B. DES MESURES RELATIVES AU PARC LOCATIF SOCIAL CRITIQUABLES

1. Des objectifs de construction de logements sociaux inconnus

Jusqu'à l'an dernier, le gouvernement précisait chaque année lors du projet de loi de finances les objectifs de construction de logements sociaux à atteindre. Votre rapporteur avait regretté l'an dernier que le gouvernement maintienne des objectifs irréalistes en progression alors même que les objectifs des années précédentes n'étaient pas atteints.

Désormais, ces objectifs seront fixés par le FNAP, le Gouvernement précisant seulement dans le projet annuel de performance annexé au projet de loi de finances pour 2017 que « dans le cadre des discussions au sein du FNAP, l'État veillera à ce que ces objectifs s'accompagnent d'un fléchage social fort ainsi que d'un fléchage territorial permettant de mieux adapter l'offre à la demande ».

En effet, c'est lors de la réunion du conseil d'administration le 1 er décembre prochain que seront définis le montant annuel des financements apportés par le FNAP, le montant des autorisations d'engagement, la programmation de la répartition territoriale et les objectifs associés. Votre rapporteur regrette de ne pouvoir prendre connaissance de ces objectifs à l'occasion de l'examen du présent budget . Elle espère que le FNAP déterminera des objectifs plus en prise avec la réalité. Elle prend cependant acte de l'engagement de la ministre du logement devant les députés de faire correspondre à l'avenir le calendrier de programmation du FNAP avec le calendrier budgétaire.

2. Un renforcement de l'obligation de construction de logements sociaux qui n'est pas réaliste

Votre rapporteur avait appelé de ses voeux l'an dernier une réforme de la loi SRU. Elle avait en effet constaté les difficultés des communes, mêmes volontaires, à tenir leurs objectifs de construction de logements sociaux.

Lors de l'examen du projet de loi relatif à l'égalité et à la citoyenneté, votre rapporteur avait alors proposé plusieurs réformes :

- une révision de la liste des logements décomptés afin de prendre en compte les aires permanentes d'accueil des gens du voyage, les places des résidences universitaires des CROUS, et plusieurs dispositifs en faveur de l'accession sociale à la propriété estimant que ces derniers participaient à la libération de logements sociaux et au parcours résidentiel ;

- la mise en place d'un dispositif de contractualisation entre le maire et le préfet déterminant le taux de construction de logements sociaux et l'échéance pour l'atteindre. Cette adaptation du dispositif de la loi SRU a vocation à permettre une meilleure adaptation aux réalités du terrain sans pour autant dédouaner les communes de leurs obligations de construction de logements sociaux ;

- la suppression du renforcement des sanctions en cas de non-respect des objectifs de construction estimant que ce renforcement des dispositifs n'était pas le bienvenu dans un contexte de baisse des dotations (ex suppression de la DSU pour les communes carencées).

Votre rapporteur regrette que les députés n'aient pas tenu compte de ces propositions et aient choisi de rétablir des mesures de renforcement des sanctions en cas de non-respect des objectifs de construction de logements sociaux.

3. Les conséquences des dispositions relatives aux exonérations de TFPB sur la construction de logements sociaux

Les bailleurs sociaux bénéficient de différents dispositifs fiscaux, parmi lesquels figurent des exonérations de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB).

Ainsi, les articles 1384 et 1384 A à D du code général des impôts prévoient diverses exonérations de TFPB d'une durée de 15 à 30 ans. L'article 1388 bis du même code prévoit en outre un abattement supplémentaire de 30 % sur la valeur locative des logements ayant bénéficié d'une exonération de longue durée situés dans les zones urbaines sensibles jusqu'en 2014 en cas de convention globale de patrimoine ou d'utilité sociale. L'article 62 de la loi de finances pour 2015 a étendu ce dispositif aux quartiers prioritaires de la ville à condition que le bénéficiaire soit signataire du contrat de ville.

