B. LE PROGRAMME 138 « EMPLOI OUTRE-MER » : UNE DIMINUTION DES ALLÉGEMENTS DE CHARGES POUR LES ENTREPRISES

Le programme 138 « Emploi outre-mer » a pour finalité d'encourager la création d'emplois et la compétitivité des entreprises ultramarines.

En effet, l'éloignement géographique, l'insularité, l'étroitesse des marchés et l'exposition aux risques naturels sont des handicaps importants qu'il faut compenser. Les voisins des territoires ultramarins sont également de redoutables concurrents économiques avec, dans le domaine agricole, des coûts salariaux souvent 20 fois moindres. De plus, pour des produits touristiques équivalents, les prix pratiqués sont souvent plus attractifs : rappelons, par exemple, qu'en République Dominicaine, on recrute à 300 euros par mois.

En même temps, comme le souligne opportunément la proposition de résolution européenne sur l'inadaptation des normes agricoles et de la politique commerciale européenne aux spécificités des régions ultrapériphériques, qui vient d'être adoptée à l'unanimité par la commission des affaires économiques puis par le Sénat, les entreprises ultramarines sont soumises à des normes et des exigences de certification similaires à celles de l'hexagone .

Cette mission budgétaire vise donc à permettre aux outre-mer de s'adapter au triple espace auquel ils appartiennent : l'espace national, leur environnement géographique immédiat ainsi que l'espace européen pour les DOM.

Pour 2017, les crédits du programme 138 en faveur de l'emploi ultramarin sont globalement en baisse de plus de 6% par rapport à 2016 (- 6,5 % en AE et - 6,2 % en CP) et même de plus de 8% à périmètre constant. Cela s'explique essentiellement par un recentrage des exonérations sociales - qui représentent plus de la moitié des deux milliards de crédits de la mission ainsi que 80% du programme 138 - avec, en particulier, par une mesure restrictive concernant les travailleurs indépendants.

En revanche, les crédits consacrés aux dispositifs de promotion de l'insertion et de la formation sont préservés.

1. Le soutien aux économies ultramarines

L' action n° 1 « Soutien aux entreprises » représente, en crédits de paiement comme en autorisations d'engagement, plus de 80 % des crédits du programme. Il s'agit principalement du remboursement par l'État à la Sécurité sociale du coût des exonérations spécifiques à l'outre-mer et des mesures de soutien aux entreprises.

La dotation budgétaire relative aux allégements de charges outre-mer s'élève, pour 2017, à 1,032 milliard d'euros en AE ou en CP et à 1,013 milliard d'euros si on écarte les 19,9 millions d'euros en provenance de la mission Travail et emploi, correspondant aux exonérations de cotisations des employeurs de personnel de maison. La baisse des crédits atteint alors 8 % par rapport à 2016.

Il convient ici de rappeler que l'analyse de ces crédits doit être replacée dans un contexte plus global et assez complexe, en tenant compte, depuis le lancement du Pacte de responsabilité, de l 'application simultanée de plusieurs mécanismes - généraux et ultramarins - visant à améliorer la compétitivité des entreprises en minimisant le coût du travail , avec des canaux de financement différents.

Le dispositif spécifique aux outre-mer d'allégements de charges a été créé en 1994 et ensuite modifié à de nombreuses reprises, en 2000, 2003, 2007, 2008, 2009, 2013 et 2015. Sa base juridique est l'article L. 752-3-2 du code de la sécurité sociale. Les mesures introduites à cet article par la loi du 27 mai 2009 dite LODEOM visent à concentrer les allégements sur les bas et moyens salaires ainsi que sur les entreprises de moins de 11 salariés quel que soit le secteur d'activité. Par ailleurs, des zones géographiques prioritaires sont plus particulièrement ciblées ainsi que onze secteurs exposés et présentant de forts potentiels.

S'agissant des réaménagements les plus notables, il convient d'abord de rappeler que l'article 130 de la loi de finances pour 2014 a amplifié le recentrage sur les plus bas salaires. Il a également pris en compte la création du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) :

- les entreprises non éligibles au CICE, qui sont peu nombreuses, continuent de bénéficier du régime antérieur d'allégement de cotisations ;

- les entreprises bénéficiant du CICE sont en revanche soumises à un régime d'exonération plus restrictif, avec des seuils resserrés sur les salaires les plus bas.

