D. UNE RÉFLEXION PLUS LARGE EST NÉCESSAIRE SUR LE RÔLE ET LA PARTICIPATION DES AVOCATS AUX MISSIONS D'AIDE JURIDIQUE

Votre rapporteur constate que la réforme attendue de l'aide juridictionnelle n'a toujours pas eu lieu, et qu'une nouvelle fois, un gouvernement propose une solution transitoire qui n'assure pas la pérennité d'un dispositif pourtant absolument nécessaire dans le cadre de l'État de droit.

La réflexion à conduire dépasse bien évidemment le cadre d'un avis budgétaire et elle a été fortement enrichie par plusieurs rapports successifs.

Toutefois, il a soumis à votre commission les deux observations suivantes.

En premier lieu, il semble qu'on ne peut pas dissocier la crise du financement de l'aide juridictionnelle de la crise économique de la profession d'avocat. En effet, même si elles n'y prennent qu'une part limitée, deux autres professions, les huissiers et les notaires, délivrent des prestations d'aide juridictionnelle sans que se posent des questions de rétribution de leur mission. La raison en est que ces missions restent minoritaires dans leur chiffre d'affaires et que le manque à gagner éventuel est compensé par les autres actes accomplis. Pour les 16 % d'avocats qui accomplissent 84 % de l'aide juridictionnelle, la variation de l'unité de valeur est cruciale.

À ceci s'ajoute le fait, qu'en vingt ans, le nombre d'avocats a doublé, puisqu'il est passé de 30 000 en 1995 à un peu plus de 60 000 en 2014. Cette explosion démographique n'est pas sans conséquence sur la paupérisation d'une partie de la profession et sa dépendance aujourd'hui très forte à l'aide juridictionnelle .

En second lieu, votre rapporteur a soumis à votre commission pour avis une observation formulée par le président du conseil national de l'aide juridique. Il n'existe pas, pour les avocats, une obligation d'aide juridictionnelle, comme il existe, pour les médecins exerçant à titre libéral, une obligation de garde 17 ( * ) . La conséquence en est, dans certains territoires, une absence d'assistance juridique pour les justiciables les moins fortunés, et, dans d'autres, des professionnels qui n'accomplissent jamais aucune prestation d'aide juridictionnelle.

Interrogée sur ce point en séance publique par votre rapporteur, la garde des sceaux, Mme Christiane Taubira, a indiqué qu'une telle disposition se heurterait au fait que de nombreux avocats se spécialisent dans des domaines d'activité (droit des affaires, droit fiscal, fiducie ou droit des sociétés...) qui ne sont pas susceptibles de relever de l'aide juridictionnelle. Toutefois cette objection concerne moins le principe de cette obligation que la nécessité de déterminer, pour les intéressés, une modalité de participation plus adaptée à la politique d'aide juridictionnelle.

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Au bénéfice de l'ensemble de ces observations et sous réserve de l'adoption de son amendement, la commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés à la justice judiciaire et à l'accès au droit dans le projet de loi de finances pour 2016.


* 17 Cette obligation de garde est fondée sur l'article 77 du code de déontologie médicale (R. 4127-77 du code de la santé publique) qui dispose qu'« il est du devoir du médecin de participer à la permanence des soins dans le cadre des lois et des règlements qui l'organisent ».

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