C. CONSTRUCTION LOCATIVE ET AMÉLIORATION DU PARC : UNE RÉFORME DES AIDES À LA PIERRE EN TROMPE L'oeIL ET UNE OBLIGATION DE CONSTRUCTION DE LOGEMENTS SOCIAUX À REDÉFINIR (PROGRAMME 135)

Le programme 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat » regroupe les crédits consacrés au logement et à la construction et ceux relatifs à l'urbanisme et à l'aménagement.

Les crédits du programme baissent de 8,7 % en AE mais augmentent de 2,2 % en CP. Les crédits au sein des différentes actions évoluent différemment comme le montre le tableau suivant.

Évolution en 2016 des crédits du programme 135
(en millions d'euros)

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Actions

LFI 2015

PLF 2016

Évolution

LFI 2015

PLF 2016

Évolution

Construction locative et amélioration du parc

380,8

405

+6,3%

147,2

105

-28,6 %

Soutien à l'accession à la propriété

3,8

3,6

-5,2%

3,8

3,6

-5,2 %

Lutte contre l'habitat indigne

4,82

4,70

-2,4%

4,82

4,70

-2,4%

Réglementation, politique technique et qualité de la construction

48,8

53,6

+9,8%

48,8

53,6

+9,8%

Soutien

14,8

14

-5,4%

14,8

14

-5,4%

Urbanisme et aménagement

144,9

64,9

-55,2%

59,9

104,9

+75%

Grand Paris

Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat

598,2

546

-8,7%

279,6

286

+2,2 %

Source : projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2016.

Votre rapporteur a souhaité s'intéresser plus particulièrement dans cette partie aux aides à la pierre et à la construction de logements sociaux. Elle examinera la question de la lutte contre l'habitat indigne dans la section suivante (Cf. infra IV).

1. Une réforme des aides à la pierre, prémices du désengagement de l'État ?

L'action 1 « Construction locative et amélioration du parc » comporte les crédits destinés au financement des actions de développement et d'amélioration du parc locatif social en métropole hors opérations de rénovation urbaine et des investissements nécessaires à l'accueil des gens du voyage.

Pour 2016, le PLF déposé à l'Assemblée nationale prévoyait une baisse des crédits consacrés aux aides financières au développement et à l'amélioration du parc locatif social dites « aides à la pierre ». Les crédits de paiement diminuaient de nouveau de 60 millions d'euros par rapport à 2015, pour s'établir à 100 millions d'euros. Les autorisations d'engagement étaient stables pour atteindre 400 millions d'euros. Lors de l'examen des crédits de la mission « égalité des territoires et logement », le 4 novembre dernier, les députés ont adopté un amendement du Gouvernement modifiant ces crédits afin que 100 millions d'euros supplémentaires soient affectés en AE et 150 millions d'euros en CP . Il s'agissait pour le Gouvernement de traduire l'engagement du président de la République devant le congrès Hlm d'une contribution renforcée de l'État.

Ces crédits seront complétés par voie de fonds de concours, le Fonds national des aides à la pierre devant abonder ce programme à hauteur de 270 millions d'euros .

Le Gouvernement a souhaité réformer le financement des aides à la pierre, objet de critiques depuis plusieurs années. L'article 56 rattaché à cette mission (Cf commentaire infra) prévoit ainsi la création du Fonds national des aides à la pierre . Ce fonds remplacera le fonds de péréquation actuellement géré par la CGLLS et le fonds national de développement d'une offre de logements locatifs très sociaux.

Cette réforme devrait permettre de répondre aux observations de la Cour des comptes qui demande depuis deux ans la suppression du fonds de péréquation ou à défaut sa mise en conformité avec les règles budgétaires. En effet, pour la haute juridiction financière, le fonds de péréquation ne respecte pas les règles de l'article 17 de la loi organique relative aux lois de finances dans la mesure où « les ressources du fonds de péréquation sont issues de prélèvements présentant un caractère obligatoire, et où la commission assurant la gestion de ce fonds ne dispose pas d'une réelle autonomie par rapport à l'État ».