Parallèlement, le Pacte de responsabilité , visant à abaisser le coût du travail grâce au CICE et à des allégements supplémentaires de charges sociales, a fait l'objet d'une déclinaison spécifique outre-mer pour que le tissu économique ultramarin, constitué à plus de 90 % de très petites entreprises, puisse également bénéficier d'un « coup de pouce » supplémentaire. La loi de finances pour 2015 a ainsi porté à 7,5 % en 2015 puis à 9 % en 2016 - de la masse salariale éligible - le crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE) pour les entreprises situées dans les départements d'outre-mer.

L'article 10 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 s'est efforcée de maîtriser la dépense associée aux exonérations de charges patronales en outre-mer, non pas en diminuer ces aides pour l'ensemble des entreprises ultramarines mais en les recentrant, une nouvelle fois sur les bas et moyens salaires, avec une exonération totale de cotisations maintenue pour les rémunérations inférieures ou égales à 1,4 SMIC et sur les entreprises des secteurs particulièrement exposés à la concurrence dont la situation ne devrait ainsi pas changer. Au total, pour les entreprises ultramarines de moins de onze salariés, l'exonération demeure totale jusqu'à 1,4 SMIC et dégressive jusqu'à 2,3 SMIC alors que dans le dispositif national, l'exonération totale cesse dès 1,1 SMIC. Pour les entreprises les plus exposées à la concurrence internationale, l'exonération totale est portée jusqu'à 1,7 SMIC (contre 1,6 SMIC auparavant) et le point de sortie du dispositif dégressif est repoussé à 3,5 SMIC (contre 3 SMIC auparavant).

Comme l'avait fait observer le Gouvernement, avec la multiplication des réformes, certains allégements généraux de droit commun deviennent paradoxalement plus favorables que les exonérations spécifiques prévues pour les outre-mer, et, par conséquent, la diminution de ces dernières est partiellement compensée.

L'un des principaux facteurs de la baisse des crédits proposés pour cette action n° 1 en 2017 réside dans les restrictions appliquées aux dispositifs d'exonérations des travailleurs indépendants . Votre rapporteur pour avis apporte ici des indications détaillées sur ce point car, le débat sous-jacent est un révélateur de la problématique d'ensemble des exonérations de charges.

Dans le droit en vigueur, introduit par la loi du 13 décembre 2000 d'orientation pour l'outre-mer puis étendu à Saint-Martin à Saint-Barthélemy et à Mayotte, les travailleurs indépendants non agricoles ultramarins bénéficient d'une exonération totale de cotisations pendant deux ans , à compter de la date de la création de l'activité, quel que soit le montant des revenus déclarés. Au-delà de cette phase de lancement, les cotisations sont calculées, pour la partie des revenus inférieure au plafond annuel de la sécurité sociale (PASS) de 36 616 euros, sur une assiette égale à 50 % des revenus . Au-delà de ce plafond, les cotisations sont dues pour la totalité du montant des revenus.

Le coût total de ce dispositif pour 2015 a été évalué à 142,8 millions d'euros pour 95 800 bénéficiaires .

Cette année, le Gouvernement a proposé, à l'article 7 du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2017, de resserrer ce régime d'exonération spécifique octroyée sans condition de revenus. L'objectif est de limiter les effets d'aubaine bénéficiant à des activités générant des hauts revenus pour lesquelles le coût des prélèvements sociaux n'influerait que marginalement sur la compétitivité. De plus, l'étude d'impact du PLFSS indique que 30 % des entreprises cessent leur activité avant la fin de la troisième année, ce qui tend à montrer l'impact préjudiciable de la diminution brutale de l'avantage social à partir de la troisième année.

La réforme prévue à l'article 7 du PLFSS vise d'abord à limiter le bénéfice de l'exonération totale des cotisations aux indépendants dont les revenus sont inférieurs ou égaux à 2,5 PASS, soit 96 500 euros en 2016. Ensuite, il prévoit la dégressivité du dispositif : l'exonération et l'abattement seraient complets pour les revenus n'excédant pas 1,1 PASS et s'annuleraient à partir de 2,5 PASS. Enfin, pour lisser la diminution de l'avantage après la deuxième année, le texte retenu propose de majorer le taux d'abattement la troisième.

Ce régime plus sévère, adopté conforme par le Sénat dans sa séance du 15 novembre dernier, devrait permettre d'économiser 30 millions d'euros, le gain de 32 millions d'euros induit par le plafonnement et la dégressivité des exonérations se trouvant réduit de 2 millions d'euros par la hausse de l'abattement au titre de la troisième année d'activité.

