B. DES GARANTIES INTRODUITES À L'INITIATIVE DE VOTRE COMMISSION

Dans la loi du 28 juillet 2015 actualisant la LPM 2014-2019, votre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a veillé à prévoir des garanties du respect des trajectoires programmées pour le budget de la défense et l'équipement des forces . Ces garanties prennent la forme, d'une part, de sauvegardes visant les ressources financières attendues de cessions et d'économies engendrées par l'évolution des indices économiques et, d'autre part, de moyens offerts au contrôle du Parlement.

1. Des sauvegardes financières
a) Pour les cessions

Eu égard à la conservation, dans la programmation militaire, de ressources extrabudgétaires attendues de cessions d'immeubles et de matériel (cf. supra ), votre commission a réintroduit, mutatis mutandis , la clause de sauvegarde relative aux REX qu'elle avait insérée , en 2013 , dans la version initiale de la LPM 14 ( * ) . De la sorte, l'article 2 (IV) de la loi du 28 juillet 2015 prévoit désormais que, « dans l'hypothèse où le montant des ressources issues de cessions ou le calendrier selon lequel les crédits correspondants sont affectés au budget de la défense ne seraient pas réalisés conformément à la [...] loi de programmation, ces ressources seraient intégralement compensées par des crédits budgétaires sur la base d'un financement interministériel ».

Cette clause ne dispense évidemment pas de favoriser le succès des opérations de cessions dont les produits sont destinés à alimenter le budget de la défense. Dans cette perspective, votre commission et la commission des finances, conjointement, ont été à l'initiative de l'introduction, par la loi du 28 juillet 2015, d'une disposition 15 ( * ) qui, jusqu'au 31 décembre 2019, plafonne à 30 % le taux de la décote praticable, en faveur du logement social 16 ( * ) , sur la valeur vénale des immeubles vendus par le ministère de la défense .

Alors qu'un amendement adopté par l'Assemblée nationale en première partie du PLF 2016 tend à remettre en cause cette mesure 17 ( * ) , le Sénat, sur la proposition conjointe de votre commission et de la commission des finances, a voté, pour conserver cette importante garantie de ressources de notre outil de défense, deux amendements identiques de suppression de l'initiative de nos collègues députés 18 ( * ) .

b) Pour l'évolution du coût des facteurs

Comme indiqué plus haut ici, l'actualisation de la trajectoire capacitaire de la LPM à laquelle a procédé la loi du 28 juillet 2015 repose notamment sur le redéploiement, en faveur des opérations d'armement, d'un milliard d'euros d'économies réalisées, par le ministère de la défense, en raison de l'orientation favorable des indices économiques - prix du pétrole, prix de certains marchés de fourniture, cours de la monnaie - depuis décembre 2013. Cette évaluation, issue d'une mission commune de l'Inspection générale des finances (IGF) et du Contrôle général des armées (CGA) 19 ( * ) , n'est cependant pas exempte de fragilités .

En premier lieu, l'évaluation consiste, d'une manière générale, dans une projection de l'effet de l'évolution récente des indices économiques sur les coûts futurs du ministère de la défense jusqu'en 2019. Or aucune certitude n'est possible en ce qui concerne les éventuels retournements de la conjoncture économique, ni, d'ailleurs, le niveau d'activité opérationnelle qui pourra être requis de nos forces dans les prochaines années.

En second lieu, le calcul intègre pour une large part l' effet théorique de l'évolution constatée du coût des facteurs sur les nombreux programmes d'équipement des forces à effet majeur (PEM) restant encore à lancer d'ici 2019 (cf. le tableau ci-dessous). De la sorte, l'économie ainsi identifiée, à l'inverse de celle qui a été calculée sur les programmes en cours de réalisation, ne repose pas sur des devis stabilisés ou des formules de révisions de prix contractuellement arrêtées.

