B. TIRER LES LEÇONS DE L'ANNÉE MÉMORIELLE 2016 POUR GARANTIR LE SUCCÈS DE LA SUITE DU CYCLE COMMÉMORATIF 2014-2018

1. Développer une politique de mémoire orientée vers la jeunesse et tenant compte de toutes les générations du feu

La politique de mémoire conduite par le ministère de la défense, à travers sa direction de la mémoire, du patrimoine et des archives (DMPA), a pour objectif d'assurer la transmission des valeurs fondamentales de la République au nom desquelles la France a combattu au 20 ème siècle et qu'elle défend encore aujourd'hui à travers le monde. Elle met dès lors l'accent sur la jeunesse et la commémoration des événements historiques marquants qui incarnent cette histoire et rappellent le sacrifice de plusieurs générations de nos aînés.

L'action pédagogique du ministère, financée à hauteur de 350 000 euros en 2017, repose sur un cadre rénové . En effet, le protocole qui régit les relations entre les ministères de la défense et de l'éducation nationale, dont le premier remonte à 1982, a été renouvelé le 20 mai 2016 et élargi au ministère de l'agriculture, pour y inclure l'enseignement agricole.

Développer les liens entre la jeunesse, la défense et l'éducation nationale :
le protocole défense - éducation nationale - agriculture du 20 mai 2016

Sixième protocole visant à coordonner les initiatives pédagogiques du ministère de la défense avec celles de l'éducation nationale, il assure la modernisation de leurs relations, jusqu'à présent encadrées par le protocole du 31 mars 2007. Son objectif principal est de rapprocher les jeunes de l'institution militaire et de les sensibiliser aux enjeux de la défense nationale. Il étend le champ traditionnel de ces protocoles à la recherche ainsi qu'aux questions de mémoire , d'égalité des chances, de lutte contre le décrochage scolaire ou encore de reconversion des militaires, et prône également le renforcement du rôle de l'éducation nationale dans la conduite du parcours de citoyenneté.

Le protocole est construit autour de cinq axes :

- renforcer l'enseignement de défense et la formation des enseignants ;

- développer les relations entre la défense et l'enseignement supérieur ;

- participer à la lutte contre le décrochage scolaire et contribuer à la détection des jeunes en difficulté de lecture ;

- favoriser le lien défense - jeunesse, l'égalité des chances et l'insertion professionnelle des jeunes ;

- favoriser la reconversion des militaires au sein du ministère de l'éducation nationale.

Sa mise en oeuvre repose sur des actions opérationnelles déclinant chacune de ces thématiques. A titre d'exemple, il propose de faire découvrir le patrimoine culturel des armées aux élèves dans le cadre de l'enseignement de défense, d'encourager l'accès des jeunes de milieu défavorisé aux lycées de la défense ou encore d'intégrer à la formation du personnel militaire des actions en faveur des jeunes.

La gouvernance du protocole repose sur un comité de pilotage stratégique, présidé par les ministres concernés et réuni au moins une fois par an, et trois comités exécutifs thématiques, portant sur l'enseignement de défense, l'insertion des jeunes et la reconversion des militaires, qui sont chargés du suivi des actions engagées et se réunissent chaque semestre.

En 2015, la DMPA a contribué au financement de 369 projets, à hauteur de 197 000 euros , pour un total de 17 703 bénéficiaires.
Pour les six premiers mois de l'année 2016, 181 000 euros avaient déjà été dépensés en faveur de 352 projets mobilisant 15 271 élèves.

L'enveloppe de 350 000 euros consacrée à l'action pédagogique, dont le niveau est inchangé en 2017 par rapport à 2016, finance également la revue « Les chemins de mémoire », pour un coût de 135 000 euros en 2015. Tirée à 23 000 exemplaires, elle devrait à compter de 2017 être davantage diffusée, sous format électronique, aux établissements scolaires. La DMPA apporte également son soutien à la production de documentaires historiques et à la publication d'ouvrages en lien avec l'actualité mémorielle ou contribuant à faire progresser la recherche historiographique.

