CHAPITRE IER -
2016 : LE NOUVEAU DÉPART D'UNE PROGRAMMATION MILITAIRE ACTUALISÉE, SOUS LA CONDITION DE LA BONNE EXÉCUTION DU BUDGET 2015

I. UNE TRAJECTOIRE FINANCIÈRE ET CAPACITAIRE RÉÉVALUÉE D'ICI À 2019

A. DES MOYENS RENFORCÉS POUR FAIRE FACE AUX BESOINS

La loi du 28 juillet 2015 a tiré les conséquences sur la programmation militaire du changement de contexte stratégique intervenu depuis le vote de la LPM du 18 décembre 2013, telle que cette situation pouvait être appréciée à l'été dernier . Elle a pris en compte, en particulier, l'important niveau d'engagement requis en conséquence des forces françaises, tant sur des théâtres extérieurs 4 ( * ) que pour les besoins de sécurité du territoire national - auxquels est venu répondre, à la suite des attentats des 7 et 9 janvier 2015, l'opération « Sentinelle » à nouveau renforcée à la suite des attentats du 13 novembre dernier 5 ( * ) . Le renforcement des ressources financières s'est effectué d'une double manière, à la fois par l'accroissement et la sécurisation du budget de la défense d'ici 2019.

1. L'accroissement des moyens pour la période 2016-2019 (+ 3,8 milliards d'euros à ce jour)

Par rapport à la version initiale de la LPM du 18 décembre 2013, l'actualisation de la loi du 28 juillet 2015 a conduit à une augmentation des ressources de la défense à hauteur de 3,8 milliards d'euros entre 2016 et 2019 , à raison d'abondements de 600 millions d'euros en 2016, 700 millions en 2017, 1 milliard en 2018 et 1,5 milliard en 2019. L'effort en faveur de la défense s'élèvera ainsi, au total, à 162,41 milliards d'euros courants sur la période 2015-2019 , contre 158,61 milliards d'euros selon les prévisions originelles de la LPM, soit une hausse globale de 2,4 % . Cette hausse, toutefois, sera surtout sensible à partir de 2018 .

Trajectoire financière de la programmation militaire pour 2015-2019 actualisée par la loi du 28 juillet 2015

(CP, en milliards d'euros)

Source : ministère de la défense

Le renforcement des ressources humaines de la défense annoncé par le Président de la République , lors de son allocution devant le Parlement réuni en Congrès, le 16 novembre dernier, en ce qui concerne le personnel du ministère de la défense - lequel ne doit désormais plus faire l'objet de diminution d'ici 2019, au bénéfice des unités opérationnelles, de la cyberdéfense et du renseignement - et l'emploi des réservistes, doit conduire à réviser à nouveau à la hausse cette trajectoire financière .

Soulignons que les plus fortes hausses annuelles, en volume et en proportion, ont été concentrées par la loi du 28 juillet 2015 sur des deux dernières années de la programmation (+ 3,1 % en 2018 et + 4,6 % en 2019).

Programmation du budget de la défense pour 2015-2019 actualisée par la loi du 28 juillet 2015

(CP, en milliards d'euros courants)

2015

2016

2017

2018

2019

Total

2015-2019

LPM initiale

31,40

31,38

31,56

31,77

32,52

158,61

Actualisation

31,40

31,98

32,26

32,77

34,02

162,41

Variation

en volume

0

+ 0,6

+ 0,7

+ 1,0

+ 1,5

+ 3,8

en proportion

0

+ 1,9 %

+ 2,2 %

+ 3,1 %

+ 4,6 %

+ 2,4 %

Source : LPM 2014-2019 actualisée par la loi du 28 juillet 2015

Les moyens supplémentaires d'ores et déjà inscrits dans la LPM actualisée sont destinés à financer, entre 2016 et 2019 :

- en premier lieu, à hauteur de 2,8 milliards d'euros (soit près des trois quarts de l'augmentation des ressources de la défense décidée par la loi du 28 juillet 2015), la masse salariale et les dépenses de fonctionnement impliquées, pour l'essentiel, par le maintien d'effectifs du ministère de la défense prévu par la programmation militaire actualisée en juillet dernier ;

- en second lieu, pour le montant global d' un milliard d'euros , un effort en matière d' équipement des forces , visant l'entretien programmé des matériels (EPM) et les opérations d'armement. Ces dernières bénéficieront en outre du redéploiement d'un milliard d'euros de crédits déjà prévus dans la version initiale de la LPM, rendus disponibles par l'évolution favorable des prix.