Votre rapporteur constate que le dispositif proposé par le Gouvernement est éloigné des annonces faites par le Président de la République , M. François Hollande, lors du congrès Hlm de Montpellier le 24 septembre dernier et qui indiquait : « Ce fonds rassemble les bailleurs, vous, les collectivités locales et l'État. C'est un fonds qui sécurise, puisque l'argent qui y sera déposé, demeurera affecté au seul logement social, quoi qu'il arrive. C'est un fonds qui mutualise, puisqu'il répartira les aides à la pierre, sur le territoire et notamment les zones les plus tendues. Et pour que ce fonds [FNAP] puisse avoir une portée, pour que ce fonds puisse se traduire en logements nouveaux, l'État doit montrer l'exemple et y contribuer directement. »

Votre rapporteur observe en effet qu'à la différence de la contribution des organismes Hlm, le Parlement ne dispose d'aucune visibilité sur les crédits de l'État qui seront effectivement affectés au FNAP ni sur leur pérennité. Si « l'argent qui sera déposé [au FNAP], demeurera affecté au seul logement social, quoi qu'il arrive », encore faut-il qu'il y soit effectivement affecté !

En outre, votre rapporteur constate que le Gouvernement opère à l' article 14 du présent projet de loi de finances de nouveau un prélèvement de 100 millions d'euros sur le fonds de roulement de la CGLLS au profit du budget général . Votre rapporteur dénonce ce prélèvement opéré sur des fonds issus des cotisations des organismes Hlm.

Ainsi, ce sont en réalité les organismes Hlm qui contribueront le plus aux aides à la pierre, et non le budget de l'État, en versant 270 millions d'euros de cotisations et, pour 2016, de façon indirecte 100 millions des 250 millions de l'État.

Considérant que l'ampleur de l'augmentation de la contribution des bailleurs n'est pas justifiée au regard des besoins, votre rapporteur a proposé de diminuer la contribution des bailleurs à 200 millions d'euros, de maintenir le taux de cotisation à 1,5% et de conserver l'intégration du supplément de loyer (SLS) dans l'assiette de la cotisation à hauteur de 75 %. Votre rapporteur a également proposé que la cotisation versée par les sociétés d'économie mixte puisse également reposer sur le produit du supplément de loyer.

S'agissant de la gouvernance du FNAP , votre rapporteur est favorable à ce que siègent au FNAP des représentants de l'État et des bailleurs sociaux à parité, ainsi que des représentants des collectivités territoriales. Elle a proposé que des représentants des métropoles puissent également siéger au sein du FNAP .

Ces éléments sont plus amplement développés infra dans le commentaire de l'article 56.

Par ailleurs, votre rapporteur tient à rappeler d'une part, que les organismes Hlm ont déjà réalisé d'importants efforts de réforme par la mise en place d'un mécanisme de mutualisation de leurs fonds et, d'autre part, que ce mécanisme prévu par le Pacte d'objectifs et de moyens pour la mise en oeuvre du plan d'investissement pour le logement signé le 8 juillet 2013 entre l'État et les organismes HLM, puis consacré par la loi pour un accès au logement et un urbanisme renouvelé (Alur), ne se substitue pas au dispositif d'aides à la pierre mais a pour finalité d'accompagner l'effort d'investissement des organismes et faire circuler les fonds disponibles.

Votre rapporteur se félicite des dispositions de l' article 56 bis rattaché à la mission (Cf. commentaire infra) qui prévoit de déduire de l'autofinancement qui sert de base à la cotisation additionnelle des organismes Hlm à la CGLLS les soldes nets perçus dans le cadre de la mutualisation financière entre les organismes Hlm.

Enfin, votre rapporteur s'interroge sur les économies qui pourraient résulter d'une autre annonce du président François Hollande lors du congrès Hlm de septembre dernier : la baisse du commissionnement du taux du livret A de 0,1 % dont votre rapporteur constate qu'elle n'est toujours pas effective.

Or, la date d'entrée en vigueur de cette mesure est décisive. En effet, si le nouveau taux de commissionnement entre en vigueur avant la fin de l'année, la Caisse des dépôts et consignations pourrait récupérer 200 millions d'euros sur les sommes provisionnées au titre de la garantie qu'elle apporte pour ses prêts, augmentant ainsi les résultats des fonds d'épargne de cette année. Votre rapporteur souhaite que ces sommes soient réaffectées au logement social et non au budget général de l'État.

