EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 4 novembre 2015, la commission a examiné le rapport relatif à la recherche en matière de développement durable.

Mme Odette Herviaux , rapporteure . - Je présente, pour la première fois, les crédits du programme 190 relatifs à la recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables, inscrits dans la mission « Recherche et enseignement supérieur » du projet de loi de finances pour 2016. Je succède en cela à Geneviève Jean qui nous avait présenté ces crédits l'an dernier.

Le programme 190 a pour objet de financer des actions de recherche dans les domaines du développement durable, qu'ils portent sur l'énergie, les risques, les transports ou encore la construction et l'aménagement.

Le total des crédits que le projet de loi de finances pour 2016 alloue au programme 190 s'élève à environ 1,4 milliard d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement.

Ce montant global est en hausse de 2 % par rapport à celui ouvert par la loi de finances pour 2015. Cette hausse s'explique par la forte élévation des crédits versés au Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) pour la couverture des charges nucléaires de long terme de ses installations et le financement des opérations de démantèlement et d'assainissement en cours.

Les crédits du programme ont vocation à financer six opérateurs de l'État : l'IFP Énergies nouvelles (IFPEN), l'Institut français des sciences et technologies des transports, de l'aménagement et des réseaux (IFSTTAR), l'Institut de radioprotection et de la sûreté nucléaire (IRSN), l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), et l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS).

Pour donner un ordre de grandeur, le principal bénéficiaire du programme 190 est, de loin, le CEA, avec 917 millions d'euros de subventions. L'IRSN, l'IFPEN et l'IFSTTAR perçoivent respectivement 175, 131 et 87 millions d'euros. Les subventions de l'INERIS et de l'Anses sont de 6 et 1,6 millions d'euros.

À l'heure de la mise en oeuvre du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte et à quelques jours de la COP 21, je souhaiterais insister, plus que jamais, sur l'importance des crédits du programme 190. C'est par la recherche et l'innovation que la France pourra changer de modèle en matière d'énergie, de bilan carbone, ou encore de mobilité et d'aménagement durables.

À ce titre, la hausse globale du montant de ces crédits est un signal positif, même si elle ne bénéficie pas à chacun des opérateurs du programme.

Le CEA tire son épingle du jeu : le montant global de ses subventions augmente de plus de 4 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2015. Cette hausse correspond essentiellement à la couverture des charges nucléaires de long terme du CEA et au financement des opérations de démantèlement.

En matière de nucléaire civil, les crédits du programme ont aussi vocation à financer le développement de grands outils nécessaires aux activités de recherche - tels que le réacteur Jules Horowitz au centre de Cadarache -, des réacteurs et combustibles de quatrième génération et à optimiser le nucléaire industriel actuel.

Dans le domaine des nouvelles technologies de l'énergie, le CEA concentre ses travaux de recherche et développement sur le bâtiment et les transports, qu'il s'agisse de technologies du solaire (photovoltaïque, solaire thermique et thermodynamique), de procédés d'électrification de véhicules ou de stockage de l'électricité.

Depuis cette année, le programme 190 porte aussi les moyens de financement du Centre national d'alerte aux tsunamis exploité par le CEA.

Ce centre, opérationnel depuis le 1 er juillet 2012, fonctionne 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, en coopération avec le SHOM et le CNRS. Il reçoit en temps réel les informations émanant des stations sismiques et de mesure du niveau de la mer situées sur le pourtour méditerranéen et le littoral atlantique.

Pour tout séisme potentiellement générateur de tsunami dans la zone couvrant le nord-est de l'Atlantique et la Méditerranée occidentale, le centre transmet, en moins de 15 minutes, un premier message d'alerte ou d'information aux autorités françaises en prévenant le Centre opérationnel de gestion interministérielle des crises, puis confirme ou infirme l'alerte en fonction des mesures sur les signaux reçus des marégraphes.

Entre 2012 et 2015, 10 séismes de magnitude comprise entre 5,5 et 7 ont fait l'objet de messages d'information émis par le Centre.