Un second volet de la politique pédagogique du ministère de la défense est conduit à travers son principal opérateur au service du monde combattant, l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (Onac). Il perçoit à ce titre une subvention de 270 000 euros , dont le montant reste stable en 2017. Grâce à son implantation dans chaque département, il soutient des initiatives pédagogiques dans les territoires , en lien notamment avec les cérémonies patriotiques, élabore des expositions, assure la transmission de la mémoire à travers des concours à destination des élèves, notamment « Bulles de mémoire » et « les Petits Artistes de la mémoire », et contribue à l'organisation locale du concours national de la Résistance et de la déportation (CNRD).

Le pilotage de ce concours est assuré par le ministère de l'éducation nationale mais la DMPA ainsi que plusieurs fondations mémorielles 31 ( * ) , qui élaborent à tour de rôle un dossier pédagogique à destination des élèves offrant des pistes de réflexion sur le sujet de l'année, y sont étroitement associées. Organisé depuis 1961 , il s'agit du plus important concours scolaire français, auquel 43 259 élèves issus de 1 983 établissements ont participé en 2015-2016 .

Le Président de la République avait souhaité, dans un discours prononcé la 27 janvier 2015 au Mémorial de la Shoah, que le CNRD soit « renouvelé et rénové » afin de garantir sa pérennité . Une mission en ce sens a été confiée à M. Jean-Yves Daniel, doyen de l'inspection générale de l'éducation nationale et Mmes Hélène Waysbord-Loing, inspectrice honoraire de l'éducation nationale et présidente de la Maison d'Izieu, et Anne Anglès, enseignante d'histoire-géographie, qui ont achevé leurs travaux en juillet 2015 et ont remis leur rapport au mois de novembre suivant à la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche et au secrétaire d'État auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants et de la mémoire. Soulignant la nécessité de démocratiser le CNRD et d'améliorer sa visibilité afin d'éviter qu'il ne disparaisse en même temps que les derniers témoins directs de cette période, qui l'ont porté depuis sa création, ils recommandaient notamment de rationaliser l'organisation du concours , en simplifiant son pilotage, et de valoriser davantage le travail des élèves et l'engagement des enseignants .

En conséquence, un arrêté du 23 juin 2016 32 ( * ) est venu traduire cette rénovation du CNRD. Le nombre de catégories de participation a été ramené de six à quatre (réalisation d'un devoir individuel en temps limité ou d'un travail collectif, en troisième ou au lycée). La liste des établissements pouvant y participer a été étendue pour inclure l'enseignement agricole et maritime , les structures d'insertion comme les écoles de la deuxième chance et l'établissement pour l'insertion dans l'emploi (Epide) ou encore les centres de formation d'apprentis (CFA).

L'organisation de la phase académique du concours a été confiée aux recteurs, tandis qu'au niveau national un comité stratégique a été mis en place, regroupant l'ensemble des organismes participants et chargé notamment de choisir son thème, distinct du collège de correcteurs, majoritairement composé d'enseignants et dont le rôle est d'évaluer les travaux qui lui sont transmis par les académies et d'établir le palmarès du concours. Enfin, des ressources pédagogiques supplémentaires , rassemblées par le réseau Canopé 33 ( * ) , sont désormais à la disposition des élèves sur internet. La première édition de cette nouvelle formule du concours se déroule en 2016-2017 sur le thème de « la négation de l'Homme dans l'univers concentrationnaire nazi ».

L'organisation des onze cérémonies nationales prévues par des textes législatifs et réglementaires constitue un autre aspect essentiel de la politique de mémoire du ministère de la défense. Comme en 2016, une enveloppe d'un million d'euros y est consacrée, auxquels viennent s'ajouter 690 000 euros pour des cérémonies ponctuelles . Relèvent de cette dernière catégorie, en 2016, le centenaire de la création de l'escadrille La Fayette, célébré le 20 avril dans un cadre franco-américain, ou encore les hommages organisés après le décès de plusieurs personnalités liées au monde combattant ou ayant occupé de hautes responsabilités nationales
(Yves Guéna, Michel Rocard). Au total, la DMPA a organisé 26 cérémonies cette année.