Affectation des ressources supplémentaires de la défense prévues pour 2016-2019 par la loi du 28 juillet 2015

(CP, en milliards d'euros)

Montant

Part du total

Effectifs

masse salariale (titre 2)

2,4

63,2 %

73,6 %

fonctionnement (hors-titre 2)

0,4

10,4 %

Équipement

Entretien programmé des matériels

0,5

13,2 %

26,4 %

Opérations d'armement

0,5

13,2%

Total

3,8

100,0 %

Source : loi du 28 juillet 2015

a) En faveur des effectifs

Les 2,8 milliards d'euros supplémentaires, par rapport aux prévisions de la LPM initiale, ouverts par la loi du 28 juillet 2015 au titre des effectifs - dont 2,4 milliards d'euros pour la masse salariale et 400 millions pour le fonctionnement afférent - visent à permettre de couvrir, principalement, les dépenses induites sur la période 2016-2019 par la moindre déflation . Il s'agit ainsi de financer le nouveau contrat de « protection » des armées , c'est-à-dire la capacité des forces terrestres à déployer sur le territoire national 7 000 hommes dans la durée et jusqu'à 10 000 hommes pendant un mois. Précisons que c'est dans ce cadre qu'est intervenu en effet le déploiement maximal de l'opération « Sentinelle » décidé à la suite des attentats du 13 novembre dernier.

L'augmentation budgétaire a également intégré les besoins de financement de la montée en puissance de la réserve opérationnelle prévue par la loi du 28 juillet 2015 : en ce domaine, l'objectif de progression de l'effectif (40 000 hommes à terme, contre 27 700 en 2014) et de l'activité (30 jours par an en moyenne, contre 24 actuellement) a requis une majoration des crédits de solde à hauteur de 75 millions d'euros sur la période 2016-2019. Enfin, l' expérimentation du service militaire volontaire (SMV) introduit par la loi du 28 juillet 2015 (pour une durée de deux ans à compter du 1 er septembre 2015), a fait l'objet d'une prévision de dépenses à hauteur de 35 millions d'euros sur la période.

Comme on l'a signalé plus haut déjà, la stabilisation des effectifs du ministère de la défense jusqu'en 2019 et le recours accru à la réserve opérationnelle, annoncés par le Président de la République au Congrès le 16 novembre dernier, appellent une révision à la hausse de cette dotation budgétaire pour les années 2017 et suivantes 6 ( * ) . Cette révision devra tenir compte, non seulement du besoin de masse salariale induit par le maintien d'effectifs à plus haut niveau qu'il n'était d'abord prévu, mais aussi des dépenses correspondantes en termes de fonctionnement, d'équipement et d'infrastructures .

Programmation de l'évolution des effectifs de la défense pour 2014-2019 actualisée par la loi du 28 juillet 2015

(en ETP)

Source : LPM 2014-2019 actualisée par la loi du 28 juillet 2015

b) En faveur des équipements
(1) L'ouverture d'un milliard d'euros de nouveaux crédits également partagés entre acquisitions et MCO

Le milliard d'euros de nouveaux crédits ouverts par l'actualisation de la LPM de juillet dernier au profit de l'équipement des forces, pour la période 2016-2019, est partagé de façon égale entre :

- d'une part, l' entretien programmé des matériels (EPM), pour 500 millions d'euros . Cet abondement tend à permettre la régénération de matériels soumis à de fortes pressions lors de leur utilisation en opérations extérieures ;

- d'autre part, les opérations d'armement , pour les 500 millions d'euros restant.

