ANNEXE 1 : AUDITIONS DE LA COMMISSION

I. AUDITION DE M. JEAN-YVES LE DRIAN, MINISTRE DE LA DÉFENSE

Mardi 6 octobre 2015, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous la présidence de M. Jean-Pierre Raffarin, président, a auditionné M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense, sur le projet de loi de finances pour 2016.

M. Jean-Pierre Raffarin . - Monsieur le Ministre, nous vous retrouvons pour la présentation de votre budget 2016, que nous espérons en ligne avec la loi de programmation militaire actualisée de juillet dernier.

Au-delà du projet de loi de finances initiale pour 2016, c'est la gestion 2015 qui nous importe naturellement, avec le remplacement annoncé mais encore attendu des ressources exceptionnelles par des crédits budgétaires, avec la couverture d'un important surcoût OPEX - à nouveau supérieur au milliard d'euros -, avec les tensions de trésorerie qui conduiront la direction générale de l'armement (DGA) à dépenser près de 2 milliards entre le 31 décembre et le 1 er janvier... Nous n'oublions pas la compensation, promise, pour le programme 146 des 56,7 millions d'euros des « Mistral ».

C'est à vous la parole, et je laisserai nos rapporteurs vous poser les premières questions.

M. Jean-Yves Le Drian . - Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, je suis heureux de vous retrouver, moins d'une semaine après la présentation du projet de loi de finances pour 2016 en conseil des ministres, pour détailler avec vous les enjeux de ce texte s'agissant de la mission Défense. Je vous propose de raccourcir mon propos liminaire afin que nous puissions avoir un débat approfondi.

En premier lieu, je me dois de féliciter devant vous nos équipes d'ingénieurs, de militaires et de civils, qui ont réussi, mercredi dernier, le tir d'essai du missile balistique M51.2. Ce 7 ème tir de la famille M 51 s'inscrit dans le programme de développement de la nouvelle version du M 51 actuellement en service. C'est une belle prouesse technologique, qui renforce la crédibilité de notre dissuasion.

Je vous présente un budget en parfaite adéquation avec l'actualisation de la loi de programmation militaire (LPM) adoptée le 28 juillet 2015. Je vous rappelle de façon succincte les sept orientations principales que la LPM actualisée a posées.

L'augmentation des moyens humains et financiers votée dans le cadre de l'actualisation de la LPM vise notamment à renforcer le contrat « protection » et à accroître la capacité opérationnelle de la force opérationnelle terrestre (FOT). En deuxième lieu, la LPM actualisée allège la déflation des effectifs de la défense. En troisième lieu, elle augmente le budget de la mission « Défense » et le sécurise, la très grande majorité des recettes exceptionnelles étant transformées en crédits budgétaires.

La mise à jour de la LPM induit également un effort supplémentaire de 500 millions d'euros au profit de la régénération des matériels pour soutenir l'activité opérationnelle. Son cinquième objectif est de permettre des acquisitions nouvelles dans le domaine des équipements critiques, notamment la composante « hélicoptères », la capacité de projection aérienne tactique et le renseignement.

L'actualisation de la LPM permet également de faire appel de façon renforcée à la réserve et d'accroître le nombre de jours d'activité des réservistes. Enfin, la septième orientation de l'actualisation de la LPM est la rénovation de la concertation avec la création des associations professionnelles nationales de militaires.

Par rapport à la trajectoire initiale de la LPM, la dépense de défense est rehaussée de 3,8 milliards d'euros. Elle passe donc de 158,6 milliards d'euros à 162,4 milliards d'euros sur la période 2015-2019. En outre, l'actualisation de la LPM sécurise les ressources du ministère en remplaçant par des crédits budgétaires, dès 2015, la majeure partie des recettes exceptionnelles prévues par la programmation initiale.

Dès 2015, comme vous le savez, 2,14 milliards d'euros de recettes exceptionnelles, initialement attendues de la vente de la bande de fréquences 700 MHz, seront ouverts sous la forme de crédits budgétaires par la loi de finances rectificative de cette fin d'année. Cela me semble raisonnable, cette recette ne se concrétisant pas à temps. Je vous le rappelle, c'est une décision majeure du Président de la République, qui a fait le choix, inédit jusqu'alors au cours d'une programmation, d'accroître les moyens humains et financiers de la mission « Défense » par rapport à la trajectoire initiale et de supprimer la majorité du recours aux ressources exceptionnelles.

