Avis n° 141 (2016-2017) de MM. Gérard CÉSAR , Jean-Jacques LASSERRE et Mme Frédérique ESPAGNAC , fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 24 novembre 2016

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N° 141

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2016-2017

Enregistré à la Présidence du Sénat le 24 novembre 2016

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des affaires économiques (1) sur le projet de loi de finances pour 2017 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

TOME I

AGRICULTURE, ALIMENTATION, FORÊT ET AFFAIRES RURALES

Par MM. Gérard CÉSAR, Jean-Jacques LASSERRE et
Mme Frédérique ESPAGNAC

Sénateurs.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Claude Lenoir , président ; Mmes Élisabeth Lamure, Delphine Bataille, MM. Alain Bertrand, Martial Bourquin, Gérard César, Alain Chatillon, Daniel Dubois, Joël Labbé, Michel Le Scouarnec, Yannick Vaugrenard , vice-présidents ; M. Marc Daunis, Mme Valérie Létard, M. Bruno Sido , secrétaires ; MM. Gérard Bailly, Jean-Pierre Bosino, Henri Cabanel, François Calvet, Roland Courteau, Alain Duran, Mmes Frédérique Espagnac, Dominique Estrosi Sassone, M. Daniel Gremillet, Mme Annie Guillemot, MM. Michel Houel, Serge Larcher, Jean-Jacques Lasserre, Daniel Laurent, Philippe Leroy, Mmes Marie-Noëlle Lienemann, Anne-Catherine Loisier, MM. Michel Magras, Franck Montaugé, Robert Navarro, Jackie Pierre, Ladislas Poniatowski, Mme Sophie Primas, MM. Yves Rome, Henri Tandonnet .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : 4061, 4125 à 4132 et T.A. 833

Sénat : 139 et 140 à 146 (2016-2017)

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

L'examen des crédits en faveur de l'agriculture inscrits au sein du projet de loi de finances constitue l'occasion pour le Sénat d'analyser, à travers le budget qui y est consacré, les priorités de la politique agricole.

Celle-ci est d'abord conduite à l'échelon européen : les crédits européens en provenance de la politique agricole commune (PAC) sont d'ailleurs beaucoup plus importants que les crédits nationaux : 9 milliards d'euros par an environ pour la France dont 7,5 milliards sur le premier pilier et 1,6 milliards d'euros sur le deuxième pilier.

La PAC n'est pas seulement une machine à distribuer des crédits : ses règles structurent fortement les politiques agricoles des États-membres : le verdissement oriente les agriculteurs vers des pratiques visant à mieux respecter l'environnement : non-retournement des prairies, diversité des assolements, conservation des surfaces d'intérêt écologique. La PAC incite aussi fortement à mettre en place des soutiens aux jeunes agriculteurs, au développement de l'agriculture biologique ou encore à la compensation des handicaps naturels.

Cela ne signifie pas qu'il n'existe aucune marge de manoeuvre nationale : les politiques de soutien aux filières, le soutien technique à l'agriculture, relèvent de choix nationaux.

Le budget 2017 en faveur de l'agriculture s'élève à un peu plus de 5 milliards d'euros , en tenant compte des crédits en faveur de l'enseignement et de la recherche agricoles, qui ne figurent pas au sein de la mission « agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » (MAAFAR) ou au comte d'affectation spéciale « développement agricole et rural » (CASDAR). Seuls ces deux budgets sont soumis à l'examen de notre commission.

Les moyens de la MAAFAR augmentent fortement , passant de 2,79 milliards d'euros en autorisation d'engagement (AE) et 2,72 milliards d'euros en crédits de paiement (CP) en 2016 à 3,40 milliards d'euros en AE et 3,36 milliards en CP en 2017.

Cette augmentation d'un peu plus de 600 millions d'euros s'explique principalement par l'inscription au budget du ministère de l'agriculture d'une enveloppe supplémentaire de 480 millions d'euros pour compenser auprès de la mutualité sociale agricole la réduction des 7 points de cotisations sociales des exploitants agricoles, décidée début 2016. Le reste des crédits est relativement stable.

Les moyens du CASDAR sont reconduits pour 2017 à 147,5 millions d'euros, mais, la conjoncture agricole fait légitimement douter de la capacité à disposer réellement des sommes prévues.

La situation économique des agriculteurs français est en effet particulièrement difficile en cette fin d'année 2016.

Aux difficultés qui existaient déjà l'année dernière pour les producteurs de lait ou encore les éleveurs du secteur de la viande, la météo particulière du printemps dernier a conduit à des baisses spectaculaires de rendement en grandes cultures et particulièrement en blé.

Des plans de crise ont été mis en oeuvre au niveau européen comme au niveau national , mais ils interviennent tardivement et relèvent d'une logique de mesures ponctuelles qui ne répondent pas aux difficultés structurelles de l'agriculture française.

Surtout, par l'ampleur des crédits en jeu, les plans de crise montrent les limites de l'examen du budget de l'agriculture par la Parlement : il existe ainsi un écart très important entre le budget voté et le budget exécuté. De nouvelles ressources doivent ainsi être trouvées en cours d'année pour faire face à des besoins imprévus. Cette insuffisance des crédits pour 2016 en cas de crise avait déjà été pointée par vos rapporteurs l'année dernière, lors de l'examen des crédits en faveur de l'agriculture du précédent budget.

On peut regretter que la proposition de loi sénatoriale en faveur de la compétitivité de l'agriculture et de la filière agroalimentaire débattue entre la fin 2015 et le début 2016 n'ait pas pu aboutir , après deux lectures au Sénat. Toutefois, certaines des propositions qu'elle portait ont fait l'objet d'une mise en oeuvre par les pouvoirs publics : prise en compte des coûts de production dans les formules de prix des contrats agricoles, instauration de conférences de filière, expérimentation de l'étiquetage de l'origine des produits transformés à base de viande ou de lait, ou encore réduction des cotisations des exploitants agricoles ou allègement du régime des installations classées d'élevage sont autant d'avancées positives pour les agriculteurs.

Lors de sa réunion du 23 novembre 2016, la commission des affaires économiques a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour 2016 au sein de la mission : « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », et au sein du compte d'affectation spéciale « développement agricole et rural », les rapporteurs Gérard César et Jean-Jacques Lasserre recommandant un avis défavorable et la rapporteure Frédérique Espagnac recommandant un avis favorable.

I. L'ANNÉE 2016 MARQUÉE PAR LA SUCCESSION DES CRISES AGRICOLES.

A. DES CRISES CONJONCTURELLES QUI RÉVÈLENT DES DIFFICULTÉS STRUCTURELLES.

1. Les difficultés du secteur laitier.

Alors que les quotas laitiers ont disparu depuis 18 mois, la situation de la filière laitière s'est fortement dégradée.

La hausse très forte de la collecte laitière à l'échelle mondiale a été tirée par la hausse de la collecte en Europe : d'après FranceAgrimer, sur les 8 premiers mois de l'année 2016, la collecte mondiale avait progressé de 1,2 % et la collecte européenne de 1,8 %.

L'afflux de lait a conduit au développement de fabrications industrielles : beurre, fromage et poudre de lait.

Après une baisse de 15 % en 2015, les prix du lait ont encore baissé de 8,6 % en moyenne annuelle sur les 9 premiers mois de l'année 2016 , d'après le service statistique du ministère de l'agriculture. Le point bas a été atteint en mai 2016 avec un prix du lait à 285 € la tonne.

Ces baisses de prix ont plongé les producteurs de lait dans de graves difficultés, le coût de production étant estimé par la fédération nationale des producteurs de lait (FNPL) à environ 350 € la tonne.

Mais la conjoncture semble s'être retournée depuis le début de l'été 2016 . La collecte européenne de lait a fléchi dans la quasi-totalité des États-membres de l'Union européenne - sauf les Pays-Bas et l'Irlande - pour s'établir à environ 1,5 % en dessous de la collecte de l'année précédente en juin, juillet et août derniers.

Les produits industriels ont ainsi connu une forte hausse depuis l'été : le beurre, en particulier, retrouve les niveaux de prix de la fin 2013, à 4 067 € la tonne.

Si des signes positifs d'amélioration de la conjoncture laitière sont aujourd'hui visibles, la filière laitière n'a pas traversé la crise sans dommage. La décollecte laitière est assez forte en France et s'établirait sur un an à environ 3 %, ce qui est considérable 1 ( * ) .

Les conditions climatiques défavorables à la pousse de l'herbe durant l'été ont renforcé la tendance à la décollecte française.

L'annonce en juillet 2016 du plan volontaire de réduction de la production a également joué un rôle dans le rééquilibrage entre offre et demande.

On peut s'inquiéter des effets de long terme de la crise laitière sur la filière française : le découragement des producteurs a terni l'image de la production laitière. La crise a également montré la faible résilience des producteurs de lait à des conditions de prix très dégradées. La filière laitière semble donc vulnérable à tout retournement de conjoncture, ouvrant la voie à un affaiblissement durable dans le paysage européen et mondial.

Au demeurant, si la remontée des prix redonne de l'air aux producteurs, des incertitudes fortes demeurent d'une part sur la volonté des industriels de répercuter rapidement aux producteurs les hausses de prix et d'autre part sur l'atténuation de la hausse que pourrait entraîner la remise sur le marché des quantités de produits laitiers stockés soit à travers le stockage public soit à travers les aides au stockage privé.

2. La filière viande bovine en pleine interrogation.

Les producteurs de viande bovine ont des revenus structurellement b as, dépassant rarement les 15 000 euros ces dernières années.

La filière viande doit faire face à une baisse tendancielle de consommation , qui semble s'être interrompue en 2015, avant de repartir de nouveau en 2016.

Les exportations de bovins vifs, en particulier de jeunes bovins, restent dynamiques vers les destinations traditionnelles comme l'Italie, mais aussi vers des pays-tiers du pourtour méditerranéen, mais l'ouverture des marchés extérieurs est dépendante de la situation sanitaire en France, en particulier la maîtrise de la fièvre catarrhale ovine (FCO), ainsi que de facteurs géopolitiques imprévisibles.

La filière bovine est également pénalisée par l'afflux dans les abattoirs de vaches laitières de réforme, conséquence de la réduction du cheptel qui accompagne la décollecte laitière depuis le début de l'année.

Depuis avril 2016, les cours des gros bovins finis sont en baisse, pesant sur le revenu des agriculteurs.

Or, les prix de l'alimentation animale n'ont pas baissé dans les mêmes proportions.

Bien qu'une analyse récente de FranceAgrimer ait montré que la filière bovine française disposait de réels atouts en matière de compétitivité, du fait du fait de conditions climatiques favorables, d'une bonne maîtrise technique de l'élevage, ou encore d'une offre diversifiée et à proximité des pays de la Méditerranée, structurellement importateurs, la filière est inquiète des conséquences à long terme des accords de libre-échange tendant à ouvrir davantage le marché européen à des importations de viande en provenance du Canada à travers le CETA, ou des États-Unis à travers le TTIP.

3. La filière avicole sous la menace de la grippe aviaire.

Après une nette reprise en 2015, la filière avicole française a connu de nouvelles difficultés en 2016 , avec un recul de la consommation intérieure mais aussi des marchés à l'export.