PEM prévus par la LPM 2014-2019 restant à lancer

Date de lancement prévue

(LPM actualisée)

ROEM tactiques - STERNES

2015

ISR léger/ALSA 2R

2015

C130 Modernisation

2015

COMSAT NG

2015

DESCARTES

2015

MURIN

2015

M2000D Rénovation

2015

SDT

2015

VFS

2015

GEODE 4D

2016

SCALP Rénovation

2016

AIF

2016

Formation des pilotes de chasse

2017

Successeur MICA

2017

CUGE

2018

Rénovation FLF

2018

FTI

2018

FLOTLOG

2019

SLAMF

2019

Source : réponse au questionnaire adressé au Gouvernement en application de l'article 49 de la LOLF

En outre, comme l'a souligné le chef d'état-major des armées devant votre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées 20 ( * ) , cette évaluation reste soumise à précision : le ministère de la défense doit faire face à des dépenses non prévues au moment du vote de la LPM, résultant de l'application de nouvelles lois ou normes, par exemple dans le cadre de la transition énergétique. Ces charges « additionnelles » réduisent d'autant l'effet positif de l'évolution du coût des facteurs. Une nouvelle mission conjointe de l'IGF et du CGA est en cours pour expertiser ce sujet ; ses conclusions sont attendues pour la fin de l'année.

Pour parer à toute mauvaise surprise, votre commission, rejointe dans son initiative par la commission des finances, a introduit dans la loi du 28 juillet 2015 (article 2, III) une clause de garantie prévoyant que, « dans l'hypothèse où l'évolution des indices économiques ne permettrait pas de dégager les ressources financières permettant d'assurer la soutenabilité financière de la trajectoire d'équipement des forces fixée par la [...] loi de programmation, la compensation nécessaire au respect de celle-ci serait assurée au moyen de crédits budgétaires ».

Par ailleurs, à l'initiative de l'Assemblée nationale, une disposition de la même loi (article 2, II) prévoit plus spécifiquement qu' « en cas de hausse du prix constaté des carburants opérationnels , la mission "Défense" bénéficie de mesures financières de gestion et, si la hausse est durable, des crédits supplémentaires sont ouverts en construction budgétaire, pour couvrir les volumes nécessaires à la préparation et à l'activité opérationnelle des forces ».

2. Un renforcement des moyens du contrôle parlementaire

L'actualisation de la LPM 2014-2019 par la loi du 28 juillet 2015 a permis à votre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, fidèle à son rôle de vigilance, de renforcer les moyens du contrôle parlementaire sur l'exécution de la programmation militaire.

a) Ce qui existait déjà
(1) Le contrôle « sur pièces et sur place »

Introduit en 2013 à l'initiative de votre commission , l'article 7 de la LPM, relatif aux pouvoirs de contrôle « sur pièces et sur place » reconnus aux commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées de la défense afin de suivre et contrôler l'application de la programmation militaire, constitue un outil précieux de contrôle parlementaire sur l'action conduite par le Gouvernement.

Loi du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 - article 7

« Indépendamment des pouvoirs propres des commissions chargées des finances, les commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées de la défense et des forces armées suivent et contrôlent l'application de la programmation militaire. Aux fins d'information de ces commissions, cette mission est confiée à leur président ainsi qu'à leurs rapporteurs pour avis sur le projet de loi de finances dans leurs domaines d'attributions et, le cas échéant, pour un objet déterminé, à un ou plusieurs des membres de ces commissions spécialement désignés. A cet effet, ils procèdent à toutes auditions qu'ils jugent utiles et à toutes investigations nécessaires sur pièces et sur place auprès du ministère de la défense et des organismes qui lui sont rattachés ainsi que, le cas échéant, auprès du ministère de l'économie et des finances. Ceux-ci leur transmettent, sous réserve du second alinéa, tous les renseignements et documents d'ordre financier et administratif utiles à l'exercice de leur mission.