Lors de l'examen du projet de loi relatif à l'égalité et à la citoyenneté, les députés ont adopté à l'article 28 quater A des dispositions renforçant les conditions d'octroi du bénéfice de l'abattement forfaitaire. Ils ont inscrit dans la loi l'obligation de conclure une convention précisant les moyens supplémentaires mis en oeuvre au bénéfice des habitants des quartiers prioritaires en contrepartie de l'abattement de TFPB. Votre rapporteur s'était montrée favorable à l'adoption de cette disposition, dans la mesure où les signatures des conventions étaient bien engagées et où le Commissariat général à l'égalité des territoires lui avait indiqué que le risque qu'une partie des communes « soient tentées de refuser de signer [ces conventions] et de bloquer ainsi la mise en place de l'abattement » était limité.

Cependant, à l'occasion de l'examen du présent projet de loi de finances, les députés ont souhaité aller plus loin. À l'article 50 sexies , ils ont autorisé les communes ayant plus de 25% de logements sociaux à pouvoir s'opposer aux exonérations de TFPB accordées aux bailleurs sociaux. À l'article 50 septies , ils ont prévu que dans les communes de plus de 50 % de logements sociaux, les constructions neuves de logements sociaux dans le cadre d'un plan de rénovation urbaine ne pourront bénéficier des exonérations de TFPB lorsqu'elles remplacent des immeubles ayant déjà bénéficié de ces exonérations.

Votre rapporteur regrette que ces dispositions aient été adoptées sans aucune étude d'impact préalable .

Selon, l'Union sociale pour l'habitat, les dispositions de l'article 50 sexies font « peser une menace directe sur la construction de 50 000 logements sociaux ou en accession à la propriété par an, et donc sur 80 000 emplois dans le secteur du bâtiment. La suppression de l'abattement de TFPB dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) représente quant à elle plus de 200 millions d'euros par an, et mettra un terme aux actions des organismes Hlm en faveur des quartiers en difficulté (médiation et sécurisation des immeubles pour assurer la tranquillité résidentielle, renforcement de la présence humaine auprès des locataires, chantiers d'insertion par l'économique au bénéfice des jeunes, traitement en temps réel du vandalisme et des dysfonctionnements des équipements, accompagnement social des locataires en difficulté, sensibilisation des locataires à la maîtrise des charges et aux enjeux environnementaux). »

Les bailleurs sociaux déplorent que les locataires de logements sociaux soient ainsi victimes de la « relation financière conflictuelle entre l'État qui ne respecte pas ses engagements [en matière de compensation] et des collectivités locales qui subissent une charge financière qu'elles jugent aujourd'hui insupportable ». Ils appellent en conséquence les députés à mesurer pleinement les effets des dispositions adoptées dans le PLF et l'État à revenir sur ces positions.

Lors de son audition le 22 novembre 2016 devant les membres de la commission des affaires économiques, Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l'habitat durable a indiqué que le gouvernement n'était pas à l'origine de ces dispositions et a convenu que ces dernières auraient, si elles étaient maintenues, des conséquences sur le dynamisme de la construction de logements sociaux.

4. Une contribution de la CGLLS au budget de l'État qui pose des difficultés

La Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS) est un établissement public administratif principalement chargé de :

- contribuer à la mise en oeuvre de la politique du logement en matière de développement de l'offre de logement locatif social et de rénovation urbaine ;

- contribuer à la prévention des difficultés financières et au redressement des bailleurs sociaux ;

- garantir les prêts consentis par la Caisse des dépôts et consignations aux bailleurs sociaux, lorsque les collectivités locales ne souhaitent ou ne peuvent le faire.

Elle gère le Fonds national d'accompagnement vers et dans le logement (FNAVDL).

La Caisse bénéficie de deux ressources :

- une cotisation principale versée par les bailleurs sociaux, soit 102,9 millions d'euros en 2015 ;

- une cotisation additionnelle versée par les bailleurs sociaux composée d'une part égale au produit d'une somme forfaitaire par le nombre de logements à usage locatif et d'unités de logements-foyers ouvrant droit à redevance sur lesquels l'organisme est titulaire d'un droit réel et d'une part variable ayant pour assiette l'autofinancement net de l'organisme, soit 130,9 millions d'euros en 2015.