Je crois que nous pouvons nous réjouir qu'un million d'euros soit débloqué pour financer le maintien en conditions opérationnelles de ce centre d'alerte. Au-delà de la prévision de ces événements exceptionnels, une réflexion pourrait toutefois être menée sur l'amélioration et la modernisation des moyens utilisés pour alerter les populations en cas de risque.

L'autre opérateur impliqué dans le domaine nucléaire est l'IRSN. Cet établissement contribue à la mise en oeuvre des politiques publiques relatives à la sûreté et à la sécurité nucléaires, à la protection de l'homme et de l'environnement contre les effets des rayonnements ionisants, ainsi qu'à la protection des matières nucléaires, de leurs installations et de leur transport vis-à-vis du risque de malveillance.

Après avoir connu une forte baisse en 2013, 2014 et 2015, ses dotations sont à peu près stabilisées cette année. Je m'en réjouis, car l'IRSN a dû reporter, les années précédentes, le lancement de programmes de recherche.

La contribution versée au profit de l'IRSN par les exploitants d'installations nucléaires de base est maintenue avec un plafond de 62,5 M€. En forte augmentation depuis 2013, cette taxe affectée vient compenser, au moins en partie, la diminution des financements directs de l'État.

Tout comme le CEA, l'IRSN va se trouver, dans les années à venir, confronté aux défis liés au vieillissement et au démantèlement des réacteurs actuels.

Ce contexte va se traduire par une forte croissance des demandes pesant sur l'institut. L'IRSN estime à ce titre que 35 ETPT et 6 millions d'euros seraient nécessaires pour y faire face, et réclame une évolution du dispositif actuel de versement de contribution par les exploitants d'installation nucléaire de base. La révision de ce dispositif a d'ailleurs été évoquée par notre collègue Michel Berson dans un rapport d'information fait au nom de la commission des finances en 2014.

Héritier de l'Institut français du pétrole, l'IFP Energies nouvelles est désormais pleinement engagé dans la transition énergétique. À titre d'illustration, l'IFPEN est très impliqué dans l'exploration de technologies devant permettre de réduire les émissions de gaz à effet de serre dans le secteur des transports et de limiter la dépendance au pétrole, à travers trois axes : l'hybridation, la réduction des consommations des véhicules thermiques et la mise au point de biocarburants avancés. L'établissement travaille aussi à différentes solutions de récupération de l'énergie thermique perdue à l'échappement, pour des applications dans les domaines ferroviaires et maritimes, certaines pouvant même s'adapter aux poids-lourds et autocars.

Sujet qui me tient particulièrement à coeur, l'IFPEN travaille sur des solutions technologiques dans le domaine de l'éolien offshore , posé et flottant. L'institut a déposé 18 brevets dans ce secteur entre 2012 et 2014. Ses études portent notamment sur la connaissance de la ressource en vent, l'optimisation de la production d'électricité et des coûts, le dimensionnement des éoliennes et sur des supports flottants adaptés. C'est un secteur particulièrement prometteur puisqu'on évalue qu'à puissance égale, l'éolien offshore flottant produira 60 % de plus que l'éolien terrestre.

Le PLF 2016 envisage d'accorder 131 millions d'euros de subvention pour charges de service public à l'IFPEN qui est ainsi, parmi les opérateurs du programme 190, celui qui enregistre, en valeur relative, la plus forte baisse de crédits (-6,6 %).

La diminution constante, depuis 2002, de la subvention qui lui est allouée fragilise la situation budgétaire de l'établissement : son budget prévisionnel fait, une fois encore, apparaître une perte de 6 M€.

L'IFPEN estime que ses ressources propres, issues notamment des produits des dividendes de ses filiales et de redevances pour exploitation de licences, ne permettent plus de compenser la baisse de sa dotation. Il a été contraint de réduire ses effectifs de près de 150 personnes depuis 2010 et d'arrêter des projets de recherche à hauts risques mais aux débouchés à long terme.