Le calendrier commémoratif national

- le 19 mars : journée nationale du souvenir et de recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d'Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc (loi du 6 décembre 2012) ;

- le dernier dimanche d'avril : journée nationale du souvenir des victimes et héros de la déportation (loi du 14 avril 1954) ;

- le 8 mai : commémoration de la victoire de 1945 (loi du 2 octobre 1981) ;

- le deuxième dimanche de mai : fête nationale de Jeanne d'Arc et du patriotisme (loi du 10 juillet 1920) ;

- le 27 mai : journée nationale de la Résistance (loi du 19 juillet 2013) ;

- le 8 juin : journée nationale d'hommage aux « morts pour la France » en Indochine (décret du 26 mai 2005) ;

- le 18 juin : journée nationale commémorative de l'appel historique du général de Gaulle à refuser la défaite et à poursuivre le combat contre l'ennemi (décret du 10 mars 2006) ;

- le dimanche suivant le 16 juillet : journée nationale d'hommage à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l'État français et d'hommage aux « Justes » de France (loi du 10 juillet 2000) ;

- le 25 septembre : journée nationale d'hommage aux Harkis et autres membres des formations supplétives (décret du 31 mars 2003) ;

- le 11 novembre : commémoration de l'armistice de 1918 et hommage à tous les morts pour la France (lois du 22 octobre 1922 et du 28 février 2012) ;

- le 5 décembre : journée nationale d'hommage aux « morts pour la France » de la guerre d'Algérie et des combats du Maroc et de la Tunisie (décret du 26 septembre 2003).

Enfin, l'année 2017 devrait voir l'aboutissement d'un projet destiné à concrétiser l'égalité de toutes les générations du feu devant la mémoire : la construction d'un monument en l'honneur des soldats morts en Opex . Initié en 2011, sur la base d'un rapport remis au ministre de la défense par le général d'armée (2S) Thorette, il devait initialement être installé place Vauban à Paris, derrière les Invalides. Un concours avait été lancé et sept candidatures reçues avant qu'en 2013 la procédure ne soit interrompue, en raison notamment de l'opposition des riverains.

Un nouveau site a été retenu : l'un des jardins du parc André Citroën , situé dans le 15 ème arrondissement de Paris, à défaut de son esplanade, en raison de l'opposition de ses concepteurs. Plus aucun obstacle ne semble aujourd'hui s'opposer à sa réalisation. Selon les informations communiquées à votre rapporteur pour avis et confirmées par le secrétaire d'État lors de son audition par votre commission, un jury a été désigné, composé notamment de l'historien Pierre Nora, du sculpteur italien Giuseppe Penone, de l'architecte Philippe Prost et de représentants des associations du monde combattant. Le lauréat devrait être annoncé au cours du premier trimestre 2017, avec un début des travaux envisagé avant l'été. Votre rapporteur pour avis ne peut que déplorer qu'il ait fallu plus de six ans pour que cet hommage aux soldats morts pour la France en Opex puisse sortir de terre, malgré l'unanimité politique sur laquelle il peut s'appuyer.

2. Mettre l'accent sur la richesse du patrimoine mémoriel des territoires

L'essentiel du budget de la politique de mémoire du ministère de la défense est consacré à l'entretien et à la valorisation du patrimoine hérité des combats qui se sont déroulés dans notre pays au 20 ème siècle ou auquel nous avons participé et des sépultures des soldats morts pour la France. L'État intervient soit directement, via la DMPA, soit à travers l'Onac, soit en soutien d'initiatives locales portées par les collectivités territoriales.

Sur les 22,2 millions d'euros du budget de l'action n° 2 du programme 167 en 2017, 14,92 millions , soit 67,2 % , sont dédiés à cet aspect de la politique de mémoire. Cela représente une hausse de 2,43 millions d'euros par rapport à 2016 ( + 19,5 % ), les moyens supplémentaires étant destinés au financement du monument aux morts en Opex et au programme de rénovation des sépultures par l'Onac.

