EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 25 novembre 2015, la commission a examiné le rapport pour avis sur les crédits de la mission « Prévention des risques - Météorologie » du projet de loi de finances pour 2016.

M. Hervé Maurey , président . - Trois points sont à l'ordre du jour : l'examen du rapport pour avis de Pierre Médevielle sur les crédits prévention des risques et météorologie du projet de loi de finances pour 2016, l'examen du rapport pour avis de Rémy Pointereau sur les crédits de la mission politique des territoires et l'examen du rapport du groupe de travail sur l'aménagement numérique du territoire.

Premier point : le rapport pour avis sur les crédits prévention des risques et météorologie, sujet extrêmement sensible et important. Nous avons fait le point la semaine dernière avec Louis Nègre sur notre visite dans le sud-est de la France. Nous avons pu y constater les effets des inondations et l'insuffisance de la prévention et de la culture du risque. Nous avons décidé d'organiser deux tables rondes en début d'année prochaine : l'une sur la question de l'information et de la sensibilisation du public, l'autre sur la question de l'alerte, de sa pertinence, de sa graduation. Ce sont des sujets à creuser. Nous ne pouvons que regretter d'avoir entendu trop tôt le président de Météo France et de ne pas avoir pu l'interroger sur les inondations.

M. Pierre Médevielle, rapporteur pour avis . - J'ai l'honneur de vous présenter l'avis budgétaire relatif aux politiques de la prévention des risques et de la météorologie qui concerne les crédits de trois programmes au sein de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » avec le programme 181 « prévention des risques », le programme 170 « météorologie » et le programme 217 « conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durables », c'est-à-dire les moyens du ministère de l'écologie. Au total, ces trois programmes représentent 2,8 milliards d'euros, soit environ 40 % des 7,15 milliards ouverts au titre de la mission Écologie.

Le programme 181 rassemble les crédits budgétaires attribués aux politiques de prévention des risques naturels, des risques technologiques et des risques pour la santé d'origine environnementale. En 2016, le programme 181 sera doté de 286 millions d'euros en autorisations d'engagement et 225 millions en crédits de paiement, soit une baisse respective de 4,6 % et 8 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2015. Les crédits étaient déjà en baisse l'année dernière. Cette baisse s'explique essentiellement, cette année encore, par la diminution des crédits alloués à l'action 1 qui représente 53,7 % des crédits et comprend toutes les mesures destinées à prévenir les risques technologiques, en particulier avec le déploiement sur le territoire des fameux plans de prévention des risques technologiques, les PPRT. Les dotations initialement prévues pour la mise en place des PPRT étaient disproportionnées. Au vu du coût souvent élevé que les mesures d'expropriation ou de travaux de consolidation du bâti font porter sur les ménages, les collectivités et les entreprises, il a été décidé que la priorité serait de réduire le risque à la source, au sein des entreprises classées Seveso. Le budget initialement prévu a donc été redimensionné à la baisse dans la mesure où l'emprise des PPRT sur les territoires a été réduite. Au 1 er août 2015, sur les 398 PPRT à réaliser, 85 % environ, soit 335, ont été approuvés. L'objectif du gouvernement est d'approuver 95 % des PPRT fin 2015 et 97 % fin 2016.

Concernant la prévention des risques technologiques, j'aimerais insister plus longuement sur les crédits alloués à l'Anses, - Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail -, qui est financée à hauteur de 7 millions d'euros par le programme 181. L'agence reçoit ses subventions pour l'essentiel du programme 206 « sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation », mais la dotation qu'il nous revient d'examiner permet notamment de mener les travaux d'évaluation des produits biocides au titre du règlement européen en vigueur.

Les missions de l'Anses connaissent actuellement une forte évolution. L'exercice 2015 a été marqué, le 1 er juillet précisément, par l'entrée en vigueur de la loi du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt. Cette loi a opéré le transfert à l'Anses de la mission de délivrance des autorisations de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et matières fertilisantes, et a placé l'agence à la tête du réseau de phytopharmacovigilance. Ce transfert de mission et de responsabilité a sensiblement modifié le positionnement de l'Anses dans le paysage institutionnel. Un travail de réorganisation interne a été entrepris et de nouveaux processus ont été mis en place pour que l'évaluation et la gestion du risque se fassent de manière transparente.