Un tel « coup de rabot », même si on en comprend la logique, appelle deux principales observations. D'une part, il porte atteinte à la simplicité et la stabilité du mécanisme applicable aux travailleurs indépendants . D'autre part, il risque de freiner de nouvelles initiatives, avec un statut de travailleur indépendant moins attractif, alors même que les outre-mer connaissent un chômage très élevé. Le choix d'amoindrir les avantages accordés aux les activités les plus rentables et les plus qualifiées correspond certes à une préoccupation de justice sociale mais elle ne favorise pas nécessairement l'essor économique des territoires ultramarins ni la nécessité d'attirer et de retenir l'excellence en outre-mer.

Il convient également de signaler que l'article 44 du projet de loi de finances pour 2017 prévoit d'augmenter le taux du CICE dans l'hexagone à 7 % contre 6 % aujourd'hui. Au cours des auditions, les opérateurs économiques ont fait observer que la logique de la réduction des écarts entre les outre-mer et l'hexagone devrait conduire à sur majorer le taux du crédit d'impôt compétitivité-emploi dans les DROM pour éviter une perte d'avantage comparatif pour les entreprises ultramarines.

Plus globalement, votre rapporteur pour avis insiste à nouveau sur l'impact dans nos outre-mer du principe même de la concentration des allégements sur les bas salaires .

Certes, selon les modèles économétriques, ce ciblage est le plus efficace à court terme pour favoriser les embauches .

Cependant, à plus long terme, il faut tenir compte des effets structurels de ce choix . En effet, les employeurs ont tendance à proposer des embauches autour du SMIC, même aux jeunes ultramarins très diplômés et ceux-ci s'orientent alors souvent vers la fonction publique ou vers l'exil. Pour éviter que nos outre-mer perdent leurs élites, votre rapporteur pour avis préconise donc des allègements de charges moins concentrés sur les bas salaires.

L'action 1 finance également d'autres dispositifs de soutien aux entreprises avec, en particulier, l'abaissement du coût du fret à hauteur de 5,9 millions d'euros en AE et 8,6 millions d'euros en CP dans le projet de loi de finances pour 2017.

Instituée par l'article 24 de la LODEOM, l'aide au fret vise à améliorer la compétitivité des entreprises dans les départements d'outre-mer ainsi qu'à Saint Pierre-et-Miquelon, Saint-Martin, Saint-Barthélemy et Wallis-et-Futuna. Il s'agit de diminuer les prix à la consommation en abaissant le coût du transport des matières premières ou des produits importés de l'Union européenne. Elle concerne également les produits exportés vers l'Union européenne après un cycle de production dans les DOM ou dans ces collectivités, afin de compenser l'éloignement géographique.

Dans ce domaine, la principale avancée est prévue à l'article 18 du projet de loi de programmation relatif à l'égalité réelle outre-mer qui étendrait l'aide au fret aux échanges entre les collectivités ultramarines et avec leur environnement régional.

2. Le service militaire adapté et la formation professionnelle des ultramarins

Le service militaire adapté (SMA)

L'action 2 du programme 138, prévoit, pour 2017, une diminution des crédits par rapport à 2016 : cela correspond cependant, d'une part, à une maîtrise des dépenses de fonctionnement (31,1 millions d'euros, soit - 7,4 %) et, d'autre part, à une baisse de 25% des crédits d'investissements à la suite de l'effort consenti les années précédentes pour atteindre l'objectif d'accueillir 6000 volontaires bénéficiaires en 2017, soit un doublement des effectifs par rapport à 2010.

Ces financements sont complétés en cours d'année par ceux des collectivités ultramarines et du Fonds social européen (FSE).

Rappelons que le service militaire adapté a été créé en 1961 : il s'agissait, à l'époque, de conjuguer les obligations du service national avec un besoin en formation professionnelle. Lors de la suspension de la conscription en 1996, le dispositif du SMA a été maintenu avec une inflexion de ses missions vers le développement économique et la protection civile.

Concrètement, le stage d'au moins six mois qui s'adresse aux jeunes ultramarins, garçons ou filles, âgés de dix-huit à vingt-six ans, comprend un mois de formation militaire, 800 heures de formation professionnelle dans l'une des cinquante filières existantes, une remise à niveau scolaire, la préparation et le passage du permis de conduire ainsi que de l'attestation de premiers secours et enfin des chantiers d'application. Grâce à ces derniers, le SMA participe à la mise en valeur des collectivités d'outre-mer et aux plans d'urgence et de secours en cas de catastrophe naturelle.