La progression des importations début 2016 a encore dégradé la situation de la filière : en viande de poulet, la France est importatrice nette depuis 2013 et le solde de nos échanges extérieurs ne cesse de se dégrader depuis : il représentera probablement un déficit commercial de 200 millions d'euros à la fin 2016.

La filière avicole a surtout été marquée en 2016 par la grippe aviaire dans les élevages de palmipèdes gras du Sud-Ouest , qui a conduit à mettre en place un vide sanitaire complet à partir de janvier 2016. Les élevages des départements touchés ont dû mettre en place une interruption totale de production, conduisant à une perte de chiffre d'affaires évaluée par le Comité interprofessionnel des palmipèdes à foie gras (Cifog), à 270 millions d'euros, dont 130 millions pour les éleveurs et 140 millions pour les entreprises de transformation.

Durant la période de vide sanitaire, des mesures de nettoyage et de désinfection ont été entreprises pour prévenir la réapparition de la menace, sans toutefois pouvoir garantir une absence de risque pour l'avenir.

4. Les productions végétales face au défi climatique.

Alors que l'année 2015 avait connu un record avec la production de 72,6 millions de tonnes de céréales, les conditions climatiques très particulières de l'année 2016 ont conduit à une chute spectaculaire de la production , qui devrait s'établir à 44 millions de tonnes, en baisse de près de 20 % par rapport à la moyenne des cinq années précédentes. La production française de colza a également baissé en 2016, passant de 4,6 à 4 millions de tonnes. Le revenu des producteurs de céréales connaît ainsi une baisse spectaculaire en 2016 : selon certaines estimations, il devrait même être divisé par deux.

En viticulture, la production française serait en 2016 de 43,2 millions d'hectolitres, soit 6 % en dessous de la moyenne des 5 dernières années. Le gel de printemps a affecté la production dans certains bassins viticoles : Champagne, Bourgogne et Val-de-Loire. La grêle et le mildiou ont aussi constitué des menaces importantes sur la production 2016. Cette tendance à la baisse de la production paraît désormais s'installer dans le paysage agricole français et suscite une certaine inquiétude. Le secteur viticole est encore tiré par les exportations, mais l'excédent de la balance extérieure sur ce segment majeur pour la France s'est réduit, sous l'effet d'une hausse des importations, combinée à un tassement des exportations vers les autres États-membres de l'Union européenne.

B. DES PLANS DE CRISE À RÉPÉTITION.

1. Le plan européen d'aide à la filière laitière.

Après une année de crise dans le secteur laitier, un plan européen d'aide aux agriculteurs en difficulté de 500 millions d'euros n'a été adopté que le 18 juillet par le Conseil des ministres de l'Union européenne.

Ce plan comporte deux volets :

- Une enveloppe de 150 millions d'euros est consacrée à des mesures de retrait volontaire du marché de quantités de lait excédentaires ;

- Une enveloppe de 350 millions d'euros est destinée au soutien à la trésorerie des exploitations touchées par la crise. La France est destinataire d'un peu moins de 50 millions d'euros et a décidé, comme le permet la réglementation européenne, de doubler cette enveloppe sur des crédits nationaux.

Il fait suite à l'autorisation donnée en mars 2016 aux organisations de producteurs de mettre en place des plans volontaires de réduction de la production, plans difficiles à mettre en oeuvre faute d'incitations.

Ce plan a probablement contribué à une meilleure tenue des prix, mais il est intervenu tardivement , alors même que la réduction du volume de collecte laitière en Europe commençait à être engagée.

La crise du lait 2015-2016 montre l'urgence de l'instauration, dans le cadre de la PAC, de réels mécanismes de régulation des marchés. Ces mécanismes devront permettre une certaine réactivité des autorités, car la gestion de cette crise laisse l'impression que les bonnes décisions ont été prises avec trop de retard pour empêcher la crise de se produire et de prendre l'ampleur qui a été la sienne.

2. Le pacte de consolidation et de refinancement des exploitations agricoles.

Annoncé le 4 octobre 2016, le pacte de consolidation et de refinancement des exploitations agricoles (PCREA) est une réponse nationale aux difficultés de toutes les filières touchées par la crise, et en particulier les grandes cultures. Il vient en complément du plan de soutien à l'élevage (PSEA) annoncé en juillet 2015.

Il comporte diverses mesures :

- Des mesures bancaires , afin que les agriculteurs puissent accéder plus facilement à des solutions de refinancement : création d'un fonds de garantie au sein de BPI-France, destinée à garantie à hauteur de 50 % les prêts contractés par les agriculteurs ; prise en charge par l'État à travers le Fonds d'allègement des charges du coût de la garantie pour les agriculteurs dont l'excédent brut d'exploitation a baissé de plus de 20 % ; prolongation de l'année blanche bancaire jusqu'à la fin 2016.

- Des mesures d'allègement de charges , à travers une possibilité exceptionnelle de calculer les cotisations sociales sur la base des seuls revenus de 2016 ou encore un dégrèvement d'office de la taxe sur le foncier non bâti.

- Des mesures d'amélioration de la trésorerie des exploitations à travers l'anticipation du remboursement de la TVA et une distribution des aides du premier pilier de la PAC dès octobre. Le paiement de l'avance de trésorerie remboursable (ATR) a cependant été retardé par des difficultés techniques, suscitant de la colère dans les campagnes.

En outre, le plan comportait des mesures d'aide à la réorientation professionnelle (ARP) pour les agriculteurs arrêtant leur activité, d'un montant de 3 100 euros par actif.

3. Un impact budgétaire fort des plans de crise.

Le coût budgétaire des crises s'avère particulièrement élevé. Les derniers chiffrages fournis à vos rapporteurs, qui s'appliquent à l'année 2016, en attestent :

- Les montants mobilisés au titre du fonds d'allègement des charges (FAC) s'élèvent à 157 millions d'euros.

- Les dispositifs d'indemnisation dans le cadre des crises sanitaires s'élèvent pour leur part à 134 millions d'euros : 105 millions d'euros au titre de la grippe aviaire dans le Sud-Ouest et 29 millions d'euros au titre de la FCO.

- Les phénomènes climatiques du printemps et de l'été nécessiteront la mobilisation de 81 millions d'euros sur le régime des calamités agricoles .

- Les mesures en faveur de la filière élevage , notamment la filière laitière, nécessitent 50 millions d'euros de crédits nationaux supplémentaires.

- Des mesures sociales sont également prévues pour accompagner les entreprises agricoles en crise, notamment la prise en charge des cotisations par la MSA sur ses crédits d'action sanitaire et sociale, à hauteur de 110 millions d'euros.

Les besoins supplémentaires générés par les crises font l'objet d'abondements en gestion, en utilisant les marges de manoeuvres laissées par la sous-consommation des crédits ordinaires, mais nécessitera aussi l'ouverture de crédits supplémentaires en loi de finances, estimés à environ 300 millions d'euros pour 2016 .

En outre, les mesures de dégrèvement de taxe foncière au bénéfice des agriculteurs, qui représentent environ 137 millions d'euros, doivent faire l'objet d'une sont compensation par l'État tant pour les collectivités territoriales que pour les chambres d'agriculture.

II. UNE AUGMENTATION DES CRÉDITS EN TROMPE-L'oeIL.

A. UN BUDGET EN HAUSSE SENSIBLE.

1. Une refonte de la mission « agriculture » en 2017 qui se traduit par des hausses très fortes de crédits.

Alors que les crédits de la MAAFAR n'avaient cessé de baisser ces dernières années, le projet de loi de finances inverse la tendance.

Pour 2016, les crédits inscrits au projet de loi de finances pour la mission étaient de 2,79 milliards d'euros en AE et 2,72 milliards d'euros en CP. Pour 2017, ces crédits sont portés à 3,40 milliards d'euros en AE et 3,36 milliards en CP en 2017, soit une hausse d'un peu plus de 20 %.

Cette hausse s'explique à la fois par la prise en compte d'une nouvelle mesure d'exonération de charges pour les exploitants agricoles et par l'abondement de plusieurs lignes de crédit qui figuraient déjà dans les budgets précédents.

Les inscriptions de crédits supplémentaires viennent ainsi corriger la sous-budgétisation de certaines actions , le budget agricole ayant perdu presque 900 millions d'euros entre 2012 et 2016.

La maquette budgétaire de la MAAFAR connaît une évolution importante dans le projet de loi de finances pour 2017 puisque le nouveau programme n° 149 intitulé : « Économie et développement durable des entreprises agricoles, agroalimentaires et forestières » est issu de la fusion de l'ancien programme n° 154 « Économie et développement durable de l'agriculture » et de l'ancien programme n° 149 « Forêt ». Bien que la numérotation des actions change, la structure de l'ancien programme 154 est préservée : l'ensemble des dispositifs de l'ex-programme « forêt » est regroupé dans une seule action du nouveau programme n° 149 (action n° 26).

C'est ce programme n° 149 qui enregistre l'essentiel des hausses de crédits de la mission , passant, à périmètre constant, de 1,64 milliards d'euros à 2,23 milliards d'euros en AE et de 1,57 milliards d'euros à 1,20 milliards d'euros en CP entre la loi de finances initiale pour 2016 et le projet de loi de finances pour 2017.

Les crédits en faveur de la sécurité sanitaire, figurant au programme n° 206, enregistrent une légère augmentation , le programme repassant au-dessus de la barre des 500 millions d'euros.

Enfin, le programme n° 215, qui porte pour l'essentiel les dépenses de rémunération des personnels des services centraux et déconcentrés du ministère de l'agriculture, poursuit une décrue modérée , conformément au schéma d'emploi du ministère : les AE passent de 658 à 654 millions d'euros et les CP passent de 662 à 653 millions d'euros.

Cette réduction modérée de la dotation en personnel correspond à une réduction du plafond d'emplois d'environ 200 équivalents temps plein travaillé (ETPT). Les transferts d'effectifs vers la mission « écologie » (- 259 ETPT) sont à peu près compensées par les renforcements des effectifs (+ 280 ETPT) destinés à mener à bien les opérations de paiement des aides de la PAC aux agriculteurs.

2. Les crédits budgétaires de la MAAFAR complétés par de nombreuses autres sources de soutien public à l'agriculture.

L'effort public en faveur de l'agriculture ne se mesure pas qu'à l'aune des seuls crédits budgétaires de la MAAFAR. D'autres dispositifs apportent leur appui financier à l'économie agricole :

Tout d'abord, d'autres missions contribuent à soutenir l'agriculture, et notamment la formation des agriculteurs ou encore la recherche :

- Le programme n° 142 « enseignement supérieur et recherche agricoles » rattaché à la mission « recherche et enseignement supérieur » est doté de 341 millions d'euros en 2017, soit 10 millions d'euros de plus qu'en 2016. Ce programme porte les crédits de fonctionnement des établissements d'enseignement supérieur agricole, mais aussi les bourses aux étudiants.

- Le programme n° 143 « enseignement technique agricole » rattaché à la mission « enseignement scolaire » est doté de 1,42 milliards d'euros en AE et CP en 2017, contre 1,38 milliards d'euros en 2016. Cette augmentation correspond à un renforcement des effectifs enseignants et des assistants de vie scolaire.

