C. LES CLASSES PRÉPARATOIRES INTÉGRÉES : UN MODELE EFFICACE À PRÉSERVER

1. Les spécificités des classes préparatoires intégrées

Les classes préparatoires intégrées (CPI) s'adressent aux étudiants et demandeurs d'emploi de condition modeste pour les aider à préparer les concours externes de la fonction publique.

Créé à partir de 2006 dans une optique de diversification de la fonction publique, ce dispositif comprend un soutien pédagogique renforcé , une aide financière via l'allocation pour la diversité 42 ( * ) ainsi que des facilités d'hébergement et de restauration.

Il existe aujourd'hui 25 CPI , dont la majorité prépare à des concours de catégorie A+ et A comme la CPI de l'ENA, celles des IRA ou encore celle de l'Institut national du patrimoine 43 ( * ) . 23 CPI concernent la fonction publique d'État et deux la fonction publique hospitalière 44 ( * ) .

Les CPI comptent 476 élèves au total, dont 66 % présentent un revenu annuel inférieur à 20 000 euros. 35 % de ces étudiants sont également originaires des quartiers prioritaires de la politique de la ville.

La sélection des étudiants de CPI

Chaque année, les CPI reçoivent environ 2 450 candidatures pour un taux d'admission moyen de 19,4 %.

Pour être éligible à ce dispositif, le candidat doit remplir trois conditions :

a) être étudiant ou demandeur d'emploi ;

b) présenter le niveau de diplôme requis pour le concours préparé 45 ( * ) et avoir les bases académiques suffisantes pour espérer le réussir ;

c) justifier d'une condition sociale modeste. Ce critère comprend notamment un seuil de ressources - les revenus déclarés devant être inférieurs à 33 100 euros annuels 46 ( * ) -, ainsi que des considérations géographiques et sociologiques, comme la domiciliation ou le suivi d'études dans un quartier prioritaire de la politique de la ville.

Les dossiers sont examinés par une commission de sélection qui convoque les candidats admissibles à un entretien personnel avant de dresser la liste des admis. Aucune épreuve écrite n'est prévue, ce qui peut représenter une difficulté pour évaluer le niveau des candidats comme l'ont démontré les auditions de votre rapporteur.

Le modèle pédagogique des CPI repose sur un accompagnement renforcé : chaque classe accueille en moyenne 19 élèves . Leur effectif ne dépasse que rarement les 20 étudiants 47 ( * ) , ce qui permet un contact direct avec les professeurs. Des tuteurs apportent également un soutien personnalisé et adapté aux besoins de chaque étudiant.

S'agissant de l'organisation des CPI, deux modèles sont à distinguer :

- les CPI assurant elles-mêmes l'ensemble des enseignements comme celle de l'Institut National du Travail, de l'Emploi et de la Formation Professionnelle (INTEFP) préparant au concours d'inspecteur du travail ;

- les classes préparatoires intégrées délégant une partie des enseignements à d'autres structures comme la CPI de l'Institut national du patrimoine (INP).

La CPI de l'Institut national du patrimoine, un modèle partenarial

Créée en 2010, la CPI de l'Institut national du patrimoine accueille chaque année 12 étudiants afin de les préparer au concours de conservateur du patrimoine 48 ( * ) . Trois d'entre eux sont admissibles à ce concours en 2015.

Cette CPI fonctionne à partir d'un modèle partenarial , les élèves suivant du lundi au jeudi les cours :

- de l' École du Louvre pour ceux préparant l'une des spécialités suivantes du concours : archéologie, musées, patrimoine scientifique, technique et naturel ou monuments historiques et inventaire (9 étudiants pour la promotion 2015-2016) ;

- ou de l 'École nationale des chartes pour ceux ayant choisi la spécialité relative aux archives (3 étudiants).

La CPI assure, pour sa part, les cours du vendredi consacrés aux langues vivantes, aux séminaires thématiques sur le métier de conservateur et aux devoirs sur table.

Outre l'allocation pour la diversité versée par l'État (2 000 euros par an), les élèves bénéficient d'un soutien financier d'une structure privée - la Fondation Culture et Diversité 49 ( * ) - s'élevant à 2 000 ou à 4 000 euros par an en fonction de leur niveau de ressources. La Fondation propose également des solutions de logement et des prêts à taux zéro.

