auront finalement été ouverts pour ce programme.

Or, même si lors de l'examen des crédits de la mission « égalité des territoires et logement », les députés ont adopté un amendement du Gouvernement augmentant ces crédits de 69,8 millions d'euros pour atteindre 1 510 millions d'euros, ces crédits demeurent inférieurs à ceux qui seront finalement ouverts pour 2015. Au vu de ces éléments, votre rapporteur estime que le budget présenté n'est pas sincère.

Par ailleurs, votre rapporteur souhaite réaffirmer que tant qu'une solution -expulsion ou régularisation- ne sera pas prise pour les demandeurs d'asile déboutés, les besoins continueront de s'accroître.

b) Les difficultés budgétaires de l'accompagnement vers et dans le logement

Le dispositif d'accompagnement vers et dans le logement ne bénéficie plus de financement budgétaire direct mais est financé par le Fonds national d'accompagnement vers et dans le logement (FNAVDL). Or, le FNAVDL qui finance des actions d'accompagnement  de personnes reconnues prioritaires et auxquelles un logement doit être attribué dans le cadre du DALO et des personnes ou familles confrontées à des difficultés particulières, pour accéder à un logement décent et indépendant ou s'y maintenir bénéficie uniquement des ressources résultant du produit des liquidations d'astreinte prononcées et liquidées à l'encontre de l'État dans le cadre du DALO .

Votre rapporteur constate que certaines juridictions ne liquidant plus de façon régulière ces astreintes, un décalage s'est produit entre les ressources budgétaires prévues et les sommes effectivement liquidées. Cette situation a eu d'importantes répercussions sur les actions financées par le FNAVDL cette année.

Ainsi, le comité de gestion a décidé, en juin 2015, de ne pas approuver d'état prévisionnel des ressources et des dépenses pour l'année 2015 en raison du niveau moindre de recettes et de l'impossibilité de faire des prévisions sérieuses. Toutefois, le paiement des astreintes dues au titre du DALO constituant des dépenses obligatoires pour les services déconcentrés, les membres du comité de gestion se sont finalement prononcés le 11 septembre 2015 sur la répartition des ressources.

Mme Sylvia Pinel, ministre du logement, a chargé l'Igas et le CGEDD d'examiner la situation et de faire des recommandations.

Les députés ont toutefois décidé de ne pas attendre ces recommandations et ont adopté l' article 55 ter (commentaire cf. infra) rattaché à la présente mission qui prévoit de liquider plus régulièrement les astreintes prononcées à l'encontre de l'État en cas de non-respect du droit au logement opposable. Votre rapporteur est favorable à cette disposition qui permettra au FNAVDL de bénéficier plus régulièrement du produit de ces astreintes lui donnant ainsi une meilleure visibilité pour engager ses actions.

3. Des efforts de gestion à poursuivre


• Pour votre rapporteur, les dispositifs de coordination et d'amélioration des besoins d'hébergement doivent encore être améliorés. Votre rapporteur ne peut en effet que regretter que les dispositifs de SIAO et de diagnostic à 360 degrés ne soient pas partout pleinement opérationnels.

Elle constate également que le Gouvernement a mobilisé dans le cadre de l'accueil des réfugiés des places d'hébergement sans passer par le SIAO. Le collectif des associations unies, dont fait partie la Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale (FNARS), s'est inquiété de cette entorse au principe et craint que la mobilisation pour accueillir les réfugiés ne « renforce encore le développement de dispositifs parallèles qui vont accroître la segmentation et les inégalités de traitement entre les différents publics si aucune coordination n'est mise en place sur les territoires ».

Votre rapporteur souhaite rappeler la nécessité de ne pas créer de concurrence entre les publics et invite le Gouvernement et les préfets à renforcer la coordination entre les différents intervenants dans l'attribution des places.

Elle estime également que la connaissance précise des besoins en termes d'hébergement doit être renforcée afin de permettre d'apporter localement les réponses les plus adaptées et regrette que l'élaboration des diagnostics dits à 360 degrés qui était attendue pour juin 2015, ait pris du retard.


• Pour les représentants de la FNARS entendus par votre rapporteur, la politique suivie en matière d'hébergement d'urgence se caractériserait par un recentrage vers des missions de mises à l'abri plutôt que de réinsertion. Ils souhaitent qu'un effort plus important soit porté à l'accompagnement et proposent en conséquence que le budget soit élaboré par missions (hébergement, accompagnement...) plutôt que par dispositifs.

Le plan de lutte contre la pauvreté de 2013 s'interrogeait déjà sur une évolution des dispositifs en prévoyant que « la possibilité de proposer un statut unique pour les structures d'hébergement et pour l'accompagnement, afin de mettre un terme à l'empilement des dispositifs et à la segmentation , sera également à étudier à moyen terme . » Votre rapporteur estime que la pression sur l'hébergement d'urgence perdurant, une réflexion d'ensemble sur ce programme devient inéluctable.

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