- Les crédits de fonctionnement des organismes de recherche scientifique intervenant dans le domaine agricole sont également portés par d'autres budgets : ainsi, le programme n° 172 consacré aux recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires comporte la subvention destinée à l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) à hauteur de 688 millions d'euros, ou encore celle destinée à l'IRSTEA à hauteur de 60 millions d'euros.

Ensuite, les crédits européens représentent 9 milliards d'euros pour 2017 : 7,3 milliards d'euros en provenance du premier pilier de la PAC (aides directes et mesures de marché) et 1,6 milliards d'euros en provenance du deuxième pilier (développement rural). Ils représentent la part la plus importante des soutiens publics à l'économie agricole.

Les collectivités territoriales , en particulier les régions, sont amenées à jouer un rôle croissant en matière de soutien à l'agriculture, notamment dans la mise en oeuvre du deuxième pilier de la PAC. Les aides des collectivités sont estimées à environ 1 milliard d'euros par an.

En outre, les soutiens à l'agriculture passent par des dispositions fiscales : les avantages fiscaux consentis au secteur agricole sont estimés dans le projet de loi de finances à environ 3 milliards d'euros, mais cette estimation est probablement erronée, dans la mesure où la réduction de taxe intérieure de consommation (TIC) sur le gazole non routier (GNR), qui constitue la principale dépense fiscale du programme n° 149 et représente plus de la moitié de l'enveloppe, bénéficie également à d'autres secteurs économiques que l'agriculture. Les soutiens fiscaux réels en faveur de l'agriculture sont donc probablement bien moindres que ceux figurant dans les documents budgétaires.

En outre, les agriculteurs et, plus largement, le secteur de la production comme celui de la transformation bénéficient des mesures transversales comme les allègements de cotisations sociales sur les bas salaires ou encore le crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE).

Enfin, le régime de protection sociale agricole bénéficie aussi de contributions publiques importantes, puisqu'il verse presque 20 milliards d'euros de prestations à ses ressortissants, en prélevant seulement 6 milliards d'euros de recettes sur les exploitants agricoles. Le différentiel est réglé par des contributions des autres régimes.

Comme les années précédentes, vos rapporteurs soulignent ainsi que le budget de la MAAFAR ne représente donc pas la part prépondérante des soutiens publics à l'agriculture , même si elle en constitue l'une des parties les plus visibles.

B. ANALYSE DÉTAILLÉE DES CRÉDITS.

1. Derrière les hausses de crédits, une grande stabilité des mesures de soutien à l'économie agricole au sein du programme 149.

À périmètre constant, sans prendre en compte la forêt, les crédits destinés au soutien à l'économie agricole enregistrent une forte augmentation dans le projet de loi de finances pour 2017 par rapport au précédent, de 8,5 % soit 116 millions d'euros en AE et de 12,5 % soit 160 millions d'euros en CP.

En outre, le financement des exonérations de charges sociales au bénéfice des agriculteurs fait l'objet d'une identification au sein d'une action spécifique, l'action n° 25. Les crédits correspondants expliquent à eux seuls presque 500 millions d'euros sur l'augmentation totale de l'enveloppe de la MAAFAR, puisqu'ils passent de 411 millions d'euros en 2016 à 918 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2017.


• L'action n° 21
est consacrée à l'adaptation des filières à l'évolution des marchés. Elle est dotée de 204,3 millions d'euros en AE et 205,1 millions d'euros en CP, soit 36 millions d'euros de plus qu'en 2016. Cette hausse résulte principalement de :

- l'enveloppe supplémentaire de 28 millions d'euros allouée à la filière canne-sucre outre-mer pour compenser les contraintes qui pèseront sur la filière dans le contexte de la fin des quotas sucriers au 1 er octobre 2017  ; l'aide à la filière canne à sucre se monte au total à 114 millions d'euros ;

- la revalorisation à hauteur de 40 millions d'euros de l'enveloppe complémentaire en faveur de l'outre-mer mise en place en 2009 pour répondre aux besoins d'évolution de la production et de la structuration des filières de diversification animale et végétale (enveloppe CIOM) ;

- la hausse de 2,8 millions d'euros des crédits alloués à la promotion à l'étranger des produits français portant à 8 millions d'euros cette enveloppe , destinée aux opérateurs porteurs de cette politique (Sopexa, Business France, Adepta ...) ; il s'agit là d'un rattrapage car ces crédits n'ont cessé de baisser ces dernières années : ils s'élevaient encore à près de 18 millions d'euros en 2010.

Les autres lignes budgétaires sont stables : le fonds avenir bio, pour sa part, est maintenu à 4 millions d'euros, le budget d'intervention alloué à FranceAgrimer reste doté de 25 millions d'euros et le budget de l'Odeadom conserve une dotation de 6,1 millions d'euros.


• L'action n° 22
consacrée à la gestion des crises reste dotée comme en 2016 à son étiage minimal : 3,8 millions d'euros en AE et 5,5 millions d'euros en CP. Cette dotation finance les dispositifs Agridiff et fonds d'allègement des charges (FAC). Le budget prévu ne correspond en rien aux besoins ordinaires, si bien que des crédits complémentaires devront être dégagés pour la gestion des risques en cours d'année. Vos rapporteurs soulignent également que, comme les années précédentes, aucune enveloppe n'est prévue pour abonder le fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA), qui finance notamment les indemnités au titre des calamités agricoles.


• L'action n° 23
concerne l'appui au renouvellement et à la modernisation des exploitations agricoles. L'enveloppe consacrée à cette action ne représente que 7 % du programme, avec 160,5 millions d'euros en AE et 125 millions d'euros en CP, mais elle joue un rôle essentiel dans l'accompagnement des exploitations à travers plusieurs dispositifs :

- le dispositif de soutien à l'installation est revu du fait de la disparition des prêts bonifiés compensée par la majoration de la dotation jeunes agriculteurs ;

- les crédits en faveur de la modernisation des exploitations sont avec 84,5 millions d'euros en AE et 66,3 millions d'euros en CP. Vos rapporteurs notent que si les AE sont stables, les CP augmentent fortement sous l'effet de la montée en puissance du plan pour la compétitivité et l'adaptation des exploitations (PCAE).


• L'action n° 24
concerne la gestion équilibrée et durable des territoires, avec 389,8 millions d'euros en AE et 380,5 millions d'euros en CP. Les crédits sont en hausse de 5,65 % en AE et 7,3 % en CP soit respectivement 20 et 26 millions d'euros supplémentaires. Cela s'explique par plusieurs phénomènes :

- la poursuite de la revalorisation de l'ICHN représente 8 millions d'euros ;

- la hausse de l'enveloppe allouée aux MAEC et à l'agriculture biologique représente 15 millions d'euros en AE et 20 millions d'euros en CP. Cette hausse s'explique d'abord par la dynamique de contractualisation des nouvelles MAEC avec l'adaptation des cahiers des charges et ensuite par le déploiement du plan ambition bio qui arrive à échéance en 2017 et qui entraîne une forte progression des conversions.


• L'action n° 25
concerne essentiellement la compensation auprès de la mutualité sociale agricole des mesures d'allègement de cotisation sociale dans le secteur agricole, à travers deux dispositifs :

- l'exonération de cotisations sociales pour l'emploi de travailleurs saisonniers demandeurs d'emploi (TO-DE) est maintenue en 2017. Elle consiste en une exonération totale de charges patronales sur les salariés rémunérés jusqu'à 1,25 fois le SMIC et dégressive jusqu'à 1,5 fois le SMIC. Près d'un quart du travail salarié agricole est effectué sous cette forme, soit 611 millions d'heures de travail. Le coût de la mesure est estimé à 438 millions d'euros .

- La réduction de 7 points de la cotisation personnelle maladie des exploitants agricoles , qui touche environ 420 000 exploitants, décidée début 2016, est prise en compte intégralement dans le budget 2017 à hauteur de 480 millions d'euros .


• L'action n° 27
, enfin, comprend l'ensemble des subventions pour charges de services public des opérateurs sous tutelle du ministère de l'agriculture, hors forêt et hors ANSES. Cette enveloppe enregistre une hausse de 18,5 millions d'euros , soit près de 7 %, en AE comme en CP, du fait d'abondements de certains opérateurs sous-financés les années précédentes :

- La subvention à l'Agence de services et de paiements (ASP) est portée à 109 millions d'euros, soit 4 millions d'euros de plus qu'en 2016, afin de lui permettre de faire face aux missions de gestion des aides de la PAC. En outre, une enveloppe exceptionnelle de 11,4 millions d'euros contre 2,8 millions d'euros en 2016 est attribuée pour couvrir les investissements destinés à perfectionner l'outillage de l'ASP, en particulier en matière de calcul des surfaces éligibles aux aides directes, afin d'éviter une nouvelle situation de contentieux avec l'Union européenne pouvant aboutir à des refus d'apurement massifs. Enfin, une subvention de 8 millions d'euros est prévue pour financer la convention entre l'ASP et l'IGN relative à l'actualisation du système informatique d'identification des parcelles dans le registre parcellaire graphique de la PAC.

- La subvention à FranceAgrimer est portée à 93,5 millions d'euros, soit 2 millions d'euros de plus qu'en 2016, afin de restaurer ses moyens de fonctionnement.

- La subvention à l'INAO est légèrement réduite, passant de 17,1 millions d'euros à 16,8 millions d'euros.

- Il en va de même pour l'Institut français du cheval et de l'équitation , dont la subvention passe de 43,2 millions d'euros à 39,3 millions d'euros.

- Les subventions à l'Agence bio (1,5 millions d'euros) et l'Odeadom (4,5 millions d'euros), plus modestes, sont quasi-identiques à celles de l'année précédente.

2. La sécurité sanitaire : un enjeu majeur porté par le programme 206.
a) Faire face aux menaces sanitaires.

Entre la mi-2015 et la mi-2016, la France a dû affronter trois crises sanitaires importantes :

- Dans le secteur végétal , depuis juillet 2015, la bactérie xylella fastidiosa menace la vigne, les vergers, mais aussi les oliviers, le chêne, l'érable et la plupart des espèces végétales. La plupart des foyers sont en Corse, mais quelques cas ont aussi été détectés en région Provence-Alpes-Côte-d'Azur. Il n'existe aucune autre technique que l'arrachage pour lutter contre cette menace.

- Dans le secteur animal , la fièvre catarrhale ovine (FCO) détectée fin 2015 dans des élevages ovins et bovins du Centre de la France a nécessité des mesures de surveillance renforcée et une campagne de vaccination. Depuis, la menace reste élevée mais maîtrisée.

- Fin 2015, les élevages de canards et oies du Sud-Ouest de la France ont aussi été touchées par le virus de l'influenza aviaire , ce qui a nécessité la mise en place d'un vide sanitaire avec arrêt complet de la production. La crise de l'influenza aviaire a mis en évidence les difficultés à faire face à des vecteurs provenant de la faune sauvage, notamment des oiseaux migrateurs.