Si la DGAFP n'est pas en mesure de calculer précisément le budget global des CPI 50 ( * ) , le coût moyen d'un élève est estimé à 15 000 euros , ce qui représenterait une dépense globale d'environ 7,14 millions d'euros par an.

2. Des résultats très encourageants

Votre rapporteur souhaite saluer la qualité des enseignements dispensés par les CPI ainsi que leurs résultats.

Le taux d'évaporation en début de scolarité 51 ( * ) reste faible (3,3 %). Surtout, 47 % des étudiants des CPI réussissent un concours administratif à l'issue de cette formation : 23 % obtiennent un concours de catégorie A, 20 % un concours de catégorie B et 4 % un concours de catégorie C.

Ces chiffres n'intègrent pas les « réussites tardives » , c'est-à-dire les étudiants n'obtenant pas un concours à l'issue de leur formation en CPI mais une ou plusieurs années après. Pour l'ENA, cas dans lequel le nombre de « réussites tardives » est connu, le taux de réussite aux concours s'élève à 76 %. Les bons résultats de cette CPI s'expliquent également par sa capacité à préparer à d'autres concours de catégorie A+ ou A (INET, IRA, etc .).

Résultats des élèves de la CPI de l'ENA

Source : Commission des lois du Sénat à partir des données de l'ENA

La CPI de l'École nationale d'administration

La CPI de l'ENA, que votre rapporteur a visitée le 15 octobre 2015, a été créée en 2009.

Elle accueille 20 élèves en 2015 - soit quatre de plus qu'en 2014 - pour 187 candidatures reçues. 90 % de ses élèves sont boursiers et 32 % proviennent de zones prioritaires urbaines ou rurales. La prise en compte de la ruralité dans la sélection des candidatures - qui n'est pas pratiquée par toutes les CPI - semble très opportune au regard des difficultés rencontrées par ces territoires.

La gestion de la classe préparatoire intégrée est assurée par le directeur de la formation de l'ENA, un chargé de mission et une assistante de formation. Deux anciens élèves de l'École participent également à la coordination de l'équipe pédagogique, qui se compose d'une vingtaine d'intervenants.

La CPI de l'ENA a signé une convention avec l'université Paris I et l'École normale supérieure - qui préparent également aux concours administratifs - pour mutualiser les cours magistraux et les galops d'essai. Ce partenariat permet de maîtriser les coûts du dispositif et de créer une plus grande émulation à l'intérieur de la CPI.

3. Un modèle à préserver
a) Pour une augmentation raisonnée des effectifs

Le Gouvernement s'est fixé comme objectif d'accueillir 1 000 élèves dans les CPI d'ici 2016 52 ( * ) , ce qui correspondrait à un doublement des effectifs de ces classes.

Deux stratégies sont envisageables pour atteindre cet objectif :

- doubler les effectifs de chaque classe préparatoire intégrée, le nombre moyen d'étudiants passant ainsi de 19 à 38 ;

- créer de nouvelles CPI dans des domaines ou des zones géographiques qui ne sont pas couverts par ce dispositif à l'heure actuelle.

Cette seconde stratégie paraît plus pertinente. Il convient, en effet, de s'assurer que cette augmentation des effectifs ne remette pas en cause le modèle pédagogique des CPI et les suivis individualisés qu'elles proposent.

Cette stratégie nécessite toutefois la mobilisation de nouveaux acteurs. Votre rapporteur s'étonne notamment de l'absence de CPI dans la fonction publique territoriale, ce dispositif paraissant totalement transposable à la préparation des concours de cette dernière.

b) Pour une soutenabilité budgétaire du dispositif

Quelle que soit la stratégie de développement suivie, la hausse du nombre d'élèves accueillis en CPI suppose un accroissement de leurs ressources budgétaires d'environ 7,14 millions d'euros 53 ( * ) . L'exécutif précise d'ailleurs que « la soutenabilité budgétaire du dispositif, a fortiori si l'on souhaite le renforcer, est en question face à l'augmentation du nombre de dossiers de candidature à l'entrée des CPI et aux contraintes budgétaires rencontrées par les ministères. Ces contraintes conduisent souvent les écoles à recentrer leur activité sur la formation statutaire au détriment des CPI » 54 ( * ) .