Celui est en effet chargé depuis 2010 de l'entretien des 267 nécropoles nationales et de la rénovation de celles d'entre-elles le nécessitant, dans le cadre défini par une programmation pluriannuelle portant sur la période 2011-2018 dont le budget, initialement estimé à 34,5 millions d'euros , devrait au final s'élever à 35,78 millions d'euros . La priorité, dans le contexte du centenaire de la Première Guerre mondiale, a été donnée aux cimetières de ce conflit. Au total, 40 nécropoles et une douzaine de carrés communaux sont concernés, soit environ 100 000 tombes et 66 ossuaires .

L'Onac a connu de nombreuses difficultés dans les premières années d'exercice de cette compétence, liées notamment à la professionnalisation progressive de son pôle des sépultures de guerre et des hauts lieux de la mémoire nationale (PSGHLMN), à une organisation perfectible et à des procédures inadaptées à l'ampleur des travaux envisagés. En conséquence, un important retard a été constaté dans la période 2011-2015, l'Onac se révélant incapable de consommer l'intégralité des crédits lui étant délégués à cette fin par la DMPA et n'engageant des dépenses qu'à hauteur de 58,1 % de ceux-ci ( 11,86 millions d'euros sur 20,42 ). Depuis cette date, le fonctionnement plus satisfaisant du PSGHLMN permet de rattraper progressivement la programmation initiale.

Ainsi, en 2017, l'Onac bénéficiera de 2,3 millions d'euros
(+ 0,1 million d'euros par rapport à 2016) pour l'entretien courant de ces nécropoles et des hauts lieux de la mémoire nationale (cf. infra ), qui passe notamment par la mise en oeuvre d'une charte paysagère en matière de plantations, de fleurissement et de respect des normes environnementales. 7 millions d'euros (+ 0,8 million d'euros) seront affectés à leur rénovation . Pour l'année 2016, les travaux ont notamment porté sur le site de Verdun, avec l'achèvement de la rénovation de la tranchée des baïonnettes et des monuments musulman et israélite de la nécropole de Douaumont. En 2017, des travaux de restauration sont prévus dans l'Aisne (Neuilly-Saint-Front), la Meuse (Les Eparges) ou encore la Somme (Montdidier). Enfin, 0,46 million d'euros sont dédiés à leur valorisation : l'amélioration de l'information des visiteurs se poursuit, avec une nouvelle signalétique et le remplacement des panneaux d'information historique. À ce jour, 230 sites sur les 273 identifiés comme prioritaires en ont bénéficié.

Les cimetières français à l'étranger - plus d'un millier dans
80 pays - sont sous la responsabilité des postes diplomatiques , avec l'appui financier de la DMPA. Comme en 2016, 1,7 million d'euros sont consacrés à leur entretien et à leur rénovation, notamment en Macédoine ou en Belgique.

L'Onac n'assure pas uniquement l'entretien et la rénovation des sépultures mais également celui des neuf hauts lieux de la mémoire nationale , qui selon un arrêté du 20 mars 2014 34 ( * ) répondent à trois critères cumulatifs :

- être liés à la mémoire des conflits contemporains depuis 1870 ;

- avoir un caractère national et emblématique d'un aspect des conflits contemporains ;

- être entretenus par le ministère de la défense ou sous sa responsabilité.

Les neuf hauts lieux de la mémoire nationale

- le cimetière national de Notre-Dame-de-Lorette (Ablain-Saint-Nazaire, Pas-de-Calais), au titre des militaires morts pour la France aux côtés de leurs frères d'armes alliés (1914-1918) ;

- le cimetière national de Fleury-devant-Douaumont et la tranchée des baïonnettes (Meuse), au titre du sacrifice des soldats français à Verdun (1914-1918) ;

- l'ancien camp de concentration de Natzweiler-Struthof (Natzwiller, Bas-Rhin), au titre du système concentrationnaire nazi et de la Résistance européenne (1933-1945) ;

- le Mont-Valérien (Suresnes, Hauts-de-Seine), au titre de la répression exercée par les autorités allemandes pendant l'Occupation (1940-1944) ;

- le mémorial des martyrs de la Déportation (Ile de la Cité, Paris), au titre de la mémoire des déportés ;