L'année 2016 va être à nouveau marquée par la prise en charge de nouvelles missions : l'évaluation et la délivrance des autorisations de mise sur le marché pour les produits biocides, ainsi que la mission de toxicovigilance actuellement menée par les centres antipoison.

Face à ces évolutions, le gouvernement prévoit un simple maintien des emplois sur le triennal. Pour autant, et vous le comprenez bien, ce maintien des emplois n'est qu'un effet d'optique compte tenu de l'accroissement significatif des missions. Si l'on tient compte des évolutions de périmètre, les moyens de l'agence sont en baisse.

Je suis extrêmement inquiet de cette évolution budgétaire. Dans ma région, fortement agricole et viticole, les hôpitaux et les centres de médecine du travail ont tiré la sonnette d'alarme quant aux pesticides. Nous sommes à la veille d'un scandale sanitaire qui devrait éclater assez rapidement, plusieurs signes et plusieurs documents nous permettent de l'affirmer. Les impacts de ces produits ne sont ni correctement évalués en amont ni correctement suivis en aval.

Dans ce contexte, placer des contraintes budgétaires supplémentaires sur l'agence chargée de garantir notre sécurité sanitaire est un très mauvais signal et une erreur stratégique. Nous risquons de mal évaluer, voire de perdre de vue certains risques sanitaires, ce qui va menacer notre capacité de réaction en cas de crise. Je compte bien interroger le gouvernement sur cette question cruciale. Le problème aujourd'hui est également que l'Anses délivre à la fois les AMM et est chargée de l'évaluation des produits. Cela soulève un problème d'éthique lorsque l'on sait que l'évaluation est faite en réalité, faute de moyens, par les grands groupes, sous-traitance qui ouvre la porte à tous les abus.

Autre axe de la prévention des risques : le contrôle de la sûreté nucléaire, mission confiée à l'Autorité de sûreté nucléaire, l'ASN. Cette action représente 19 % des crédits du programme 181. Les crédits consacrés au contrôle de la sûreté nucléaire et à la radioprotection s'élèvent à 54,8 millions d'euros en autorisations d'engagement et 59,8 millions en crédits de paiement.

Cette année encore, la prise en compte des enjeux de sûreté nucléaire de demain ne se traduit pas dans le budget. Le coût du contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection est appelé à augmenter substantiellement dans les années à venir sous l'effet combiné du renforcement de la sûreté du parc français post-Fukushima, de l'arrivée en fin de vie de nombreuses centrales lancées dans les années 1970, ou encore de la mise en fonctionnement retardée du réacteur EPR sur le site de Flamanville.

L'ASN se trouve donc face à un palier dans son action, face à une marche à franchir. Le budget 2016 ne permet pas, à ce stade, de faire face à l'accroissement significatif des missions de l'Autorité. L'année sera marquée par la création de 10 emplois supplémentaires. Pour autant, compte tenu des missions que l'autorité va être amenée à remplir, celle-ci évalue, dans un avis rendu le 23 avril 2015, que ses besoins en personnel s'élèvent à 95 emplois supplémentaires d'ici la fin 2017. Nous sommes très loin du compte.

La question qui se pose est celle de la réforme du financement de la sûreté nucléaire dans notre pays. C'est un sujet que nous avions déjà abordé l'an dernier et je crois qu'il y a besoin d'une modernisation de ce financement pour assurer sa pérennité. Le gouvernement est censé remettre sous peu un rapport sur la question. L'autorité estime, pour sa part, qu'un financement mixte pourrait être mis en place avec le maintien d'un financement budgétaire pour les activités grand public, la radioprotection notamment, et la mise en place d'un système soit de taxe affectée, soit de redevance, versée par les exploitants d'installations nucléaires de base, pour les activités de l'ASN portant sur ces installations. Ce nouveau mode de financement serait bien sûr soumis au droit de regard du Parlement.

J'interrogerai la ministre sur cette option et sur les conclusions du rapport du gouvernement. L'enjeu sous-jacent n'est pas anodin : il s'agit, dans des délais acceptables, afin de ne pas provoquer de pertes de PIB, de répondre aux défis qui se présentent, tout en maintenant une exigence maximale en termes de sûreté des populations.