À ces menaces sanitaires fortes, s'ajoutent des risques traditionnels toujours présents : le virus West-Nile qui touche les chevaux en Camargue, la brucellose bovine ou ovine en montagne, qui touche notamment la population de bouquetins sauvages du massif du Bargy, la peste porcine , qui peut aussi être amenée par les sangliers sauvages, la tuberculose bovine , qui frappe en Côte d'Or et en Dordogne. La surveillance des encéphalopathies spongiformes bovines (ESB) doit rester forte, à travers la surveillance des signes cliniques dans les élevages, le dépistage systématique des bovins abattus de plus de 48 mois, et le retrait systématique des matériels à risque spécifiés (MRS) du circuit alimentaire.

Dans le secteur végétal, la lutte contre la diffusion de la flavescence dorée de la vigne ou encore contre celle du chancre restent aussi des priorités.

L'exigence de détection des risques et d'une réaction rapide des pouvoirs publics est forte dans la mesure où ces maladies animales ou végétales peuvent avoir des répercutions de santé publique, à travers la contamination des aliments, ou la transmission des agents pathogènes à l'homme.

Mais l'exigence d'un haut niveau de sécurité sanitaire est également forte dans la mesure où toute menace sanitaire est en même temps, pour la filière agricole, une menace économique majeure . En cas de maladie animale ou végétale, les consommateurs adoptent un principe de prudence et se détournent des productions risquées. Les marchés à l'exportation se ferment aussi, en particulier sur les animaux vifs, dès lors que la France perd son statut « indemne ». Enfin, des mesures d'abattage peuvent être décidées et perturbent les cycles de production, causant des pertes indirectes qui sont mal prises en compte par les mesures d'indemnisation.

b) Un budget en légère hausse.

Les crédits en faveur de la sécurité sanitaire figurent au sein d'un programme dédié, le programme n° 206 intitulé : « sécurité et qualité sanitaire de l'alimentation ».

Ce programme est doté pour 2017 de 509 millions d'euros en AE et 506,6 millions d'euros en CP , soit une hausse de 4,3 % par rapport à 2016, soit un peu plus de 20 millions d'euros.

La moitié de cette hausse sert à renforcer les moyens humains destinés au contrôle de la sécurité sanitaire des aliments, le programme enregistrant en 2017 la dernière tranche de l'augmentation de 180 postes des services assurant le contrôle des abattoirs . L'année 2017 devrait ainsi voir la création, comme en 2015 et 2016, de 60 postes supplémentaires pour ces missions. L'action n° 4 du programme, qui finance ces mesures, enregistre à elle seule une hausse de ses dotations de 10 millions d'euros.

La hausse s'explique aussi par la nécessité de compenser sur crédits nationaux la baisse des cofinancements européens pour la surveillance des encéphalopathies spongiformes subaiguës transmissibles (ESST), principalement l'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB)

Dans le détail, vos rapporteurs font les observations suivantes :

L'action n° 1 consacrée à la prévention et gestion des risques inhérents aux productions végétales est en forte augmentation tenant compte notamment de l'apparition de la bactérie xylella fastidiosa et de la volonté de la direction générale de l'alimentation (DGAl) de développer des plans d'urgence sur les principaux dangers qui menacent notre territoire. Sur les 25,7 millions d'euros de ce programme, 12 millions d'euros sont consacrés à la surveillance biologique du territoire et 13,7 millions d'euros aux dépenses d'intervention dont 11,8 millions d'euros correspondent aux subventions aux fédérations régionales de défense contre les organismes nuisibles (FREDON).

L'action n° 2 est consacrée à la lutte contre les maladies animales et à la protection des animaux. Elle est dotée de 92,8 millions d'euros en AE et 90,7 millions d'euros en CP , soit près de 7 % de plus que pour 2016. Cette ligne budgétaire sert d'abord à régler les dépenses de surveillance des maladies animales, en particulier les ESST : 14 millions d'euros en AE et CP sont inscrits pour financer les dépistages : c'est 4 millions d'euros de plus que dans le précédent budget, afin de compenser la baisse des crédits européens. Une autre enveloppe de 15,5 millions d'euros en AE et 14,5 millions d'euros en CP est consacrée aux plans d'urgence contre les épizooties et aux visites sanitaires. Une enveloppe de 10 millions d'euros est également consacrée au financement des 20 000 prélèvements par an au titre du contrôle de l'alimentation animale et du médicament vétérinaire. Au total, les dépenses de fonctionnement s'élèvent à 68 millions d'euros en AE et 66 millions d'euros en CP.

L'action n° 2 finance aussi les indemnisations versées aux éleveurs (11 millions d'euros), les subventions aux groupements de défense sanitaire (5,6 millions d'euros), les mesures de gestion du système d'information sur l'identification des animaux, notamment les subventions aux établissements départementaux de l'élevage (4,6 millions d'euros) et les dépenses de protection des animaux (moins d'un million d'euros). Cette année, une enveloppe nouvelle de près de 3 millions d'euros a dû être inscrite pour financer le préjudice subi en matière de retraite par les vétérinaires ayant exercé un mandat sanitaire avant 1990, suite à un contentieux clos par un arrêt du Conseil d'État.

L'action n° 3 concerne la prévention et la gestion des risques sanitaires liés aux denrées alimentaires. Elle est dotée d'une ligne budgétaire de 16,4 millions d'euros contre 14,4 millions d'euros dans le précédent budget. L'augmentation de l'enveloppe s'explique principalement par le renforcement de la lutte contre les salmonelles en élevages (+ 1,3 millions d`euros), nécessaire pour mieux respecter la réglementation européenne.

L'action n° 4 consacrée aux actions transversales porte principalement les crédits en faveur de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES), analysés ci-après. L'enveloppe globale de cette action s'établit à 69 millions d'euros, soit 2 millions d'euros de moins que dans le précédent budget.

L'action n° 5 est résiduelle : 4,3 millions d'euros en AE et 3,9 millions d'euros en CP sont consacrés d'une part à la collecte et l'élimination des animaux morts en dehors des exploitations agricoles, et d'autre part au service public d'équarrissage outre-mer.

L'action n° 6 porte les crédits de personnel des services centraux et déconcentrés du ministère de l'agriculture consacrés à la sécurité sanitaire : l'augmentation de 3,7 % des crédits, qui s'établissent pour 2017 à 297 millions d'euros, s'explique par le renforcement des effectifs évoqué ci-dessus.

Il n'existe pas d'action n° 7 au sein du programme n° 206, en revanche l'action n° 8 est consacrée à la qualité de l'alimentation et à l'offre alimentaire. Cette action est dotée de 3,7 millions d'euros pour 2017 contre 4 millions d'euros en 2016. Elle vise essentiellement à financer les mesures contenues dans le programme national pour l'alimentation (PNA). Cette action est sensée soutenir les projets alimentaires territoriaux (PAT), qui visent à organiser un approvisionnement alimentaire de proximité. L'objectif consiste à mettre en oeuvre une centaine de ces projets. La baisse des crédits sur l'action n° 8 paraît donc assez paradoxale.

c) L'ANSES : un opérateur essentiel de l'État.

Seul opérateur rattaché au programme n° 206, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) est l'organisme de référence d'expertise scientifique dans les domaines de la santé animale, de la protection des végétaux, de l'alimentation, de la santé environnementale et de la santé au travail.

Ses missions n'ont cessé de se développer durant les dernières années, en particulier en matière de produits phytopharmaceutiques. La montée des attentes sociétales conduit l'ANSES à devoir répondre de plus en plus rapidement à des demandes d'expertise, et à développer les actions de veille scientifique et technologique, par exemple sur les perturbateurs endocriniens.

L'ANSES dispose d'un budget d'un peu moins de 138 millions d'euros par an , dont 94 millions d'euros en provenance de subventions de l'État.

La MAAFAR est le principal contributeur à ce budget avec une subvention pour charges de service public de 63,5 millions d'euros en 2016. Cette subvention baisse de 1,5 millions d'euros en AE et 2 millions d'euros en CP dans le projet de loi de finances pour 2017 .

Dans ce contexte, l'ANSES est amenée à réaliser des économies structurelles permises notamment par son installation dans de nouveaux locaux situés à Maisons-Alfort. Toutefois, une part importante des charges de fonctionnement de l'ANSES repose sur ses 11 laboratoires, qui emploient environ 600 personnes sur les 1 350 emplois que compte d'Agence.

Le bon fonctionnement de l'ANSES dépend donc de sa capacité à financer son activité sur la base d'autres ressources que les subventions pour charges de service public.

Environ 10,7 millions d'euros de recettes sont collectées dans le cadre de conventions de recherche et travaux contractualisés, et 4 millions d'euros proviennent de prestations de service.

Par ailleurs, l'ANSES dispose de ressources fiscales affectées , à hauteur de 27 millions d'euros : 7,5 millions d'euros au titre des taxes affectées sur le médicament vétérinaire, 11,5 millions d'euros au titre des taxes affectées sur les produits phytopharmaceutiques, 4 millions d'euros au titre de la taxe sur les dépôts de dossiers de demande d'autorisation de mise sur le marché de ces produits, 2 millions d'euros de redevances sur les biocides et 2 millions d'euros en provenance de la taxe sur les radiofréquences.

La redevance perçue à l'occasion des autorisations de mise sur le marché dépend de l'activité de l'Agence sur cette question. Or, avec le Brexit, une partie des évaluations qui étaient réalisées au Royaume-Uni le seront probablement en France. Ce surcroît d'activité de l'Agence pourrait être intégralement financé grâce à la recette correspondante, à condition que ce produit ne soit pas plafonné par la loi de finances .

En outre, il conviendrait de poursuivre au-delà de 2017 l'assouplissement des conditions d'application du plafond d'emploi de l'ANSES pour permettre à l'Agence de recruter des personnels contractuels pour réaliser des missions intégralement autofinancées par ces recettes, faute de quoi des retards dans la réalisation des évaluations pourraient intervenir, au détriment de l'ensemble de la filière agricole.

3. Les crédits en faveur de la forêt.
a) La forêt : un gisement de croissance « verte » et d'emplois qui nécessite une vision à long terme assortie de financements stables

Le niveau plancher des dotations budgétaires à la forêt proposé pour 2017 ne répond pas aux préconisations de la plupart des rapports publiés sur la forêt et la filière bois depuis 20 ans : la France ne saisit pas suffisamment la chance que constitue sa forêt. Rares sont les secteurs économiques où le potentiel d'emploi est aussi élevé par euro investi. Or, depuis plusieurs décennies, la France consacre quatre à dix fois moins d'argent public à la forêt que les autres pays européens.

L'évolution de la nomenclature budgétaire qui figure dans le document « bleu » pour 2017 ne donne pas l'impression d'une volonté de contrecarrer cette évolution puisque les crédits de la forêt ne font plus l'objet d'un programme à part entière mais d'une simple action et certains acteurs de terrain en tirent un sentiment de rétrogradation.

« L'appel de Mende » en faveur du reboisement, salué par Gouvernement, invite à substituer des financements stables à la dispersion et aux à-coups de la politique budgétaire.