- le mémorial de la prison de Montluc (Lyon, Rhône), au titre de l'internement par le régime de Vichy et les autorités allemandes pendant l'Occupation (1940-1944) ;

- le mémorial du débarquement de Provence (Mont-Faron, Var), au titre du débarquement des 15 et 16 août 1944 et de l'armée de la Libération ;

- le mémorial des guerres en Indochine (Fréjus, Var), au titre de la Seconde Guerre mondiale en Indochine (1940-1945) et de la guerre d'Indochine (1946-1954) ;

- le mémorial de la guerre d'Algérie et des combats du Maroc et de la Tunisie (quai Branly, Paris).

Devenus des symboles des sacrifices consentis par les Français au nom de leur pays au siècle dernier, ils ont bénéficié d'un important effort de valorisation ces dernières années, qui s'est poursuivi en 2016 et sera accentué en 2017. La rénovation de la muséographie du mémorial de l'Ile de la Cité a été achevée en 2016 et inaugurée le 24 avril par le Premier ministre à l'occasion de la journée nationale du souvenir des victimes et des héros de la Déportation. Au Struthof , seul exemple du système concentrationnaire nazi sur le territoire français, l'État a procédé au rachat de l'auberge qui fait face à l'entrée du camp et la rénovation de la chambre à gaz va être lancée. La rénovation complète du mémorial du Mont-Faron , décidée au moment du soixante-dixième anniversaire du débarquement de Provence, devrait être achevée au premier trimestre 2017. Enfin, divers travaux de valorisation sont en cours au Mont-Valérien et à la prison de Montluc .

Ces hauts lieux de la mémoire nationale, qui ont attiré près de 900 000 visiteurs en 2015, ne constituent toutefois qu'une part réduite du patrimoine mémoriel lié aux conflits du 20 ème siècle qui parsèment notre territoire. Les importantes échéances commémoratives de ces dernières années, marquées par les anniversaires concomitants des deux guerres mondiales, ont conduit à une prise de conscience de leur potentiel culturel mais également économique pour des régions parfois frappées par un recul de l'activité industrielle.

Le tourisme de mémoire , désormais reconnu comme un facteur d'attractivité internationale , s'est professionnalisé depuis le début des années 2010, avec le soutien de l'État. Les trois éditions des assises du tourisme de mémoire (2011, 2013 et 2015) ont permis d'accélérer la structuration de cette filière et de renforcer les échanges entre les professionnels et les collectivités territoriales, pour notamment coordonner l'action de celles d'entre elles situées sur la ligne de front de la Première Guerre mondiale. Cette coopération s'est traduite par la signature d'un contrat de destination « Centenaire de la Grande Guerre » entre l'État, sept collectivités et quatorze partenaires privés.

Les premiers résultats sont très positifs : alors que la première étude nationale sur le sujet, réalisée en 2010-2011, avait révélé que les seuls sites historiques payants relatifs aux conflits contemporains avaient accueillis six millions de personnes et réalisés 45 millions d'euros de chiffre d'affaires , 11 millions de personnes ont visité les lieux de mémoire situés sur le territoire français en 2015. Une baisse de fréquentation de 11 % par rapport à 2014 a été constatée, qui s'explique par la mobilisation populaire qui avait accompagné cette année commémorative exceptionnelle. Néanmoins, par rapport à 2012 et 2013 , la fréquentation des lieux de mémoire est en hausse de 25 % .

Depuis 2014, la DMPA apporte un soutien financier aux projets locaux de valorisation du patrimoine mémoriel. D'un montant de 1,65 million d'euros en 2016, l'enveloppe qui y est consacrée est portée à 2 millions d'euros en 2017. Des conventions de partenariat sont signées entre le ministère et les porteurs de projet, qui peuvent être accompagnés sur plusieurs années. Plus d'une quinzaine d'initiatives en ont déjà bénéficié, pour des montants allant de 35 000 euros pour la création du monument des fraternisations à Neuville-Saint-Vaast (Pas-de-Calais) à 1,5 million d'euros en faveur de la requalification du mémorial de Verdun.