Le programme 170 « Météorologie » porte les crédits alloués à Météo-France. Météo-France sera doté de 199 millions d'euros, soit une baisse de près de 2 % par rapport à 2015. Ces crédits étaient déjà en baisse les années précédentes : au total, c'est la quatrième année consécutive de baisse de la dotation de l'État, sachant que cette dotation est systématiquement réduite en exécution par de nouveaux gels.

En plus de la dotation versée par l'État, Météo-France dispose de ressources propres issues des redevances aériennes et des recettes de son activité commerciale. Ces ressources propres ont elles aussi connu une contraction ces dernières années.

Météo-France se trouve face à une contrainte financière extrêmement difficile. L'organisme a fait d'importants efforts de maîtrise de la masse salariale et de rationalisation de sa couverture géographique : il aura fermé 53 de ces 108 centres locaux d'ici à fin 2016. Après la suppression de 85 emplois en 2015, Météo-France devra encore supprimer 78 emplois en 2016. Huit départs à la retraite sur dix ne sont pas remplacés. Le climat social est tendu. Le conseil d'administration doit se réunir le 27 novembre pour voter le budget de l'établissement, dans un contexte de menace de grève et de manifestation des personnels. Météo-France devra à nouveau réaliser un prélèvement de l'ordre de 1,1 million d'euros sur son fonds de roulement pour combler son déficit d'exploitation en 2016. La situation financière et humaine n'est plus soutenable.

Cette situation alarmante est à mettre en regard de l'actualité en matière de météorologie. Avec la COP21, les pouvoirs publics ont une attente forte par rapport aux outils technologiques et à l'expertise de Météo-France. Par ailleurs, dans un contexte où les événements climatiques exceptionnels tendent à se répéter, je pense aux inondations que nous avons connues récemment dans le sud-est en octobre ou en Martinique en novembre, le rôle de prévention et d'alerte de Météo-France est fondamental. Nos réponses aux événements extrêmes dépendent de la qualité de l'alerte qui nous est donnée par cet organisme. À quoi s'attendre demain si l'on prive totalement Météo-France, comme on est en train de le faire, des ressources nécessaires à l'investissement et au maintien de son expertise ? La suppression des centres locaux de Météo-France prive également l'organisme de la proximité de terrain nécessaire en cas de crise pour dialoguer efficacement avec le préfet et les collectivités.

Au regard de ces enjeux, la trajectoire budgétaire récente de Météo-France est préoccupante. Je souscris à la proposition faite par son président : faire une pause, pendant quelques années, sur la réduction des dépenses, le temps pour l'organisme de se restructurer et de dégager de nouvelles pistes de recettes mais aussi d'économies structurelles.

J'en arrive au programme 217, programme support des politiques du ministère de l'écologie. Là encore, l'analyse des crédits est inquiétante. Le budget du ministère de l'écologie est en recul constant depuis quatre ans. Au titre du programme 217, les autorisations d'engagement s'élèveront à 2,405 milliards d'euros et les crédits de paiement à 2,448 milliards, soit une baisse respectivement de 20 % et de 2,6 % par rapport à 2015.

Parallèlement aux baisses de crédits, le ministère de l'écologie et du développement durable participera à nouveau fortement à l'effort de maîtrise des emplois publics. Après une baisse de 515 emplois en 2015, la perte de 671 équivalents temps pleins supplémentaires est prévue pour 2016. Le ministère de l'écologie est celui qui devrait perdre le plus d'emplois après celui de l'économie. Cette baisse d'effectifs devrait toucher principalement les services territoriaux. Au total, le ministère ne remplacera pas les deux tiers des départs à la retraite.

À ce stade, après des années de baisse des crédits et des emplois, il est légitime de s'inquiéter sur la capacité du ministère à maintenir sa compétence et son expertise technique, notamment au niveau local. Nous sommes nombreux à nous plaindre d'un manque d'accompagnement des collectivités ou d'un manque d'expertise sur les questions difficiles que le ministère est censé suivre. Cela ne risque pas de s'améliorer à l'avenir ni avec le budget qui nous est à nouveau présenté cette année.