Au cours de son audition par la commission des affaires économiques, le ministre en charge de l'agriculture et de la forêt a insisté les 28,5 millions d'euros, en AE, alloués au Fonds stratégique de la forêt et du bois. En même temps, il a souligné qu'il se joignait à « l'appel de Mende », en rendant hommage à l'initiative lancée par Philippe Leroy et le groupe d'études sénatorial forêt et filière bois.

Extraits de « l'appel de Mende » du 27 octobre 2016.

Il a été lancé par Philippe Leroy et les organisations professionnelles de la filière forêt - bois, à l'issue d'un colloque national intitulé « Renouveler la forêt pour une économie du futur » qui s'est tenu en Lozère.

« Il est urgent d'agir car notre forêt, la forêt française vieillit, se fragilise et n'est pas suffisamment renouvelée. Nous cherchons tous à développer l'usage du bois, promouvoir son rôle et celui de la forêt dans la contribution à la lutte contre le changement climatique.

Or, on entend souvent dire, laissons faire la nature ! Mais si nous laissons faire la nature, quelle production pourrons-nous en attendre ? [...]

Une des résultantes sera une augmentation du déficit de notre balance commerciale, alors que la volonté d'accroître la part du bois dans notre quotidien est bien réelle. Mais dans 30 ans, nous devrons aller le chercher ailleurs ! En Allemagne, en Pologne, en Amérique du Sud...

Car ces pays que je viens de citer ont bien compris eux, l'importance de renouveler leur ressource. Les chiffres ne trompent pas, l'Allemagne plante 300 millions de plants par an, la Pologne 1 milliard, et nous ? 70 millions...

Alors il est urgent d'agir et de combattre l'immobilisme. Je lance un appel avec l'ensemble de la filière bois française à renouveler la forêt pour bâtir notre économie du futur et préserver nos paysages.

Notre société souhaite voir émerger des bâtiments en bois ? Notre filière peut répondre à cette attente avec une ressource plantée et gérée avec un véritable objectif : celui de produire du bois d'oeuvre.

Notre société souhaite éradiquer le plastique pour favoriser des emballages respectueux de l'environnement ? Elle voudrait se chauffer à partir des systèmes de chaleur alimentés par une matière première renouvelable ? Elle rêve d'une chimie verte à base de lignine ? Notre filière organisée sait trouver ces débouchés complémentaires et nouveaux qui valorisent une sylviculture dynamique et durable. [...]

Mais avec quels moyens allons-nous concrétiser cela ? Le Fonds stratégique de la filière forêt bois est créé, les 28 millions d'euros investis par le Ministère en charge de la forêt permettent d'amorcer la pompe d'un système qui doit rapidement atteindre 150 millions d'euros par an pour vraiment permettre d'engager cet effort indispensable. Il reste une sacrée marche à franchir, et pour cela nous avons besoin de vous !

Car nous devons assurer dès maintenant un renouvellement de nos forêts sans plus attendre. Un effort important mais atteignable. Retenez un chiffre : pour 2025 nous devons avoir renouvelé 500 000 ha de forêt ce qui correspond à seulement 3 % de la surface totale actuelle pour rattraper le retard déjà accumulé. Et ensuite atteindre un rythme plus élevé pour renouveler 125 000 ha par an, c'est à dire 0,7 % de la surface forestière chaque année (avec 336 millions de plants). Un objectif ambitieux mais à notre portée techniquement si l'on nous en donne les moyens !

Pour cela nous lançons un appel à nos élus, à nos Ministres concernés car ce sujet est d'importance nationale et ne peut plus attendre, les Ministres de l'économie, du logement, de l'environnement et de la forêt. L'outil existe : le Fonds stratégique forêt bois, il doit atteindre le niveau nécessaire et tous doivent se sentir concernés par l'avenir de notre forêt française qui conditionne l'économie, l'environnement et la société de demain.

L'effort que nous demandons est à notre portée, à votre portée. Renouvelons la forêt pour une économie du futur ! Nous lançons aussi un appel aux citoyens, aux entreprises, aux mécènes...

Vos rapporteurs pour avis se félicitent du soutien apporté par le Gouvernement à cette initiative. Cependant, il convient de souligner que l'appel de Mende est un plaidoyer pour le reboisement - car notre forêt vieillit - et pour que la France joue enfin sa carte forestière de façon beaucoup plus dynamique. Il y a là un énorme potentiel d'emplois et de croissance verte sur nos territoires. Dans ce domaine, l'effet multiplicateur de chaque euro investi par l'État est considérable, mais cela nécessite une action à long terme avec des ressources stables et lisibles.

Or malgré bonne volonté affichée par le Gouvernement, la réalité du financement de la forêt est celle d'un « stop and go » des crédits budgétaires et d'une « tuyauterie » assez compliquée puisqu'aujourd'hui c'est par le biais de la mission écologie et du fonds chaleur, géré par l'ADEME (l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie) que transitent des sommes importantes allouées à la forêt. Ces crédits ne sont pas inscrits au budget de l'État car la gestion du fonds est déléguée à l'Ademe dont les ressources proviennent pour l'essentiel des produits de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) affectés à l'agence.

Créé en décembre 2008, le fonds chaleur a été mis en place, conformément à l'article 19 de la loi Grenelle I afin de soutenir la production de chaleur à partir de sources renouvelables. Sa gestion a été déléguée à l'ADEME. De 2009 à 2014, l'ADEME a engagé 1,202 milliard d'euros pour soutenir 3266 opérations qui ont généré un montant d'investissement de près de 4 milliards d'euros.

Le fonds chaleur a été doté d'une enveloppe de 1,28 milliards d'euros pour la période 2009-2014, soit une moyenne annuelle de 250 millions d'euros et 220 millions en 2014. La ministre de l'écologie a annoncé, le 18 juin 2014, le doublement du fonds chaleur à horizon 2017, avec une montée en puissance progressive dès 2015.

Par ailleurs, afin d'optimiser l'attribution des aides et d'élargir son périmètre, trente millions d'euros ont été fléchés à titre exceptionnel, dans le cadre du contrat de la filière bois, pour financer des investissements portant sur l'approvisionnement en bois, sa préparation et son stockage pour les chaufferies biomasse du fonds chaleur.

Le bon sens consisterait donc à rationaliser les canaux de financement et à garantir à notre politique forestière 150 millions d'euros par an . Cela permettrait de rattraper notre retard par rapport aux autres nations forestières, et de rassembler les acteurs de la forêt : ils sont certes structurellement trop dispersés, mais ils saisissent immédiatement la moindre impulsion financière, fiscale ou réglementaire pour améliorer la gestion groupée et efficace de la forêt. L'appel de Mende est un témoignage de ce potentiel de cohésion et de dynamisme.

L'irrecevabilité financière de l'article 40 n'a pas permis à vos rapporteurs pour avis de déposer un amendement visant à alimenter le fonds stratégique de manière pérenne . Le présent rapport doit donc ici se contenter de mettre en avant l'idée d'un mécanisme nouveau qui consisterait d'abord à rappeler que la filière foret bois compense environ le cinquième des émissions françaises de gaz à effet de serre. En contrepartie, une petite fraction de la composante carbone de la contribution climat énergie - à raison de 150 millions d'euros par an - abonderait le fonds stratégique de la forêt et du bois.

b) Les crédits consacrés à la forêt : la poursuite d'une tendance baissière à un niveau plancher.
(1) La diminution globale des crédits à travers une nouvelle nomenclature budgétaire

Avant le projet de loi de finances pour 2017, les crédits consacrés à la forêt étaient rassemblés dans une « enveloppe » spécifique - l'ancien programme 149 - consacrée au financement de la politique nationale forestière et la filière bois. L'année dernière, ce programme forestier avait atteint un plancher historique, en dessous du seuil symbolique des 300 millions d'euros, avec 277,8 millions d'euros en AE pour et 291,3 millions d'euros en CP.

Dans le budget 2017, les crédits de la forêt ne font plus l'objet d'un « programme » spécifique mais d'une « action », ce qui, comme en témoignent les auditions, peut donner aux acteurs de terrain un sentiment de rétrogradation dans la nomenclature budgétaire. En revanche, les dépenses fiscales relatives à la forêt sont mieux individualisées.

Les données disponibles mettent ainsi en évidence une diminution de 4 millions d'euros des crédits proposés en 2017 pour la forêt par rapport à 2016. Plus précisément, l'action n° 26 « Gestion durable de la forêt et développement de la filière bois », qui reprend les trois actions de la maquette budgétaire pour 2016 consacrées à la forêt et à la filière bois, bénéficie de 12,2 % des budgets du nouveau programme 149. Les crédits s'élèvent à 273,4 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et à 281,5 millions d'euros en crédits de paiement (CP), soit une baisse respective de 0,98 % et de 2,7 % par rapport à l'an dernier.

La tendance des allocations à la forêt reste donc baissière alors même que leur niveau est « au plancher » : les crédits de la forêt avoisinaient 400 millions d'euros en 2003 et ne sont descendus nettement en dessous du seuil de 300 millions d'euros qu'à partir de 2015.

(2) Les crédits consacrés à la forêt publique pour 2017

Près des trois quarts des crédits de l'action 26 sont alloués à la gestion des forêts publiques , c'est-à-dire les forêts domaniales de l'État et des collectivités relevant du « régime forestier ». Il s'agit de financer la gestion de ces forêts, l'établissement de plans d'aménagement, la surveillance et la réalisation de programmes de travaux et de coupes. Ces missions sont mises en oeuvre par l'Office national des forêts (ONF) qui joue ainsi un rôle central pour appliquer la politique forestière de l'État.

Les forêts publiques représentent le quart de la forêt française mais assurent environ 40 % des coupes de bois, ce qui s'explique essentiellement par le morcellement ainsi que la composition de la forêt privée qui occupe les trois quarts de la superficie forestière.

L'action n° 26 alimente principalement le « versement compensateur » de l'État à l'Office national des forêts (ONF) maintenu depuis plusieurs années à 140,4 millions d'euros . Comme son nom l'indique, ce versement compensateur vise à combler la différence entre, d'une part, des charges, c'est-à-dire le coût du régime forestier pour l'ONF et, d'autre part, des recettes, dits « frais de garderie », versés par les communes pour rétribuer l'ONF en contrepartie des services rendus pour gérer les forêts communales. Par ailleurs, la subvention exceptionnelle d'équilibre à l'ONF qui avait été allouée en raison de la baisse des prix du bois est prévue pour 2017 à hauteur de 12,5 millions d'euros contre 15,4 millions d'euros en 2016 et 31,6 millions en 2015 : comme l'a indiqué le représentant de l'ONF au cours des auditions, cette diminution est une conséquence de l'amélioration de la situation de l'ONF.

22,3 millions d'euros , comme en 2014, 2015 et 2016, devraient en outre financer diverses missions d'intérêt général (MIG) confiées par voie de conventions spécifiques à l'ONF, avec, en particulier : la défense contre les incendies en région méditerranéenne, l'appui aux directions départementales de l'agriculture, de l'alimentation et de la forêt des départements d'Outre-mer, pour la mise en oeuvre de la politique forestière de l'État, et les travaux d'investissements nécessaires pour contenir le mouvement des dunes domaniales littorales sur la côte atlantique.