Les difficultés de trésorerie que cette ouverture tardive pourraient générer pour le programme d'équipement des forces sont anticipées et font l'objet de mesures en discussion avec le ministère du budget, dont certaines ont d'ores-et-déjà été mises en oeuvre, telles que la levée anticipée de la réserve de précaution pour les programmes de la mission « Défense », soit 2,2 milliards d'euros en AE et 1,4 milliard d'euros en CP. Ce dégel des crédits a été prononcé dès début août pour le programme 146. De même, une mobilisation des trésoreries « dormantes » disponibles au sein de différents organismes, comme l'organisme conjoint de coopération en matière d'armement (OCCAR), est mise en oeuvre. Les discussions techniques sont en cours et devraient aboutir rapidement. Dans le cas contraire, d'autres pistes pourraient être envisagées, dans le cadre d'un décret d'avance. En tout état de cause, la Direction générale de l'armement (DGA) est prête à gérer cette urgence et l'ensemble de ces mesures doivent permettre de conduire la fin de gestion 2015 dans des conditions similaires à la gestion 2014, sans différer ni les commandes, ni les livraisons de matériels prévues par la LPM actualisée, et en portant une attention particulière à la situation des petites et moyennes entreprises (PME).

J'en viens maintenant au projet de loi de finances (PLF) 2016, qui est conforme à l'annuité prévue par la LPM actualisée. Il permet la pleine mise en oeuvre des priorités de la LPM actualisée, en donnant aux armées les moyens de faire face aux défis, tant intérieurs qu'extérieurs, auxquels elles sont confrontées. Dans ce cadre, 600 millions d'euros de crédits budgétaires supplémentaires viennent abonder le budget de la Défense, le portant à près de 32 milliards d'euros, toutes ressources confondues, contre 31,4 milliards d'euros dans la LPM initiale.

Ces ressources sont sécurisées en 2016, l'essentiel des ressources extrabudgétaires ayant été budgétisées. Ainsi, la part des recettes issues de cessions n'est plus que de 250 millions d'euros en 2016 - 200 millions d'euros au titre des ventes immobilières et 50 millions d'euros au titre des ventes de matériels militaires -, soit moins de 0,8 % des ressources totales de la mission « Défense ».

Fort de crédits sécurisés et aussi accrus, le PLF 2016 permet de répondre aux défis nés du besoin de sécurisation du territoire national, la majeure partie des crédits budgétaires supplémentaires en 2016 étant destinée au nouveau contrat « Protection » du territoire.

Je soumets quelques points particuliers à votre attention. Tout d'abord s'agissant des effectifs, le PLF 2016 répond au besoin de sécurisation du territoire en atténuant leur déflation. La LPM actualisée du 28 juillet 2015 allège en effet de 18.500 emplois la diminution des effectifs, initialement prévue à hauteur de 33.675 équivalents temps plein (ETP), sur la période 2015-2019. Je rappelle que 250 postes sont en outre créés au titre du renforcement des services de renseignement décidé par le Premier ministre en début d'année.

Ces moindres déflations d'effectifs vont notamment permettre une remontée en puissance de la FOT de 11.000 postes d'ici la fin de l'année 2016, décision majeure prise lors des derniers conseils de défense. Il s'agit d'assurer la permanence de 7 000 hommes sur le territoire national et une capacité de déploiement de 10 000 hommes au besoin, pendant un mois. Les moindres déflations recouvrent également le soutien humain et logistique à cette opération ainsi que le renforcement de la protection des sites du ministère.

Les effectifs contribuant au renseignement et à la cyberdéfense sont également significativement renforcés dans le cadre de la LPM actualisée. Sur la période 2014-2019, les effectifs du renseignement relevant du ministère de la défense bénéficieront ainsi d'une augmentation de l'ordre de 900 postes, qui s'ajoutent aux 300 initialement prévus par la LPM. Les moyens du ministère consacrés à la cyberdéfense accélèreront quant à eux leur montée en puissance avec le recrutement d'au moins 1 000 civils et militaires d'active supplémentaires sur la période. Pour l'année 2016, l'effort du ministère est concentré sur la montée en puissance de la FOT. Pour autant, la progression des effectifs renseignement et cyberdéfense en 2016 sera de l'ordre de 500 postes.

Au total, le volume important de recrutement de soldats dans l'armée de terre et de personnel au profit des missions de protection des emprises militaires, du renseignement et de la cyberdéfense, conduira la Défense à bénéficier pour la première fois depuis de nombreuses années d'un solde positif de création nette de 2 300 emplois.

S'agissant des effectifs, vous me permettrez de vous apporter deux éclairages particuliers, l'un concernant l'expérimentation du service militaire volontaire (SMV) et l'autre l'effort spécifique fait en faveur de la réserve opérationnelle.