Une initiative franco-belge majeure pourrait venir consacrer le caractère universel du patrimoine mémoriel de la Première Guerre mondiale et pérenniser l'intérêt pour les sites de mémoire une fois le centenaire achevé : le classement au patrimoine mondial de l'humanité des paysages et sites de mémoire de la Grande Guerre . Leur « valeur universelle exceptionnelle », indispensable pour figurer sur la liste de l'Unesco, a été reconnue en 2014, la Première Guerre mondiale ayant été le premier conflit où les sépultures de guerre ont été individualisées, sans distinction de grade, de statut social ou d'origine géographique, mais dans le respect des croyances religieuses des défunts.

Piloté par l'association « Paysages et sites de mémoire de la Grande Guerre », fondée en 2011 et qui regroupe treize départements français , ce projet est mené en partenariat avec les autorités régionales de Wallonie et de Flandre et avec l'appui des anciens belligérants (Allemagne, pays du Commonwealth, États-Unis). 136 sites ont été sélectionnés, et le programme de rénovation des sépultures de guerre conduit par l'Onac a été réorienté pour en tenir compte. Le dossier a reçu en juin 2016 un avis favorable du comité des biens français du patrimoine mondial , instance du ministère de la culture chargée d'examiner et de valider les candidatures. Il devrait être déposé devant l'Unesco avant la fin du mois de janvier 2017 par la Belgique, puis sera examiné de mars 2017 à mai 2018, pour une décision qui devrait être rendue en juin 2018 . Votre rapporteur pour avis salue cette initiative, qui marquerait la reconnaissance des efforts entrepris depuis cinq ans pour faire apparaître la valeur de ce patrimoine mémoriel unique , symbole de quatre années de souffrance et de sacrifice, assurerait aux territoires qui en sont les dépositaires des retombées économiques non négligeables et constituerait un outil de transmission de la mémoire sans équivalent .

3. Poursuivre les commémorations du centenaire de la Première Guerre mondiale sans fausse note

Le centenaire de la Première Guerre mondiale constitue sans doute, pour la nation française, le plus important et le plus symbolique cycle commémoratif jamais organisé . La Grande Guerre a en effet laissé une trace indélébile dans la mémoire collective, en raison de l'impact qu'elle a eu sur chaque famille et des bouleversements économiques et sociaux qu'elle a entraînés. Son anniversaire centennal se devait donc de raviver , tout au long de ses cinq années, le souvenir du sacrifice des poilus mais également souligner , sur la base des avancées historiographiques les plus récentes, sa dimension internationale et ses conséquences qui sont encore aujourd'hui ressenties chez les anciens belligérants.

Dès les premières réflexions 35 ( * ) sur l'organisation du centenaire, la création d'une structure interministérielle dédiée , indépendante de l'administration centrale du ministère de la défense, avait été privilégiée. En conséquence, un groupement d'intérêt public (GIP) dénommé « Mission du centenaire de la Première Guerre mondiale - 1914-2014 » a été créé en 2012 36 ( * ) . Initialement chargé de la préparation et de l'organisation du centenaire du déclenchement du conflit en 2014 et devant s'éteindre au 31 décembre 2015, sa convention constitutive a été modifiée afin d'élargir ce champ à l'ensemble du cycle commémoratif du centenaire et à son évaluation, tandis qu'il a été prolongé jusqu'au 31 décembre 2019 37 ( * ) .

Regroupant sept ministères 38 ( * ) , six établissements publics, les associations d'élus (AMF, ADF, ARF) et plusieurs structures proches du monde combattant (Carac, Souvenir français) ainsi que diverses collectivités, la mission du centenaire a fait la preuve, en 2014, de sa capacité à susciter un véritable engouement populaire pour les commémorations du déclenchement du conflit . Unanimement salué pour la qualité de ses travaux, le GIP a toutefois dû surmonter de nombreux obstacles politiques et administratifs pour préserver son existence jusqu'au terme du cycle, subissant en 2015 , année de transition entre deux temps forts des commémorations, une forte baisse de son budget (- 75 %) et de ses effectifs (- 50 %). Sur la période 2012-2015, ses ressources se sont élevées à 13,48 millions d'euros , dont 6,9 millions versés par le ministère de la défense (51,2 %) et 2,3 millions issus du mécénat.