Enfin, la restauration des terrains en montagne (RTM) par l'État sur les terrains domaniaux se verrait allouer en 2017 8,6 millions d'euros en autorisations d'engagement et 9,6 millions d'euros en crédits de paiement, soit un niveau identique à celui de 2016. Il s'agit de travaux visant à assurer la sécurité des personnes et des biens face aux risques naturels en montagne.

L'Office national des forêts a été conforté dans sa mission d'acteur fondamental de la gestion forestière par le contrat d'objectifs et de performance (COP) 2016-2020 signé avec l'État.

Depuis plusieurs années divers rapports ont souligné les difficultés structurelles de l'ONF qui se traduisent par des déficits d'exploitations récurrents et un endettement qui avoisine aujourd'hui 300 millions d'euros.

La progression des charges de l'ONF résulte essentiellement d'une augmentation de sa masse salariale , passée de 408 millions d'euros en 2004 à 473 millions d'euros en 2016. L'augmentation du taux de cotisation au compte d'affectation spéciale « Pensions » y est pour beaucoup, puisque ce poste a plus que doublé durant la même période pour atteindre plus de 100 millions d'euros. Si l'office a respecté l'objectif de baisse de ses effectifs de 1,5 % par an fixé par les deux contrats d'objectifs et de performances (COP) signés avec l'État respectivement pour les périodes 2007-2012 et 2012-2016, la masse salariale n'est stabilisée que depuis 2012. Cette stabilisation a été obtenue au prix d'une forte diminution des effectifs de l'Office, qui sont passés de 10 366 agents en 2004 à 9 113 aujourd'hui.

Pour les prochaines années, l'annexe financière du COP 2016-2020 prévoit une augmentation des emplois qui passerait de 9 113 équivalents temps plein en 2016 à 9 313 en 2020, tandis que la masse salariale baisserait légèrement de 473,1 millions d'euros en 2016 à 471,1 millions d'euros en 2020.

Il convient ici de rappeler que l'ONF dispose d'un statut dérogatoire par rapport aux autres établissements publics industriels et commerciaux, puisque les deux tiers de ses agents sont des fonctionnaires alors que les EPIC ont vocation à offrir des postes occupés et pourvus par des agents relevant d'un régime de droit privé. Depuis plusieurs années, l'amélioration statutaire des agents de l'ONF, au-delà de son aspect très positif pour les personnes concernées, est une donnée majeure à prendre en compte pour rééquilibrer le budget de l'Office. Sur ce point, l'ONF a confirmé, au cours des auditions, son intention de recourir à des emplois aidés et à des apprentis pour compenser certains départs en retraites de fonctionnaires : il y a là une occasion propice à relancer, dans ce secteur, l'apprentissage qui, contrairement à l'idée reçue, concerne tous les niveaux de formation jusqu'à celui d'ingénieur.

Face à ces dépenses, l'ONF peine à faire progresser ses recettes. Deux tiers des produits d'exploitation de l'Office dépendent du marché du bois . Or, si les prix du bois ont connu des niveaux historiquement très élevés à la suite des chocs pétroliers de 1973 et de 1979, ce qui permettait à la fois à l'Office et aux propriétaires privés de financer les rémunérations des personnes exploitant la forêt, les tempêtes de 1999 et de 2009 ont provoqué une forte accumulation des chablis disponibles et une saturation du marché, à l'origine d'une chute du prix du bois. De manière plus structurelle, la mondialisation du marché du bois, ainsi que le contexte actuel de crise économique ont entraîné une instabilité des prix de marché. Aujourd'hui, les ventes de bois constituent une ressource irrégulière et déclinante. Le niveau décevant des recettes tirées de la vente de bois par l'ONF en 2014 avait conduit à dégrader sa situation financière et à avancer d'un an l'achèvement de son contrat d'objectifs et de performance pour les années 2012-2016. Entendu par vos rapporteurs pour avis, le représentant de l'ONF a cependant fait observer que 2016 avait été une année de redressement et de désendettement.

L'ONF commercialise chaque année environ 40 % des bois mis sur le marché en France (50 % du chêne, 35 % du sapin-épicéa et 90 % du hêtre) : 6,3 millions de mètres cubes (Mm3) proviennent de la forêt domaniale et 8,3 Mm3 des forêts des collectivités territoriales. Il convient de signaler que certains débouchés du bois liés au vin assurent à l'ONF d'importantes recettes : les chênaies domaniales françaises sont ainsi réputées pour la production de bois à merrain qui entrent dans la fabrication des tonneaux, avec des arbres de 160 et 180 ans.

Le redressement financier de l'ONF repose donc fondamentalement sur l'évolution des ventes de bois et celle de la masse salariale.

Afin de stabiliser la trajectoire financière de l'Office, le Gouvernement a décidé en 2014 d'anticiper dès 2015 la négociation d'un nouveau contrat d'objectifs et de performance entre l'État, l'ONF et la Fédération nationale des communes forestières (FNCOFOR). En effet, depuis 2012, l'État a consenti un effort financier supplémentaire de 100 millions d'euros par rapport à ce qui était inscrit au COP 2012-2016 pour permettre à l'ONF de faire face à ses besoins financiers.

Le nouveau COP pour la période 2016-2020 a été adopté par le conseil d'administration de l'ONF le 17 décembre 2015 puis signé le 7 mars 2006 entre l'ONF, l'État et la Fédération nationale des communes forestières (la FNCoFor). Il poursuit plusieurs grands objectifs : accroître la mobilisation du bois au bénéfice de la filière et de l'emploi, relever le défi du changement climatique et de préservation de la biodiversité,  adapter la gestion de l'ONF aux spécificités des DOM, et enfin stabiliser les effectifs avec gestion dynamique des ressources humaines.

L'équilibre financier de l'Office reposerait sur un effort conjoint de l'État, des collectivités propriétaires de forêts - avec un objectif d'augmentation de la récolte de bois, de regroupement et de contractualisation des ventes de bois - et de l'ONF.

L'idée d'augmenter la contribution financière des communes forestières à l'ONF, envisagée lors des premières phases de la négociation du nouveau COP, a finalement été écartée. En contrepartie, les communes forestières se sont engagées à augmenter les coupes de bois , avec un objectif fixé à 8,5 millions de mètres cubes en 2020, et à se regrouper, ce qui permettra à l'ONF de réaliser des économies d'échelle.

Une telle orientation nécessite de surmonter un obstacle de taille : la difficile acceptabilité sociale des coupes de bois. C'est pourquoi vos rapporteurs pour avis soulignent l'intérêt des campagnes d'information organisées par l'ONF pour mieux faire connaître à nos concitoyens la nécessité de la régénération forestière . Reste que, conformément aux lois de la nature, la repousse n'est visible qu'après plusieurs dizaines d'années ce qui laisse subsister longtemps, dans l'esprit du public, l'impact psychologique de la coupe.

(3) Les crédits relatifs à la gestion et à la reconstitution de la forêt privée.

Les objectifs visés par ces crédits sont l'amélioration de la compétitivité de la filière bois, l'accroissement de la récolte et l'amélioration de la gestion des forêts privées. Celles-ci représentent 75 %de la superficie forestière mais demeurent structurellement handicapées par leur morcellement entre 3,5 millions de propriétaires.

Tout d'abord, la subvention pour charges de service public au bénéfice du Centre national de la propriété forestière (CNPF), est prévue à hauteur de 15 millions d'euros pour 2017, en baisse de 2 % par rapport à 2016 . Rappelons que cette subvention avait été supprimée, en 2015, le CNPF ayant été incité alors à mobiliser une part de son fonds de roulement, puis rétablie en 2016. Le CNPF est, en outre, financé par une part de la taxe additionnelle sur la propriété foncière non bâtie reversée par les chambres d'agriculture, des subventions et des recettes résultant des marchés passés avec l'État et les collectivités territoriales ainsi que par des ressources propres.

Régi par un statut d'établissement public, le CNPF oriente la gestion des forêts privées pour favoriser leur exploitation durable et le regroupement des parcelles. Ses représentants avaient souligné l'an dernier qu'en raison de la ponction opérée en 2015, des formations en sylviculture n'ont pas pu être effectuées et l'insuffisance de trésorerie a pesé sur le préfinancement de projets forestiers. Cette année, ils s'inquiètent de la perspective de devoir recruter des fonctionnaires au moment où l'ONF, en sens inverse fait appel à des apprentis ou à des emplois aidés.

Depuis 2013, le budget poursuit, en second lieu, l'objectif d'une reconstitution du potentiel de production des forêts sinistrées par la tempête Klaus survenue le 24 janvier 2009 dans les régions du Sud-Ouest, qui a touché près de 700 000 hectares, représentant l'équivalent de plus de cinq années de récolte. Ces crédits atteignent, pour 2017, 22,4 millions d'euros en autorisations d'engagement (- 45 % par rapport à 2016) et 35,27 millions d'euros en crédits de paiement.

Ont été également prévus, dès 2009, dans le cadre de ce « plan chablis » Klaus, des prêts bonifiés garantis par l'État , permettant de financer les coûts de mobilisation et de stockage des bois issus des parcelles sinistrées ; un montant d'1 million d'euros en crédits de paiement est prévu à cet effet en 2017, comme en 2014, 2015, puis 2016.

Une subvention de 7 millions d'euros est enfin prévue pour l'Institut technologique Forêt, cellulose, bois-construction, ameublement, qui mène des actions de recherche, d'assistance technique, de formation et de conseil dans le domaine du bois et de sa mise en valeur.

(4) Le fonds stratégique de la forêt et du bois (FSFB) une dotation limitée à moins de 4% des crédits du programme 149.

Le projet de loi de finances pour 2014 a créé un nouvel instrument financier pour la forêt : le fonds stratégique de la forêt et du bois (FSFB). L'article 67 de la loi d'avenir pour l'agriculture du 13 octobre 2014, a inscrit le FSFB dans la loi, et a précisé son rôle à l'article L. 156-4 du code forestier.

Destiné à combler le vide laissé par la disparition en 1999 du fonds forestier national (FFN) créé en 1946, le FSFB a pour principal objectif , dans le cadre des orientations du programme national de la forêt et du bois (PNFB) de soutenir des investissements en amont et en aval de la filière bois, par exemple, pour améliorer la desserte des massifs forestiers, les techniques de prélèvement du bois en forêt, la mutualisation entre entreprises ou encore pour favoriser la constitution d'outils de transformation.

Les crédits budgétaires proposés pour 2017 s'élèvent à 25,4 millions d'euros en autorisations d'engagement et 17,5 millions d'euros en crédits de paiements pour les CP. De plus, 2,80 millions en AE et 2,89 en CP sont prévus en faveur des actions d'animation, d'études, de recherche et d'innovation

Outre les crédits budgétaires, le FSFB est alimenté par environ 3,7 millions d'euros de recettes provenant de la taxe additionnelle à la taxe foncière sur les propriétés non bâties, perçue sur tous les immeubles classés au cadastre en nature de bois et forêt, et qui était affectée avant 2014 aux chambres d'agriculture, pour financer les actions prévues aux les plans pluriannuels régionaux de développement forestier (PPRDF).

