B. LA RÉFORME DES AIDES AU LOGEMENT : UNE RÉFORME NÉCESSAIRE AUX CONSÉQUENCES FINANCIÈRES ET SOCIALES MAL DÉFINIES (PROGRAMME 109)

Le programme 109 « Aides à l'accès au logement » comporte les crédits destinés au financement des aides à la personne, à l'information relative au logement, à l'accompagnement des publics en difficulté et à la garantie des risques locatifs.

Les crédits de ce programme sont de nouveau en très forte augmentation de 40,2 % . Toutefois, votre rapporteur ne peut que constater que cette augmentation est le résultat de choix purement comptable lié à la budgétisation des aides au logement à caractère familial actuellement financées par le budget de la sécurité sociale.

Évolution en 2016 des crédits du programme
(en millions d'euros)

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Actions

LFI 2015

PLF 2016

Évolution

LFI 2015

PLF 2016

Évolution

Aides personnelles

10 966,9

15 385,7

+ 40,2%

10 966,9

15 385,7

+40,2%

Information relative au logement et accompagnement des publics en difficulté

8

8

0

8

8

0

Sécurisation des risques locatifs (libellé modifié)

9,3

8,2

-11,8%

9,3

8,2

-11,8%

Aide à l'accès au logement

10 984,3

15 401,9

+40,2%

10 984,3

15 401,9

+40,2%

Source : projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2016.

Lors de l'examen des crédits de la mission « égalité des territoires et logement », le 4 novembre dernier, les députés ont adopté un amendement du Gouvernement augmentant les crédits de ce programme de 26,17 millions d'euros en AE et en CP, afin de tenir compte de l'impact de l'accueil des réfugiés en matière d'APL. Puis, lors de la seconde délibération du projet de loi, les députés ont également adopté un amendement du Gouvernement augmentant de nouveau les crédits du programme de 10 millions d'euros afin de tirer les conséquences des ajustements opérés par les députés quant à la réforme des APL.

En conséquence, le budget de ce programme atteint désormais 15 438,1 millions d'euros en AE et en CP soit une augmentation de 40,5% par rapport à l'an dernier.

Avant de se pencher plus longuement sur l'action 1 « aides personnelles au logement » qui concentrent 99 % des crédits du programme, votre rapporteur a constaté s'agissant des autres actions du programme que les crédits destinés à l'action 3 « sécurisation des risques locatifs » étaient en diminution de 11,8 %.

Ces crédits correspondent aux sommes nécessaires pour équilibrer le fonds de garantie universelle des risques locatifs (GURL) au titre du dispositif de garantie des risques locatifs (GRL). Ce dispositif sera remplacé au 31 décembre 2015 par le dispositif VISALE entièrement géré et financé par Action Logement. Ce dispositif devrait prendre la forme d'un cautionnement par lequel Action Logement s'engage à payer au bailleur les loyers et les charges récupérables non payés par le locataire dans la limite de 1 300 euros et pour 36 mois de loyers au maximum. Pourront bénéficier de cette garantie les salariés du secteur privé entrant dans un emploi et dans un logement privé, les salariés du secteur privé de moins de 30 ans et les ménages accompagnés dans le cadre d'une intermédiation locative. Les crédits indiqués sont ceux nécessaires au règlement des sinistres constatés en 2015.

1. Les aides personnelles au logement : une dépense de guichet en constante augmentation

En 2014, 17,7 milliards d'euros d'aides au logement ont été versés à 6,5 millions de bénéficiaires.

Entre 2013 et 2014, le nombre de bénéficiaires a augmenté de 0,6 % (contre 1,1%), le montant global des prestations a quant à lui augmenté de 1,8 % (contre 3,9 %).

Évolution du nombre de bénéficiaires des aides au logement
(en milliers)

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

Évolution 2013/2014

ALF

1 255

1 244

1 263

1 351

1 356

1 335

1 332

1 323

1 317

1 319

+ 0,15%

APL

2 567

2 482

2 496

2 620

2 619

2 621

2 681

2 724

2 773

2 803

+ 1 %

ALS

2 252

2 198

2 216

2 345

2 364

2 353

2 388

2 374

2 405

2 416

+ 0,45 %

Total

6 074

5 924

5 975

6 316

6 339

6 309

6 401

6 421

6 496

6 538

+ 0,6 %

Source : Estimation à partir des statistiques annuelles au 31 décembre de la CNAF et de la CCMSA. Nombres arrondis au millier de bénéficiaires. La répartition par parc est estimée pour la CCMSA.