2. Le développement du parc locatif social : des objectifs irréalistes et une obligation de construction de logements sociaux à redéfinir
a) Des objectifs de construction de logements sociaux irréalistes

Pour 2016, le Gouvernement réaffirme son objectif de production de 150 000 logements sociaux. Outre 8 000 logements dans les DOM et 2 000 logements au titre de la reconstruction de l'offre ANRU, cet objectif de production comprend 140 000 logements sociaux en métropole, contre 135 000 l'an dernier , qui se répartissent en :

- 69 000 prêts locatifs à usage social (PLUS) en augmentation de 4,5 % ;

- 35 000 prêts locatifs aidés d'intégration (PLAI) en augmentation de 2,9 % ;

- 36 000 prêts locatifs sociaux en augmentation de 2,8 %.

Votre rapporteur a souhaité faire trois observations sur ces chiffres.

Tout d'abord, elle regrette le maintien d'objectifs en progression alors même que les objectifs fixés pour ces dernières années n'ont pas été atteints.

Évolution des objectifs de construction de logements sociaux

Source : rapports annuels de performance annexé aux projets de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes pour 2011, 2012, 2013 et 2014 et projets annuels de performance annexé aux projets de loi de finances pour 2015 et 2016.

De même, votre rapporteur regrette le choix du Gouvernement de ne porter son effort que sur les PLAI, alors même que les PLUS sont nécessaires.

Enfin, votre rapporteur constate que les crédits affectés à la surcharge foncière diminuent passant de 173 à 167 millions d'euros, soit une baisse de 3,4 %, alors même que ces crédits permettent de compenser le coût du foncier dans les zones tendues.

b) Une obligation de 25 % de logements sociaux à réformer

L'article 55 de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains dite loi SRU a imposé une obligation de logements sociaux aux communes les plus peuplées.

Ainsi, les communes dont la population est au moins égale à 1 500 habitants en Ile-de-France et 3 500 habitants dans les autres régions qui sont comprises dans une agglomération ou un EPCI à fiscalité propre de plus de 50 000 habitants comprenant au moins une commune de plus de 15 000 habitants doivent comporter 25 % de logements sociaux . Cependant, ce taux demeure fixé à 20 % lorsque la situation de la commune ne justifie pas un effort de production supplémentaire au regard de la demande et des capacités des personnes aux revenus modestes de se loger.

Ces dispositions ne s'appliquent pas lorsque plus de la moitié du territoire urbanisé de la commune est soumis :

- à une inconstructibilité résultant d'une zone A, B ou C ;

- à un plan d'exposition au bruit ;

- à une servitude de protection ;

- à une inconstructibilité de bâtiment à usage d'habitation en application du règlement d'un plan de prévention des risques technologiques (PPRT), d'un plan de prévention des risques naturels (PPRN), ou d'un plan de prévention des risques miniers.

De même, ces dispositions ne s'appliquent pas aux communes en décroissance démographique.

En 2015, 1 258 communes n'atteignaient pas leur quota de logements sociaux. 143 communes ont été exemptées de cette obligation, 23 en raison du risque, 120 en raison de leur décroissance démographique. 214 communes ont fait l'objet d'un constat de carence.

Les communes qui ne respectent pas leur obligation font l'objet d'un prélèvement financier. Ainsi, 51,2 millions d'euros ont été prélevés en 2015, 37,4 millions d'euros ont été reversés à des bénéficiaires locaux (ex. EPCI délégataires des aides à la pierre, établissement public foncier) et 13,8 millions d'euros au Fonds national de développement d'une offre de logements locatifs très sociaux.

La décision du comité interministériel pour l'égalité et la citoyenneté (CIEC) du 6 mars 2015 de renforcer la mixité sociale dans les territoires s'est notamment traduite par un renforcement du suivi et de l'application des obligations de logements sociaux .

En outre, M. Thierry Repentin a été désigné délégué interministériel à la mixité sociale dans l'habitat , et chargé d'assurer :

« - en appui des préfets, la coordination et le suivi des actions publiques nécessaires à la mise en oeuvre des objectifs de réalisation des logements sociaux ;

« - la coordination et l'harmonisation des programmes d'actions établis par les préfets vis-à-vis des communes faisant l'objet d'un constat de carence, dont il peut proposer l'ajustement. »

Chaque préfet devra établir un plan d'actions en fonction des caractéristiques de chaque commune concernée et proposer aux communes carencées de mettre en place un contrat de mixité sociale chargé de préciser les moyens que la commune s'engage à mettre en oeuvre pour atteindre ses obligations légales d'ici 2025. Deux tiers des communes concernées se seraient engagées dans cette démarche.