Enfin, le FSFB doit percevoir le produit de la taxe de défrichement, créée par la loi d'avenir, et qui devrait rapporter environ 18 millions d'euros par an en régime de croisière. Ces dotations sont complétées par des cofinancements assurés par le Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER).

Incontestablement, comme l'a souligné le ministre en charge de l'agriculture, avec 28,2 millions d'euros pour 2017, les dotations budgétaires au fonds stratégique de la forêt et du bois progressent par rapport à 2016 et, grâce à leur effet de levier, pourraient permettre d'atteindre l'objectif d'un fonds de 100 millions d'euros. Cependant, vos rapporteurs pour avis font observer que ces moyens ne sont pas à la hauteur des ambitions forestières de notre pays. Les professionnels du bois estiment qu'il faudrait un flux stable de 150 millions d'euros par an pour relancer la filière bois . Rappelons que le chiffre d'affaires de la filière dans son ensemble est proche des 60 milliards d'euros, répartis entre la sylviculture et l'exploitation forestière, les industries de première transformation du bois - sciages, placages, panneaux, pâtes à papier - et les industries de deuxième transformation - emballages, construction, ameublement et parquets, papiers et cartons.

4. Des inquiétudes sur le CASDAR
a) Le rôle du CASDAR

Le CASDAR a été créé par la loi de finances pour 2006, afin de reprendre les missions exercées par l'Agence de développement agricole et rural. La mission compte deux programmes :

- Le programme 775 « développement et transferts en agriculture », doté de 70,5 millions d'euros en AE comme en CP pour 2017, comme en 2016, assure traditionnellement le financement des programmes des chambres d'agriculture, de l'assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA), de Coop de France, des autres organismes de développement agricole et rural (ONVAR) et des actions d'accompagnement portant sur des thématiques innovantes. Les actions de génétique animale sont financées sur ce programme, à hauteur de 8 millions d'euros.

- Le programme 776 « recherche appliquée et innovation en agriculture », doté de près de 77 millions d'euros en AE et CP pour 2017, comme en 2016, finance pour sa part les programmes des instituts techniques agricoles et les actions d'accompagnement s'y rattachant, le programme d'expérimentations de FranceAgrimer et les appels à projets, notamment ceux concernant l'agro-écologie.

b) Une recette incertaine ?

Le CASDAR est alimenté par une seule recette : la taxe sur le chiffre d'affaires des entreprises agricoles , régie par l'article 302 bis MB du code général des impôts. Le montant de recette inscrit dans le projet de loi de finances pour 2017 s'élève, comme en 2016, à 147,5 millions d'euros.

Or, le régime juridique applicable aux comptes d'affectation spéciale prévoit que le montant des engagements soit ajusté au niveau de la recette réelle : une réduction des enveloppes de crédits des programmes 775 et 776 est donc à craindre, compte tenu de la conjoncture agricole dégradée.

L'année 2015 a déjà enregistré une recette moindre qu'attendue : 137,5 millions d'euros ont été effectivement encaissés. Déjà l'année dernière, vos rapporteurs craignaient que le même scénario se reproduise en 2016. D'après les informations qui leur ont été fournies par le Gouvernement, la recette réelle encaissée fin août 2016 est de 118 millions d'euros, comme en 2015. Il est donc probable qu'il manquera encore 10 millions d'euros de recettes en 2016 .

Compte tenu de la mauvaise conjoncture agricole 2016, les perspectives sont encore plus dégradées pour 2017 , dans la mesure où le calcul de la taxe se fait sur le chiffre d'affaires de l'année précédente. On peut donc légitimement craindre que des ajustements à la baisse sur les programmes 775 et 776 seront rendus nécessaires en cours d'exercice.

III. LES OBSERVATIONS DE VOS RAPPORTEURS.

A. LE RENOUVELLEMENT DES GÉNÉRATIONS D'AGRICULTEURS : UNE POLITIQUE QUI BÉNÉFICIE DE SOUTIENS MULTIFORME.

1. L'installation : une nécessité pour l'agriculture française.

Selon la MSA, l'âge moyen des exploitants agricoles ne cesse de progresser : il était de 48,4 ans en 2013, et les 40-60 ans représentaient 68 % des chefs d'exploitation en France. Le syndicat des jeunes agriculteurs estime que les moins de 40 ans ne représentent qu'environ 20 % des exploitants.

Le nombre de nouveaux installés n'a cessé de baisser : environ 8 500 par an contre plus de 13 000 il y a une vingtaine d'années.

Pourtant, le taux de maintien des nouveaux agriculteurs après cinq années s'élève à plus de 90 %, et même à plus de 98 % pour les installations effectuées en suivant le parcours accompagné prévu par les pouvoirs publics.

L'installation est depuis de nombreuses années une priorité des pouvoirs publics , car elle conditionne le maintien de notre modèle d'agriculture familiale, où l'exploitant est le propriétaire des moyens de production et participe réellement à la mise en valeur des terres ou encore au travail auprès des animaux de la ferme.

L'installation est également indispensable pour assurer le maintien des structures agricoles sur le territoire et la perpétuation de l'activité agricole. Dans des secteurs comme l'élevage bovin, où la moyenne d'âge des exploitants dépasse les 55 ans, l'enjeu est fort.

La MSA estime que 17 % de terres sont libérables à une échéance de cinq ans, ce qui nécessitera un accompagnement pour garantir leur reprise par des agriculteurs capables d'assurer une succession aux actuels exploitants.

Par ailleurs, le renouvellement des générations contribue positivement aux progrès dans les modes d'exploitation : bénéficiant de formations de bon niveau, les jeunes agriculteurs sont des vecteurs de la diffusion de techniques nouvelles, favorisant les changements de pratique et les mutations de l'agriculture française.

Le projet de loi de finances pour 2017 s'inscrit dans le prolongement des précédents budgets, en fixant un objectif de 6 000 installations aidées l'année prochaine et de 70 % d'installations aidées.

2. Des soutiens multiformes à l'installation en agriculture.

La politique d'aide à l'installation de jeunes agriculteurs repose sur une large palette d'outils , bénéficiant de financements européens et nationaux.

La dotation jeune agriculteur (DJA) est une aide en trésorerie destinée à faire face au démarrage de l'activité. Le montant de la DJA varie de 8 000 à 30 000 € selon la zone d'installation (plaine, zone défavorisée et zone de montagne). Depuis les assises de l'installation en 2015, la DJA fait l'objet de majorations pour les installations hors cadre familial, les projets agro-écologiques et les projets favorables à l'augmentation de valeur ajoutée et de l'emploi. En 2015, la moyenne nationale de la DJA s'établit à 22 000 €, soit en hausse de 30 % par rapport à 2014. Une enveloppe de 40 millions d'euros est inscrite au projet de loi de finances pour 2017, contre 25 millions en 2016. La DJA est cofinancée par le Feader à hauteur de 80 %, soit une enveloppe globale de l'ordre de 200 millions d'euros.

Les prêts bonifiés à l'installation (dits à moyen terme spéciaux ou MTS-JA) visent à faciliter l'installation des jeunes agriculteurs ayant présenté un plan de développement de l'exploitation, désormais nommé Plan d'entreprise, en bénéficiant pendant 5 ans de taux réduits sur les emprunts contractés pour l'acquisition de terres, de parts sociales ou de matériels nécessaires à l'installation. Le taux bonifié est de 2,5 % pour les exploitations situées en zone de plaine, et de 1 % pour les exploitations situées en zone défavorisée ou de montagne. L'avantage que représentent les MTS-JA est plafonné à 11 800 € en zone de plaine et 22 000 € en zone défavorisée. Les faibles taux d'intérêt en vigueur aujourd'hui ont fait perdre de son intérêt à cet instrument, d'où sa suppression pour 2017, les crédits correspondants étant basculés sur le dispositif de la DJA .

Le programme pour l'accompagnement à l'installation-transmission en agriculture (AITA) a pris la suite du programme pour l'installation des jeunes en agriculture et de développement des initiatives locales (PIDIL) et devrait être pleinement opérationnel en 2017. Depuis la disparition du fonds d'incitation et de communication pour l'installation en agriculture (FICIA) en 2015, les financements de ce programme en provenance de la MAAFAR se sont réduits : pour 2017, seule la ligne de 2 millions d'euros consacrée aux stages à l'installation y contribuera. Le financement de l'accompagnement à l'installation repose en effet essentiellement sur l'affectation de la taxe sur la cession de terres agricoles rendues constructibles, plafonnée à 12 millions d'euros. Ce mécanisme reste peu satisfaisant, car il fait peser le risque d'une réduction forte des crédits à l'accompagnement , alors qu'il s'agit là d'une condition majeure de réussite des installations.

Les jeunes agriculteurs bénéficient également d'exonérations dégressives de charges sociales et de charges fiscales durant les cinq premières années de l'installation : l'annexe n° 5 au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 estime à 41 000 le nombre de bénéficiaires de ce dispositif, représentant un coût pour les finances sociales de 36,4 millions d'euros.

Les jeunes agriculteurs bénéficient également d'un abattement fiscal spécifique sur leurs recettes , prévu par l'article 73 B du code général des impôts, qui représente un coût pour les finances publiques évalué dans le projet de loi de finances pour 2017 à environ 42 millions d'euros.

Enfin, les jeunes agriculteurs bénéficient d'une majoration des aides directes au titre de la PAC depuis la dernière réforme en 2014 , ainsi que de majorations dans les taux d'aide au titre de divers dispositifs comme les aides à l'investissement. Versée pour la première fois en 2015, cette aide représente 68 euros par hectare, en complément des droits à paiement de base, dans la limite de 34 hectares par exploitation. L'enveloppe de crédits du premier pilier de la PAC consacrée à ce dispositif représente 71 millions d'euros par an.

Au total, une enveloppe de plus de 350 millions d'euros par an a pour but direct de favoriser l'installation en agriculture.

B. LA PLACE CROISSANTE DU BIO DANS LE PAYSAGE AGRICOLE FRANÇAIS.

1. Le développement rapide de l'agriculture biologique.

Le marché des produits « bio » est en plein essor : la consommation des produits alimentaires issus de l'agriculture biologique représentait 5,76 milliards d'euros en 2015, dont 5,5 milliards pour la consommation à domicile des ménages. Les achats de produits bio pour la consommation alimentaire des ménages et la restauration collective ont progressé de 15 % en 2015 par rapport à 2014. D'après l'Agence bio, le marché pourrait progresser encore de 20 % en 2016 . Les achats de produits bio servis en restauration collective sont encore faibles (225 millions d'euros en 2015) mais ont progressé de 18 % par rapport à 2014.

Les produits bio provenant de France représentent 76 % des produits consommés dans le pays. Parmi les produits importés la moitié viennent de pays de l'Union Européenne et l'autre moitié du reste du monde. Près de la moitié des importations est constituée de produits exotiques et de spécialités gastronomiques que l'on ne produit pas en France. Les entreprises françaises ont également vendu en 2015 pour 435 millions d'euros de produits bio à l'exportation. Les vins représentent deux tiers de ces exportations.

Après une pause au début des années 2000, le bio progresse de nouveau depuis 2009 . Selon l'Agence bio, on comptait au 30 juin 2016 31 880 producteurs bio. La part de la SAU française en bio atteindrait 5,8 % de la SAU totale, soit 1,5 millions d'hectares.