D'abord l'expérimentation du SMV, décidée par le Président de la République, s'inspire du service militaire adapté (SMA), qui a fait ses preuves dans les territoires outre-mer. Il s'agit de proposer une formation globale à des jeunes éloignés de l'emploi, durant six à douze mois. Le statut militaire des stagiaires, associé à la formation à un emploi, dans un secteur où la demande existe, sont la clef de la réussite de cette nouvelle mesure. Le SMV, encadré par du personnel militaire qui assure la mission de formateur, devrait accueillir 300 jeunes fin 2015 - début 2016, et jusqu'à 1 000 volontaires sur la période de l'expérimentation. A ce titre, vous noterez que le 15 octobre prochain, les 100 places initialement prévues seront ouvertes au centre de Montigny-lès-Metz. Le PLF 2016 rend donc possible la mise en oeuvre de ce nouveau dispositif important.

Je voudrais également souligner l'effort spécifique qui est marqué en faveur de la réserve opérationnelle. Je l'ai dit, conséquence des attentats de janvier, les missions de protection sur le territoire national engagent nos forces dans des volumes inédits. Pour répondre à ces nouveaux défis, dès 2015, la masse salariale allouée à la réserve opérationnelle avait été augmentée de 11 millions d'euros par rapport à la LPM initiale, pour atteindre 81,9 millions d'euros. Ce mouvement est amplifié en 2016 pour atteindre 88 millions d'euros. Les objectifs 2016 comprennent une augmentation de 51 000 jours d'activité et, en termes d'effectifs la création de 1 538 postes supplémentaires, venant augmenter l'effectif actuel de 28 000 militaires.

L'activité opérationnelle est une autre grande priorité du ministère dans un contexte de fort engagement opérationnel des forces. Grâce à un effort financier constant et important depuis le début de la LPM, l'année 2016 verra la hausse de l'activité opérationnelle, en particulier de l'entraînement. Priorité de la loi de programmation militaire, elle devrait rejoindre progressivement le niveau correspondant aux normes d'entraînement OTAN.

S'agissant de l'entretien programmé des matériels, l'augmentation franche du niveau des crédits qui lui sont consacrés a permis de stabiliser l'activité au niveau de 2013 conformément à l'objectif que j'avais fixé en début de LPM.

Pour 2016, l'augmentation de crédits par rapport à 2015 s'établit à plus de 200 millions d'euros, soit une hausse de près de 7 % en valeur au lieu de 4,3 % en 2015. En outre, 250 millions d'euros en autorisations d'engagements supplémentaires sont ouverts dans ce projet de loi de finances, afin de lancer des contrats de MCO pour les véhicules de combat de l'armée de terre, les hélicoptères, les avions de transport tactiques et de patrouille maritime, les ravitailleurs en vol, l'aviation de chasse, les patrouilleurs et les SNA. Cette progression, qui conforte celles des années précédentes, permettra aux forces de consolider leur stratégie selon trois axes : régénérer le potentiel, préparer le personnel, et bien sûr tenir l'effort dans la durée.

Au-delà de l'entretien des matériels, le PLF 2016 marque un effort significatif au profit du renouvellement de l'équipement de nos forces et de la préparation de l'avenir. Je rappelle que sur la période de la programmation militaire actualisée 2015-2019, une enveloppe annuelle de 17,55 milliards d'euros en moyenne est allouée à l'équipement, pour atteindre 19,1 milliards d'euros en 2019. Le budget 2016 confirme cet engagement avec près de 17 milliards d'euros consacrés à l'équipement des forces contre 16,4 milliards d'euros en 2014 et 16,7 milliards d'euros en 2015.

Fort de cet engagement, l'année 2016 voit la poursuite des efforts réalisés au profit des équipements ces dernières années, avec plusieurs livraisons majeures. Cette année sera notamment caractérisée par le maintien des capacités de projection-mobilité et soutien avec la livraison de 3 avions A400M et 6 hélicoptères NH90, le renforcement des capacités d'engagement et de combat grâce à la livraison notamment de 9 Rafale dont 3 Rafale Marine rétrofités, 5 hélicoptères Tigre, une frégate multi-missions et le renouvellement des capacités de protection-sauvegarde avec la livraison des deux premiers bâtiments multi-missions B2M et d'un patrouilleur PLG pour la Guyane.

S'agissant des commandes de matériels, l'année 2016 se place dans la continuité des efforts engagés depuis 2014 pour rallier le modèle d'armée défini dans la loi de programmation militaire maintenant actualisée. Elle verra ainsi la consolidation des capacités militaires, avec notamment l'industrialisation de la rénovation du Mirage 2000D dont la réalisation est indispensable à l'atteinte du format à 225 avions de combat du Livre blanc, la commande d'un système de drones de lutte anti-mines futur (SLAMF), la commande d'un quatrième bâtiment multi-missions et de deux bâtiments de soutien et d'assistance hauturier (BSAH) sur une cible de quatre, inscrite en actualisation de la LPM 2014-2019, ou encore la commande du troisième satellite d'observation spatiale (CSO) en coopération avec nos partenaires allemands, avec lesquels nous avons passé un accord d'une importance majeure. Le renouvellement de nos équipements sera également poursuivi, avec la commande du fusil d'assaut de nouvelle génération, Arme Individuelle Future (AIF), destiné à remplacer le FAMAS.