S'agissant des communes carencées qui ne veulent pas signer de contrat de mixité sociale ou qui ne mettent pas en oeuvre les actions prévues dans un tel contrat, d'autres moyens pourront être mobilisés :

- exercice par le préfet du droit de préemption urbain sur les aliénations de biens destinés au logement ou délégation de ce droit  aux bailleurs sociaux ou aux EPCI délégataires des aides à la pierre ;

- mise en compatibilité des documents d'urbanisme ;

- signature d'une convention avec l'établissement public foncier ;

- reprise de l'instruction et de la signature des permis de construire dans des secteurs préalablement identifiés ;

- inscription au budget de la commune d'une partie du financement des logements sociaux réalisés comme dépenses obligatoires.

À l'issue du comité interministériel pour l'égalité et la citoyenneté (CIEC) du 26 octobre dernier, le Gouvernement a publié une liste de 36 communes carencées ayant refusé de signer un plan de mixité sociale, et pour lesquelles l'État va se substituer aux maires pour préempter des terrains et logements, délivrer des permis de construire et mobiliser des logements vacants dans le parc privé. Votre rapporteur considère que cette méthode visant à publier la liste non exhaustive des communes carencées dans lesquelles l'État va intervenir ou consistant pour le ministre chargé de la politique de la ville à se déplacer dans des villes carencées à grand renfort de médias n'est pas digne de la République. Elle appelle l'État à revenir à une attitude plus constructive plaçant le dialogue au coeur de ses rapports avec ces communes plutôt que de passer en force.

En outre, votre rapporteur estime que l'examen du projet de loi égalité et citoyenneté en cours de préparation sera l'occasion d'un réexamen complet de ce dispositif . En effet, la loi actuelle ne prend pas en compte les logements privés vacants à loyer équivalent, ni les cas de pénuries de foncier de certaines communes. En outre, la mise en place d'un taux de logements sociaux applicables de la même façon sur l'ensemble du territoire n'est pas réaliste et peut conduire à des constructions inopportunes. Enfin, votre rapporteur appelle l'État à ne pas sous-estimer l'impact des réformes des dotations sur la capacité des communes à s'engager dans la construction de logements sociaux.

3. Les aides aux maires bâtisseurs

Lors de l'examen de la loi de finances pour 2015, le Sénat a adopté un amendement du Gouvernement augmentant les crédits de la mission de 100 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 15 millions d'euros en crédits de paiement. Cet amendement traduisait l'engagement du Premier ministre en faveur des « maires bâtisseurs » annoncé lors du congrès des maires.

Le décret n° 2015-734 du 24 juin 2015 portant création d'un dispositif d'aide aux communes participant à l'effort de construction de logements est venu préciser les conditions d'octroi de cette aide.

Ainsi peuvent bénéficier de cette aide les communes répondant aux conditions cumulatives suivantes :

- être située dans les zones tendues (A, A bis et B) ;

- ne pas avoir fait pas l'objet d'un arrêté de carence au titre des obligations de constructions de logements sociaux ;

- se situer en dessous d'un plafond de potentiel financier fixé par le décret n° 2015-734 du 24 juin 2015 précité à 1 030 euros. Ce plafond est majoré pour les communes situées dans le périmètre d'une opération d'intérêt national (OIN) pour plus de 20% de leur territoire ou pour celles qui ont signé un contrat de développement territorial.

Cette aide s'élève à environ 2 000 € par logement « construit au-delà d'un taux de croissance normal ». Elle sera versée aux communes à partir du second semestre 2015 en fonction des permis de construire accordés au premier semestre et, début 2016, sur la base des logements autorisés lors du second semestre 2015.

Environ 1 200 communes sont éligibles à ce dispositif . Selon le projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2016, l'Ile-de-France et l'outre-mer devraient bénéficier de la moitié des crédits.

Pour 2016, l'action 7 du programme 135 prévoit que 20 millions d'euros en AE et 60 millions en CP seront affectés à ce dispositif.

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