Ma position n'a pas changé : l'écologie et la prévention des risques constituent une mission régalienne de l'État, en particulier au titre de la sûreté des personnes et des biens. J'ai conscience des choix budgétaires difficiles à opérer en cette période de crise, et au regard des événements récents. Pour autant, je ne peux que regretter que les crédits alloués à la prévention des risques, à la météorologie, et plus largement au ministère de l'écologie soient aussi insuffisants.

Il ressort de ce budget que la transition énergétique ne fait clairement pas partie des priorités du gouvernement pour 2016. L'Ademe est censée être le bras armé du ministère dans ce domaine. Or, sa situation budgétaire est loin d'être rassurante. L'agence ne dispose plus de lignes budgétaires au titre des programmes 190 et 181. Elle reçoit 449 millions d'euros de la taxe générale sur les activités polluantes, la TGAP, ressource fiscale peu stable qui a baissé de 50 millions d'euros depuis 2013. Au total, les ressources de l'agence ont subi une contraction de 20 % au cours des trois derniers exercices.

L'agence fera, cette année, l'objet d'une nouvelle réduction des dépenses de personnel et de fonctionnement et connaîtra un prélèvement exceptionnel de 90 millions d'euros sur son fonds de roulement, alors même que la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte lui a confié de nouvelles missions. La ministre a annoncé le doublement du fonds chaleur géré par l'Ademe ; l'agence a hérité de nombreuses nouvelles missions en matière de politique des déchets. Au vu de ces éléments budgétaires, la soutenabilité de son action est en cause au-delà de 2017.

Vous l'aurez compris, je ne peux que proposer un avis défavorable à l'adoption des crédits des programmes 181, 170 et 217. Les coupes opérées dans ces budgets, pour la quatrième année consécutive, remettent en cause, de manière alarmante, la capacité de notre pays à gérer les risques naturels et technologiques et à réaliser la transition énergétique que nous appelons, tous, de nos voeux.

M. Charles Revet . - Je remercie notre rapporteur pour ce rapport très clair, très complet et qui traduit une situation extrêmement préoccupante que nous devons prendre en compte.

Monsieur le président, cela m'amène à m'interroger sur les moyens d'action de notre commission. Il me semble que nous devons aller plus loin. Notre rapporteur met en évidence l'existence des risques majeurs pour la santé. Que va-t-il se passer notamment dans le milieu viticole ? Qui va-t-on pointer du doigt ? Il serait important de mieux comprendre comment les agriculteurs ou les viticulteurs utilisent ces produits, qui ont été agréés, je le rappelle. Ils ne peuvent pas être considérés comme responsables. Pourrions-nous faire un rapport sur cette question ?

M. Hervé Maurey, président . - Notre rapporteur a fait un travail de fond qui va bien au-delà d'un simple avis budgétaire. Il a soulevé un certain nombre de questions très importantes sur lesquelles Charles Revet est revenu. S'il est vrai que nous aimerions aller plus loin, nous manquons de moyens pour creuser tous ces sujets. C'est un véritable problème dont j'ai d'ailleurs pu m'entretenir récemment avec le Président du Sénat. Pour ma part, j'aimerais par exemple que nous fassions des propositions sur l'aménagement du territoire, ou sur les ports dont nous parlions encore récemment. Malheureusement, nous ne pouvons pas multiplier les rapports d'informations, faute de moyens suffisants.

M. Jean-Jacques Filleul . - Je félicite notre rapporteur, Pierre Médevielle, pour la qualité de son rapport, même s'il m'a paru à charge. Nous devons tenir compte du fait que ces programmes participent équitablement au redressement des comptes publics ; la ministre l'a elle-même clairement rappelé à l'Assemblée nationale : « grâce à la mobilisation de moyens complémentaires, une nouvelle ingénierie financière, la transition écologique et énergétique pourra être poursuivie sur le territoire » . Je rencontre en ce moment un certain nombre d'organismes, l'Anses, par exemple. Ils savent qu'ils doivent s'organiser différemment, mais ils vont poursuivre leur importante mission, souvent grâce à une organisation nouvelle. Le travail se fera en 2016, même si les crédits ont été réduits.