Dans le même temps, j'ai tenu à ce que le secteur des études amont, essentiel au maintien de nos compétences industrielles et à la maîtrise des technologies clés du futur, fasse l'objet d'une priorité réaffirmée, puisque dans un contexte marqué par l'exacerbation de la compétition internationale, la France fait le choix de maintenir la priorité qu'elle donne à la recherche et technologie en consolidant son budget à près de 710 millions d'euros de crédits.

Je veux rappeler ici l'importance de la coopération internationale et tout particulièrement européenne, qui exerce un effet de levier sur nos investissements de R&T. Le programme de démonstration franco-britannique du système de combat aérien futur (SCAF), dont la deuxième phase du projet va être lancée, en est un excellent exemple. Mais de nombreuses autres initiatives méritent d'être rappelées ici, qu'il s'agisse de la concrétisation du rapprochement de Nexter et de KMW en juillet 2015 pour nos futurs matériels terrestres, ou bien des travaux qui se poursuivront en 2016 en coopération avec l'Allemagne et l'Italie sur le projet de drone de reconnaissance de type MALE.

Dans un contexte de menace terroriste spécialement élevée, qui cible nos installations comme nos ressortissants, la protection des installations et activités relevant du ministère revêt une importance capitale. C'est pourquoi j'ai obtenu du Premier ministre la création d'une direction dédiée, la Direction de la Protection des Installation moyens et activités de la Défense (DPID), qui m'est directement subordonnée.

À la suite du vol de munitions à Miramas survenu cet été, j'ai chargé la DPID de dresser un état des lieux complet de la protection des installations du ministère et de me proposer les mesures correctrices nécessaires. Les premiers résultats montrent que l'infrastructure de protection, qui était sous-dotée depuis des années, nécessite des investissements rapides.

J'ai donc décidé d'accélérer les mesures de modernisation des infrastructures des dépôts recevant du matériel sensible. Après les mesures d'urgence mises en oeuvre dès 2015, cette décision prendra pleinement effet en 2016, pour un montant de 60 millions d'euros. Elle a pour objectif le renforcement des clôtures existantes et l'équipement des dépôts de munitions non dotés en infrastructures dites « igloo » permettant de garantir à la fois protection anti-intrusion et limitation de l'effet de souffle en cas d'accident. Enfin, pour garantir une meilleure surveillance, les dépôts seront équipés de moyens de détection autonome et de vidéo surveillance.

À cet effort en matière d'infrastructures, qui s'inscrira dans un schéma directeur pluriannuel, s'ajoute une augmentation des effectifs dédiés aux missions de protection des installations du ministère. Depuis les attentats du mois de janvier, ce sont environ 7 800 agents, militaires, gendarmes spécialisés, et personnels spécialisés qui sont affectés en permanence à cette tâche, soit une augmentation de 800 personnes par rapport à la période pré-attentats.

D'une manière plus générale, l'évolution de la menace et l'engagement accru de nos armées sur le territoire national, qui en est la principale conséquence, ont mis en lumière les enjeux d'entretien, de rénovation et bien sûr de protection qui s'attachent aux infrastructures du ministère de la Défense.

Dans ce domaine, le PLF 2016 comporte des crédits de paiement à hauteur de 1,12 milliard d'euros, hors dissuasion, avec une capacité d'engagement qui permettra la poursuite des grands projets liés à la création et l'adaptation des infrastructures d'accueil des nouveaux matériels, les nécessaires rénovations et plus largement le maintien en condition du patrimoine immobilier. Pour la bonne exécution de la programmation, ces ressources intègrent des recettes issues des cessions immobilières à hauteur de 200 millions d'euros. En 2016, ces recettes seront en grande partie alimentées par la cession d'emprises parisiennes.

Parallèlement à ces différents chantiers, le ministère continue à se moderniser et à se réformer. Les 4 500 suppressions des postes qui en résultent participent également, par les gains ainsi réalisés, au renforcement des effectifs des forces engagées dans la protection du territoire. Elles permettent par ailleurs la création des capacités nouvelles, notamment dans les domaines du renseignement et de la cyberdéfense.