Il nous faut être vigilant sur la pression budgétaire exercée sur l'IFPEN, supérieure à celle des autres opérateurs. Il conviendrait d'éviter de nouveaux gels de crédits au cours de l'année à venir.

L'IFSTTAR est un établissement public à caractère scientifique et technologique qui a pour mission de réaliser des recherches dans les domaines du génie urbain et de l'aménagement du territoire ; du génie civil, des infrastructures, des matériaux de construction et de leurs impacts ; des risques naturels et de la mobilité des personnes et des biens, des systèmes de transports, de leur sécurité et fiabilité.

Deux projets de l'IFSTTAR contribuent en particulier à la mise en oeuvre de la transition énergétique. En premier lieu, le projet Sense-city , mini-ville climatique permettant de tester en milieu réaliste des micro-capteurs et nano-capteurs développés pour instrumenter et piloter la ville ; le permis de construire vient d'être obtenu et la phase opérationnelle peut donc commencer. Il pourra d'ailleurs être intéressant pour la commission de la visiter ! En second lieu, le projet Transpolis, ville laboratoire permettant de tester et d'évaluer les innovations en matière de transport urbain.

Je citerai également un projet particulièrement intéressant sur lequel travaille l'IFSTTAR dans une optique de stockage du CO 2 : l'utilisation de la carbonatation des bétons de démolition et leur recyclage. La carbonatation est un processus naturel d'absorption de CO 2 par le ciment présent dans les déchets de béton concassés. L'idée est d'utiliser les déchets de béton comme puits de stockage du carbone puis de les réutiliser dans des constructions neuves. L'IFSTTAR a défini sous quelles conditions le piégeage de CO 2 est optimal : il est possible de recapter 10 % du CO 2 libéré initialement lors de la fabrication du béton, soit 20 à 30 kg de CO 2 par m de béton.

Je me réjouis donc que la dotation budgétaire allouée à l'IFSTTAR au titre du programme 190 reste quasiment stable par rapport à celle fixée par la loi de finances initiale pour 2015.

L'INERIS mène des recherches sur l'évaluation et la prévention des risques technologiques et des pollutions, liés à l'après mine, aux stockages souterrains, aux risques naturels, aux produits chimiques, etc.

Il devrait percevoir une dotation budgétaire de 6,4 M€ en 2016, en baisse de 2,7 % par rapport à 2015. Compte tenu de l'évolution de ses autres dotations, ses crédits globaux sont quasiment stables.

L'INERIS est aussi un acteur clé de la transition énergétique et de la prévention des risques sanitaires et environnementaux. Il travaille sur le stockage de l'énergie, la méthanisation et l'hydrogène, notamment sous l'angle de la sécurité et des risques d'explosion des batteries. Il mène des recherches en toxicologie et en éco-toxicologie sur les risques émergents que sont les perturbateurs endocriniens, les nano-matériaux et les ondes électromagnétiques. Il apporte un appui aux pouvoirs publics pour la surveillance de la qualité de l'air, en développant des modèles de prévisions.

Pour terminer, l'Anses développe l'appui scientifique et technique nécessaires à l'élaboration des politiques de protection de la santé, liées aux expositions alimentaires, environnementales ou professionnelles, et à la mise en oeuvre des mesures de gestion des risques dans ces domaines.

L'Anses reçoit à titre principal des crédits du programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation », et seulement 1,6 % de sa dotation budgétaire totale (c'est-à-dire 1,6 million d'euros), à partir du programme 190. Sa dotation budgétaire globale est en très légère hausse par rapport à 2015.

Cette évolution positive doit toutefois être analysée à l'aune de la forte croissance des missions de l'Anses. En effet, l'agence est chargée de délivrer, depuis le 1 er juillet 2015, les autorisations de mise sur le marché des produits phytosanitaires et des matières fertilisantes, et met en place un dispositif de phyto-pharmacovigilance. En 2016, elle devrait en outre prendre en charge les décisions d'autorisation de mise sur le marché des produits biocides et la toxico-vigilance.