Aucun accroissement des ressources des CPI n'est explicitement prévu à ce stade même si des redéploiements de crédits sont possibles en cours d'exercice.

Dans le cas de la CPI de l'ENA, la dotation allouée par le Gouvernement (185 000 euros annuels) est restée stable malgré le passage de 16 à 20 étudiants à la rentrée 2015. Face à cette contrainte budgétaire, l'École a diversifié ses sources de financement : le Sénat et l'Assemblée nationale se sont engagés à financer chacun la scolarité de deux étudiants de la CPI en contrepartie de l'organisation de cours spécifiques à la préparation des concours de fonctionnaire parlementaire.

La réussite du modèle partenarial de l'INP démontre que toutes les pistes de financement doivent être étudiées pour conforter le modèle des CPI dans un contexte de tension des finances publiques. La piste d'un renforcement du financement des entreprises s'engageant en faveur de la diversité ne doit pas être exclue.

c) Pour une mutualisation des efforts

Lors de ses auditions, votre rapporteur a constaté que les étudiants ou les demandeurs d'emploi de condition modeste éligibles au dispositif des CPI ne le connaissent pas suffisamment, notamment lorsqu'ils étudient à l'université 55 ( * ) .

Il apparaît donc nécessaire de créer un véritable chaînage entre le milieu universitaire, les acteurs du marché du travail (Pôle emploi, missions locales, etc .), ceux de la politique de la ville et les CPI .

Le Gouvernement envisage, à cet effet, de lancer une campagne de communication à la rentrée 2016 pour mieux faire connaître les classes préparatoires intégrées.

En complément, il semble indispensable de mieux coordonner les 25 CPI existantes et de mutualiser leurs démarches. Pour ne prendre qu'un exemple, un courrier commun des 25 CPI pourrait être transmis à chaque université pour que leurs étudiants soient informés de l'ensemble des dispositifs existants.

*

* *

Sous le bénéfice de ces observations, votre commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits du programme Fonction publique de la mission Gestion des finances publiques et des ressources humaines inscrits au projet de loi de finances pour 2016.


* 42 D'un montant de 2 000 euros, cette allocation est versée à 86 % des élèves des CPI pour un montant global de 732 000 euros.

* 43 La liste complète des CPI est disponible à l'annexe 5.

* 44 À savoir les CPI de l'École des hautes études en santé publique (EHESP) basées à Rennes et Paris. Elles préparent à quatre concours : directeur d'hôpital, directeur d'établissement sanitaire, social, médico-social, inspecteur de l'action sanitaire et sociale, attaché d'administration hospitalière.

* 45 Ce niveau correspond généralement à la licence, soit trois années d'études après le baccalauréat.

* 46 Les revenus pris en compte sont ceux du candidat ou de ses ascendants s'il est encore à leur charge.

* 47 Sauf pour les CPI des IRA (entre 25 et 35 élèves), celles de l'École nationale de la magistrature (45 étudiants) et de l'École nationale de protection judiciaire de la jeunesse (45 élèves).

* 48 Présents dans la fonction publique d'État et territoriale, les conservateurs du patrimoine sont chargés d'entretenir et de valoriser les monuments, archives et oeuvres d'art.

* 49 Créée en octobre 2006, cette fondation est financée par Fimalac, une société privée intervenant notamment dans les secteurs de l'hôtellerie, de l'immobilier et des services financiers.

* 50 Certaines CPI fonctionnant à partir des ressources propres des écoles de service public et ne disposant pas d'une comptabilité analytique.

* 51 Taux correspondant aux étudiants admis en CPI mais ne se présentant pas aux cours.

* 52 Feuille de route « égalité des chances et citoyenneté » du Premier ministre du 6 mars 2015 et note de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique du 9 avril 2015.

* 53 En reprenant l'hypothèse que le coût moyen d'un étudiant en CPI s'élève à 15 000 euros. Si des économies d'échelle ne sont pas à exclure avec l'augmentation des effectifs, certaines dépenses sont incompressibles (notamment les appuis financiers et les aides au logement).

* 54 Source : réponses au questionnaire budgétaire.

* 55 Les instituts d'études politiques (IEP) semblent plus proactifs que les universités, notamment grâce aux relations qu'ils entretiennent avec l'ENA.

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