L'année 2016 comportait deux échéances essentielles pour la France et les États qui ont pris part à la guerre sur le front occidental : les centenaires des batailles de Verdun et de la Somme , qui à elles deux ont causé la perte de plus d'un million d'hommes tués, blessés ou disparus. La première a constitué un traumatisme majeur en France et en Allemagne. La seconde reste, pour le Royaume-Uni et les pays du Commonwealth, la bataille la plus sanglante de la guerre. En conséquence, deux comités ministériels distincts ont été mis en place et deux cycles commémoratifs ont été élaborés : celui de Verdun , 300 jours allant du 21 février au 21 décembre , culminant le 29 mai avec une cérémonie franco-allemande à Douaumont, et celui de la Somme , 141 jours du 1 er juillet au 18 novembre . Si la mission du centenaire assure le pilotage et le financement des commémorations à Verdun, ce sont les Anglais qui ont organisé et financé la principale cérémonie de mémoire de la bataille de la Somme, le 1 er juillet à Thiepval, la France prenant en charge, via la mission, les dépenses d'accueil, de transport et de sécurité.

Pour ce programme ambitieux, un budget initial de 5 millions d'euros , aux frais de la mission du centenaire, avait été élaboré : 3,5 millions d'euros pour Verdun et 1,5 million pour la Somme . Au final, ce sont 8,35 millions d'euros qui ont été dépensés, soit un dépassement de 67 % . La cérémonie de Verdun s'est accompagnée d'un échange interculturel , durant quatre jours, de 4 000 jeunes Français et Allemands , ce qui a induit des dépenses logistiques très importantes et mal anticipées . Le coût de ce volet, initialement fixé à 1 million d'euros , s'est élevé au final à 2,35 millions d'euros (+ 135 %). La cérémonie en elle-même, dont la mise en scène avait été confiée au réalisateur allemand Volker Schlöndorff, a quant à elle coûté 5 millions d'euros , soit le double du montant prévu à l'origine . En conséquence, la participation financière de la France à la cérémonie de Thiepval a été abaissée de 1,5 à 1 million d'euros.

Des difficultés de pilotage , des arbitrages tardifs , des tensions locales et une succession de polémiques sont venus ternir ce qui aurait dû constituer un moment d'union nationale et de réaffirmation de la réconciliation franco-allemande. La scénographie retenue a pu susciter une incompréhension et n'a manifestement pas été accompagnée d'un effort de pédagogie suffisant . L'exploitation à des fins politiques de cette controverse a ensuite éclipsé la portée mémorielle de cet événement et ses symboles, comme la première visite commune du Président de la République et de la chancelière fédérale dans la ville de Verdun. Par contraste, le classicisme de la commémoration franco-britannique de Thiepval , à laquelle ont participé le Premier ministre et plusieurs membres de la famille royale, a été unanimement salué.

En 2016, le budget de la mission du centenaire s'est donc élevé à 11,05 millions d'euros , soit plus de 80 % de celui des années 2012 à 2015 . En raison de dépenses supérieures de 42 % aux prévisions , un complément de financement de 2,5 millions d'euros a dû lui être apporté en cours d'année, essentiellement fourni par le ministère de la défense (1,72 million d'euros). Les collectivités territoriales ont également été mises à contribution à hauteur de 550 000 euros , soit 400 000 euros de plus qu'envisagé. Les initiatives mémorielles locales , publiques ou privées, identifiées par les comités départementaux du centenaire et labellisées par la mission, ont bénéficié, via le Fonds du centenaire, d'un soutien financier global de 1,2 million d'euros .