Ces différents transferts de compétence traduisent la confiance des pouvoirs publics dans l'indépendance et la qualité d'expertise de l'Anses. Sur le long terme, il nous faudra cependant veiller à ce que les efforts de maîtrise des dépenses publiques ne viennent pas menacer son équilibre budgétaire.

Au total, ces crédits étant globalement stabilisés dans un contexte financier contraint, je vous proposerai de donner un avis favorable à leur adoption.

M. Hervé Maurey , président . - Je vous félicite pour cet exposé, et d'avoir adopté, comme notre collègue Jacques Cornano hier, une démarche « zéro papier ».

M. Alain Fouché . - Sur le dossier des éoliennes, nous sommes plusieurs à être choqués qu'il n'y ait aucun plan qui régisse leur développement, avec des conséquences désastreuses sur le paysage. Il y avait auparavant des champs d'éoliennes, mais aujourd'hui, les maires donnent leur accord à des projets isolés, pour 50 ou 60 000 euros.

Quel montant du budget est consacré à ce sujet ? Ne faudrait-il pas réglementer cette question, et ensuite, partager le produit des taxes que ces éoliennes rapportent ?

Mme Chantal Jouanno . - La quasi-stagnation des moyens de l'Anses, alors que ses missions se sont multipliées, interroge. Il faudrait que nous approfondissions cette question ainsi que celle de lui avoir confié le rôle d'autorité d'évaluation et de délivrance de certificats.

M. Louis Nègre . - Je me suis rendu compte des problèmes que représentent les éoliennes lorsque j'étais rapporteur du projet de loi de transition énergétique. Avec Cédric Perrin, nous avons demandé la création d'une commission d'enquête sur cette question.

Mme Nicole Bonnefoy . - Pour répondre à Chantal Jouanno, la loi sur l'agriculture a prévu que l'Anses rende compte de son activité chaque année devant les commissions compétentes du Parlement.

Mme Odette Herviaux , rapporteure . - Les crédits de recherche que j'ai évoqués concernent avant tout l'éolien offshore , qui produit 60 % de plus que l'éolien terrestre. Celui-ci n'entre donc pas dans mon champ de compétence aujourd'hui. Là où il y a eu une réflexion globale, et l'élaboration d'un plan régional à ce sujet, ce plan a été attaqué en justice par des associations et annulé. Il y a une difficulté entre la volonté de communes qui agissent seules, et celle des départements et des régions de préserver des zones pour ces éoliennes.

Au total, 130,9 millions d'euros sont consacrés à IFPEN mais je n'ai pas le détail des crédits de recherche consacrés à l'éolien.

Je suis d'accord avec Chantal Jouanno sur le fait que nous devons être vigilants sur l'évolution des moyens de l'Anses. Mais le budget que j'ai évoqué ne couvre qu'une infime partie des crédits alloués à l'Anses. Ils évoluent d'ailleurs de façon positive, puisqu'ils ont augmenté de 1,9 %.

Toutes les personnes que nous avons entendues lors des auditions ont réfléchi très en amont à l'évolution de leurs moyens et m'ont semblé très à l'écoute de ce que l'on pouvait exiger d'eux. À part l'IFPEN, bon élève dans sa gestion et sa mobilisation de fonds privés, qui en a d'ailleurs été sanctionné par la baisse de sa dotation, tous les autres organismes ont accepté de remettre en cause leur fonctionnement et anticipé des baisses de personnel. Ils sont tous très désireux de faire connaître leurs projets.

M. Hervé Maurey , président. - Je suis très favorable à des visites de sites.

Mme Odette Herviaux , rapporteure. - Cela me semble effectivement important car chacun de ces organismes a ses spécificités.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits « Recherche en matière de développement durable » du projet de loi de finances pour 2016.

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