N° 168

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2015-2016

Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 novembre 2015

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (1) sur le projet de loi de finances pour 2016 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

TOME IV

Fascicule 4

MÉDIAS, LIVRE ET INDUSTRIES CULTURELLES :

AUDIOVISUEL EXTÉRIEUR

Par Mme Claudine LEPAGE,

Sénatrice.

(1) Cette commission est composée de : Mme Catherine Morin-Desailly , présidente ; MM. Jean-Claude Carle, David Assouline, Mmes Corinne Bouchoux, Marie-Annick Duchêne, M. Louis Duvernois, Mmes Brigitte Gonthier-Maurin, Françoise Laborde, Claudine Lepage, M. Jacques-Bernard Magner, Mme Colette Mélot , vice-présidents ; Mmes Françoise Férat, Dominique Gillot, M. Jacques Grosperrin, Mme Sylvie Robert, M. Michel Savin , secrétaires ; MM. Patrick Abate, Pascal Allizard, Maurice Antiste, Dominique Bailly, Mmes Marie-Christine Blandin, Maryvonne Blondin, MM. Philippe Bonnecarrère, Gilbert Bouchet, Jean-Louis Carrère, Mme Françoise Cartron, M. Joseph Castelli, Mme Anne Chain-Larché, MM. François Commeinhes, René Danesi, Alain Dufaut, Jean-Léonce Dupont, Mme Nicole Duranton, MM. Jean-Claude Frécon, Jean-Claude Gaudin, Mme Samia Ghali, M. Loïc Hervé, Mmes Christiane Hummel, Mireille Jouve, MM. Guy-Dominique Kennel, Claude Kern, Pierre Laurent, Jean-Pierre Leleux, Mme Vivette Lopez, MM. Jean-Jacques Lozach, Jean-Claude Luche, Christian Manable, Mmes Danielle Michel, Marie-Pierre Monier, MM. Philippe Nachbar, Jean-Jacques Panunzi, Daniel Percheron, Mme Christine Prunaud, MM. Stéphane Ravier, Bruno Retailleau, Abdourahamane Soilihi, Hilarion Vendegou .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : 3096, 3110 à 3117 et T.A. 602

Sénat : 163 et 164 à 170 (2015-2016)

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Si les enjeux de l'année 2015 pour l'audiovisuel extérieur sont assez semblables à ceux de l'année dernière, leur acuité n'a fait que croître au cours des derniers mois : la consommation des médias poursuit sa mutation accélérée avec la double contrainte que les contenus doivent être accessibles sur tous supports et à tout moment, tandis que le développement des conflits à l'Est de l'Europe, en Afrique et au Proche-Orient renforce encore la nécessité de permettre l'accès à une information indépendante et vérifiée.

Par ailleurs, votre rapporteure pour avis s'inquiétait déjà l'année dernière des « départs de dizaines, voire de centaines de jeunes pour l'Irak et la Syrie qui ont tous mûri leur projet au contact de médias étrangers - souvent arabophones ou anglophones - qui ont investi Internet et les chaînes d'information en continu » 1 ( * ) . Les événements tragiques des 7 janvier et 13 novembre 2015 - pour ne citer qu'eux - n'ont fait que confirmer la nécessité de considérer l'accès à une information libre et à la culture comme une donnée essentielle des conflits en cours si l'on veut préserver les consciences .

La cyberattaque dont a été victime TV5 Monde le 8 avril dernier et qui a fortement endommagé ses infrastructures est venue nous rappeler, une nouvelle fois quelques semaines après l'attaque contre Charlie Hebdo, que les médias eux-mêmes étaient devenus des cibles et devaient faire l'objet d'une protection adaptée. Cette cyberattaque n'a, certes, endommagé que des matériels mais c'est l'existence même de la chaîne francophone qui était visée et le coût des dégâts occasionnés s'est révélé très élevé.

Votre rapporteure pour avis salue la mobilisation des personnels de TV5 Monde qui a permis de préserver de nombreux équipements et de relancer les programmes dans des conditions difficiles. Elle souhaite que des moyens suffisants soient mobilisés afin que le coût des réparations et des nouvelles mesures de protection ne pèse plus sur le budget des programmes de la chaîne comme cela peut encore être le cas aujourd'hui.

Cette situation démontre que les moyens consacrés à l'audiovisuel extérieur ont atteint un étiage préoccupant qui trouve son origine dans la crise de financement de l'audiovisuel public .