(2) Le redéploiement d'un milliard d'euros de crédits dégagés par l'évolution favorable des indices économiques

Suivant la LPM actualisée, les opérations d'armement doivent également bénéficier de l'affectation, par redéploiement , d'un milliard d'euros d'économies réalisées par le ministère de la défense du fait de l'évolution des indices économiques - prix du pétrole, prix de certains marchés de fourniture, cours de la monnaie - constatée depuis l'adoption de la LPM du 18 décembre 2013. Cette marge de financement gagnée sur le coût des facteurs, encore soumise à une évaluation précise qui appelle à la vigilance vos rapporteurs et votre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées 7 ( * ) , s'ajoute aux 3,8 milliards d'euros de crédits nouveaux prévus pour le budget de la défense par la loi du 28 juillet 2015. L'équipement des forces bénéficiera ainsi, au total, d'un abondement budgétaire de 1,5 milliard d'euros, en entre 2016 et 2019 , par rapport à la programmation initiale (500 millions d'euros de crédits nouveaux et un milliard d'euros par réaffectation des crédits économisés).

De ce fait, compte non tenu de l'impact des annonces précitées du Président de la République s'exprimant devant le Congrès le 16 novembre dernier, la dotation consacrée à l'équipement militaire s'élèverait, au total, à 87,7 milliards d'euros entre 2015 et 2019 , contre une prévision initiale de 85,2 milliards, soit une augmentation de près de 3 % . Pour chaque année de la période 2015-2019, cette dotation représente désormais en moyenne 17,55 milliards d'euros, contre 17,1 milliards selon la programmation dans sa version initiale.

Budget de l'équipement des forces actualisé pour 2015-2019

(CP, en milliards d'euros)

2015

2016

2017

2018

2019

Total

2015-2016

Loi du 28 juillet 2015

Nouveaux crédits

0

0

0

0,118

0,382

0,5

Redéploiement

0

0,229

0,286

0,220

0,265

1

Total pour l'agrégat « Équipement »

16,66

16,98

17,28

17,73

19,09

87,74

Source : DGA

Ainsi, la moyenne du budget annuel d'équipement militaire sur la période 2014-2019 est désormais prévue à hauteur de 17,3 milliards d'euros . Ces crédits devraient s'accroître progressivement, passant de 51 % du total du budget de la défense en 2013 (16 milliards d'euros) à 56,4 % en 2019 (19,1 milliards d'euros). Suivant la logique de la LPM actualisée, l'effort est concentré sur la fin de cette programmation .

Évolution du budget de la défense (hors pensions) par agrégat

(en milliards d'euros courants)

2008

(LFI)

2009

(LFI)

2010

(LFI)

2011

(LFI)

2012

(LFI)

2013

(LFI)

2014

(LFI)

2015

(LFI)

2016

(PLF)

2017

(LPFP)

2018

(LPM)

2019

(LPM)

Dépenses d'équipement

15,3

17,9

17,0

16,0

16,2

16,0

16,4

16,7

16,9

17,3

17,7

19,1

Ressources totales (hors pensions)

30,2

33,0

32,2

31,2

31,4

31,4

31,3

31,4

32,0

32,1

32,6

33,9

Part des dépenses d'équipement

50,6 %

54,2 %

52,9 %

51,4 %

51,6 %

51,0 %

52,4 %

53,2 %

52,9 %

53,8 %

54,4 %

56,4 %

Source : réponse au questionnaire adressé au Gouvernement en application de l'article 49 de la LOLF

Conformément aux prévisions du rapport annexé de la LPM modifié par la loi du 28 juillet 2015, la trajectoire capacitaire bénéficiant à la fois des nouveaux crédits ouverts à compter de 2016, des redéploiements de crédits autorisés par l'évolution des prix constatée depuis décembre 2013 et des incidences des récents succès à l'exportation de l'avion Rafale 8 ( * ) , l'effort en la matière pourra être accentué au profit 9 ( * ) :

- du renseignement , notamment avec l'acquisition, d'une part, d'un troisième satellite, en coopération avec l'Allemagne, pour la composante spatiale optique du programme MUSIS et, d'autre part, d'une charge utile de renseignement d'origine électromagnétique (ROEM) sur drone MALE Reaper ;