La progression est forte en viticulture , le vignoble bio représentant désormais 8,7  % des surfaces. Elle est forte aussi en céréales, la demande de farine bio étant en forte progression.

La progression du bio se déploie sur toute la France, mais certaines régions sont plus en avance que d'autres : ainsi, la part de la SAU engagée en bio dépasse les 20 % sur tout le pourtour méditerranéen.

Le projet de loi de finances pour 2017 fixe un objectif ambitieux de développement de l'agriculture biologique en visant 10 % des agriculteurs certifiés en agriculture biologique l'année prochaine.

2. Une progression des moyens consacrés à l'agriculture biologique.

Les agriculteurs en bio bénéficient des droits à paiement de base (DPB) du premier pilier de la PAC, au même titre que l'agriculture conventionnelle. En outre, les surfaces en production biologique sont considérées comme respectant automatiquement l'exigence de verdissement, ce qui donne accès mécaniquement au « droit à paiement vert », complément du DPB. L'agriculture biologique bénéficie par ailleurs d'aides spécifiques qui reposent sur trois dispositifs :

- L'aide à la conversion à l'agriculture biologique .

- L'aide au maintien de la production biologique .

- Le crédit d'impôt en faveur de l'agriculture biologique .

Ces aides visent à réaliser l'objectif de doublement des surfaces en bio d'ici fin 2017, prévu par le programme « Ambition bio 2017 » présenté en décembre 2013.

En outre, le bio dispose de crédits destinés à financer l'accompagnement technique, notamment par l'Agence bio.

(a) Les aides à la conversion et au maintien.

Dans le cadre de la PAC à partir de 2015, les aides à la conversion et au maintien de l'agriculture biologique sont financées par le second pilier de la PAC grâce à des mesures dédiées, articulées avec les mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC). Ces aides sont versées annuellement.

L'aide à la conversion (dite aide SAB C)

L'agriculteur peut demander l'aide à la conversion pour tout ou partie de son exploitation, lorsqu'il s'engage à poursuivre une activité en agriculture biologique pendant une durée minimale de 5 ans à compter du 15 mai de l'année au titre de laquelle la demande est déposée pour la première fois.

L'aide au maintien (dite aide SAB M)

Elle concerne les parcelles déjà converties vers l'agriculture biologique et ne bénéficiant pas de l'aide à la conversion. Initialement proposée par quelques collectivités territoriales dans le cadre du Programme de Développement Rural Hexagonal 2007-2013 (PDRH), elle est généralisée en France depuis la campagne 2010. Pour être éligibles les surfaces déclarées en agriculture biologique doivent être certifiées en agriculture biologique au 15 mai de l'année de la demande.

Le financement de ces dispositifs

Le plan de développement de l'agriculture biologique « Ambition Bio 2017 » prévoit qu'un montant de 160 millions d'euros par an en moyenne (75 % de crédits européens du FEADER et 25 % de crédits nationaux du MAAF) soit apporté pour le financement de ces deux dispositifs, contre 90 millions d'euros par an mobilisés en 2012 et 2013 pour les mêmes aides.

Dans le projet de loi de finances pour 2017, les crédits en faveur du bio et ceux destinés aux mesures agroenvironnementales figurent sur la même ligne budgétaire, dotée de 85 millions d'euros en AE et 75,8 millions d'euros en CP.

(b) Le crédit d'impôt en faveur de l'agriculture biologique.

Dans le cadre de la Loi d'orientation agricole du 5 janvier 2006, un crédit d'impôt en faveur de l'agriculture biologique a été mis en place pour les exploitations comportant des surfaces et ou des animaux certifiés « agriculture biologique ».

Le montant de l'avantage fiscal accordé est de 2 500 € par an pour les exploitations dont au moins 40 % des recettes proviennent d'activités agricoles relevant du mode de production biologique.

Ce crédit d'impôt est cumulable avec les aides à la conversion à l'agriculture biologique et au maintien de l'agriculture biologique dans la limite de 4 000 € au titre de chaque année.

Ce dispositif, initialement mis en place en 2006, a été prorogé par la loi de finances pour 2015 et ce jusqu'à la fin 2017, pour accompagner le programme « Ambition bio 2017 ».

Pour la période 2013/2015, le coût du crédit d'impôt en faveur de l'agriculture biologique est d'environ 20 millions d'euros chaque année .

(c) L'accompagnement technique et le soutien aux projets bio.

En complément aux soutiens directs aux agriculteurs engagés dans le mode de production biologique, le bio bénéficie de soutiens à travers d'autres outils :

- Le groupement d'intérêt public « Agence bio » dispose d'une subvention pour charges de service public de 1,45 millions d'euros destinée à couvrir ses frais de fonctionnement.

- Le fonds avenir bio, géré par l'Agence Bio, dispose d'une dotation de 4 millions d'euros par an depuis 2014. Cette dotation est reconduite dans le projet de loi de finances pour 2017. Ce fonds est destiné à aider des projets structurants, pluriannuels, nationaux ou suprarégionaux et multipartenariaux (de la production à la distribution). Sur la période 2008-2015, les projets soutenus ont représenté un investissement total de 99,3 millions d'euros pour les opérateurs économiques des filières biologiques, dont 22,7 millions d'euros de soutien par le fonds avenir bio.

C. LA POLITIQUE DE COMPENSATION DES HANDICAPS NATURELS EN QUESTION.

1. L'indemnité compensatrice de handicap naturel : pilier de la politique agricole.

Mise en place il y a près de 40 ans, la politique de compensation des handicaps naturels vise à encourager le maintien de l'activité agricoles dans des zones défavorisées marquées par des conditions d''exploitation plus difficiles qu'en plaine : montagne, zones de piémont et zones défavorisée simples.

L'instrument de soutien aux agriculteurs installés en zones défavorisées est l'indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN), qui bénéficie à près de 100 000 exploitants agricoles.

L'enveloppe consacrée à l'ICHN s'élèvera en 2017 à 1,056 milliards d'euros dont 264 millions d'euros en provenance du budget de la MAAFAR.

Le financement national de l'ICHN représente 25 % des crédits, tandis que le deuxième pilier de la PAC finance 75 % du coût de la mesure.

L'ICHN a connu une évolution à la hausse ces dernières années, du fait de plusieurs phénomènes :

- D'abord, le montant de l'ICHN avait été revalorisé en 2014 de 15 %, conformément aux engagements pris par le Président de la République en octobre 2013 lors du sommet de l'élevage de Cournon.

- Ensuite, la prime herbagère agro-environnementale (PHAE), supprimée lors de la dernière réforme de la PAC, a été intégrée à l'ICHN à travers un mécanisme de majoration de l'ICHN de 70 € par hectare dans la limite de 75 hectares.

Au total, l'ICHN renforcée est supérieure d'environ 300 millions d'euros aux montants cumulés de l'ICHN et de la PHAE en 2013 - respectivement 500 et 215 millions d'euros.

Le montant versé au titre de l'ICHN est plus élevé en montagne que dans les zones de piémont et dans les zones défavorisées simples. Il est modulé pour les exploitations d'élevage en fonction du taux de chargement à l'hectare.

2. Un redécoupage des zones défavorisées qui suscite une grande inquiétude.

Un rapport de la Cour des comptes européenne de 2003 avait émis de vives critiques sur les modalités de délimitation des zones défavorisées dans les États membres de l'Union européenne, qui datent des années 1970 et manquent d'objectivité.

La France s'est donc engagée dans un processus de redécoupage de ces zones, qui doit être achevé pour 2018 , afin de se conformer aux critères prévus par les articles 31 et 32 du règlement (UE) n° 1305/2013 relatif au développement rural.

Ces dispositions prévoient que le bénéfice des mesures de compensation des handicaps naturels est réservé aux communes affectées par de tels handicaps du fait de l'application de huit critères biophysiques (basses températures, sécheresse, excès d'eau dans le sol, sols mal drainés, texture et pierrosité du sol, profondeur d'enracinement, propriétés chimiques, pente). Ces communes sont considérées comme faisant partie des zones soumises à des contraintes naturelles (ZSCN) lorsque 60 % de la SAU est affectée par au moins l'un de ces critères. Les communes de montagne sont automatiquement classées au sein des ZSCN : les quelques 6 300 communes de montagne concentrent 58 % des bénéficiaires de l'ICHN et 80 % de l'enveloppe consacrée à ce dispositif, pour 4 millions d'hectares éligibles.

À côté des ZSCN, les États-membres ont la possibilité de classer en zone soumise à des contraintes spécifiques (ZSCS) qui peuvent représenter jusqu'à 10 % du territoire national, soit plus de 5 millions d'hectares pour la France.

La présentation début septembre d'une carte fondée sur la seule application des critères biophysiques a inquiété les agriculteurs actuellement bénéficiaires de l'ICHN dans les zones défavorisées simples. Beaucoup d'entre eux sont situés dans des communes qui ne figurent en effet pas sur la carte, risquant de perdre le bénéfice de l'ICHN, si la commune n'est pas classée en ZSCS. Cette situation touche presque la totalité de la SAU de certains départements : Gironde, Landes, Tarn-et-Garonne.

Vos rapporteurs appellent donc à la plus grande vigilance dans la définition du nouveau zonage de l'ICHN , afin que les agriculteurs ne perdent pas le bénéfice d'une aide indispensable au maintien de l'activité agricole dans nos territoires.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Mardi 8 novembre 2016 :

- Ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt (MAAF) : Mmes Valérie Metrich-Hecquet , secrétaire générale, Bénédicte Poinssot , adjointe à la sous-direction des affaires budgétaires et comptables au secrétariat général (SDABC), MM. Djamel Djebbarri , adjoint à la sous-directrice de la gouvernance et du pilotage, à la direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises (DGPE) et Marc Dufourmantelle , chef du bureau de la synthèse budgétaire, SDABC, secrétariat général ;

- Association permanente des chambres d'agriculture (APCA) : MM. Guy Vasseur , président, Dominique Bouvier , chef du service « Entreprises et Installation » et Justin Lallouet , chargé de mission Affaires publiques.

- Agence nationale de sécurité sanitaire, de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) : M. Roger Genet , directeur général et Mme Alima Marie , directrice de l'information, de la communication et du dialogue avec la Société ;

- Direction générale de l'alimentation (DGAL) : M. P Mme Laurence Delva , chef du service de l'alimentation et M. Benjamin Genton , adjoint sous-direction du pilotage des ressources et des actions transversales ;

- Office national des forêts (ONF) : MM. Patrick Soulé , directeur général adjoint, Adrien Mianowski , conseiller du directeur général ;

- Forestiers privés de France : MM. Antoine d'Amecourt , président et Luc Bouvarel , directeur général.

Mercredi 9 novembre 2016 :

- France Agrimer : M. Eric Allain , directeur général.


* 1 Sur la base d'une production totale de 24,6 milliards de litres en 2015 et d'une production moyenne par exploitation de 400 000 litres (source : Agreste primeur n° 340, novembre 2016), cela représenterait une perte de près de 1 800 producteurs en une seule année.

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