Évolution du montant total des prestations versées
(en milliards d'euros)

2005

2006

2007

2008

2008

2010

2011

2012

2013

2014

Évolution

ALF

3,47

3,60

3,67

3,90

4,07

4,15

4,21

4,24

4,369

4,424

+ 1,25%

APL

6,17

6,23

6,20

6,57

6,72

6,86

7,14

7,41

7,767

7,988

+ 2,84%

ALS

4,15

4,30

4,36

4,71

4,82

4,90

5,00

5,07

5,254

5,296

+0,76%

Total

13,80

14,14

14,24

15,19

15,61

15,92

16,35

16,73

17,39

17,708

+1,8%

Source : Éléments statistiques et comptables (y compris 13 ème balance) émanant des caisses des régimes général et agricole. Comptabilité en décaissements. Chiffres arrondis au million le plus proche.

92,7 % des bénéficiaires des aides au logement sont locataires.

Dans son rapport réalisé à la demande de la commission des finances du Sénat 1 ( * ) , la Cour des comptes rappelle que la majorité des bénéficiaires des aides personnelles au logement qui présentent un caractère fortement redistributif, ont des ressources qui se situent sous le seuil de pauvreté. Plus de la moitié d'entre eux résident dans le parc social.

Le nombre d'étudiants bénéficiaires d'une aide au logement a de nouveau augmenté entre 2013 et 2014 (+2,4 %). Ils représentent 11,4 % des bénéficiaires. Parmi ces derniers, 34 % seraient boursiers.

Bénéficiaires étudiants
(en milliers) au 31/12

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

Dont boursiers

APL

106

105

102

100

101

99

100

103

99

103

103

49

(48%)

ALF

10

10

10

10

10

9

8

8

8

7

7

1

(20%)

ALS

592

591

580

572

571

578

589

615

595

619

637

201 (32%)

Total

708

706

692

682

682

686

697

726

702

730

747

252 (34%)

Source : Statistiques annuelles de la CNAF et estimations.

2. Plusieurs propositions de réformes

Dans un contexte d'économie des dépenses publiques, M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics avait annoncé le 11 mai dernier que des « économies conséquentes ser[aient]réalisées dans le domaine du logement, dans le cadre du budget 2016 », une des pistes de réflexion pour réaliser ces économies étant de réformer les aides au logement. Votre rapporteur a dénombré depuis le début de cette année pas moins de quatre rapports portant sur une réforme des aides personnelles au logement.

a) Le document de travail du CGEDD, de l'IGF et de l'Igas présentant les « conclusions finales » de la mission d'évaluation de la politique du logement

Un document de travail du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD), de l'inspection générale des finances (IGF) et de l'inspection générale des affaires sociales (Igas) présentant les « conclusions finales » de la mission d'évaluation de la politique du logement en date du 23 juin 2014, publié sur le site internet des Échos le vendredi 30 janvier 2015, constatait que l'État consacrait d'importantes ressources -46 milliards, soit 2 % du PIB- aux dépenses de logement sans veiller à leur cohérence.

S'agissant des aides au logement, il était proposé :

- de mettre fin à la possibilité de cumul entre le rattachement au foyer fiscal parental du jeune et l'octroi des APL ;

- d'abaisser le taux d'abattement à 20% en cas de chômage indemnisé et de supprimer les cas d'abattement et de neutralisation n'ayant plus de justification ;

- de renforcer les critères d'éligibilité en introduisant des maxima de loyer, de surface et de patrimoine ;

- d'améliorer la détection des fraudes ;

- de relever le seuil minimal d'effort ;

- de désindexer les paramètres du barème locatif pour une année.

b) Les conclusions du groupe de travail sur les aides personnelles au logement de l'Assemblée nationale présidé par M. François Pupponi

Le groupe de travail sur les APL a été mis en place à l'Assemblée nationale à la suite des débats qui eurent lieu au Parlement lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2015.