- des capacités aériennes , avec notamment les acquisitions de sept hélicoptères de combat Tigre et de six hélicoptères de transport tactique NH90/TTH supplémentaires, de 25 pods de désignation laser de nouvelle génération (PDL-NG) TALIOS supplémentaires (pour les avions Rafale et Mirage 2000), et de quatre avions de transport C 130 supplémentaires, dont deux équipés afin de pouvoir ravitailler en vol les hélicoptères, ainsi que l'anticipation de la commande des trois derniers avions de la flotte d'avions MRTT de ravitaillement en vol et transport ;

- des forces terrestres , au-delà de l'aéromobilité, avec une accélération de la régénération du parc des 800 véhicules blindés légers (VBL) affectés aux opérations extérieures ;

- de la marine , avec, d'une part, un avancement du programme de frégates de taille intermédiaire (FTI) permettant le maintien d'un format de marine à 15 frégates de premier rang et, d'autre part, l'acquisition d'un quatrième bâtiment multi-missions (B2M) et de quatre bâtiments de soutien et d'assistance hauturiers (BSAH) ;

- des forces spéciales enfin, avec entre autres l'acquisition accélérée de 25 véhicules poids lourd, celle d'un parc de jumelles de vision nocturne haute performance, et l'ajout d'un armement offensif sur certains avions de transport C130-H.

Il convient de préciser que cette révision à la hausse de la programmation de l'équipement militaire, en outre, ne remet naturellement pas en cause les efforts dégagés en matière :

- d'une part, de dissuasion nucléaire , sous la forme de ses deux composantes océanique et aéroportée (19,7 milliards d'euros sur la période 2015-2019) ;

- d'autre part, de recherche et technologie (R&T), la LPM ayant prévu, en faveur des études amont (y compris les études relatives aux opérations de dissuasion), une dotation de 730 millions d'euros en moyenne annuelle sur la période 2014-2019.

Mesures capacitaires pour 2016-2019 issues de la loi du 28 juillet 2015

(CP, en millions d'euros)

Prévision 2016

Estimation 2017

Estimation 2018

Estimation 2019

Total 2016-2019

Export Rafale (Égypte)

- 16

12

41

35

71

Lot OPEX pour Rafale

9

10

6

1

26

Scénario frégates global

39

16

39

56

149

NH90 (+6 hélicoptères)

69

69

86

36

260

Affermissement TC pour 7 Tigre

47

71

39

10

167

Anticipation de l'intégration de la RPM sur Tigre

2

5

6

7

20

Munitions RPM pour Tigre

5

18

6

10

39

C130

150

60

60

60

330

Intégration armement sur un C130 et pré-équipement d'un deuxième

1

4

2

1

8

Missiles pour C130

4

2

2

0

8

Anticipation de la livraison des trois derniers MRTT

0

0

4

19

23

Composante spatiale optique : troisième satellite

22

29

-3

-8

41

Commande supplémentaire de 25 pods TALIOS

0

8

16

22

46

Charge utile MALE

25

5

25

20

75

Lutte minidrones

10

19

9

2

40

Acquisition quatrième BSAH

- 5

- 6

19

15

23

Acquisition quatrième B2M

4

10

5

0

19

CERBERE

1

13

22

26

63

Régénération 800 VBL

1

7

12

17

37

Ajustements

- 77

49

53

7

31

Total programme 146

290

402

449

335

1 477

Programme 178 (JVN)

14

14

14

14

56

Total

304

416

463

349

1 533

Source : ministère de la défense

Affectation des ressources de l'équipement des forces actualisées pour 2015-2019

(CP, en milliards d'euros)

Dissuasion nucléaire

19,7

Équipement conventionnel

- dont programmes à effet majeur

- dont programmes d'environnement et équipements d'accompagnement

41,8

29,0

12,8

Entretien programmé des matériels

18,2

Infrastructures

5,3

Études amont (y compris études relatives aux opérations de dissuasion)