Je suis, comme vous, inquiet pour Météo France, mais je note que cela fait sept ans que nous demandons des efforts à Météo France. Ce programme jouera son rôle pour l'année 2016. Chaque ministère doit prendre sa part des recherches d'économie, tout en conservant l'équilibre pour que l'État fonctionne sur le territoire.

Mme Odette Herviaux . - Je félicite le rapporteur pour la qualité de ses travaux, mais souscris néanmoins à l'analyse de Jean-Jacques Filleul. J'ai apprécié votre clairvoyance concernant le scandale sanitaire qui nous attend à moyen terme. Aujourd'hui, la sécurité physique des personnes est certes primordiale, mais nous devons aussi assurer leur sécurité en matière de santé. La problématique des pesticides est préoccupante. De même, la sécurité en matière de risques naturels ou de risques technologiques devrait être prioritaire. On peut comprendre les contraintes budgétaires et les nécessaires économies, mais je pense, Monsieur le rapporteur, que vous avez bien fait d'insister sur les risques à venir. Je partage également votre inquiétude sur l'avenir de Météo France, dont le travail est pourtant essentiel.

Mme Annick Billon . - Merci à Pierre Médevielle pour cet excellent rapport. Je ne ferai qu'une remarque. Au cours de cette année, nous avons travaillé sur beaucoup de lois, la transition énergétique, la biodiversité... À quoi servent toutes ces lois s'il n'y a pas de moyens pour les mettre en oeuvre ?

M. Michel Raison . - Monsieur le rapporteur, pourriez-vous développer vos explications sur les crédits de l'Anses ? Je suis moins pessimiste que vous sur le fonctionnement de l'agrément des pesticides. Les procédures d'agrément sont aussi détaillées et complexes que pour les médicaments. S'agissant de Météo France, souvenez-vous des reproches qui ont pu nous être adressés lors de la campagne de 2012 au sujet des suppressions de postes : on ne peut pas vouloir une chose et son contraire !

Au-delà même du cas de Météo France, qui est un organisme extrêmement important, nous devrions réfléchir à un autre levier qui permettrait de faire des économies : l'allongement du temps de travail. Sans revenir aux 39 heures, si chacun effectuait quelques heures de travail en plus, nous pourrions plus facilement redresser notre pays.

Mme Chantal Jouanno . - Je félicite à mon tour le rapporteur, dont je partage les avis et les conclusions. En 2009, nous avons connu plusieurs incidents dans le domaine des risques industriels, qui nous avaient conduits à prendre des engagements pour augmenter le nombre d'inspecteurs des installations classées. Nous avions commencé ce rattrapage et je me demande si le gouvernement actuel a poursuivi cette politique. La partie risques et sécurité de la mission « Écologie » est un engagement à caractère régalien.

Les missions qui ont été confiées à l'Anses ne sont pas du tout en adéquation avec les moyens de cette agence qui doit aussi, par ailleurs, concentrer ses efforts sur la question de la qualité de l'air, reconnue par l'Organisation mondiale de la santé comme le premier risque sanitaire mondial et qui serait aujourd'hui le risque écologique le plus coûteux en termes financiers.

Nous avons adopté une loi sur la transition écologique, proposée par un gouvernement qui se dit plus écologiste que jamais. Je considère, pour ma part, qu'on n'a jamais fait autant de mal à l'écologie, qu'on n'a jamais autant baissé les budgets du ministère et autant réduit les budgets de l'Ademe.

M. Jean-Jacques Filleul . - Vous exagérez !

Mme Chantal Jouanno . - Pas du tout ! Notre commission devrait avoir l'honnêteté de le dire. Un amendement a été déposé hier sur le prélèvement sur le fond de roulement de l'Ademe, mais il n'a pas été adopté. Il faut mettre nos actes en adéquation avec nos discours : si l'on veut réduire drastiquement le budget de l'écologie, on ne dit pas qu'on fait de l'écologie !