« La mission des commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées de la défense et les pouvoirs mentionnés au premier alinéa du présent article ne peuvent ni s'exercer auprès des services spécialisés de renseignement mentionnés au I de l'article 6 nonies de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires ni porter sur les sujets à caractère secret concernant la défense nationale et la sécurité intérieure ou extérieure de l'Etat. »

Source : Légifrance

Sur le fondement de ces dispositions, votre commission a déjà eu recours par deux fois à ce mode d'investigations, avec profit. Ces initiatives ont déjà été mentionnées ci-dessus :

- un premier contrôle « sur pièces et sur place » a été mené en juin et juillet 2014, sur les REX alors prévues par la LPM, auprès du secrétariat d'État au budget et de la DGA 21 ( * ) . Ce contrôle a notamment permis d'établir que les REX attendues des recettes de cessions de fréquences hertziennes, compte tenu en particulier des contraintes de calendrier, ne pouvaient pas être disponibles à temps pour abonder comme prévu, en 2015 et après, le budget de la défense. Le constat, pris en compte lors de l'examen du PLF 2015, a participé du vote de rejet émis par le Sénat sur les crédits de la mission « Défense » inscrits dans ce projet de loi ;

- un deuxième contrôle de cette sorte est intervenu en mars 2015, visant la mise en place des sociétés de projet ( SPV ) du ministère de la défense ou, le cas échéant, de solutions alternatives, auprès des ministères chargés des finances et de l'économie 22 ( * ) . Ce contrôle a permis à la commission de faire le point sur le dispositif des SPV alors envisagé et, à nouveau, de signaler les difficultés tenant au calendrier prévisionnel d'encaissement et au niveau élevé des REX programmées pour le budget de la défense.

Ces investigations, en mettant en lumière les fragilités du scénario « SPV » envisagé par le Gouvernement, ont évidemment pesé en faveur de la décision finalement prise de sécuriser le budget de la défense , sur l'ensemble de la durée de la programmation militaire, en remplaçant la majeure part des REX initialement inscrites dans la LPM par des crédits budgétaires (cf. supra ).

(2) Les autres moyens de contrôle

D'autres moyens de contrôle, en vertu de dispositions introduites dans la LPM par votre commission en 2013 , sont à la disposition du Parlement, et permettent d'assurer un suivi régulier de l'exécution.

Un bilan semestriel de l'exécution budgétaire et de la LPM est effectué par le Gouvernement en application de l'article 8 de cette loi, qui prescrit que, « chaque semestre, le ministre de la défense présente aux commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat un bilan détaillé de l'exécution des crédits de la mission "Défense" de la loi de finances et de la loi de programmation militaire ». Les deux derniers bilans semestriels ont ainsi été reçus par votre commission, respectivement, en juin et octobre 2015.

Un rapport annuel sur l'exécution de la LPM doit être présenté par le Gouvernement conformément à l'article 10 de cette loi, qui prévoit que « le Gouvernement présente chaque année au Parlement, préalablement au débat d'orientation budgétaire, un rapport sur l'exécution de la loi de programmation militaire. » L'article précise que « ce rapport fait l'objet d'un débat » et doit comprendre, notamment, la description de la stratégie définie par le Gouvernement en matière d'acquisition des équipements de défense et de la mise en oeuvre des dispositifs budgétaires, financiers, fiscaux et sociaux instaurés pour l'accompagnement économique des territoires affectés par les conséquences des mesures de restructuration de la défense. Votre commission, par une nouvelle initiative prise dans la loi du 28 juillet 2015 (article 6), a ajouté, à ces éléments, la présentation de la politique de gestion des ressources humaines du ministère de la défense. Le premier bilan annuel, visant l'année 2014, a été reçu par votre commission en juillet 2015.

L'article 4 de la LPM prévoit l'intervention d'un débat annuel au Parlement sur les OPEX en cours, et exige que « le Gouvernement communique, préalablement à ce débat, aux commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat un bilan politique, opérationnel et financier » de ces opérations . Ce débat, cependant, n'a pas été tenu en 2015 ; vos rapporteurs et votre commission le regrettent .