Le groupe de travail a présenté ses conclusions le 26 mai dernier. Il formule six recommandations :

- écarter tout rabotage général considérant qu'une telle disposition toucherait les ménages les plus modestes ;

- maintenir le principe de l'APL-accession et en conséquence annuler la réforme votée lors du PLF pour 2015 ;

- prendre en compte le patrimoine des ménages dans le calcul de l'APL. Cette proposition permettrait de générer 150 millions d'euros d'économie annuelle ;

- prendre en compte le revenu des parents, l'éloignement géographique et les cas de rupture familiale dans le versement des APL à des étudiants. Cette proposition permettrait de générer 180 millions d'euros d'économie annuelle ;

- afin de diminuer les coûts de gestion, stabiliser l'APL par période de trois à six mois quels que soient les changements intervenus dans la situation des ménages ;

- réfléchir à plus long terme à une baisse du niveau des loyers par une augmentation des aides à la pierre.

c) Le rapport « Politique du logement : faire sauter les verrous » de l'Institut Montaigne

En juillet 2015, l'Institut Montaigne a publié un rapport intitulé : Politique du logement : faire sauter les verrous. S'agissant des APL, les auteurs envisageaient trois réformes, la dernière ayant leur préférence :

- réformer le dispositif des aides au logement pour l'unifier tout en tenant en compte de la diversité des situations des locataires du parc privé et du parc social ;

- réfléchir à une meilleure articulation entre les APL et le revenu de solidarité active (RSA) sans pour autant aller jusqu'à intégrer les APL dans le RSA ;

- supprimer les APL pour les étudiants non-boursiers.

d) Les préconisations de la Cour des comptes

La commission des finances du Sénat a saisi la Cour des comptes d'une demande d'enquête portant sur « les aides personnelles au logement ».

Après un état des lieux sur les aides personnelles au logement, la Cour des comptes a écarté plusieurs pistes de réforme jugées non pertinentes :


• le pilotage des aides par le taux d'effort, qu'elle juge lourde à mettre en oeuvre, peu soutenable financièrement et susceptible de renforcer « la captation des aides au logement par les bailleurs » ;


• la fusion des trois barèmes, qu'elle juge peu convaincante ;


• l'accélération du rythme de prise en compte des ressources pour laquelle la Cour des comptes souligne deux effets négatifs : un surcoût de gestion et une dégradation de la situation des bénéficiaires.

À court terme , la Cour des comptes propose d'améliorer le dispositif sans toutefois le remettre fondamentalement en cause par :


• une amélioration de la prévisibilité des aides qui permettrait de réaliser des économies sur le coût des rappels et des indus en raison de la diminution du nombre d'actualisations ;


• un accroissement de l'équité des aides afin de réduire les inégalités entre les bénéficiaires résidents du parc social et ceux du parc privé. S'agissant des étudiants, la Cour des comptes propose d'instituer un droit d'option entre le bénéfice des aides et le rattachement au foyer fiscal des parents ;


• un renforcement du pilotage budgétaire des aides au logement en améliorant la prévisibilité budgétaire ;


• une mise en place d'une base de données sur les logements.

À moyen terme , la Cour des comptes propose de fusionner les aides personnelles avec les minima sociaux sur le modèle de ce qui a été fait en Grande-Bretagne.

En conclusion, la Cour des comptes formule six recommandations :

1. Simplifier les modalités de prise en compte des changements de situation des bénéficiaires afin d'améliorer la prévisibilité des aides

2. Analyser la réalité et l'étendue de l'effet inflationniste des APL

3. Renforcer le pilotage budgétaire des aides au logement en unifiant les hypothèses retenues par les administrations et en améliorant la connaissance des déterminants réels de la dépense

4. Mettre en place une base de données sur les logements

5. Réformer les APL pour les étudiants en introduisant un droit d'option entre APL et rattachement de l'étudiant au foyer fiscal de ses parents

6. Engager une réflexion sur la fusion des APL avec certains minima sociaux et la prime d'activité

3. Une réforme limitée des aides personnelles au logement aux conséquences financières et sociales mal définies

L'action 1 « Aides personnelles au logement » comporte les crédits dédiés à la contribution de l'État au financement des aides personnelles au logement. Cette contribution prend la forme d'une subvention d'équilibre au Fonds national d'aide au logement (FNAL).

Ces crédits sont de nouveau en forte augmentation en raison de la budgétisation des allocations de logement à caractère familial qui relevaient jusqu'à présent du budget de la sécurité sociale. Ainsi, pour 2016, les crédits s'élèvent à 15 385,7 millions d'euros soit une augmentation de 40,2 %.