M. Pierre Médevielle, rapporteur pour avis . - Monsieur Revet, nous partageons les mêmes constats et avons tous la volonté d'aller plus loin. Nous avons pu constater, face aux terribles attentats que nous avons connus, que notre pays avait une grande capacité de réaction. Au regard de l'écologie, la situation est plus diffuse. Certains risques constituent une bombe à retardement qui pourrait faire de très nombreuses victimes, ce qui nous impose également de réagir. Nous n'allons pas assez loin pour ce qui concerne les pesticides : certaines études sont effarantes, en particulier pour les pesticides utilisés en viticulture. La viticulture utilise 3 % de la surface agricole utile et 20 % des pesticides. Dans certaines zones, on a relevé des taux de tumeurs cérébrales et de maladies de Parkinson onze fois supérieurs à la normale. On peut parler d'omerta de la part de la Mutualité sociale agricole. La maladie de Parkinson a été reconnue comme maladie professionnelle, mais sans aller plus loin. On ne va pas non plus assez loin en matière de bonnes pratiques à enseigner aux agriculteurs et aux viticulteurs, qui devraient par exemple avoir des combinaisons à usage unique. Ces précautions ne dépassent pas le stade des recommandations de l'Anses et ne sont pas mises en application. Notre mission en tant que parlementaires est d'aller plus loin sur ces sujets.

Monsieur Filleul, mon rapport est à charge dans la mesure où je dénonce certaines situations. L'objectif annoncé par le précédent gouvernement était de ne pas renouveler 50 % des départs à la retraite ; pour le ministère de l'écologie, nous en sommes à deux tiers des effectifs non renouvelés. J'ai rencontré des représentants de l'Anses, de l'ASN et de l'Ademe particulièrement inquiets. Nous avons tort de vouloir réduire les budgets de la prévention des risques, alors qu'il en va de la sécurité de nos concitoyens.

Madame Herviaux, je suis d'accord avec vous. Le scandale sanitaire est étouffé sur les pesticides. Les médecins du travail, qui ont pourtant tiré la sonnette d'alarme, ne veulent pas en parler. Nous devons nous inquiéter de cette situation.

Madame Billon, je partage votre avis : faire des lois, c'est bien, mais il faut arriver à être plus efficaces et à aller plus loin.

Monsieur Raison, concernant les crédits de l'Anses, leur niveau est maintenu, de même que les emplois, jusqu'en 2017, mais il y a une explosion des missions. C'est donc un effet d'optique. Le problème est aussi un problème d'éthique, même si les processus, comme vous le disiez, ont été adaptés.

Madame Jouanno, le budget du suivi et de l'animation des installations classées est passé de 5,47 millions d'euros dans la loi de finances pour 2015 à 4,36 millions cette année, soit 20 % de baisse.

Je ne sais pas si nous pourrons répondre aux défis de demain - nous n'en prenons pas le chemin - en matière d'écologie, d'énergies renouvelables. Cela passera par des investissements dans les nouvelles technologies, dans la recherche.

M. Jean Bizet . - Le rapporteur a évoqué un dossier dont on ne parle pas beaucoup pour le moment, sauf dans certaines sphères : les nouvelles techniques pour sélectionner des plantes, intéressantes en termes de sélection variétale, mais qui n'ont rien à voir avec ce qu'on appelle la transgénèse ou la mutagénèse dirigée, c'est-à-dire l'inclusion d'un nouveau gène. Vouloir les classifier comme telles dans une législation européenne serait dramatique pour la recherche européenne, et surtout française. C'est un problème de validité des évolutions. Georges Mendel, à une certaine époque, au XIXème siècle, a beaucoup fait sur ces questions. Et je reprendrai les propos d'un ancien directeur de l'Inra, Bernard Chevassus-au-Louis, qui disait que les OGM ne seront vraisemblablement un jour qu'un passage. Nous sommes en train de terminer ce passage, avec l'apparition de nouvelles technologies. Ne soyons donc pas enfermés dans des postures. De la posture à l'imposture, il n'y a qu'un pas !