Enfin, conformément à l'article 11 de la LPM, le rapport annuel sur les exportations d'armement de la France, autre vecteur de contrôle concernant le contexte d'application de la programmation militaire, est adressé au Parlement, au plus tard, le 1 er juin de chaque année.

b) Les nouveaux instruments de contrôle
(1) Un contrôle spécifique des OPINT

Compte tenu de l'importance de l'opération « Sentinelle » déployée sur le territoire national depuis janvier dernier 23 ( * ) , votre commission a été à l'initiative de l'introduction dans la LPM, par la loi du 28 juillet 2015, d'un article 4-1 visant les OPINT , en partie symétrique de l'article 4 précité visant les OPEX. Aux termes de cette nouvelle disposition 24 ( * ) , « les missions intérieures en cours font l'objet d'un bilan opérationnel et financier communiqué par le Gouvernement aux commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat en même temps que le bilan [relatif aux OPEX] ». Ce bilan doit détailler les surcoûts résultant des OPINT pour le ministère de la défense, et présenter leurs modalités de financement ; le premier bilan de cette nature, en 2016, devra préciser « les conditions dans lesquelles ces surcoûts peuvent faire l'objet d'un financement interministériel ».

Il convient en outre de signaler qu'une autre initiative de votre commission a donné lieu à l'article 7 de loi du 28 juillet 2015, qui prévoit la remise au Parlement, par le Gouvernement, avant le 31 janvier 2016, d'un rapport sur les conditions d'emploi des forces armées sur le territoire national pour protéger la population. Il est expressément prévu que ce rapport fera l'objet d'un débat.

(2) Une nouvelle clause de revoyure

La loi du 28 juillet 2015 a encore prévu qu'un rapport d'évaluation des dispositions de la LPM , telle qu'actualisée par cette loi, soit remis en 2017 au Parlement, par le Gouvernement, expressément en vue, le cas échéant, d'une nouvelle révision de la programmation militaire. Un amendement de votre commission a précisé que ce rapport devrait intervenir, au plus tard, le 31 mars . Le nouveau contexte sécuritaire et stratégique révélé par les attentats du 13 novembre dernier pourrait toutefois justifier une nouvelle révision anticipée de la LPM.


* 14 « Dans l'hypothèse où le montant [des] recettes exceptionnelles ou le calendrier selon lequel les crédits correspondants sont affectés au budget de la défense ne seraient pas réalisés conformément à la [...] programmation, ces ressources seraient intégralement compensées par d'autres recettes exceptionnelles ou par des crédits budgétaires sur la base d'un financement interministériel » (article 3 de la LPM dans sa version initiale).

* 15 II bis de l'article L. 3211-7 du code général de la propriété des personnes publiques, introduit par le V de l'article 2 de la loi du 28 juillet 2015. La rédaction de cette disposition est issue d'une initiative de votre rapporteur pour avis Daniel Reiner lors de la commission mixte paritaire réunie sur le projet de loi.

* 16 Disposition issue de la loi du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social.

* 17 Initiative de notre collègue député François Pupponi et de la commission des finances de l'Assemblée nationale, traduite par l'article 21 ter du PLF 2016.

* 18 Amendements I-65 de la commission des finances et I-146 de votre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, joint en annexe au présent rapport.

* 19 Notre collègue député Jean-Jacques Bridey, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées de l'Assemblée nationale, a présenté en détail la méthode retenue par l'IGF et le CGA dans son rapport n° 3115, tome 7 (XIV e législature), sur le PLF 2016.

* 20 Général Pierre de Villiers, chef d'état-major des armées, auditionné par votre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées le 18 novembre 2015.

* 21 Cf. la communication à la commission du 8 juillet 2014.

* 22 Cf. la communication à la commission du 1 er avril 2015.

* 23 Sur l'estimation du surcoût induit, pour 2015, par l'opération « Sentinelle », voir infra (II, B).

* 24 La rédaction de l'article 4-1 de la LPM est issue des travaux de la commission mixte paritaire réunie sur le projet de loi actualisant la programmation militaire. Sur la rédaction initiale adoptée, en première lecture de ce projet de loi, sur la proposition de votre commission, voir infra , II.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page