Par ailleurs, les plans de transformation engagés dans l'administration, les états-majors ou les soutiens non opérationnels se poursuivent, simultanément avec les créations de postes opérationnels. J'insiste sur le fait que les restructurations que j'ai annoncées fin juillet ont été déterminées en cohérence avec les plans stratégiques du ministère, en particulier ceux de l'armée de terre « Au contact !  », de la marine nationale « Horizon Marine 2025 », de l'armée de l'air « Unis pour faire face », mais aussi des directions et services : service de santé des armées, service du commissariat des armées, service d'infrastructure de la défense notamment.

2016 sera enfin la première année complète où l'ensemble des états-majors et services centraux du ministère sera rassemblé dans le site unique de Balard . C'est un mouvement qui a d'ores et déjà commencé, et qui modifiera en profondeur le fonctionnement du ministère. C'est le symbole d'une Défense qui ne craint pas de se transformer, pour toujours être en situation de relever les défis de sécurité qui se présentent à la France.

Sans plus attendre, je me tiens à votre disposition pour répondre à vos questions.

M. Jean-Pierre Raffarin, président . - Merci Monsieur le ministre. Je vais donner la parole à nos différents rapporteurs.

M. Jacques Gautier . - Monsieur le ministre, vous avez répondu par avance à une question du Président Raffarin sur la fin de l'exercice budgétaire 2015. Même si vous semblez rassuré, nous avons quelques inquiétudes sur d'éventuelles surprises qui viendraient de Bercy. C'est avec la loi de finances rectificative de fin d'année que nous jugerons si les engagements ont véritablement été tenus. Sur le projet de loi de finances pour 2016, le compte semble y être. Les engagements pris pendant l'actualisation de la loi de programmation militaire sont au rendez-vous et les mesures que nous avions souhaitées sont bien là. Je me félicite des 450 millions d'euros attribués aux OPEX et je préfère que ce soit l'interministériel qui paye les surcoûts et non votre ministère. S'agissant de l'eurodrone, 20 millions d'euros étaient attribués, en 2014, pour chaque pays travaillant sur ce projet, l'Allemagne, l'Italie et la France. Les états-majors ont-ils commencé à travailler sur la caractérisation des besoins opérationnels en 2025 pour les drones MALE ? Les Allemands ont un concept d'emploi totalement différent du nôtre et il faudra que nous parvenions à nous entendre pour aboutir. Je reviens sur les militaires engagés, avec dévouement et efficacité, sur de nombreux théâtres d'opérations extérieurs et qui sont à la limite de la « surchauffe », comme vous le savez. L'évolution des effectifs devrait permettre d'apporter dans la durée des améliorations. Cela représente aussi une usure et des disponibilités de matériels limitées. Vous annoncez des nouveaux Tigre HAD en 2016. Qu'en est-il du Tigre, le seul, qui est en République Centre Africaine ? Y-est-il encore nécessaire car il manque sur l'opération Barkhane ? Pour les 5 000 fusils d'assaut commandés en 2016, où en est la mise en concurrence ? Même question pour les drones MALE tactiques ? J'évoque rapidement l'acquisition des C-130 pour m'en féliciter. J'ajoute que si l'on veut être efficace sur les théâtres d'opérations en Irak et en Syrie, il faut regrouper nos Rafales d'Abu Dhabi vers la Jordanie, même si cela pose des problèmes de logistique.

M. Daniel Reiner . - J'ai une question simple. Quelle ventilation pour les 600 millions supplémentaires au budget ? Ensuite, je voudrais faire une observation. Dès 2013, vous aviez noté, et nous aussi, que l'entretien programmé du matériel était très insuffisant ; le taux de disponibilité des matériels et le nombre d'heures d'entraînement ne cessaient de diminuer. La loi de programmation militaire a fait un effort sur la régénération des matériels, l'entretien programmé des matériels et la préparation opérationnelle. En 2016, il y a 7 % de plus, soit 200 millions d'euros. Avons-nous inversé les courbes ? Les heures d'entraînement ont-elles augmenté ? Le but n'est pas de dépenser de l'argent, mais de rendre le personnel plus opérationnel. Je sais que c'est difficile à obtenir quand beaucoup de personnels sont engagés dans des opérations extérieures, mais il importe d'autant plus d'assurer la rotation.

M. Xavier Pintat . - Les rapporteurs du programme 146 se réjouissent que les prévisions pour 2016 soient respectées et de la fin de la tendance à la baisse. Je me félicite également pour l'avenir de la dissuasion française de la réussite du tir du M51-2. La France renforce sa capacité d'observation spatiale par l'acquisition de satellites, comme le CSO dans le cadre du programme MUSIS. Elle va acquérir une charge utile de renseignement d'origine électromagnétique pour renforcer la capacité des drones MALE Reaper. Où en est la livraison des prochains drones qui seront munis de cet équipement ? Prévoit-on d'équiper également les drones que nous avons déjà ? S'agissant de l'annulation de la vente des BPC « Mistral », le Gouvernement a choisi l'imputation sur le budget du programme 146, ce que je trouve surprenant. Pour l'instant, le programme 146 supporte toujours 56,7 millions d'euros au titre du remboursement des frais engagés par l'Etat russe. Y aura-t-il une rectification à la fin de l'année ? Nous avons adopté une proposition de loi spécifique sur le survol par des drones d'installations civiles abritant des matières nucléaires et une disposition pour les installations militaires dans l'actualisation de la loi de programmation militaire. Ces survols représentent une vraie menace. Savez-vous où en est le rapport du SGDSN sur ce point, que nous attendions en septembre ?