Votre rapporteur ne peut que regretter que le Gouvernement n'ait pas budgétisé les allocations de logement à caractère familial l'an dernier en même temps que la budgétisation des aides personnalisées au logement (APL) et des allocations logement à caractère social (ALS), contribuant ainsi à masquer l'impact réel des réformes qu'il a engagées sur l'attribution des aides au logement.

Pour 2016, les ressources du Fonds national d'aide au logement ( FNAL) sont estimées à 18 188 millions d'euros. La contribution de l'État est la principale ressource du fonds (84,5 %). Elle tient compte de la perte d'une partie des recettes de cotisations employeurs résultant du pacte de responsabilité et de solidarité et de la budgétisation des allocations logement à caractère familial. Outre la cotisation des employeurs, s'y ajoutent deux recettes supplémentaires prévues par l' article 54 rattaché à la présente mission (Cf. commentaire infra) :

- un prélèvement sur la participation des employeurs à l'effort de construction (PEEC) à hauteur de 100 millions d'euros ;

- dans la limite de 45 millions d'euros, le produit de la taxe sur les plus-values de cession d'immeuble autres que des terrains à bâtir qui alimentait jusqu'à présent le fonds de péréquation géré par la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS).

Votre rapporteur regrette que les mesures d'économies engagées par le Gouvernement ne permettent d'éviter l'affectation du produit de la taxe sur les plus-values de cession d'immeuble autres que des terrains à bâtir, au FNAL plutôt qu'au FNAP pour qui cette taxe représentait une ressource non négligeable.

Les articles 55 et 55 quater rattachés à la présente mission (Cf. commentaire infra) comportent plusieurs mesures directement inspirées du rapport de M. Pupponi et censées contenir la hausse continue des dépenses liées aux aides personnelles au logement.

Ainsi, l'article 55 modifie les règles d'éligibilité aux APL en prenant en compte le patrimoine du demandeur et en instaurant des plafonds au-delà desquels l'aide serait versée dégressivement. Il prévoit en outre l'abrogation de la réforme des APL-accession engagée l'an dernier, ce dont votre rapporteur se félicite. L'article 55 quater vise à ne pas permettre aux étudiants rattachés au foyer fiscal de leurs parents redevables de l'ISF de percevoir des APL. Ces mesures sont plus amplement présentées infra dans le commentaire des articles 55 et 55 quater .

Ces mesures viennent en complément :

- de la réforme du forfait R0 du barème locatif qui conduit depuis le 1 er janvier 2015 à calculer ce montant à partir du forfait R0 de l'année N-1 revalorisé en fonction de l'inflation de l'année N-2. Cette mesure a permis une économie de 65 millions d'euros pour l'État ;

- d'une mesure règlementaire prévoyant à compter de 2016 que les allocations seraient arrondies à l'euro inférieur par souci de simplification.

Votre rapporteur estime que malgré les multiples propositions de réforme proposées lors du premier semestre 2015, la réforme soumise au Parlement est limitée et que ses conséquences sociales et financières ne semblent à ce stade pas complètement maîtrisées par le Gouvernement .

Elle appelle le Gouvernement à mettre en oeuvre les recommandations de la Cour des comptes et à examiner l'opportunité d'une réforme globale des APL.

Par ailleurs, s'agissant du montant des crédits retenus, votre rapporteur note que la Cour des comptes dans son rapport précité a constaté que les différents ministères avaient recours à des modalités de prévisions divergentes et n'avaient pas « mobilisé de travaux scientifiques sur les déterminantes réels de l'évolution des dépenses, malgré les masses budgétaires en jeu » conduisant ainsi à une sous-estimation systématique de la programmation budgétaire. Votre rapporteur invite les ministères à remédier à cette situation en lançant les études demandées.

En outre, votre rapporteur constate que 70,3 millions d'euros supplémentaires ont été ouverts en AE et CP sur le programme 109 par le Gouvernement dans le projet de loi de finances rectificative pour 2015. Elle estime que malgré la réforme proposée une nouvelle rallonge de crédit n'est pas à exclure en fin d'année 2016.

Au vu de ces éléments, votre rapporteur s'interroge sur la réalité des économies réalisées et sur la sincérité du budget qui lui est présenté.


* 1 Le rapport de la Cour des comptes est publié en annexe du rapport d'information n° 687 (2014-2015) de M. Philippe DALLIER sur les aides personnelles au logement.

Page mise à jour le

Partager cette page