II. LA POLITIQUE DE SÉCURITÉ DANS LES OUTRE-MER

A. LES OUTRE-MER : LES « OUBLIÉS » DE LA STATISTIQUE

La statistique officielle fait état des infractions constatées ou portées à la connaissance des pouvoirs publics ainsi que celle résolues. Le niveau de sécurité mesuré par cette statistique n'est pas forcément le reflet du sentiment de sécurité ou d'insécurité ressenti par la population. Lors de son audition, M. Cyril Rizk, responsable des statistiques à l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP), indiquait ainsi que « le ressenti de la population ne se mesure pas par une statistique administrative ». C'est pourquoi une enquête de victimation dénommée « cadre de vie et sécurité » 1 ( * ) constitue la source principale de l'ONDRP. En posant des questions subjectives aux côtés de celles objectives, elle permet de mieux saisir la représentation que la population peut se faire du niveau de sécurité.

Cet indicateur subjectif de la sécurité sur un territoire peut être utilisé pour la conduite d'une politique publique. M. Cyril Rizk rappelait l'expérience britannique qui place à un niveau équivalent les données sur les faits constatés et le sentiment d'insécurité mesuré auprès de la population pour déterminer la fréquence et l'ampleur des patrouilles de police, dans le but de rassurer la population.

Il est cependant impossible, à ce stade, d'indiquer s'il existe une spécificité ultramarine et si elle est partagée uniformément dans l'ensemble des territoires ultramarins. En effet, l'enquête nationale de victimation n'est pas réalisée sur l'ensemble des collectivités ultramarines : toutes les collectivités d'outre-mer et la Nouvelle-Calédonie en sont ainsi exclues. S'agissant des départements d'outre-mer, la progression est particulièrement récente et lente puisque si La Réunion a été intégrée depuis 2011, les départements du continent américain (Guadeloupe, Guyane et Martinique) ne feront l'objet qu'en 2015 de cette enquête. Enfin, aucun de ces travaux ne portent sur la situation à Mayotte pour laquelle une enquête n'est envisagée qu'en 2017 ou 2018.

L'extension de cette démarche à l'ensemble du territoire national serait pourtant utile dans la mesure où les statistiques administratives dans les départements d'outre-mer démontrent un profil de délinquance et de criminalité particulier, avec des faits en nombre largement supérieur par rapport à des départements comme la Seine-Saint-Denis ou les Bouches-du-Rhône, affichant eux-mêmes un nombre de faits fortement supérieur à la moyenne métropolitaine. S'agit-il d'une réalité objective ou est-ce le fruit d'une propension plus forte, constatée outre-mer, à déposer plainte ? Lors de son audition, le directeur général des outre-mer a incliné pour la seconde hypothèse ; l'expérience montre cependant que, par découragement, les particuliers renoncent à déposer plainte, provoquant une baisse statistique.

Pour votre rapporteur, cette absence de prise en compte des populations d'outre-mer dans la mesure statistique sur le niveau de sécurité, justifiée essentiellement par des questions de coût budgétaire, paraît difficilement concevable, marquant une forme de désintérêt pour la situation de nos compatriotes ultramarins. L'État se prive, en outre, d'un outil supplémentaire pour adapter et faire évoluer le dispositif de sécurité et la réponse pénale mis en place outre-mer.


* 1 Réalisée par l'Insee depuis 2007, cette enquête, menée chaque année auprès d'environ 25 500 ménages résidant en France métropolitaine, vise à connaître les faits de délinquance dont les ménages et leurs membres ont pu être victimes dans les deux années précédant l'enquête (cambriolages, vols ou dégradations de véhicules ou de logements, vols personnels, violences physiques, menaces ou injures) ainsi que l'opinion des personnes concernant leur cadre de vie et la sécurité.

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