M. André Trillard . - J'ai quelques questions très rapides. Pour la réalisation des actions retracées par le programme 144, il y avait beaucoup de recrutements inscrits en 2015, or il s'agit de personnels difficiles à recruter. Je souhaiterais avoir une note de situation sur ces recrutements. C'est une chose d'ouvrir des postes, mais une autre de les pourvoir. S'agissant de l'annulation de la vente des Mistral, je rejoins M. Xavier Pintat sur la question des 56,7 millions d'euros supportés par le programme 146. Je m'intéresse beaucoup à la question des Mistral que je vois tous les jours et dont j'aimerais connaître la date de départ. Je termine avec la vente sur étagère de navires qui a eu lieu en 2015. Je voudrais en effet savoir si vous comptez généraliser à l'avenir cette méthode de vente pour des navires, qui pose beaucoup de problèmes d'organisation.

M. Jeanny Lorgeoux . - S'agissant des études amont, le maintien du budget est appréciable, car il signifie le maintien de la capacité de recherche et de développement en liaison avec les industriels. « Sous bénéfice d'inventaire », peut-on préciser ce qui a été prévu pour l'ONERA ? S'agissant du renseignement, je me félicite des moyens en recrutement et en investissement, prévus pour la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), la Direction de la protection et de la sécurité de la défense (DPSD) et la Direction du renseignement militaire (DRM).

M. Yves Pozzo di Borgo. - S'agissant du maintien en condition opérationnelle, les crédits prévus par le PLF 2016 sont-ils suffisants pour permettre de répondre aux besoins opérationnels, notamment en OPEX ? Je pense également aux difficultés que les faibles niveaux d'entretien programmé des matériels (EPM) ont induites dans l'entraînement des troupes. Je vous informe, Monsieur le Ministre, que ces points essentiels feront cette année l'objet d'un examen approfondi dans le cadre de notre avis budgétaire.

Mme Michelle Demessine . - Je me félicite que vous annonciez des crédits supplémentaires dédiés au matériel et à leur entretien alors que l'engagement de nos troupes s'intensifie.

M. Robert del Picchia. - Le renforcement des recrutements dans le domaine de la cyberdéfense est indispensable. Les actions spécifiques menées dans ce secteur sont indispensables.

M. Gilbert Roger . - Je souhaiterais que nous soit communiquée une note précisant comment vont être utilisées les casernes et les bases vendues en 2015 et 2016 et j'aimerais que les modalités d'association des collectivités territoriales à ces processus de cession nous soient précisées.

M. Dominique de Legge, rapporteur spécial de la mission « Défense » au nom de la commission des finances. - Je m'associe aux inquiétudes de mes collègues sur la façon dont l'exécution budgétaire de la mission « Défense » va être close en 2015. Il serait extrêmement regrettable que les 56,7 millions d'euros pesant sur le programme 146, au titre du règlement de l'annulation des Mistral à la Russie, passent dans l'épaisseur du trait. Ce serait regrettable tant sur le plan des principes que sur le plan de la mécanique budgétaire ; cette « avance » ne doit pas devenir un « prélèvement ».

Je me réjouis que le PLF 2016 soit conforme à la LPM actualisée.

S'agissant de la sécurisation des sites du ministère de la défense, les mesures annoncées vont dans le bon sens, mais il me semble nécessaire qu'une évaluation plus fine des besoins soit réalisée.

Par ailleurs, les crédits consacrés aux OPEX atteignaient, selon les estimations communiquées au mois de juillet, 653 millions d'euros, et vous nous annoncez en fin d'exécution un montant de 1,2 milliard d'euros. Faut-il s'attendre à des sommes comparables en 2016 ?

Enfin, l'atténuation de la déflation des effectifs ne vous empêchera-t-elle pas de réaliser le dépyramidage attendu des effectifs militaires ?