La mauvaise santé financière de France Télévisions et de Radio France ne laisse que peu de moyens pour permettre le développement des autres acteurs de l'audiovisuel public qui ne bénéficient, pourtant, que d'une fraction minime des ressources publiques. France Médias Monde reçoit ainsi une part de la contribution à l'audiovisuel public dix fois inférieure à celle de France Télévisions tandis que celle de TV5 Monde est trente fois plus faible que celle du groupe de télévision public.

L'utilité incontestable de l'audiovisuel extérieur et la pertinence des projets développés par les dirigeants des France Médias Monde et de TV5 Monde justifieraient pleinement aujourd'hui un « coup de pouce », mais celui-ci n'est tout bonnement pas possible compte tenu de l'immensité des besoins des deux groupes publics de radio et de télévision. Cette situation apparaît d'autant plus imméritée que les dirigeants et les personnels de France Médias Monde et TV5 Monde ont déjà réalisé d'importants efforts et qu'ils peuvent légitimement avoir le sentiment que les « bons élèves » ne sont pas « récompensés ».

Cette situation n'empêche pas le développement de nouveaux projets mais ceux-ci, pour être menés à bien, nécessitent la remise en cause d'actions déjà existantes dans le cadre d'arbitrages de plus en plus cornéliens. France Médias Monde est ainsi invitée à renoncer à certaines actions si elle souhaite pouvoir inscrire la déclinaison de France 24 en espagnol dans son futur contrat d'objectifs et de moyens (COM) alors que TV5 Monde a dû se résoudre à un redimensionnement de son offre de programmes aux États-Unis pour permettre le développement d'une chaîne destinée à la jeunesse en Afrique.

Les syndicats des sociétés de l'audiovisuel public sont donc dans leur rôle lorsqu'ils interpellent l'État pour connaître son projet et son ambition pour l'audiovisuel extérieur compte tenu des contraintes budgétaires actuelles.

Votre rapporteure pour avis est tout à fait consciente des difficultés rencontrées par les sociétés de l'audiovisuel extérieur mais elle observe que, dans un contexte difficile pour les finances publiques, l'essentiel a été préservé, ce qui n'est pas rien. Elle remarque, par ailleurs, que la fusion de France 24, RFI et MCD au sein de France Médias Monde est aujourd'hui « derrière nous » et que les syndicats de salariés ne la remettent pas en cause tandis que le rapprochement entre TV5 Monde et France Télévisions est devenu une réalité qu'il convient de poursuivre, dans le respect des spécificités des deux partenaires en consolidant les coopérations et les mutualisations.

Après cette phase de « consolidation » de l'audiovisuel extérieur qui doit être confortée à travers, par exemple, la poursuite des mutualisations au sein de France Médias Monde, une phase de développement doit pouvoir constituer une perspective de moyen terme qui peut trouver sa place dans les réflexions plus globales sur l'évolution de l'audiovisuel public . Cette perspective doit s'inscrire dans le cadre de la volonté de notre pays de réaffirmer son ambition d'influence et de coopération internationales qui s'illustre notamment à travers une implication renforcée du Ministère des affaires étrangères et du développement international auprès de France Médias Monde pour accompagner son développement.

Votre rapporteure pour avis estime, pour sa part, que le débat nécessaire ouvert sur une réforme du financement de l'audiovisuel public au moyen d'une modernisation de la contribution à l'audiovisuel public et d'un renforcement des mutualisations ne doit pas avoir pour objectif premier de réduire les moyens mais, au contraire, de dégager des marges de manoeuvre qui pourront bénéficier, pour une part au moins, à l'audiovisuel extérieur.

Dans l'immédiat, une réunion des représentants des gouvernements bailleurs de fonds de TV5 Monde prévue le 27 novembre 2015 devait permettre de réexaminer les moyens de la chaîne internationale francophone compte tenu de l'évolution du contexte.

Pour ce qui est de France Médias Monde, votre commission de la culture, de l'éducation et de la communication devrait pouvoir examiner au premier trimestre de 2016 le nouveau COM de France Médias Monde pour la période 2016-2020 . Ce sera l'occasion de mesurer le chemin déjà parcouru et d'examiner la feuille de route et les moyens de l'entreprise pour les quatre années à venir dans le cadre d'une concurrence renforcée et de défis géopolitiques inédits.


* 1 Avis n° 112 - Tome IV - Fascicule 1b (2014-2015), p. 5.

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