3,6

Source : LPM 2014-2019 actualisée par la loi du 28 juillet 2015

2. La sécurisation des ressources

La révision de la LPM opérée par la loi du 28 juillet 2015 a permis de « re-budgétiser », à compter de 2015, et donc de sécuriser, l'essentiel des ressources du budget de la défense qui, dans la version initiale de la programmation, étaient attendues de recettes exceptionnelles ( REX ). À ce titre, seuls demeurent désormais les produits de cessions de biens immobiliers et de matériels militaires .

a) Une re-budgétisation des crédits initialement attendus de la cession de fréquences hertziennes

L'actualisation de la LPM a prévu la substitution de crédits budgétaires aux REX qui, jusqu'alors, étaient supposées provenir de la cession de fréquences hertziennes - principalement la vente de la bande passante dite des 700 mégahertz (MHz) aux opérateurs de téléphonie mobile.

Il convient ici de rappeler que la LPM, en 2013, avait prévu que, sur la période 2014-2019, les REX de la défense issues de la cession de cette bande des 700 MHz atteindraient 3,7 milliards d'euros, soit plus de la moitié - 56 % - du total des REX alors programmées.

Programmation initiale des REX de la défense pour 2014-2019

(en milliards d'euros)

2014

2015

2016

2017

2018

2019

Total

Cessions immobilières

0,21

0,23

0,20

0,05

0

0

0,69

Plan d'investissements d'avenir (PIA)

2,00

0

0

0

0

0

2,00

Cessions hertziennes

0

1,55

1,02

0,82

0,23

0,09

3,71

Redevances hertziennes

0,01

0,02

0,03

0,04

0,05

0,06

0,21

Total

2,22

1,80

1,25

0,91

0,28

0,15

6,61

Source : LPM 2014-2019 (version initiale)

Ce niveau de REX avait été porté pour 2015, par la LFI actuellement en vigueur, à 2,4 milliards d'euros, dont 2,2 milliards devant provenir de la cession de la bande de fréquences des 700 MHz, contre une prévision initiale de la LPM à hauteur de 1,8 milliard d'euros de REX, dont 1,6 milliard attendu des cessions de fréquences. Cette majoration de 600 millions d'euros des ressources extra-budgétaires avait été opérée en compensation d'une diminution de même montant des crédits budgétaires de la défense, comme prévu pour chacune des années du budget triennal 2015-2017 par la loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour 2014-2019.

Programmation des REX de la défense pour 2015-2017 avant actualisation

(en milliards d'euros)

2015

2016

2017

Total

Cessions immobilières

0,23

0,20

0,05

0,48

Cessions hertziennes

2,15

1,02

0,82

3,99

Redevances hertziennes

0,02

0,03

0,04

0,09

Origine non précisée

-

0,60

0,60

1,20

Total

2,40

1,85

1,51

5,76

Source : LPM 2014-2019 (version initiale) , LFI 2015 et LPFP 2014-2019

Pourtant, dès l'été 2014, les contrôles « sur pièces et sur place » menés par votre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées 10 ( * ) avaient établi que le calendrier d'encaissement des recettes attendues de la cession des fréquences de la bande des 700 MHz encourrait un fort risque de glissement par rapport à la prévision. En outre, compte tenu de l'accroissement de la part relative des REX dans le budget de la défense auquel il avait été procédé, comme rappelé ci-dessus, pour le budget triennal 2015-2017, il apparaissait douteux que la seule cession de la bande de fréquences des 700 MHz permette de couvrir le besoin, qui s'élevait à 5,2 milliards d'euros au total (montant de REX attendues entre 2015 et 2017 hors cessions immobilières et redevances hertziennes) 11 ( * ) .

Certes, dès le mois d'octobre 2014, à l'occasion de l'examen par le Parlement du projet de loi de finances (PLF) pour 2015, le Gouvernement avait annoncé la mise en place de « sociétés de projet » - ou special purpose vehicles (SPV) - destinées à pallier le défaut anticipé des REX devant provenir de la cession de la bande de fréquences des 700 MHz. Ces sociétés de projet, dont la capitalisation devait être assurée au moyen du produit de cessions de participations financières de l'État, auraient racheté à celui-ci ou, le cas échéant, auraient acheté directement auprès de l'industrie des équipements militaires, puis les auraient loués au ministère de la défense.