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont . - Je souhaite souligner l'effort particulier réalisé par le gouvernement pour proposer un budget défense de ce niveau alors que la contrainte budgétaire est très forte. Je me réjouis des moyens consacrés à la mise en place et au développement du service militaire volontaire (SMV). De même, il semble important de soutenir l'effort de mobilisation de la réserve. Le renforcement des crédits annoncés dans ce domaine est nécessaire et pourrait sans doute être décuplé par une meilleure mobilisation de la réserve citoyenne, à laquelle nous sommes nombreux à appartenir. Cette réserve citoyenne pourrait s'avérer particulièrement efficace dans la lutte contre la cybercriminalité.

M. Jean-Marie Bockel . - J'ai récemment participé à un colloque au cours duquel la problématique de la capacité offensive française a enfin été débattue. Cela m'amène à poser une question sur le rôle de la réserve. Je me demande si la montée en puissance de la réserve ne devrait pas nous amener à la réorganiser ?

M. Jean-Pierre Raffarin, Président. - Nous mesurons tous l'effort réalisé en faveur des crédits de la défense dans un contexte budgétaire contraint. Je vous donne la parole, Monsieur le Ministre, pour répondre aux questions qui vous ont été posées.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense. - J'entends ces compliments avec plaisir mais cet effort budgétaire découle des nécessités de l'heure présente qui ont conduit à l'actualisation de la LPM.

Pour répondre à MM. Jacques Gautier et Dominique de Legge, je vous indique que je ne suis pas inquiet, j'ai reçu les assurances nécessaires pour me tranquilliser : l'exécution budgétaire de fin d'année permettra de respecter les objectifs de dépense fixés par la LPM, et je ne doute pas de la capacité des équipes à mobiliser les sommes concernées en 2015. Je n'ai quelques inquiétudes que sur la possibilité de mobiliser les ressources de trésorerie permettant d'attendre les crédits ouverts par la loi de finances rectificative pour 2015 sans pénaliser notamment les PME en attente de paiements. La direction générale de l'armement (DGA) a d'ores et déjà intégré cette dimension de la situation. Je peux atténuer vos inquiétudes sur la base des engagements donnés par le Premier ministre, pour autant, je ne vous incite pas à relâcher votre vigilance sur ces sujets.

S'agissant des crédits relatifs aux engagements extérieurs, il n'est pas étonnant que la fin d'un exercice budgétaire soit le moment de connaître le solde des dépenses consacrées aux OPEX et aux OPINT. Les dépenses relatives à Sentinelle atteindront 173 millions d'euros en 2015, celles relatives aux OPEX, 1,1 milliard d'euros. Leur financement fait l'objet d'une attention extrême.

En réponse à M. Jacques Gautier, j'indique que des hélicoptères Tigre resteront positionnés en République Centre Africaine (RCA), en raison à la fois de leur efficacité dans la gestion du récent regain de tensions et de leur effet dissuasif. L'offensive des Anti-Balaka montre que le retrait de ces hélicoptères n'est pas souhaitable, ni la diminution des effectifs mobilisés, un temps envisagée. Le maintien sur place des Tigre participe à l'apaisement de la situation. Je vous rappelle que les choses évoluent dans le bon sens et que la tenue d'élections paraît beaucoup plus probable, maintenant que 75 à 80 % des cartes d'électeurs ont été émises.

En ce qui concerne les C 130, il convient de distinguer trois situations différentes. Nous avançons sur l'acquisition de quatre C130 destinés à renforcer les capacités tactiques de nos forces, les discussions avec les États-Unis se nouent. Il nous reste toutefois à décider s'il s'agira d'achats d'équipements neufs ou d'occasion. Par ailleurs, deux C 130 vont être adaptés aux besoins des forces spéciales, avec notamment un renforcement de l'appui au feu pour tirer les leçons de l'expérience acquise au Sahel. Enfin, quatre C 130 supplémentaires seront mis en service avant la fin de l'année, après rénovation, pour compenser les retards pris dans la mise à disposition des A 400 M.

En réponse aux questions relatives aux drones MALE, je souhaite souligner les efforts réalisés par nos partenaires allemands qui ont permis de rapprocher de façon significative les spécifications militaires de nos deux pays. Un débat public très difficile a eu lieu récemment en Allemagne sur l'utilisation de ces drones : doivent-ils avoir un rôle d'observation seulement ou être armés ? Une tendance très nette s'est dégagée en faveur des drones d'observation. Les Allemands, très impliqués dans la conception comme dans la réalisation de ce projet, ont vraiment pris les choses en main, et ont relancé la coopération entre nos pays dans ce domaine. Ils ont tout mon appui.

Par ailleurs, les questions sur le nouveau fusil d'assaut soulignent bien la particularité de la situation dans laquelle nous nous trouvons alors que plus aucune entreprise française ne produit ce type d'équipement. Les résultats de la mise en concurrence devraient être connus à la fin de l'année 2016.