M. Didier Mandelli . - Je partage une grande partie des constats du rapporteur et de ses inquiétudes, notamment sur la culture du risque. L'après-Xynthia sur le littoral atlantique, et en particulier en Vendée, avait démontré que nous n'avions pas cette culture, contrairement à d'autres pays exposés à ces risques. Le Sénat m'a désigné pour siéger au conseil d'orientation pour la prévention des risques naturels majeurs, qui s'est réuni une fois pour installer le nouveau conseil, depuis un peu plus d'un an, et ne s'est pas réuni depuis. Pourtant, les risques naturels ne diminuent pas comme le montrent les évènements climatiques récents, qui s'accentuent en intensité et en fréquence. Le dernier compte-rendu de réunion sur le site du ministère de l'écologie date du 20 décembre 2012. Je vous rappelle le rôle de ce conseil d'orientation : il est chargé d'émettre son avis sur les actions et politiques publiques qui concourent à la réduction de la vulnérabilité des personnes et des biens face aux catastrophes naturelles, et d'apporter ainsi sa contribution à la prévention des risques naturels en proposant des orientations sur les grandes questions d'actualité. Nous sommes dans une situation de baisse des crédits malgré l'augmentation des risques et des phénomènes. C'est un cercle peu vertueux de limitation des moyens des différents acteurs alors que se multiplient les conseils et groupes de travail dont les travaux ne débouchent pas sur beaucoup de décisions et d'adaptations budgétaires.

M. Gérard Miquel . - Nous avons beaucoup critiqué le coup de rabot systématique qui nous faisait perdre des emplois dans tous les secteurs de façon homogène. Aujourd'hui, ce n'est plus le cas. Nous augmentons les emplois à l'éducation nationale, dans la police, la gendarmerie, et c'est nécessaire. Il faut accepter certaines évolutions dans d'autres domaines. En météorologie, des évolutions technologiques nous permettent d'avoir des réponses très différentes de celles que nous pouvions avoir quand tout était quasiment manuel, avec l'examen des baromètres. On voudrait avoir plus, mais je ne sais pas, quand j'entends les propositions que fait votre formation politique sur les économies à faire, où vous voulez les faire. Sur les pesticides et la viticulture, il est vrai qu'on utilise beaucoup de produits et qu'on devrait en utiliser moins. Nous assistons cependant depuis quelques années à des reconversions en bio très nombreuses. Le nombre de reconversions progresse d'année en année. La viticulture sera sous peu quasiment entièrement en biologique, ce qui est une bonne chose.

M. Louis Nègre . - Réunion après réunion, que ce soit ici ou ailleurs, on observe qu'on diminue les moyens. Le gouvernement diminue les moyens. Les décrets de mise en réserve sont de plus en plus fréquents. Nous avons de moins en moins de moyens pour l'ensemble des services publics au sens large du terme. Cela est dû à la situation catastrophique de nos finances publiques. En France, nos dépenses sociales représentent 7 points de PIB de plus qu'en Allemagne. Or, en Allemagne, personne ne meurt sur les trottoirs. Le niveau de santé est au moins équivalent au nôtre. 7 points de PIB, c'est 140 milliards par an de dépenses supplémentaires... Nous avons les moyens de nos politiques, à condition de faire des choix.

M. Ronan Dantec . - Le débat est intéressant. Pour éviter une partie de ping-pong et de postures qui nous conduiront peut-être à avoir les mêmes discours de manière inversée dans quelques mois, cette commission pourrait faire passer l'idée que les politiques d'environnement sont aussi des politiques régaliennes, idée qui n'est pas du tout encore rentrée dans la culture générale. Or, il s'agit bien d'enjeux de protection de la population, comme l'a dit le rapporteur : santé publique, risques, développement économique. On ne traite pas ces sujets de la même manière que les autres politiques de sécurité, alors que les impacts réels sur la population sont extrêmement importants.

M. Hervé Maurey, président . - Avec les moyens dont nous disposons, nous pourrions suivre, avec le rapporteur, ce sujet majeur au cours de l'année 2016. Le rendez-vous budgétaire permet de faire un focus sur un certain nombre de problèmes, mais nous ne devons certainement pas nous contenter de cela. Nous pourrions mettre en place un groupe de travail. Cette question devra être examinée en bureau au début de l'année 2016.

M. Pierre Médevielle, rapporteur pour avis . - Je soutiens cette proposition, Monsieur le président. Le sujet le mérite amplement.

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