Depuis plusieurs années, le gouvernement opère un prélèvement sur la trésorerie de la CGLLS :

- 77,9 millions d'euros, en application de l'article 80 de la loi n° 2013-1279 du 29 décembre 2013 de finances rectificative pour 2013 ;

- 15 millions d'euros, en application de l'article 13 de la loi n° 2014-1655 du 29 décembre 2014 de finances rectificative pour 2014 ;

- 100 millions d'euros, en application de l'article 41 de la loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016.

Votre rapporteur constate que l'article 17 du projet de loi de finances pour 2017 prévoit de nouveau un prélèvement à hauteur de 50  millions avant le 31 janvier 2017.

Ces prélèvements sont la conséquence des conclusions d'un référé de la Cour des comptes rendu en juin 2013 qui avait critiqué l'accumulation de sommes « hors de proportion avec la sinistralité de cette activité », la Cour soulignant que la Caisse n'avait été appelée que trois fois en garantie en dix ans.

Votre rapporteur note que si les premiers prélèvements étaient reversés au fonds de péréquation chargé de contribuer au développement et à l'amélioration du parc de logements locatifs sociaux et à la rénovation urbaine, ce n'est plus le cas depuis deux ans, ce qu'elle regrette. En effet, elle estime qu'il serait plus légitime de reverser ce prélèvement au FNAP plutôt qu'au budget général de l'État.

Les représentants de l'Union sociale pour l'habitat ainsi que la CGLLS ont attiré l'attention de votre rapporteur sur les conséquences de ces prélèvements à répétition. Mme Catherine Aubey-Berthelot, directrice générale de la CGLLS a en effet indiqué que la Caisse est soumise à la règlementation bancaire et doit respecter des ratios prudentiels :

- le ratio de solvabilité impose à la Caisse de disposer d'au moins 8 % de fonds propres pour couvrir ses engagements. Ce ratio sera porté progressivement à 10,5 % en 2019. Il est aujourd'hui de plus de 20 % mais pourrait être compromis avec la montée des engagements sur les prêts de haut de bilan ;

- le ratio des grands risques impose de déclarer à l'autorité de contrôle prudentiel et de résolution les engagements dépassant 10% de fonds propres et de ne pas s'engager à plus de 25 % sur un même organisme. Toutefois, la CGLLS a obtenu une dérogation relative à cette seconde exigence jusqu'en 2029. Cependant, ce seuil de 25 % sera dépassé dès 2017 sous l'effet de la réforme d'Action Logement.

Votre rapporteur estime qu'un nouveau prélèvement en 2018 poserait de réelles difficultés à la CGLLS pour assurer ses missions en raison de la mise en place des « prêts de haut bilan » par la Caisse des dépôts et consignations à hauteur de trois milliards d'euros et de l'incertitude quant aux garanties qu'accepteront d'apporter les collectivités territoriales à ces prêts.

Les prêts de « haut de bilan »

Le prêt dit de « haut de bilan » a été lancé le 31 mai 2016.

Il s'agit de prêts sur fonds d'épargne à taux zéro, pouvant aller jusqu'à 40 ans, sans remboursement ni d'intérêt, ni de capital, avec un différé d'amortissement pendant 20 ans. Le taux zéro est obtenu par une bonification, financée à part égale par la Caisse des dépôts et consignations et Action Logement. Ces prêts pourront être prolongés à leur terme par des prêts amortissables sur fonds d'épargne, au taux du livret A + 60 pdb. Ces prêts s'apparentent à des quasi fonds propres. Une enveloppe de 2 milliards d'euros leur est consacrée. Pour être éligibles, les bailleurs sociaux doivent justifier de l'accélération des investissements en construction ou en réhabilitation.

Ce prêt a connu un grand succès, 440 organismes ayant déposé des demandes pour un montant total de 6,5 milliards d'euros .

Au regard des demandes, le comité de suivi a décidé d'attribuer prioritairement ces prêts pour promouvoir l'investissement dans la rénovation thermique des bâtiments. Le Premier Ministre a annoncé au Congrès de l'USH le 27 septembre 2016, une enveloppe supplémentaire d'un milliard d'euros, portant l'effort global à 3 milliards d'euros.

Page mise à jour le

Partager cette page