Pour répondre à M. Pintat sur l'équipement des drones en charge utile de renseignement d'origine électromagnétique, cela ne concernera que les nouveaux drones et non pas les trois drones que nous avons déjà. L'achat de cet équipement est en discussion avec les autorités américaines. Comme prévu, à la fin du programme, nous aurons quatre systèmes, donc douze drones. Sur la question des Mistral, pourquoi le programme 146 ? Il a fallu trouver un budget porteur et je ne m'y suis pas opposé car j'étais sûr d'avoir un retour. Il y a déjà eu un retour de DCNS. Il faudra veiller au retour à l'équilibre en fin d'année et être ferme. Je signe la vente des « Mistral » au Caire samedi prochain pour 950 millions d'euros. Sur le drone tactique, l'appel d'offres est en cours.

J'ai répondu en partie à M. Trillard. Sur la question des ventes sur étagère, c'était intéressant de procéder de la sorte pour passer un accord global avec les Égyptiens, accord dont le montant total est de 5,3 milliards d'euros, même si c'était compliqué pour la marine nationale qui a su faire les efforts nécessaires, y compris former des marins égyptiens. Ce n'est toutefois pas « une doctrine ». Je prends l'exemple des corvettes : nous en construisons une en France et trois le seront sur un chantier égyptien. La nouvelle Frégate devrait avoir, elle aussi, des succès significatifs à l'export.

Il y a eu plusieurs questions sur les emplois « cyber ». Il y a quelques jours, j'ai organisé à Paris un forum sur la cyberdéfense de très haut niveau où étaient présents le haut commandement américain et le ministre de la défense britannique. J'ai été frappé de voir que le recrutement et la qualification des personnels capables d'être acteurs dans la lutte contre la cybercriminalité est un problème partout, y compris aux Etats-Unis, car la demande est énorme. Les écoles d'ingénieurs n'arrivent pas à fournir et nous manquons de « cyber ingénieurs », d'où d'ailleurs la réserve citoyenne, mais cela ne sera pas suffisant. C'est un chantier que nous avons pris à bras le corps. Il faut que ce soit une priorité pour la défense et les grands donneurs d'ordre civils, que j'ai d'ailleurs réunis dans un club pour accompagner le pôle d'excellence cyber. C'est la bataille d'après-demain. Nous devons sensibiliser les écoles et les universités. Dans la loi de programmation militaire actualisée 2015-2019, il y a 1 000 postes à pourvoir.

Sur la question de M. Reiner, les 600 millions d'euros concernent pour l'essentiel le contrat protection, donc la masse salariale liée à ce contrat, et il y a un peu plus sur l'entretien programmé des matériels. C'est vrai que l'armée est en surchauffe en 2015, comme le disait M. Gautier. 7 000 personnes sont affectées à Sentinelle. S'y ajoutent les missions extérieures et le maintien à un haut niveau en République Centre Africaine (RCA). Compte tenu des recrutements de 2015 qui vont se poursuivre sur 2016, cela devrait s'améliorer en 2016.

Pour finir de répondre à M. de Legge sur la programmation pluriannuelle de la sécurité des sites, j'ai demandé un schéma directeur. La Direction de la protection des installations de la défense (DPID) doit le préparer en cours d'année et ce sera une priorité dans le budget pluriannuel 2017-2019.

Sur la question de Mme Perol-Dumont, le service militaire volontaire est financé sur le budget de la défense pour les trois sites expérimentaux à hauteur de 25 millions d'euros. Dans la loi de programmation militaire, il est bien clair que c'est une expérimentation et qu'une fois terminée, le financement sortira du périmètre budgétaire du ministère de la défense.

Mme Michelle Demessine . - Monsieur le ministre, je crois que vous avez oublié notre question sur le maintien en condition opérationnelle (MCO).

M. Jean-Yves le Drian . - J'y viens. Depuis 2015, on note l'arrêt de la dégradation du MCO, dont on va remonter le niveau à partir de 2016. Pour ne citer que quelques exemples, on a actuellement 157 heures pour les hélicoptères contre 180 en 2016, de même pour les pilotes de chasse, on devrait passer de 155 heures de vol à 180. Comme nous, vous aviez noté cette dégradation qui était principalement due à l'insuffisance des crédits affectés à l'entretien programmé des matériels. Il y aura cependant un problème pour l'armée de terre ; on doit faire face à une diminution mécanique, mais l'arrivée des 11 000 nouveaux permettra de remonter progressivement l'activité opérationnelle, même si celle-ci remontera par la suite.

M. Jean-Pierre Raffarin, président . - Merci beaucoup, Monsieur le ministre. Nous aurons l'occasion de prolonger cette discussion, notamment s'il faut se mobiliser à la fin de l'exercice budgétaire 2015.

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