V. L'ARCHÉOLOGIE PRÉVENTIVE : UN NOUVEAU CADRE JURIDIQUE SANS RÉELLE TRADUCTION BUDGÉTAIRE

A. UN CADRE D'INTERVENTION PROFONDÉMENT REMANIÉ EN 2016

L'année 2016 aura été marquée par de profonds changements pour l'archéologie préventive .

La budgétisation de la RAP par la loi de finances pour 2016 a constitué pour l'Institut national de recherches d'archéologie préventive (INRAP) une mesure importante, en lui apportant davantage de visibilité sur les ressources dont il dispose pour conduire ses missions, en particulier de diagnostics. La trésorerie de l'INRAP s'est améliorée par rapport aux années précédentes, avec des retombées positives sur les fournisseurs de l'établissement, qui ont vu le délai moyen de paiement se réduire.

L'INRAP se dit conscient que « la budgétisation ne garantit pas en elle-même l'adéquation des ressources aux besoins induits par la politique de prescription de l'État » et a indiqué à votre rapporteur pour avis poursuivre son effort pour « maîtriser le coût des moyens à mobiliser pour la réalisation des diagnostics qui lui sont attribués ». Il a également fait part de sa volonté d'engager un dialogue et une coopération avec les services archéologiques des collectivités territoriales pour mieux connaître le volume précis des prescriptions qui lui sera attribué à la fois globalement et localement.

Il est vrai que le cadre juridique applicable à l'archéologie préventive a été réformé par la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine , dans l'objectif d'en renforcer l'efficacité. Cette réforme était articulée autour de quatre axes :

- réaffirmer le rôle et les missions de l'État dans le contrôle scientifique et technique de l'archéologie préventive, qu'elle soit menée par des opérateurs publics ou privés : la loi a confié à l'État le soin de veiller à la cohérence et au bon fonctionnement scientifique du service public de l'archéologie et lui a demandé d'exercer un contrôle renforcé sur les opérateurs, en particulier sur les opérateurs privés agréés. À ce titre, l'État peut vérifier, en amont de la délivrance de l'agrément, que le candidat satisfait à des conditions de bonne gouvernance scientifique et administrative ; il peut désormais, pendant la durée de validité de l'agrément, effectuer un suivi de l'opérateur, ce dernier étant chargé de lui transmettre un bilan d'activité annuel ; il peut suspendre ou retirer à tout moment l'agrément de l'opérateur en cas de manquement grave et répétés de celui-ci à ses obligations d'opérateur d'archéologie ;

- affirmer le rôle particulier des collectivités territoriales en matière d'archéologie préventive : les collectivités territoriales ont été reconnues comme des partenaires spécifiques de l'État dans la mise en oeuvre de la politique publique de l'archéologie préventive. À la différence des opérateurs privés, les services d'archéologie des collectivités territoriales sont en effet autorisés, au même titre que l'INRAP, à réaliser non seulement des fouilles archéologiques, mais aussi des diagnostics . Pour rendre compte de cette position particulière, la loi a décidé que les services d'archéologie des collectivités territoriales seront désormais « habilités » par l'État, et non plus « agréés » comme par le passé. L'habilitation sera valable sans limitation de durée. Elle sera accompagnée d'une convention passée entre la collectivité territoriale et l'État, qui fixera les modalités de participation de la collectivité à l'exploitation scientifique des opérations d'archéologie préventive. La loi a également reconnu que les services des collectivités territoriales contribuent à l'exploitation scientifique des opérations d'archéologie et à la diffusion de leurs résultats , faisant d'eux de véritables partenaires scientifiques ;

- assurer la qualité scientifique et les moyens nécessaires à la réalisation des opérations d'archéologie préventive : la loi a confié à l'État la maîtrise scientifique dans la procédure de mise en oeuvre des opérations de fouille d'archéologie préventive, lui permettant de s'assurer, avant le démarrage de toute opération d'archéologie préventive, par le biais d'une procédure d'évaluation scientifique des offres, que celle-ci se déroulera dans des conditions satisfaisantes . À cet effet, l'État a notamment la capacité d'écarter les offres des opérateurs d'archéologie qui ne remplissent pas les attentes scientifiques minimales, de vérifier la stabilité et la qualification de l'encadrement des équipes d'archéologues pour toute la durée de l'opération ou encore de contrôler la sous-traitance des prestations scientifiques. L'objectif de cette disposition est également de sécuriser et de faire gagner du temps à l'aménageur maître d'ouvrage de la fouille en lui permettant, avant la signature du marché de fouille, de connaître la position scientifique de l'État sur les offres des différents opérateurs et celles susceptibles de se voir opposer un refus d'autorisation de fouilles ;

- reconnaître les biens archéologiques comme biens communs de la Nation en instaurant une présomption de propriété de l'État sur les biens archéologiques mobiliers mis au jour sur des terrains acquis postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi, quelles que soient les circonstances juridiques de la découverte.

Les décrets d'application de cette loi doivent paraître dans les prochaines semaines. Votre rapporteur pour avis ne saurait trop insister sur la nécessité que les textes réglementaires ne viennent pas remettre en cause l'équilibre entre les acteurs de l'archéologie préventive issu du compromis qui a pu être trouvé entre l'Assemblée nationale et le Sénat aux termes de longs échanges. Ces décrets d'application ne doivent pas être l'occasion pour l'État d'accroître ses prérogatives sur la conduite des projets d'aménagement portés ou soutenus par les collectivités territoriales ou d'imposer des contraintes non prévues par la loi pour la délivrance des habilitations ou des agréments.

Dernier sujet tranché par la loi du 7 juillet 2016 : le crédit impôt recherche (CIR). Les dépenses de recherche liées à un contrat de fouilles n'ont finalement pas été exclues du dispositif, comme l'avaient souhaité certains députés. Les débats parlementaires à ce sujet ont même permis à l'INRAP de découvrir qu'il pouvait prétendre au bénéfice du CIR, en raison de son assujettissement à l'impôt sur les sociétés. L'INRAP a indiqué à votre rapporteur pour avis qu'il prévoyait de solliciter le bénéfice du CIR dès l'exercice 2016, au titre de son activité dans le secteur concurrentiel. Si l'institut devait, à l'avenir, obtenir un financement important à ce titre, le montant des subventions pour charges de service public qui lui sont aujourd'hui allouées mériteraient nécessairement d'être rééxaminées .

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