Au printemps dernier, la constitution de deux SPV avait été annoncée par le Gouvernement, pour l'acquisition et la location, s'agissant du premier véhicule, de trois frégates multi-missions (FREMM) et, s'agissant du second, de quatre avions A400M. Afin de lever les obstacles que le droit existant aurait présenté pour ce dispositif, le Gouvernement, par voie d'amendement à l'Assemblée nationale, avait introduit, dans le projet de loi « pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques », l'article 50 A. Celui-ci visait, d'une part, à permettre la cession par l'État, aux futures sociétés de projet, d'équipements militaires restant employés par les armées ; d'autre part, à autoriser ces sociétés à procéder à des opérations de location d'équipement militaire ; enfin, à leur étendre les principes de la continuité du service public de la défense et de l'insaisissabilité des équipements militaires. Pour les armées, une condition impérative du dispositif était qu'elles puissent conserver la parfaite disponibilité des équipements qui auraient ainsi été mis en location. Malgré les précisions et les assurances données par le Gouvernement, demeurait un certain nombre d'incertitudes ; elles ont conduit la commission spéciale du Sénat chargée de l'examen du projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques à supprimer l'article 50 A susmentionné.

C'est dans ce contexte, et alors qu'un nouveau contrôle « sur pièces et sur place » de votre commission avait fait le point sur le dispositif des sociétés de projet envisagé et, à nouveau, mis en exergue les difficultés tenant aux REX prévues pour le budget triennal 2015-2017 de la défense 12 ( * ) , qu'ont été prises les décisions d'ajustement budgétaire portées par la loi du 28 juillet 2015 actualisant la programmation militaire. Par suite, le projet des SPV a été abandonné par le Gouvernement. Vos rapporteurs pour avis, avec votre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, ont approuvé ce choix, qui a été à la fois celui de la lisibilité - en renonçant à un dispositif complexe d'« agences » - et de la sécurité - en mettant fin aux aléas que représentait, pour le budget de la défense, les incertitudes attachées au calendrier prévisionnel d'encaissement et au niveau élevé des produits de cessions de fréquences hertziennes initialement programmés au titre de REX 13 ( * ) .

b) Le maintien de REX limitées aux cessions d'immeubles et de matériels militaires (930 millions d'euros pour 2015-2019)

Sur la période 2015-2019 , la prévision de ressources extra-budgétaires a été limitée par LPM actualisée aux produits de cessions de biens immobiliers et de matériels militaires, pour un total de 930 millions d'euros - soit 0,6 % du budget de la défense pour cette période , contre 3,5 % dans la programmation originelle pour 2014-2019.

Les cessions immobilières , encaissées sur le compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État », devraient rapporter 730 millions d'euros entre 2015 et 2019 . La plus grande part de cette ressource est attendue de la cession des emprises parisiennes du ministère de la défense que le déménagement des états-majors et services sur le site de Balard permet de libérer. Sont en cause la caserne de la Pépinière (rue Laborde, dans le VIII e arrondissement de la capitale), vendue en 2015 pour 118,5 millions d'euros, et surtout l'Hôtel de l'Artillerie (place Saint-Thomas d'Aquin, dans le VII e arrondissement) et l'îlot Saint-Germain (dans le VII e arrondissement, rue Saint Dominique, rue de l'Université et boulevard Saint-Germain) ; les ventes sont prévues, respectivement, en 2016 et 2017.

Les cessions de matériels , affectés à la mission « Défense » sous forme d'attributions de produits, sont attendues à hauteur de 50 millions par an de 2016 à 2019 .

Il convient de souligner que, par rapport à la prévision de recettes de cessions immobilières inscrite dans la version initiale de la LPM - soit 480 millions entre 2015 et 2017 -, la loi du 28 juillet 2015 a procédé à un quasi doublement de ces REX subsistantes , cessions immobilières et cessions de matériel confondues. En effet, d'une part, les prévisions originelles de cessions pour 2016 et pour 2017 ont été majorées, respectivement, du quart et des deux tiers, étant ainsi portées, la première, à 250 millions d'euros et, la seconde, à 150 millions d'euros ; d'autre part, une nouvelle prévision de cessions a été introduite pour 2018 et pour 2019, à hauteur de 150 millions d'euros pour chacune de ces deux dernières années de la programmation.