Des échéances importantes sont encore à attendre en 2017, malgré un calendrier qui risque d'être perturbé par les échéances électorales nationales 39 ( * ) . En effet, trois temps majeurs du conflit vont venir, à la fin du premier semestre, rythmer les commémorations et leur conférer un fort caractère international :

- l'anniversaire de l'entrée en guerre des États-Unis , votée par le Congrès le 6 avril 1917, devrait marquer le début d'une saison franco-américaine, qui commencera dans les ports qui ont accueilli les soldats américains ;

- le centenaire de la bataille de Vimy (9 avril), organisé par les autorités canadiennes, devrait être commémoré au cours d'une cérémonie franco-canadienne en présence du Premier ministre canadien, dans le cadre d'un cycle mémoriel sur la bataille d'Arras ;

- le centenaire de l'offensive du Chemin des Dames (16 avril) doit être l'occasion d'apaiser les polémiques qui depuis un siècle restent vives à son sujet et parvenir à concilier des mémoires concurrentes en prenant garde de ne pas alimenter de nouvelles controverses.

De plus, 2017 doit être consacré à la préparation de 2018 et de la fin du cycle commémoratif, jusqu'à l'anniversaire de l'armistice. Il appartiendra au prochain gouvernement de définir les orientations qu'il souhaite donner à cet événement d'ampleur mondiale. Une cérémonie internationale , rassemblant l'ensemble des chefs d'État et de gouvernement des anciens belligérants, scellerait définitivement leur réconciliation, marquerait un hommage solennel à l'ensemble des victimes du conflit et constituerait un message fort en faveur de la paix et de la résolution pacifique des différends internationaux. Il s'agirait également d'une occasion de promouvoir la diplomatie française. En tout état de cause, il est nécessaire, sur un plan symbolique, que les principaux jalons des commémorations de 2018 soient annoncés le 11 novembre 2017.

Votre rapporteur pour avis estime que la poursuite des commémorations du centenaire de la Grande Guerre ne peut être exposée à des controverses , au risque d'en détourner les Français, de voir prévaloir des considérations politiques de court terme et de froisser nos alliés. L'échéance centennale de 2018 qui approche est unique en son genre et doit être mise à profit pour ressouder la société autour des valeurs qu'elle incarne.

Plusieurs défis restent à relever, en particulier pour conserver l'attention de public sur les dernières étapes du cycle . Alors qu'un certain tassement a déjà été constaté en 2015 par rapport à 2014, force est de constater que c'est désormais à l'occasion des anniversaires les plus visibles médiatiquement que nos concitoyens s'intéressent à leur passé. On peut raisonnablement espérer que le mois de novembre 2018 pourra à nouveau mobiliser toute la population autour de la mémoire partagée de la fin du conflit . Il convient de bâtir, dès 2017, les conditions de ce succès. Pour cela, les autorités politiques doivent définir , dans les meilleurs délais, leur vision de la conclusion du cycle commémoratif et ensuite s'interdire d'interférer dans sa mise en oeuvre .


* 31 Fondation de la Résistance, Fondation pour la mémoire de la déportation, Fondation de la France libre, Fondation pour la mémoire de la Shoah, Fondation Charles de Gaulle.

* 32 Arrêté du 23 juin 2016 relatif au concours national de la Résistance et de la déportation ; NOR : MENE1616425A.

* 33 Réseau de création et d'accompagnement pédagogiques, ex-centre national de documentation pédagogique (CNDP).

* 34 Arrêté du 20 mars 2014 portant définition et fixant la liste des hauts lieux de la mémoire nationale du ministère de la défense ; NOR : DEFD140740A.

* 35 Joseph Zimet, « Commémorer la Grande Guerre (2014-2020) : propositions pour un centenaire international », rapport au Président de la République, septembre 2011.

* 36 Arrêté du 5 avril 2012 portant approbation du groupement d'intérêt public « Mission du centenaire de la Première Guerre mondiale - 1914-2014 » ; NOR : DEFD1210054A.

* 37 Arrêté du 23 décembre 2015 portant approbation d'un avenant à la convention constitutive du groupement d'intérêt public « Mission du centenaire de la Première Guerre mondiale - 1914-2014 » ; NOR : DEFD1531757A.

* 38 Affaires étrangères, éducation nationale, enseignement supérieur, défense, intérieur, économie, culture.

* 39 Le premier tour de l'élection présidentielle étant fixé au dimanche 23 avril 2017.

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