Plus de 125 000 jeunes sont passés par le SMA depuis sa création en 1961 avec des taux d'insertion avoisinant 80 % pour l'ensemble des jeunes incorporés. Votre rapporteur pour avis a suivi très attentivement l'état d'avancement de la montée en charge du SMA pour qu'il puisse atteindre, sans porter atteinte à la qualité des stages, l'objectif de 6 000 jeunes bénéficiaires en 2017. Le rythme de progression envisagé initialement n'a pas pu être suivi en raison des restrictions budgétaires ainsi que de retards liés aux opérations d'infrastructure. Cependant, en 2015, 5 764 volontaires ont bénéficié du SMA, parmi lesquels 63,1 % n'étaient titulaires d'aucun diplôme et 38,7 % étaient illettrés de niveau 1 ou 2. En outre, le taux d'insertion des volontaires stagiaires s'est maintenu autour de 75 %, malgré l'intégration massive de jeunes éloignés du marché du travail.

Au total, le but sera atteint en 2017 avec, en particulier, la réalisation d'infrastructures d'accueil et la création de cursus ouverts aux jeunes diplômés en situation de chômage.

L'appui à la formation - mobilité

Malgré les actions menées par les collectivités locales, l'offre de formation ne permet pas de couvrir localement les besoins des outre-mer et la formation hors du territoire ultramarin est donc une nécessité.

Dans un souci de rationalisation, l'ensemble des crédits dédiés à la formation professionnelle en mobilité des ultramarins a été regroupé, depuis la loi de finances pour 2015, au sein de la mission outre-mer, par transfert de crédits en provenance du ministère du travail en charge de la formation professionnelle.

L'action 2 finance l' Agence de l'outre-mer pour la mobilité (LADOM). Placé sous la tutelle du ministère chargé de l'outre-mer et du ministère chargé du budget, cet opérateur de l'État a pour mission essentielle d'améliorer l'employabilité et de favoriser l'insertion professionnelle des ultramarins à l'issue de leur formation. Le champ géographique d'intervention de LADOM couvre par principe les cinq départements d'outre-mer : la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, Mayotte et La Réunion. Il est étendu à Saint-Pierre-et-Miquelon et Saint-Barthélemy pour les élèves en mobilité. La gestion des aides pour les collectivités d'outre-mer et pour la Nouvelle-Calédonie est assurée par l'État ; pour ces territoires, LADOM n'intervient que comme prestataire

Afin de développer la politique nationale de continuité territoriale définie par la loi du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer, l'opérateur LADOM gère les trois grandes actions financées par l'État à travers le fonds de continuité territoriale :

- le « passeport pour la mobilité de la formation professionnelle » qui finance les dépenses de formation professionnelle en mobilité, lorsque la filière recherchée n'existe pas sur place ;

- le « passeport pour la mobilité des études », qui finance tout ou partie des titres de transport des étudiants et des lycéens de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Saint-Barthélemy contraints de suivre en Europe une formation non disponible sur place ;

- et l'aide à la continuité territoriale, qui finance une partie du titre de transport des résidents des départements et collectivités d'outre-mer, entre leur collectivité de résidence et l'hexagone.

Il convient de signaler que l'article 12 du projet de loi de programmation relatif à l'égalité réelle outre-mer prévoit la création d'un nouveau dispositif, le « passeport pour la mobilité en stage professionnel ». Il porte sur le financement des titres de transport des élèves et étudiants inscrits dans des filières professionnelles de leur académie qui sont conduits, dans le cadre de leur cursus, à effectuer un stage professionnel dans une autre académie.

Les financements de LADOM prévus pour 2017 sont stables par rapport à 2016 : ils atteignent au total 68,2 millions en AE comme en CP et proviennent de plusieurs canaux complémentaires :

- les crédits de l'action 2 du programme 138 « Emploi outre-mer », avec une dotation pour 2017 de 41,1 millions d'euros en AE et en CP ;

- et, une enveloppe centrée sur le volet transports provenant de l'action 3 « Continuité territoriale » du programme 123 « Conditions de vie outre-mer » de 27,1 millions d'euros en AE comme en CP, en retrait d'un million d'euros par rapport à 2016.

Par ailleurs, LADOM reçoit des subventions des régions et collectivités d'outre-mer ainsi que du Fonds social européen.

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