Recettes de cessions affectées au budget de la défense pour 2015-2019

(CP, en milliards d'euros courants)

2015

2016

2017

2018

2019

Total

2015-2019

LPM initiale

0,23

0,20

0,05

0

0

0,48

Actualisation (loi du 28 juillet 2015)

Total

0,23

0,25

0,15

0,15

0,15

0,93

Immobilier

0,23

0,20

0,10

0,10

0,10

0,73

Matériels

0

0,05

0,05

0,05

0,05

0,20

Variation

en volume

0

+ 0,05

+ 0,10

+ 0,15

+ 0,15

+ 0,45

en proportion

0

+ 25 %

+ 67 %

n.p.

n.p.

+ 94 %

Sources : LPM 2014-2019 actualisée par la loi du 28 juillet 2015 et état-major des armées


* 4 Cf. les opérations « Sangaris » (menée en République centrafricaine depuis décembre 2013), « Barkhane » (qui a pris la suite de l'opération « Serval », au Mali, depuis l'été 2014) et « Chammal » (conduite en Irak depuis septembre 2014 et étendue à la Syrie depuis septembre 2015). Au total, 10 000 hommes sont actuellement engagés en OPEX.

* 5 L'engagement au titre de « Sentinelle », mobilisant 7 000 hommes à la veille des attentats du 13 novembre 2015, a été augmenté à hauteur de 10 000 hommes entre la nuit du 13 au 14 novembre et le 16 novembre.

* 6 Pour ce qui concerne l'année 2016, M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics, s'exprimant le 19 novembre dernier devant le Sénat, en séance publique, dans le cadre de la discussion générale sur le PLF 2016, a confirmé la création nette de 2 300 postes, comme prévu.

* 7 Sur les limites de l'évaluation des crédits rendus disponibles par l'évolution des prix, voir infra (B).

* 8 Cf. infra , chapitre III.

* 9 Pour une présentation complète des mesures de renfort capacitaire permises par la révision de la LPM, voir le rapport n° 547 (2014-2015) de notre collègue Jean-Pierre Raffarin, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sur le projet de loi d'actualisation de la programmation militaire (juin 2015).

* 10 Contrôles sur les REX de la défense effectués auprès du secrétariat d'État au budget et de la direction générale de l'armement (DGA) sur le fondement de l'article 7 de la LPM du 18 décembre 2013 ; cf. la communication à la commission du 8 juillet 2014.

* 11 On notera qu'à l'issue du processus de cession d'une partie de la bande des 700 MHz aux opérateurs de téléphonie mobile, organisée par la voie d'enchères menées par l'Arcep (Autorité de régulation des communications électroniques et des postes) et conclues le 18 novembre dernier, le ministère chargé de l'économie a fait état d'un produit total de 2,796 milliards d'euros.

* 12 Contrôle sur la mise en place des SPV du ministère de la défense ou, le cas échéant, de solutions alternatives effectué auprès des ministères chargés des finances et de l'économie sur le fondement de l'article 7 de la LPM du 18 décembre 2013 ; cf. la communication à la commission du 1 er avril 2015.

* 13 Cette révision de la composition des ressources financières de la programmation militaire s'est trouvée opérée conformément à la clause de sauvegarde introduite par votre commission, en 2013, à l'article 3 de la LPM dans sa version initiale ; cf. infra . Tirant les conséquences de cette décision, l'article 19 du PLF 2016 clôt, au 31 décembre 2015, le compte d'affectation spéciale « Gestion et valorisation des ressources tirées de l'utilisation du spectre hertzien, des systèmes et des infrastructures de télécommunications de l'État ». Le solde des opérations antérieures du compte et, à l'avenir, les produits en cause - en particulier celui de la future vente de la bande des 700 MHz -, seront versés au budget général de l'État.

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